6.2. Les activités
économiques
6.2.1.
Le primaire
Le secteur primaire regroupe toutes les activités
économiques liées à l'exploitation de ressources
naturelles. Il se caractérise à Assomé par l'agriculture
et l'exploitation de gravier.
6.2.1.1. L'agriculture
L'agriculture est la principale activité des
populations de l'Afrique subsaharienne. Elle a une vocation nourricière
et occupe au Togo près de 80 % de la population active en milieu rural.
A Assomé, elle a pendant longtemps reculé en faveur de
l'activité d'extraction de gravier. S'étant rendues compte du
déficit alimentaire que connaît le terroir, les
populationsretournent peu à peu à l'agriculture. Malheureusement,
sa pratique est confrontée à d'énormes contraintes qui
découragent surtout les jeunes qui ont presque totalement quitté
le village.
Ø Les moyens de production
Les moyens de production désignent l'ensemble des
matériaux y compris le patrimoine foncier dont dispose l'agriculteur
dans le cadre de son activité.
· Le patrimoine foncier
La terre, dans la plupart des sociétés du Sud
Togo, est un bien collectif et inaliénable. Les propriétaires
fonciers comme les étrangers disposent du droit d'usufruit. Tous les
descendants d'une famille sont des ayants droit de l'espace foncier de leurs
ancêtres. Ainsi la terre s'acquiert par héritage mais aussi par
don et par prêt. La vente de la terre, propriété des
ancêtres, est prohibée. Cependant, on retrouve dans la zone des
propriétés acquises par achat. Les autochtones, pour satisfaire
leurs besoins financiers en cas de décès ou de maladie,
procèdent souvent à la vente d'une partie de leur patrimoine
foncier. Par ailleurs l'essor de l'activité d'extraction de gravier dans
la région y a introduit une nouvelle pratique foncière. En effet,
les propriétaires concèdent la terre aux exploitants
étrangers moyennant un quota par camion de gravier extrait, mais la
terre revient aux propriétaires terriens à la fin de
l'exploitation. Malheureusement l'extraction de gravier ne laisse que des
excavations non remblayées avec un sol fortement dégradé
et impropre à l'agriculture. De plus les terres aptes aux cultures
subissent des morcellements à répétition suite à
l'augmentation du nombre des membres des clans et familles. Ainsi les
populations sont de plus en plus confrontées au problème de
pénurie de terres de culture.
· Des outils de production rudimentaires et
archaïques
Les instruments utilisés pour la mise en valeur des
terres sont tous aratoires et individuels. Ils demandent à fournir un
effort physique exceptionnel de la part du paysan et ne permettent pas une
grande productivité. Il s'agit essentiellement de la houe, du coupe -
coupe, de la pioche, de la hache et de la faucille.
o La houe est faite d'une manche de 60 à 70 cm
légèrement courbée à partir d'un arbre fourchu avec
un angle de 35 à 45°. La lame est longue d'environ de 15 à
20 cm avec 10 à 15 cm de large. Elle sert à sarcler.
o Le coupe-coupe sert à couper les buissons et à
émonder les arbres et à faire les récoltes
o La hache est aussi faite d'une fourche de bois plus
léger servant de manche. Elle sert à couper le bois et les
régimes de palme.
o La faucille est faite d'un morceau de fer en forme de
croissant fixé au bout d'un bois léger. Elle sert à
couperla paille et à moissonner le riz.
o Le bâton à fouillis est un bâton
taillé en pointe qui sert à faire des trous dans lesquels l'on
sème les graines.
Notons que la préparation des casiers rizicoles avant
le repiquage se fait à l'aide de motoculteur qui reste pour le moment,
l'outil de travail le plus moderne dans la région.
Ø Les techniques d'entretien
Pour permettre aux plantes de donner un rendement maximum, il
faut entretenir le champ à travers un certain nombre d'opérations
à savoir le sarclage, le billonnageet l'écimage
Le Sarclageest une opération indispensable et
très importante. Elle se déroule 2 à 3 semaines
après les semailles. Elle consiste à enlever à l'aide
d'une houe les mauvaises herbes dans les champs. Cette méthode contribue
énormément à l'augmentation du rendement et c'est
à juste titre que cette pratique est conseillée par les agronomes
dans un strict respect du calendrier d'entretien de culture (Wagbé,
2005). Selon la nature du sol et la densité végétative des
plantes adventistes, le sarclage est effectué deux à trois fois
avant la récolte.
Le billonnage estun labour en billon dont les planches sont
séparées par des sillons. Cette opération a pour but
d'épaissir le sol et de faciliter le drainage. Cette technique est
très peu utilisée dans notre zone d'étude où les
paysans ont du mal à l'adopter pour puisqu'ils prétendent que
c'est une opération difficile à réaliser.
L'écimage consiste à couper la cime du maïs
après la fécondation dans le but de faire grossir l'épi.
La sève qui devait circuler jusqu'a la cime se concentre dans la partie
inférieure de la plante et alimente l'épi. Comme Wagbé
(2005) l'a remarqué, cette pratique ne se limite qu'à des champs
de petite taille et ne concernent que quelques agriculteurs.
Ø L'organisation du travail
agricole
Les travaux agricoles sont effectués sur la base
individuelle, familiale et collective. Seuls quelques paysans qui ont des
moyens financiers arrivent à utiliser la main d'oeuvre salariale.
· Le travail individuel et
collectif
Le travail individuel et le travail collectif sont les plus
pratiqués. Pour le travail individuel, le paysan est seul sur son
exploitation et ne bénéficie d'aucune aide de la part de sa
famille (il appartient le plus souvent à un groupe d'entraide). Ainsi,
il dépense beaucoup d'énergie pour mettre en valeur une
superficie relativement importante pour sa subsistance.
Quant au travail collectif, il est aléatoire et
n'existe pas réellement. Le paysan est aidé par ses enfants ou
personnes à charge. Ceux-ci ne travaillant sur l'exploitation que les
week-ends et pendant les congés et les vacances pour cause de
scolarité. Seules les femmes sont présentes de façon
permanente sur l'exploitation.
· Le salariat
Il n'est utilisé que par quelques paysans et pour
certains travaux trop difficiles à réaliser et aussi en fonction
des saisons et des moyens financiers disponibles. Les métayers sont
payés par carré de champs, de 10 à 12 bras de coté
de travail accompli. Le carré d'une corde mesurée aux bras tendus
horizontalement étant l'unité de mesure agricole traditionnelle
dans le Sud-Togo.
· L'entraide
Les entraides sont destinées à compenser
l'insuffisance de moyens de production disponibles. Les paysans se regroupent
en équipes de travail selon leur affinité et la proximité
de leurs champs pour accomplir les tâches agricoles souvent
pénibles pour être réalisées individuellement. Cette
organisation paysanne a pour objectif la poursuite d'avantages communs qu'ils
obtiennent contre obligations communes. C'est aussi le lieu par excellence de
la formation à la pratique des techniques agricoles (Adéwui,
2001). Le nombre de personnes varie de 5 à 15, et le travail
s'effectue par rotation sur chaque exploitation à intervalle de 2
à 3 jours. Chacun travaillant un carré de 10 à 12 bras de
coté par jour, l'exploitant qui reçoit assure, pour ses
coéquipiers, le déjeuné.
· Les groupements
Il ne subsiste à Assomé qu'un seul groupement
dénommé GAMZA qui oeuvre pour la vulgarisation du reboisement et
la fertilisation du sol par l'utilisation du mucuna. Les producteurs de riz
avaient constitué un groupement dénommé "LONLONYON". Par
ce biais, ils avaient facilement accès aux crédits et
financements. Malheureusement pour cause d'endettement de certains producteurs
et de mauvaise gestion, le groupement n'existe plus.
Tous ces moyens de production, outils aratoires, terres dont
les dimensions deviennent de plus en plus petites et l'organisation
déficiente du travail basée essentiellement sur l'énergie
humaine, influencent énormément les superficies cultivées
et la production.
· Forme et taille des exploitations
agricoles
Généralement dans l'agriculture traditionnelle,
les parcelles d'exploitation n'ont pas de formes régulières.
Ainsi les parcelles de culture ont une diversité de formes. On y
rencontre des parcelles apparemment carrées, rectangulaires ou
trapézoïdales. Tout comme la forme, la taille des parcelles est
également très variée. Elle varie d'un champ à
l'autre, selon le nombre des actifs, leurs capacités et les moyens
financiers. Dans l'ensemble, la taille des exploitations varie entre 0,5 et 3
ha.
Ø La production agricole
La productivité a considérablement
baissé, comme nous l'a confirmé un groupe d'agriculteurs :
« avant avec un champ de 10 carrés on arrivait à
construire un grenier de 8 pieds au moins. Mais aujourd'hui, un champ de 30
carrés ne donnent à peine qu'un grenier de 6 pieds ».
En effet, les terres d'exploitation à force d'être mises en
culture de façon permanente pendant plusieurs décennies se sont
complètement appauvries. La pression démographique sur le terroir
a provoqué le morcellement de l'espace agraire qui, à son tour, a
engendré la réduction de la jachère et la mise en culture
continue des parcelles avec pour corollaire l'appauvrissement excessif des sols
(Hombre, 2005). Les paysans ne fournissent aucun effort pour améliorer
la fertilité du sol, même l'engrais vert n'est pas
utilisé.Les tentatives pour acquérir des données sur
l'évolution de la production agricole à Assomé ont
été infructueuses. Néanmoins, nous avons estimé la
production par rapport à la taille de certaines exploitations. Elle est
très faible et n'atteint pas la tonne par hectare comme
l'indique le tableau 7.
Tableau 7 :
Estimation de la production vivrière à Assomé
Taille
(en ha)
|
Haricot
(en kg)
|
Arachide
(en kg)
|
Maïs
(en kg)
|
Manioc
(en kg)
|
< 1
|
210
|
450
|
250
|
|
1 - 2
|
700
|
9 00
|
950
|
3000
|
> 2
|
1 200
|
1 050
|
1 500
|
|
Campagne de terrain, Juillet 2008
Ø Les systèmes de culture
Le système de culture est la combinaison de plantes
choisie par une société rurale pour tirer un meilleur profit de
ses terres, et des techniques dont l'utilisation vise à obtenir de leurs
cultures une production satisfaisante pour une saison donnée .Il fait
aussi l'état de l'ensemble des cultures retenues par l'exploitant pour
atteindre ses objectifs.
Le terroir d'Assomé, à l'instar de toute la
basse vallée du Zio, offre un éventail assez ouvert de cultures
allant des vivriers aux cultures de rente. Les vivriers sont dominés par
le maïs (aliment de base) et le manioc, complétés du haricot
et de l'arachide. Ils sont le plus souvent cultivés en association sur
des parcelles parsemées de palmiers à huile.
Cette association de culture présente d'énormes
avantages agricoles. D'une part, elle permet d'accroître la production
par le biais de la réalisation simultanée de plusieurs
récoltes. D'autre part, elle assure l'exploitation convenable des terres
en ce sens qu'une plante modifie le milieu en faveur d'un autre (Hombre,
2005).
Alors que les plantes vivrières sont essentiellement
cultivées sur les sols ferralitiques à structure sablo-argileuse
sur des zones exondées, le riz et la canne à sucre se retrouvent
sur les sols hydromorphes aux abords du Zio et dans les bas-fonds. Leurs
productions sont essentiellement destinées à la vente.
· Les cultures
vivrières
o Le maïs
Le maïs constitue l'aliment de base par lequel on obtient
la farine qui sert à faire la pâte et la bouillie. Il se cultive
sur défriche brûlis, soit en pure, ou complanté de manioc,
de haricot parfois même d'arachide.
o Le manioc
Il est le principal tubercule cultivé dans la
région. Il s'agit d'une plante de soudure et de modération
alimentaire qui a l'avantage de bien se conserver en sol. Il est favorable
à plusieurs types de sols et supporte les conditions difficiles. Il
constitue une matière première dont la transformation permet
d'obtenir la fécule "agbélima", le gari et le tapioca.
o L'arachide et le haricot
Ils sont plus des cultures d'appoint que des cultures de base
de l'alimentation. Ils trouvent des conditions écologiques favorables
à leur développement mais sont peu répandus. Ils sont
souvent cultivés en complantation et à densité faible. De
manière générale, les superficies de haricot sont plus
importantes que celles de l'arachide.
o Le palmier à huile
Le palmier à huile joue un rôle important dans
l'économie paysanne. Il contribue à la satisfaction des besoins
domestiques des paysans et leur assure des revenus monétaires
supplémentaires. L'avantage réside dans le fait que toutes les
composantes du palmier sont utiles à l'homme. Les branchages servent
à fabriquer des claies, des balaies et des paniers; les noix servent
à la cuisine et la fabrication de l'huile de palme et de palmiste sans
oublier la production du vin de palme après l'abattage de l'arbre. Le
palmier se retrouve disséminé un peu partout sur le terroir. Il
pousse le plus souvent à l'état sauvage sous forme de peuplement
spontané dense et / ou discontinue sur de grandes superficies ou
sous forme d'îlots localisés. Ce sont souvent de jeunes plants
probablement d'une dizaine d'années d'âge, les plus vieux
étant abattus pour la production de vin de palme. L'absence de soins
à ces plantes montre qu'il s'agit plus d'un système de cueillette
que d'une exploitation de type moderne (Houédakor, 1997).
· Les cultures de rente
Le riz et la canne à sucre constituent les principales
cultures de rente de notre zone d'étude.
o Le riz
Le riz constitue la principale culture de rente dans la basse
vallée du Zio. Sa culture était bien connue par les paysans de
Kovié et Assomé qui avaient leurs champs aux abords de la
rivière Nouglobé (Noussoukpé, 2004). Mais il s'agissait
d'une riziculture traditionnelle bien soumise au déterminisme du milieu
naturel. Les variétés cultivées étaient les
oriza (Oriza glabérima, Oriza sativa stend...) qui sont des
variétés locales. Par ailleurs, c'était une riziculture
pluviale à une récolte annuelle dont les rendements sont
déterminés par l'abondance ou non des pluies dans l'année
(Abotsi, 2005).
A partir de 1965, cette riziculture pluviale va
connaître une modernisation avec l'introduction de la technique
d'irrigation par les Taïwanais suite à l'accord signé avec
le Togo en 1963. Leur système d'irrigation était constitué
de stations de pompage sur le fleuve Zio et de canaux d'acheminement de l'eau
jusqu'aux périmètres rizicoles. Ce système a
été perfectionné quelques années plus tard par les
chinois avec la construction du barrage de retenue d'eau d'une capacité
de 8388 m3 à Alokoègbé (Goh in Abotsi 2005). De
même, de nouvelles espèces de riz ont été
introduites. Il s'agit des espèces comme Elite (120 jrs),
Sarakawa (120jrs), IR841 (120jrs), Anatchem (60jrs),
TGR34 (90jrs), IR Atipko (120jrs) IR 800 (120jrs)
selon Goh (1996) et Botsoé (2001). Les rendements de ces nouvelles
espèces s'élèvent à 3,5 voir 5 tonnes de riz paddy
par hectare contre un rendement de 0,5 à 1,2 tonnes pour les
espèces traditionnelles.
La disponibilité permanente de l'eau, grâce au
barrage, a permis d'augmenter le périmètre rizicole à 370
ha (GOH, 1996), la productivité et le nombre de saisons rizicoles par
année. Désormais, un même champ sert à produire deux
à trois récoltes par an contre une seule récolte pour la
riziculture pluviale. Ainsi, un champ peut fournir jusqu' à 10 voir 15
tonnes de riz paddy à l'hectare par an. L'irrigation permet donc
d'obtenir un surplus de 8,5 à 13,5 tonnes de riz paddy par an à
l'hectare, par rapport au système pluvial traditionnel. Au même
moment, la coopération chinoise subventionnait les intrants (engrais,
pesticides etc.). De ce fait les producteurs de riz arrivaient à
dégager des bénéfices satisfaisants surtout avec la
spéculation qui a suivi la forte demande urbaine en riz. Cependant,
depuis la suppression des subventions chinoises pour raison du non
renouvellement de leur contrat par le gouvernement togolais, la riziculture est
confrontée à d'énormes difficultés.
En effet, les paysans ont souvent recours aux prêts
usuraires pour financer leurs productions. Or le remboursement de ces
crédits se fait soit au taux de 100 % soit par nature. Le paysan est
tenu de rembourser, pour un prêt de 10.000 F, un sac de 100 kg de riz
dont le prix varie entre 20.000 et 25.000 F, soit un taux usuraire d'environ
100 à 150 %.
Par conséquent plusieurs producteurs surendettés
ont abandonné la riziculture pour se tourner vers les cultures
vivrières. C'est probablement pour cette raison que sur les 40 hectares,
soit 10,7 % du périmètre rizicole (Abotsi, 2005) appartenant aux
producteurs d'Assomé, à peine une quinzaine est mise en valeur
lors de notre passage sur le terrain. Seuls les paysans "riches" disposant de
plus de deux hectares de rizières, et pouvant avoir accès aux
intrants sans contracter des emprunts usuraires continuent de produire du riz.
De nos jours ces producteurs arrivent à dégager une marge
bénéficiaire de 250.000 F par saison rizicole (Abotsi, 2005).
En somme, la production du riz constitue pour la vallée
de Zio en général et pour Assomé en particulier l'unedes
meilleures potentialités de développement. Cependant, les
difficultés d'accès au financement entravent sérieusement
son essor.
o La canne à sucre
La canne à sucre est une graminée dont les
talles ou tiges regorgent à leur maturité de 10 à 18 % de
saccharose. Les exploitations se retrouvent le plus souvent contiguës
à celles du riz. Malgré cette proximité, elles ne
bénéficient pas du système d'irrigation. C'est donc une
culture purement traditionnelle avec des parcelles n'excédant pas
l'hectare. La production est estimée à 21voire 25 tonnes par
hectare (Sodégadji, 2007).
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