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La publicité au Mexique, vecteur d'exclusion sociale.

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par Michael Spanu
Université Lyon 2 - Master  2009
  

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1.2. Une approche sémio-pragmatique de la publicité télévisuelle

L'analyse du phénomène publicitaire à la télévision a été expérimentée de différentes manières, sous des angles scientifiques variés. Le but de mon étude ne sera pas d'opérer une classification systématisante et relativement subjective propre à l'approche de type motivationiste. Celle-ci, héritée de la psychanalyse, dont sont friands les publicitaires, cherche souvent à pénétrer la partie occulte ou inconsciente du spectateur à laquelle se dirigerait le message.125(*)

J'aborderai le phénomène publicitaire plutôt sous un angle sémiotique, considérant avant tout son « mode de production de sens »126(*), c'est-à-dire comment il génère des significations et des interprétations. Dans le cas étudié, j'avance l'hypothèse que le sens produit est vecteur d'inégalités sociales: il exclue significativement tout un pan de la réalité sociale et s'incruste dans un système médiatique et politique global discriminatoire.

On pourrait considérer la publicité en dehors du support qui l'utilise, comme un discours unifié et dynamique. Ce serait alors un « paquet de sens » relativement autonome qui ferait son office (vendre) sur des médias indifférenciés. Cette position se justifierait par l'apparente immédiateté compréhensive que l'on éprouve face à la publicité: d'une langue à l'autre, on reconnaît toujours très rapidement la publicité, son discours typé au-delà des mots, sa texture lisse, elle se démarque des discours qui l'entourent. Pourtant, cette immédiateté est trompeuse et peut, au final, rendre le message plus compliqué, plus tendancieux, et nous devons trouver une manière de le décortiquer. Pour cela je ne peux exclure le média qui supporte la publicité, car la publicité porte en elle les limites de ce média, elle en est déterminée techniquement. Elle vole les formes d'autres discours diffusés sur ce média, se fait caméléon, tente de passer pour autre chose, enfouir son aspect commercial. Elle veut divertir et plaire, empruntant la figure des autres, créature hybride que d'autres copient à leur tour.

J'utiliserai premièrement la classification sobre mais effective de Péninou127(*), qui me paraît tout à fait adaptée au spot publicitaire, car elle regroupe trois possibilités dans la relation entre message et spectateur: discours, récit et discours-récit.

Le discours appelle directement au destinataire, il s'adresse à lui à travers une relation de l'ordre du Moi-et-Toi. Le message est alors structuré de telle manière qu'il met en évidence ce locuteur, sa présence est interpellante et force le dialogue par lequel le message peut-être compris. C'est un message à la première personne dirigé franchement au destinataire qui tend à l'affirmation et à l'implication comme acteur invisible.

Par le récit, le message se forme en un ordre fermé, il n'interpelle pas le spectateur, il feint son absence. Il n'y a pas de persuasion directe, la troisième personne est employée. Le sujet énonciateur est souvent de profil et dirige son regard vers l'objet, excluant ainsi de manière indirecte le dialogue avec le destinataire. Se met alors en place une histoire, de forme anecdotique, dans lequel le destinataire devient concrètement spectateur.

Le discours-récit est, finalement, un mélange simple des deux. De fait, la versatilité de l'image entraine régulièrement un chevauchement du récit par le discours. Une anecdote termine par un discours au spectateur, ou l'inverse. La publicité joue alors sur l'ambigüité de sa situation.

L'image publicitaire est par nature hétérogène, elle conjugue des signes iconiques, plastiques (couleurs, formes, etc.) et linguistiques qui produisent le sens et qu'il faudra passer à la loupe. Les structuralistes ont vu dans l'hétérogénéité de la publicité un renouveau de la rhétorique128(*), c'est-à-dire de l'art ou technique de bien parler selon les grecs, où la vraisemblance passe devant la vérité, pour mieux persuader. La publicité joue en effet sur la vraisemblance, car la vraisemblance ne correspond pas au réel mais à l'idée que l'on se fait du réel et aux attentes qui y sont liées. En l'occurrence, la publicité utilise des préjugés discriminants, parfois inconsciemment, pour faire passer un message commercial. Pour mieux analyser ces images, j'aurais donc recours aux notions de rhétorique, car l'image dit toujours plus que ce qu'elle représente au premier degré, plus que ce qu'elle dénote, et elle le fait grâce à la rhétorique.

Le « principe de permutation », emprunté à Martine Joly129(*), est un outil efficace car il laisse voir les éléments constitutifs de l'image pour ce qu'ils sont, mais également pour ce qu'ils ne sont pas. Par exemple, je vois une femme et pas un homme, du vert et pas du bleu. Ce principe met en avant l'importance du choix des éléments pour la constitution du sens visuel.

Sans revenir en détail dessus, je m'appuierai également de manière relative sur les fonctions du langage de Jakobson130(*), comme le fait Péninou (bien qu'il les ramène au nombre de trois), comme cadre pour analyser certains messages. Mais avant d'identifier ces fonctions, Jakobson distingue six facteurs essentiels à la situation de communication: un contexte, un émetteur, un destinataire, un contact, un code commun et un message. Dans le cadre de mon étude, c'est surtout le message qui m'intéresse. Suivant Jakobson, la problématique serait de voir comment le message publicitaire, dans le contexte mexicain, produit par des groupes publicitaires hégémoniques et dominants, reçu par une population diverse et très inégale, transmis par le biais de la télévision et qui utilise un code ultra-perfectionné, peut être vecteur d'exclusion social.

Il faut par ailleurs voir la relation qu'il peut y avoir entre le mot et l'image dans la publicité. Différents rapports existent entre le texte et l'image, que Péninou identifient comme ceci: soutien (argumentation, redondance, paraphrase), complémentarité (informations autonomes dans leur expression, mais convergentes dans leur contenu), amplification (métaphorisation, hyperbolisation, supradimensionnalisation, etc.).131(*)

Dans l'article « Rhétorique de l'image »132(*), Roland Barthes identifie trois types de messages dans son analyse de l'image publicitaire des pâtes Panzani : le message linguistique, le message iconique codifié (symbolique, qui fait usage de la connotation), et le message iconique non-codifié (littéral, qui dénote). Trois messages qui se conjuguent et se soutiennent pour donner un sens global à l'annonce, pour rendre celle-ci recevable et effective.

La notion de genre me sera quant à elle utile dans le sens où elle représente un mode de communication culturellement admis et reconnaissable au sein de certains groupes sociaux. Cette notion peut s'identifier par les éléments qui constituent la situation spatio-temporelle dans laquelle se réalise la communication, par la détermination des rôles des participants et par la forme des énoncés discursifs.133(*) Elle est une boite à discours qui constitue peu à peu des régularités interprétatives précieuses pour l'analyse. Elle fonctionne selon des codes qu'elle reproduit systématiquement.

Car pour comprendre un message il faut avant tout comprendre pour qui il a été produit et dans quel but/fonction. Pour cela le message se doit d'être régulier et de faire appel à du déjà connu. C'est par une approche sémiopragmatique qui « examine le contexte institutionnel de production et de réception de l'oeuvre, pour y déceler les consignes de lecture qui y sont liées »134(*) que je parviendrai à entrevoir comment le message publicitaire participe à tout un mécanisme d'exclusion social. Une approche que j'ai introduite dans ma première partie, et qui va désormais se consacrer plus particulièrement au message. De plus, je soulignerai l'importance de la notion « d'horizon d'attente », c'est-à-dire « le contexte d'expérience antérieur dans lequel s'inscrit la perception esthétique »135(*), qui sera un concept clé pour comprendre comment la publicité s'inscrit dans un contexte de discrimination globale.

Les personnages présents à l'écran occupent une place importante, l'idée ne sera pas de les classifier mais de voir en quoi leur quantité et leur type forment un discours supplémentaire à celui officiellement proposé. La couleur participe également au discours visuel. Il ne s'agira alors point d'attribuer des significations mystifiantes à l'emploi de certaines couleurs, mais plutôt d'étudier les relations entre elles et le réel.

J'ai beaucoup parlé d'image, à croire que la publicité est uniquement constituée de « visuel », mais c'est sans compter sur le son qui accompagne chaque spot et qui joue un rôle tout à fait conséquent sur les sensations du spectateur, il me faudra donc consacrer une attention particulière au registre sonore: parole, musique, effets sonores et silences.

Savoir ce qu'il se vend à travers la publicité ne suffit pas. Le message appelle chez le spectateur certaines valeurs à travers l'attribution d'idéaux à l'objet annoncé, et ce sont souvent ces idéaux qui excluent et forment un imaginaire socialement épuré, que l'on cherchera dans le corpus qui suit.

* 125 Vance Packard, The Hidden Persuaders, New York, Washington Square Press, 1957, et Gillian Dyer, Advertising as Communication, New York, Methuen, 1982, p. 92.

* 126 Martine Joly, op.cit., p. 23.

* 127 Georges Péninou, Intelligence de la publicité. Étude sémiotique, Paris, Robert Laffont, 1972.

* 128 Jacques Durand, « Rhétorique et image publicitaire », Communications, n° 15, 1970, pp. 70-95

* 129 Martine Joly, op.cit.,

* 130 Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, Paris, Minuit, 1963.

* 131 Georges Péninou, « Langage et image en publicité », in Claude Vielfaure (dir.), La publicité de A à Z, Paris, Retz-CEPL, 1975.

* 132 Roland Barthes, « Rhétorique de l'image », Communications, Volume 4, n° 1, 1964, pp. 40-51.

* 133 Mauro Wolf, « Géneros y televisión », Análisis, n° 9, mai 1984, p. 190.

* 134 Martine Joly, op.cit. p. 47.

* 135 Ibid.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery