6.2.1.2. L'activité d'extraction de gravier
Le sol togolais recèle d'importantes ressources
minérales exploitées. Les seules ressources actuellement
exploitées sont les phosphates de Hahotoé et de Kpogamé et
les calcaires de Sikakondi. Cependant, les minerais non exploitées ne
restent pas moins utiles, car une exploitation artisanale souvent bien
organisée par les populations environnantes les rend utiles. C'est le
cas par exemple de l'or, du fer du sable et du gravier (PNUD, 1986).
En ce qui concerne l'extraction de galet dans la basse
vallée du Zio, elle avait commencé timidement dans les
années 50 après l'interdiction de l'extraction du gravier marin
"apouta kpékui". Elle prendra de l'ampleur avec l'introduction des
motopompes au niveau des postes de lavage et surtout avec l'essor immobilier de
la ville de Lomé qui a augmenté la demande. De même pour la
réalisation des travaux publics, les entreprises ont souvent recours aux
gravières de la basse vallée du Zio pour satisfaire les besoins
en gravier. Dans ce cas, l'extraction se fait à l'aide de bulldozers,
caterpilards et de dameuses.
Dans le village d'Assomé, l'extraction artisanale de
gravier absorbe la presque totalité de la population active: hommes
(vieux, adultes, jeunes), femmes et enfants à cause du profit
immédiat qu'elle procure. Même les agriculteurs en font une
activité secondaire pour améliorer leurs revenus.
L'extraction du gravier est un travail ardu et de longue
haleine. Elle se déroule en deux principales étapes: la
prospection et l'extraction proprement dite à l'aide d'outils que sont
la pioche, la houe, le coupe-coupe.
· La Prospection
La prospection se résume à l'analyse
géologique des terrains avec pour objectif de noter la présence
et la nature du dépôt. La technique consiste donc à
effectuer une creusée de 1,70 m de diamètre ou de coté et
d'une profondeur de 4 à 10 m environ (Tchamba, 2006). Lorsque la
prospection révèle un résultat positif on passe à
l'extraction.
· L'extraction
Elle constitue la phase la plus pénible du travail. Les
couches de gravier se trouvant à des profondeurs de 1 à 6 m, on
effectue un décapage progressif du couvert végétal ainsi
que du manteau d'argile, pour atteindre les couches de galets.
C'est l'extraction proprement dite qui fait dépenser
beaucoup d'énergie, d'autant plus que comme nous l'avions dit plus haut,
les galets sont piégés dans une matrice ferrugineuse fortement
indurée avec présence de blocs de poudingue au niveau des
dépôts de la haute terrasse. Ainsi à longueur de
journée, les ouvriers arrachent à coup de pioche (photos 28 et
29) des morceaux du matériel compact qu'ils écrasent après
avec le dos de leurs pelles avant le traitement.
2829
Campagne de terrain, Avril 2008
Photos 27 et 28 :
Extraction de gravier respectivement dans la zone de
Kpota et derrière la maternité à
Assomé
· Le traitement
Au niveau des carrières d'extraction, le traitement se
fait par le tamisage à sec. Le tamis est constitué d'un grillage
métallique à maille de 1,5 cm de coté, fixé
à un cadre pourvu d'un pose-pied. L'extrait est projeté sur le
tamis de manière répétitive en petite quantité en
se servant de la pelle (photo 30). Ainsi on permet aux particules de sable,
d'argile et au débris végétaux de passer à travers
les mailles du grillage. Le refus est appelé « gravier tout
venant » et est destiné à la vente.
Source : Campagne de terrain, Avril 2008
Photo 29 :
Opération de tamisage
Le travail se fait en équipe de deux à quatre
personnes par exploitation. Les hommes se chargent de l'extraction alors que
les femmes assurent le portage de la carrière au lieu de stockage.
· Le cubage
La quantité de galets extraite par un ouvrier ou groupe
d'ouvriers est mesurée à l'aide d'une unité appelée
caisse (670 dm3) correspondant à un tas de graviers (photo
31) constitué de 30 mesures de la petite cuvette (22 dm3)
(Photo 32). Une dizaine de caisse équivaut à la contenance d'un
camion de 8m3.
3132
Campagne de terrain, Avril 2008
Photo 30 : Une mesure
d'une caisse de gravier
Photo 31 : Une
cuvette servant à la mesure du gravier
· Les revenus
o Cas des ouvriers
La rémunération des ouvriers se fait à
base de l'unité de mesure qui est la caisse. Celle-ci est payé
à 2250 F CFA soit 75 FCFA la mesure de la petite bassine. Ainsi nous
avons estimé le revenu d'un ouvrier par rapport à la mesure de
gravier extraite Tableau 8.
Tableau 8 : Revenus
par rapport à la quantité de gravier extraite
|
Cuvette
|
Caisse
|
Camion
|
Volume (dm3)
|
22
|
670
|
8.000
|
Recette (F CFA)
|
75
|
2.250
|
27.000
|
Campagne de terrain, Avril 2008
Quant au portage, il est payé à 25 FCFA le
voyage ce qui revient à 9000 FCFA par camion de gravier extrait.
o Cas des exploitants
Les exploitants sont de deux catégories, ceux qui sont
propriétaires terriens et ceux qui ne le sont pas. Ces derniers sont
donc liés aux propriétaires terriens par un contrat. Il existe
deux types de contrats.
Pour le premier type de contrat, le propriétaire
concède un lot de terrain à l'exploitant, moyennant un quota de
5.000 FCFA par camion de gravier extrait. Dans le second cas, l'exploitant
acquiert le lot de terrain par un bail dont le montant varie le plus souvent
entre 150.000 et 200.000 FCFA. Cependant, la terre revient au
propriétaire terrien à la fin de l'exploitation
Dans le courant du mois d'avril 2008, le prix d'un camion de
8 m3 de gravier "tout venant" variait entre 55.000 et 60.000 FCFA
selon la qualité et la granulométrie du produit. Or, pour
l'exploitant vendeur, le coût d'extraction d'un volume de 8 m3
de gravier revient à la somme de 41.000 FCFA. Ainsi un exploitant peut
dégager un bénéfice net de 14.000 à 18.000 FCFA par
camion de gravier extrait (tableau 9).
Les plus gros bénéficiaires sont les exploitants
qui sont propriétaires terriens. Non seulement ils n'ont pas de quota
à payer pour la concession de la terre, mais aussi, leurs exploitations
sont de type familial où travaillent leurs femmes et leurs enfants qui
ne sont, le plus souvent, pas rémunérés. Cela se comprend
puisque en saison de pluies toute la famille est au champ, et lorsqu' arrive la
saison sèche, où les travaux champêtres cessent, elle se
retrouve dans les carrières de gravier.
Tableau 9 :
Récapitulatif des revenus des acteurs de l'extraction de
gravier
|
Recette par camion de 8m3 de gravier extrait (en F
cfa)
|
Ouvriers
|
27.000
|
Porteuse
|
9.000
|
Chargeur
|
4.000
|
Exploitant
|
14.000 - 19.000
|
Propriétaire terrien
|
5.000
|
Transporteur
|
10.000
|
Service des mines
|
500
|
Préfecture
|
1000
|
Campagne de terrain, Avril 2008
De l'analyse de ce tableau, il ressort que l'activité
d'extraction de gravier à Assomé contribue aussi à
l'amélioration des conditions sociales et économiques des
populations.
Sur le plan économique, cette activité constitue
une source de revenu non négligeable pour les différents acteurs
intervenant dans le domaine (ouvrier, chargeur, employeurs, propriétaire
terrien) jusqu' au niveau de l'Etat et de ses démembrements.
Sur le plan social, l'extraction du gravier contribue à
la réduction du chômage dans notre zone d'étude d'autant
plus que beaucoup de jeunes s'y adonnent. Certains ouvriers et les porteuses y
viennent pour gagner de l'argent pour financer leur apprentissage, leur
scolarité, ou leur commerce. Par le passé, les revenus issus du
gravier ont substantiellement contribué à une mutation de
l'habitât qui est passé du type traditionnel au type semi-moderne
voire moderne.
Malgré que l'extraction de gravier représente
une importante source de revenus pour les populations d'Assomé, elle
engendre malheureusement d'inquiétants dégâts
environnementaux avec des impacts dramatiques sur la vie économique et
sociale de la population. L'agriculture, activité rurale par excellence,
a été substituée au cours de ces trois dernières
décennies par l'extraction de gravier. En effet, durant les
périodes fastes de cette activité et avant son interdiction en
1998, elle a complètement éclipsé l'agriculture. D'abord
par l'absorption de la main d'oeuvre et du capital foncier disponible ensuite
par la dégradation de ce dernier qui est devenu impropre à
l'agriculture.
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