La publicité au Mexique, vecteur d'exclusion sociale.( Télécharger le fichier original )par Michael Spanu Université Lyon 2 - Master 2009 |
2. Discours et visuel d'un fragment publicitaireLe prix de la publicité est bien connu pour varier en fonction de l'horaire et du taux d'audience du programme au sein duquel elle s'insère. On détermine ainsi la valeur d'un moment télévisuel et on en profite pour vendre cher chaque petit « entre-acte » publicitaire. Le corpus présenté ici a en parti été choisi en fonction de ces deux facteurs. Premièrement, l'idée était de sélectionner une heure et un canal de grande écoute pour penser ce fragment publicitaire comme reçu par un grand nombre de personnes, et faire de l'exclusion un phénomène global. Évidemment, le choix n'a pas été fait au hasard. Le segment nocturne, de 19h à 22h, est sans nul doute l'horaire phare de la télévision mexicaine. Le taux d'audience est le plus haut (67,4% des téléspectateurs possibles)136(*) et les tarifs publicitaires sont généralement les plus élevés. Cette tranche horaire se caractérise pour ses programmes de divertissement (81% des programmes) et ses informations. Les programmes éducatifs ne disposent d'aucun espace durant cet horaire. Parmi les genres de divertissement que l'on voit à l'écran à ces heures-ci, les « telenovelas » occupent la place principale. Les chaînes de la télévision nationale proposent une offre de programmes diverse qui a pour but de capter le plus grand nombre de téléspectateurs. J'ai décidé de me focaliser sur la chaîne numéro 2 du groupe Televisa car c'est elle qui dispose de la plus large couverture du territoire national137(*), considérée comme le premier distributeur de « culture » mexicaine.138(*) Elle se nomme également « El Canal de las Estrellas » (« La chaîne des Étoiles »). Elle est la plus regardée du pays139(*) et la plus importante du groupe Televisa, la majorité des programmes produite par le géant Televisa, spécialement les « telenovelas », y sont diffusées avant d'être vendues aux télévisions du monde entier. Le Canal 2 est réputé pour sa formule de « telenovelas », mis en place depuis les années 70, qui consiste en un bloc de séries qui commence à 16h et termine à 22h30, l'heure à laquelle le JT prend le relai. Son public serait majoritairement constitué de femmes, sans grandes différences socio-économique entre elles.140(*) Les hommes sont plus répartis en fonction de leur moyens économiques, ceux qui ont un revenu élevé préfèrent le Canal 7 de Tv Azteca alors que ceux dont le niveau socio-économique est faible semblent préférer le Canal 2.141(*) Globalement, l'étude qui fournit les données précédentes nous montre également que le public de cette chaîne parait éprouver une difficulté à prendre de la distance par rapport à ses programmes favoris, nuançant ce que montraient les travaux de Hall et Morley à la fin des années 70. En effet, selon l'étude, de nombreux interrogés ferait preuve d'une certaine indifférence dans leur choix de programme, rien ne leur déplait, mais il n'y aurait pas de volonté clairement affichée de regarder cette chaîne à tout prix. On ne peut cependant parler d'une manipulation à leur égard, qui les obligerait à regarder cette chaîne et non pas une autre, mais on peut émettre quelques doutes concernant la motivation réelle qui pousse les gens à regarder autant le Canal 2, lui faisant atteindre des taux d'audience records.142(*) Quoiqu'il en soit, les spécificités de genre (féminin/masculin) seront intimement liées aux publicités diffusées lors de cette tranche horaire: shampoings, produits ménagers, cosmétiques, alimentaire. Une image bien particulière que se fait la publicité de la femme, de ce que l'on doit et peut lui vendre, et de la manière dont elle doit être présentée à l'écran. Il est non seulement possible de distinguer la représentation de la femme à travers sa mise en scène dans les spots, mais aussi par ce que la publicité annonce en cherchant à l'atteindre. De même lorsqu'elle s'adresse à des enfants, on voit l'idée qu'elle se fait d'eux par le rôle qu'ils jouent dans les publicités, mais aussi par ce que l'on cherche à leur attribuer (tel ou tel jouet).
2.1. Description du corpusMon corpus était initialement composé de spots publicitaires de boissons sucrées, mais je me suis heurté à un obstacle technique qui a rendu très difficile la collecte de ces spots (irrégularité, impossibilité de savoir quand va sortir la publicité du produit en question). De plus, en privilégiant les facteurs horaires et de contenus mentionnés ci-dessus dans la détermination de mon corpus, j'ai réalisé que les spots de sodas étaient finalement peu nombreux en comparaison des publicités pour des cosmétiques ou des médicaments. J'ai ainsi décidé de changer mon approche pour rendre la collecte réalisable et l'analyse plus pertinente. Cela a supposé un remaniement de mes idées, dans le sens où il ne s'agissait plus de voir l'imaginaire véhiculé par la promotion d'un type de produit (la boisson gazeuse de telle ou telle marque), sinon l'imaginaire construit sur un fragment publicitaire bien spécifique, qui mélange différents produits, mais dont le caractère unificateur reste le moment télévisuel (heure de grande écoute de la « telenovela » du Canal 2). Après avoir visualisé plusieurs coupures publicitaires du Canal 2, on remarque que les spots se répètent excessivement, jusqu'à deux fois à l'intérieur de la même coupure. C'est-à-dire que l'on n'observe pas de différence notable ou de rupture idéologique d'une pause publicitaire à l'autre. Les mêmes thèmes sont utilisés et réutilisés. J'ai donc sélectionné deux de ces coupures, l'une aux environs de 19h45 et l'autre à 20h30, qui séparent les « telenovelas » Mar De Amor, Llena De Amor (deux productions mexicaines du groupe Televisa) et Hasta Que El Dinero Nos Separe (production colombienne reproduite par le groupe Televisa) dont la diffusion est quotidienne. De ces deux coupures, j'ai choisi d'extraire quatre spots. La rigueur aurait exigée une analyse de la coupure dans son ensemble, du premier spot au dernier. Cependant, la longueur de chaque coupure aurait rendu l'analyse fastidieuse, avec le risque de moins pénétrer significativement chaque annonce. Le but de ce travail est de reconstruire l'imaginaire d'un fragment publicitaire pour y débusquer les traces d'inégalité sociale, le choix de ces quatre annonces a donc été orienté par ma volonté de respecter cet imaginaire. J'ai repris les publicités qui m'ont semblé les plus représentatives, les plus fréquemment vues, plutôt que celles qui auraient pu éventuellement servir mon propos plus que d'autres. Le premier spot promeut un dentifrice de la marque Colgate, il est d'une durée de 20 secondes. Il met en scène un jeune homme seul dans sa salle de bain, face au miroir, faisant la grimace pour observer ses dents. Une sorte d'équipe de télévision menée par une jeune femme fait irruption et lui demande de manière très directe si son sourire lui fait peur. Le jeune homme marmonne et sans attendre sa réponse on lui demande s'il utilise le bain de bouche. Il demande si c'est pour blanchir les dents, ce qui montre qu'il connait ce type de produit, puis la jeune femme lui explique avec quelle facilité on l'utilise, et que ce dont il a besoin c'est le dernier produit Colgate Plax Whitening. Tout au long de cette première séquence, une phrase figure au bas de l'écran: « Consulte régulièrement ton dentiste », puis lorsque la jeune femme mentionne le produit, la phrase change et devient « à utiliser tous les jours avant et après le brossage des dents », qui vient en soutien à l'image. Une animation 3D avec voix-off est ensuite utilisée pour montrer comment agit le produit sur les dents. On y voit un liquide bleu ciel sous forme de vagues qui passe sur des dents, avec un texte en dessous qui stipule « dramatización », que l'on comprend comme « reconstruction » ou « symbolisation », pour ainsi compléter et soutenir cette séquence. On revient ensuite au jeune homme qui tient alors le produit dans ses mains, il prononce le nom du produit sur un air interrogateur, la jeune femme confirme en souriant: « pour un sourire d'une telle blancheur », et sort aussi rapidement qu'elle est entrée. On voit un plan plus large de la salle de bain avec le jeune homme seul, désemparé, le produit à la main. L'annonce se termine sur une présentation seule du produit, le « pour des dents plus blanches » vient compléter cette présentation, avec le retour de la voix-off, puis du logo de la marque « numéro 1 recommandée par les dentistes », d'une durée de deux secondes, avec l'adresse du site officiel de Colgate. Toute la scène avec les personnages est présentée sous forme de récit. C'est une sorte de mise en situation où les personnages interagissent les uns avec les autres, ils suivent une trame qui a pour fin de mettre en avant le produit Colgate, feignant la présence du spectateur. Cependant, le dernier plan ainsi que l'animation 3D et le texte relèvent de la fonction conative du langage, ils font directement appel au spectateur, ils s'adressent à lui pour lui donner de l'information, pour lui expliquer comment ça fonctionne, et ainsi mieux le convaincre pour qu'il achète. L'action baigne dans des couleurs claires, notamment le blanc et le bleu clair. La salle de bain du jeune homme est d'une propreté éclatante, lui même est vêtu de blanc, à l'image de sa couleur de peau. L'équipe menée par la jeune femme se caractérise également par le blanc et la clarté plus vraie que nature. Ils portent tous une blouse de type médecin (blanche) et sont de type européen (bruns à la peau claire). Le produit présenté sous forme de bouteille plate est blanc lui aussi, avec des teintes bleutées pour signifier la fraicheur. Tous les personnages, du peu que l'on puisse voir, ont des dents relativement blanches, ils ne « souffrent » pas d'un sourire aux dents jaunies ou abimées. L'éclairage participe fortement à cette mise en exergue du blanc. Il est puissant et rend ainsi le blanc d'une clarté éblouissante. Le bleu est utilisé lors de l'animation 3D pour représenter le liquide, c'est un bleu clair presque fluorescent, très similaire à celui utilisé pour les dentifrices. Seul le logo de la marque Colgate diffère, écrit en blanc sur fond rouge, mais il n'occupe qu'un petit espace du produit. De même, lors du plan large de la salle de bain, on s'aperçoit qu'outre la forte présence du blanc dans les teintes de couleurs, quelques éléments de la pièce (tapis, pèse-personne, étagère) sont d'un rouge identique à celui du logo Colgate. On remarque qu'à partir de la séquence 3D, le logo de la marque et du produit est présent en bas à droite de l'écran jusqu'à la fin. Le produit s'appelle « Colgate Plax Whitening », il est nommé par la jeune femme premièrement, puis par le jeune homme, et enfin par la voix-off. Un nom en anglais, prononcé avec l'accent espagnol, alors que tout le spot est en espagnol mexicain sans accent particulier. Le logo Colgate, en gros plan à la fin de la publicité, se caractérise pour ses couleurs rouge et blanc, mais aussi par la présence d'un montage photo de deux personnages qui sourient, dont on ne voit que la moitié du corps, et qui semblent faire partie d'un certain corps médical, car ils portent une blouse blanche. Ces deux personnages ajoutés au logo sont, encore une fois, de type européen ou nord-américain. En termes techniques, la publicité est découpée en 15 plans différents, c'est-à-dire autant de changements de caméra, pour une durée de 20 secondes. Un montage très dynamique que l'on retrouve généralement en pub. Ces plans de caméras varient grossièrement entre deux types, le plan d'ensemble et le plan rapproché. Le plan d'ensemble montre le jeune homme et l'équipe de la jeune fille, tous dans la salle de bain. Il permet de bien visualiser l'action et la position de chaque personnage, bien qu'il soit extrêmement court. En revanche, les plans rapprochés s'enchaînent en plus grand nombre, servant le dialogue rapide, laissant peu de place au décor. Ils mettent en avant les personnages, leur visage et leurs vêtements, sans pour autant laisser l'espace et le temps suffisant pour entrer dans l'intimité de ceux-ci. Les personnages apparaissent environ sur la moitié des 20 secondes que dure le spot, les dix autres secondes sont occupées par l'animation 3D et la présentation finale du produit et du logo. Le produit apparaît une première fois aux alentours de la septième seconde, dans la main de la jeune fille. Il occupe tout d'abord une petite place à l'écran, mais par l'effet d'un zoom contrôlé, le plan se rapproche et place ainsi le produit sur tout un quart de l'écran, avec le visage de la jeune fille souriante en arrière-plan. Puis on revoit furtivement le produit après l'animation, dans les mains du jeune homme qui le pointe en direction de la jeune fille et de la caméra. Enfin, le produit est présenté une dernière fois à la fin du spot, sur fond bleu, dans un plan qui dure deux secondes et dans lequel il occupe un quart de l'écran. Le spot est entièrement dénué de musique. On pourrait penser que cela créé un certain vide, mais le dialogue ultra rapide le comble aisément et ne laisse aucune place au silence. En effet, il n'y a que lorsque l'équipe entre et sort de la salle de bain que l'on assiste à une absence de voix, tout le reste de l'annonce est occupé par le dialogue ou la voix-off. Par ailleurs, il n'y a pratiquement aucun effet sonore tout au long du spot. Même l'animation 3D ne dispose pas de rajouts sonores pour la rendre plus mordante. Outre les bruits de pas et de la porte de la salle de bain qui s'ouvre, le seul effet sonore utilisé est presque indétectable, c'est un mini son de cloche qui retentit lorsque la fille sourit, après la présentation 3D. Elle prononce une de ses dernières phrases: « pour un sourire d'une telle blancheur » et l'effet sonore est censé signifier la brillance de son sourire. Le deuxième spot est de la marque de liquide-vaisselle Axion. Il est d'une durée de 20 secondes. La scène commence dans une cuisine où s'amoncelle de la vaisselle sale. Une mère s'adresse à sa fille en lui disant qu'elle va utiliser sa « fameuse recette » pour laver: du citron, du chlore... Mais la jeune fille l'interrompt pour lui dire que ce dont elle a besoin, c'est du produit Axion concentré avec triple-action. Elle débarrasse alors la table des autres produits pour laisser place au produit Axion en question. On la voit expliquer à sa mère la triple-action du produit en se multipliant elle-même par trois. Puis s'enchaînent les animations de plats sales qui deviennent magiquement propres grâce au produit, avec la voix-off de la fille qui en précise les spécificités. On revient à la cuisine, où la jeune fille porte un plat parfaitement propre, et la mère avec le produit entre les mains, elles se sourient l'une l'autre, pour terminer en disant que cela leur laisse plus de temps à elles, et on les voit sortir de la maison en souriant encore une fois. L'ultime plan du spot se fait sur une présentation du produit en gros plan. C'est encore à un récit que l'on a à faire ici, on met en scène deux personnages qui jouent une situation reconstruite sur une base quotidienne, dont le but est de préparer le discours final ouvertement destiné au spectateur. Mais ce récit est tellement forcé pour feindre la présence du spectateur, on lui présente un produit sans le regarder dans les yeux (ou l'écran), qu'il revêt tous les traits d'un discours. On pourrait imaginer le spectateur à la place de la mère, qui écoute attentivement sa fille lui expliquer tous les bienfaits que possède le produit en question. La cuisine dans laquelle se déroule l'action nécessite une description plus détaillée. Elle est de type américain, c'est-à-dire spacieuse avec de nombreux éléments en aluminium, héritage de la fameuse cuisine de Francfort. Elle dispose de beaucoup de meubles et de rangements, un réfrigérateur de grande taille, et une table au milieu pour la préparation. Elle est agencée en forme de U pour optimiser l'espace, laissant un espace informel permettant de « grignoter » sans avoir besoin d'utiliser la salle à manger. La quantité de vaisselle sale est volontairement exagérée, empilée de telle manière qu'elle paraît tenir en équilibre comme par magie. On y voit des plats et tout un arsenal d'ustensiles de cuisine qui débordent du lavabo, et qui ont tout l'air d'avoir été disposés avec précaution. Les deux personnages sont habillés de manière simple mais décontractée, au style contemporain, occidental, sans aucune extravagance. La mère est vêtue de blanc avec un tablier de couleur saumon. La fille porte un haut rouge avec une jupe à fleur qui lui couvre les genoux. Les deux ont la peau blanche, les cheveux bruns et les yeux foncés. Elles sont grandes et minces, de type européen ou nord-américain, et correspondent ainsi aux canons de la beauté occidentale. Elles sont maquillées de telle manière qu'elles paraissent jeunes et pimpantes. Elles montrent une complicité certaine, comme deux amies, elles sourient et rient avec allégresse. C'est la jeune fille qui enseigne à la maman comment laver la vaisselle, preuve de l'actualité et modernité dans laquelle vivent les jeunes. Contrairement au premier spot, celui-ci n'effectue que 10 changements de caméra sur la durée de 20 secondes. On note d'ailleurs la différence de vitesse, car il paraît plus « relax », moins « sous pression ». L'annonce commence avec un plan américain qui laisse voir la mère, bien que le lavabo rempli de vaisselle la coupe au niveau du bassin, avec la cuisine à l'arrière et la jeune fille qui s'approche. Il est efficace car il laisse une vue d'ensemble malgré la mise en avant de la mère et de la vaisselle, accentué par un léger travelling avant. On passe ensuite à un plan poitrine où la jeune fille présente le produit entre ses mains en souriant. Ce plan nous permet de mieux observer le produit, le visage de la jeune fille, et de prêter attention à ce qu'elle dit. Son texte est purement argumentatif, l'image ne vient que compléter ce texte Le produit est présenté en gros plan sur la table, il occupe un tiers de l'écran avec le le haut rouge de la jeune fille en arrière-plan. Puis on voit les deux personnages dans un plan de demi-ensemble, lorsque la jeune fille se démultiplie, le produit à la main, sans que l'on puisse le distinguer en détail. Avant de passer à la partie animation, on voit le produit en très gros plan sur une durée d'une seconde, il occupe tout l'écran. On le revoit dans les mains de la mère qui paraît comblée de bonheur, alors que sa fille tient un plat propre à ses côtés. Le produit n'occupe alors qu'une petite partie de l'écran en bas à droite, mais il se distingue suffisamment et se place entre les deux personnages accompagné du plat propre, comme si c'était ce qui les unissait. D'une durée de 3 secondes, la dernière prise montre le produit au centre de l'image. Il se démultiplie en trois comme la jeune fille, pour illustrer la triple-action, avec de la vaisselle propre et rangée en arrière-plan. Cette publicité n'affiche que très peu de texte. On voit tout d'abord les produits traditionnels de la mère qui portent leurs propres noms (chlore et poudre pour laver la vaisselle), puis le nom du produit Axion Tri-Cloro. Durant la séquence animée où défilent les plats sales, on peut lire en gros ce qu'élimine le produit: tâches, odeur et 99,9% des bactéries. Au même moment, en bas de l'écran, la mention « ne gaspille pas l'eau » est inscrite. Seule la fin du spot nous propose un dernier élément à lire, en dessous du produit en gros plan, est inscrit « le vrai dégraissant » pour appuyer une bonne fois pour toute le propos de la pub. La musique est plus présente dans cette publicité que dans l'antérieure. Elle commence lorsque la jeune fille intervient pour montrer le produit à sa mère. C'est une musique légère et discrète qui s'apparente aux musiques utilisées dans les télé-achats, avec de la flute et du xylophone. Les effets sonores se font également discrets, seulement utilisés lors de la démultiplication de la jeune fille et du produit, et lors de l'animation qui met en scène la disparition des taches, odeurs et bactéries, pour attirer l'attention auditive du public (fonction phatique) et donner de la consistance à ces effets visuels. La troisième annonce, pour un médicament contre le mal de tête, démarre avec le plan d'un couple qui dort paisiblement, lorsque les enfants entrent en courant dans la chambre. Une voix-off féminine accompagne cette scène en disant que « se sentir bien, c'est savoir que l'on peut compter sur quelqu'un », l'image lui offre la métaphore. Le plan change et l'on voit le père de famille rentrer à la maison en se frottant la tête, la voix continue: « lorsqu'il rentre fatigué avec mal de tête, donnez-lui Tylemol pour qu'il se sente mieux », on voit alors un gros plan de la boite de cachets, et une main qui la saisit, « parce qu'il travail en accord avec le corps, il élimine la douleur sans irrité l'estomac ». Le plan revient à la femme qui offre la boite à l'homme, puis on le voit en train de courir avec ses enfants à la mer alors que la femme reste assise à les regarder. Cette publicité s'achève comme les autres sur un plan du produit seul, où apparaît le slogan qui appuie fortement sur la fonction conative: « sentez-vous bien ». Cette publicité est un pur récit visuel, il ne s'adresse jamais directement au spectateur par le biais d'un personnage. Proche du feuilleton, qui met en scène l'histoire d'une famille dont le père souffre de migraine. Mais heureusement sa conjointe est là, attentive et attentionnée, lui procurant la solution à ce problème, par le biais d'un médicament, pour qu'il puisse ensuite profiter de sa petite famille, partir à la mer et jouer avec ses enfants. Mais ce récit-feuilleton n'est qu'une métaphore du discours en voix-off qui lui, s'adresse franchement au téléspectateur. Il simule une situation quotidienne qu'il « vous » attribue, il en pointe le problème et « vous » explique comment le résoudre. Sans dialogue préfabriqué pour promouvoir le produit, c'est la voix-off qui donne toute l'information. C'est une voix féminine, calme et maitrisée, qui raconte une histoire publicitaire et met l'accent sur la fonction conative du langage, pour que le destinataire agisse sur lui même et modifie son comportement en utilisant ce produit. L'emploi du « vous » accompagné de l'image familiale affiche cette courte histoire comme un synecdoque, c'est-à-dire qu'elle emploie la partie pour le tout, et de cette situation elle fait un cas généralisé. Encore une fois, le spot est d'une durée de 20 secondes. Il est séparé en 8 plans de caméra différents, ce qui lui donne une allure plus apaisée, plus calme, qui s'accorde avec le propos publicitaire de lutte contre le mal de tête. Le premier plan du couple est relativement rapproché, donnant sur l'intimité même du couple, dans le lit conjugal. Puis l'on passe à un plan plus large, au ralenti, lorsque les enfants entrent en scène. C'est un plan d'ensemble de la pièce avec le lit, la table de nuit, et quelques meubles de rangement. À ce moment apparaît une phrase au bas de l'écran: « consultez votre médecin » en lettres majuscules. Le plan se rapproche alors, donnant cette fois sur toute la famille dans le lit. On voit ensuite l'homme qui se tient la tête de douleur dans un plan taille, encore dans un plan au ralenti, avec la tête de la femme dirigée vers lui en premier plan flou. Puis un gros plan sur le produit qui occupe tout l'écran, sur un fond blanc, et qui dure environ trois secondes. On revient sur les deux personnages avec un plan de semi-ensemble dans la cuisine. La phrase du bas de l'écran change et devient « consultez nos spécialistes au... » (avec un numéro de téléphone), et vient rajoute de la présence. Le dernier plan des personnages, celui de la plage, est général et permet de voir toute l'action de loin, au ralenti. Tout cet enchaînement de plans donne une impression d'immixtion dans la vie de ce couple, de visualisation du problème de la migraine, de sa résolution, pour enfin s'éloigner avec un regard bienveillant. Le dernier plan est un plan rapproché du produit, qui occupe cette fois la partie centre-droit de l'image, sur fond blanc, accompagné du slogan. Les personnages sont à nouveau bruns à la peau blanche. Une clarté de peau qui s'insère parfaitement dans le décor dominé par des couleurs clairs. L'homme représente le parfait travailleur moderne, qui rentre du travail fatigué, en cravate-chemise, son veston à la main. La femme, bonne épouse, est présente quand celui-ci rentre du travail. Attentionnée, elle s'occupe de sa migraine. Elle est complice avec les enfants, elle sourit lorsqu'ils envahissent le lit, alors que lui paraît un peu plus en retrait. Puis on la voit habillée simplement, un haut gris passe-partout, pour accueillir l'homme et lui donner son médicament. L'appartement dans lequel se déroule l'action est moderne et spacieux. La chambre, tout d'abord, bénéficie d'un lit de type « king size », c'est-à-dire d'environ 2 x 2m. Les draps et les murs sont parfaitement blancs. On peut voir une sorte d'étagère avec des cadres de photos et des bibelots. D'un côté du lit, une petite table de nuit avec lampe de chevet et quelques objets, de l'autre une table un peu plus haute avec la même lampe et d'autres objets. L'appartement dans lequel entre l'homme dispose également de murs blancs, et d'une plante. Du peu que l'on distingue la cuisine, elle est également de style moderne avec de nombreux rangements, ustensiles de cuisine et pots en verre. Enfin, le dernier spot est de la marque Nescafé, il ouvre sur un paysage onirique présenté comme la région de Soconusco dans l'état de Chiapas, au Mexique. Puis apparaît la journaliste Paola Rojas, présentatrice du journal de 15h du Canal 4 (Televisa), dans un champ avec sa tasse de café à la main, elle vante les effets bénéfiques du café, ses propriétés d'antioxydant qui proviendraient de la « cerise » du café. On la voit alors entourée de gens locaux et agriculteurs, elle savoure le café et dit qu'elle en boit plusieurs tasses par jour, prenant tout autant de plaisir grâce à son arôme et à sa saveur. Différents plan se suivent, présentant les cultures de café et quelques personnes qui y travaillent. L'annonce prend fin sur le plan d'un journal sur une table qui porte en gros l'inscription: « une autre bonne raison de boire du café », avec une tasse Nescafé juste à côté. C'est sous forme de discours, et non de récit, que se présente cette dernière publicité. La jeune journaliste regarde la caméra, elle interpelle le spectateur. De cette manière, elle tente de le sensibiliser aux vertus du café, d'engager sa propre personne et son droit à la parole pour lui montrer l'exemple à suivre. Si c'est un discours, l'échange avec le public est direct, le regard domine cet échange, et c'est sa personne qui donne la force au discours, plus que n'importe quelle voix-off anonyme. La protagoniste introduit alors une sorte d'intimité avec le téléspectateur, elle lui sourit, lui parle de ses gouts et de son quotidien, elle le regarde dans les yeux. Elle noue une certaine relation avec celui-ci, elle se met à son niveau, ou plutôt elle rend son niveau accessible. Cette intimité créée par le discours redouble d'intensité lorsque la jeune femme s'affiche aux côtés des travailleurs, des gens qui lui sont entièrement différents. Elle se mêle à eux et fait mine de discuter et partager avec eux. Son discours s'appuie donc sur un visuel de cordialité avec l'autre Mexique, celui qui se situe à plus de 1000 km de la capitale, qui vit d'agriculture et qui a la peau d'une autre couleur. Par ce discours, la fonction phatique est jointe à la fonction conative pour donner toute la force au message. Le regard de la journaliste, son sourire et sa manière de parler sont autant d'éléments qui participent à l'établissement et la maintenance de la relation avec le téléspectateur. Il s'agit alors de rendre la communication plus efficace, préparer le terrain d'une transmission d'information, comme celle sur le café, ou celle de la marque par exemple. Le seul nom de la journaliste est une tentative d'attirer l'attention, de nouer une relation particulière avec le récepteur du message, de le mettre en confiance, pour ensuite faciliter la transmission du message commercial. D'une durée de 20 secondes, le spot est constitué de 13 plans qui s'enchaînent de manière très régulière, donnant une impression de grande fluidité. Le montage est tout sauf agressif. L'utilisation de plusieurs travellings rend l'action presque onirique, et le plan de paysage qui débute cette publicité nous envoie dans un lieu idyllique, un peu sauvage, aux couleurs surprenantes (turquoise, jaune-orange). Ce plan est suivi d'un gros plan en travelling-avant sur la jeune journaliste, le nez dans sa tasse. Il met en emphase la jeune femme qui paraît savourer son café, les cheveux bercés par une brise légère, tenant sa tasse a deux mains, comme pour les réchauffer, laissant apparaître seulement quelques lettres de la marque Nescafé inscrite sur la tasse. On passe ensuite à un très gros plan sur des cerises de café, faisant office de rupture et introduction au discours de la jeune femme, qui apparait dans le plan qui suit. Ce plan taille nous laisse apprécier comment est vêtue la jeune femme, sa chemise blanche et son pantalon gris qui lui donnent un petit air d'aventurière. Son nom et sa profession s'affichent au bas de l'écran et viennent compléter sa présence à l'écran. Ce plan nous permet de distinguer également les éléments en arrière-plan, les travailleurs qui récoltent les cerises en chemise blanche. Dans le plan suivant, on voit justement un de ces travailleurs accompagné de la journaliste en train d'observer et de toucher une branche de cerises. Ce plan poitrine met en avant la proximité de l'homme et de la jeune femme, bien que l'on ne puisse parler réellement d'intimité ou de complicité. L'homme répond plus au stéréotype mexicain, il a la peau un peu plus foncée que la jeune femme, il porte la moustache ainsi qu'un chapeau blanc. On enchaîne alors sur un autre plan poitrine en travelling avant, qui montre une jeune fille qui palpe des cerises de café. Celle-ci répond également plus au stéréotype mexicain: visage rond, peau brune, nez large. Elle porte un vêtement de type traditionnel en coton (« manta » en espagnol), avec quelques motifs de fleurs typiques du sud-est du Mexique. Elle semble faire partie des travailleurs locaux. Au même moment et très furtivement, au bas de l'écran, on apprend qu'une tasse de café équivaut entre 150 et 500 mg d'antioxydants. La caméra nous offre ensuite une vue plongeante sur des plats de cerises que travaillent des femmes assises et habillées en blanc. Cette prise de vue nous montre en quelque sorte la tradition de la récolte, tout y paraît très artisanal. La jeune journaliste s'approche avec sa tasse pour prendre une poignée de cerises. Gros plan sur ses mains qui plongent dans les cerises qui se transforment alors en grains de café. Autre gros plan sur la jeune journaliste qui sent les grains de café dans ses mains en souriant. Suit un travelling avant sur les champs verdoyants où déambulent des personnes, des travailleurs peut-être. Retour en gros plan sur la journaliste, les yeux fermés, qui déguste son café dans la tasse Nescafé dont le nom est cette fois entièrement découvert et qui, bien qu'il ne recouvre pas une grande partie de l'image, se note sans difficulté. On poursuit dans la même direction avec le dernier plan où la jeune femme pose la tasse de café à côté d'un journal, la marque inscrite sur la tasse n'occupe qu'une petite partie de l'écran mais se lit aisément sur les trois secondes que durent ces deux derniers plans. Elle reste cependant discrète pour un message de type publicitaire. Cette publicité se différencie ainsi des autres dans le sens où elle ne fait qu'une allusion légère à la marque, nous invitant plutôt à visiter une page internet intitulée « otrabuenarazon.com.mx ». À première vue elle ne fait que parler du café, comme une sorte de campagne publique qui encouragerait la population à boire du café : on fait appel à une personne connue, on vante les bienfaits du produit, la réalisation est sobre, on utilise des éléments de l'identité nationale. Néanmoins, bien que cette publicité se présente comme une apologie du café, les deux plans finaux ne font pas de doutes sur la marque qui y trouve son compte. * 136 Francisco de Jesús Aceves Gonzalez, « La televisión y los tapatíos. Un atisbo al entreveramiento horario de transmisión, menú programático y patrones de exposición », Comunicación y Sociedad, 1er septembre 2001. * 137 Fernando Mejía Barquera, « Historia mínima de la televisión mexicana (1928-1996), Escenarios y Convergencias, Mars-Mai 2007. * 138 Gisela Rabinowicz et Jorge Volonté, « Grupo Televisa S.A. », in Boletín de Políticas de Comunicación, Universidad de Buenos Aires, n° 2, juillet 2003. * 139 Source: IBOPE AGB México, Anuario media performance 2008. * 140 José Carlos Lozano, « Distanciamiento crítico frente a la TV nacional mexicana », in Zer, n° 14, mai 2003. Étude réalisée sur 2800 personnes dans les villes de Monterrey, Guadalajara et Mexico, dont 180 ont été interviewées. * 141 José Carlos Lozano, art.cit * 142 Source: IBOPE AGB México, Anuario media performance 2008. |
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