Dans l'histoire de l'Afrique, la Trypanosome Animale
Africaine (TAA) transmise par les glossines est considérée comme
la plus importante maladie parasitaire qui a retardé son
développement agro-pastoral. Cette importance résulte de
l'étendue des zones infestées par ces insectes nuisibles et leurs
impacts directs et indirects sur le développement socio -
économique de l'Afrique.
1.2.1.1 Facteurs socio-économiques. a. Facteurs
sociaux.
La trypanosomose humaine est une maladie parasitaire qui
sévit uniquement en Afrique au sud du Sahara dans les zones de
répartition des glossines. Elle est due à des trypanosomes du
groupe brucei (T. b. gambiense et T. b. rhodesiense) et
transmise par la
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piqûre de mouches tsé-tsé ou glossines,
C'est une maladie qui frappe surtout la population des zones rurales qui
dépend exclusivement de l'agriculture, l'élevage, la pêche
ainsi que la chasse. Selon l'OUA (2000), 60 millions de personnes, dont
seulement 3 à 4 millions sous surveillance médicale sont
exposées aux risques trypanosomiens. L'OMS (2000) estime à 500
milles le nombre de personnes déjà atteintes dont 80% meurent
chaque année. La situation se détériore rapidement avec
40000 nouveaux cas notifiés chaque année. Par conséquent,
la force de travail pour la production agropastorale se trouve
considérablement réduite. La maladie du sommeil représente
la principale cause de mortalité dans certaines régions de la
République Démocratique du Congo (RDC) devant le VIH/SIDA.
b. Facteurs économiques.
« Dans les milieux fragiles soumis à des
contraintes multiples, l'animal, qu'il soit domestique ou sauvage, constitue un
élément essentiel pour la vie et souvent la survie des individus,
des communautés et des peuples avec qui il partage les espaces, les
milieux et les ressources » (Monicat (F), cité par de la Rocque
(S), Michel (J.F), Cuissance (D) ; 2001). Dans les pays en voie de
développement, l'animal est utilisé comme moyen de lutte contre
la pauvreté et constitue un élément clé de
l'identité socio-culturelle des populations. Cependant, dans le domaine
de la production animale, les glossines restent les principaux facteurs
limitants en Afrique sub-Saharienne en empêchant ou en gênant sa
production sur près de 10 millions de km2 de terres qui
offrent pourtant de fortes potentialités fourragères et
agricoles. Les experts estiment qu'en l'absence de glossines, il serait
possible d'élever 33 millions de têtes de bétail
supplémentaire, correspondant à une production potentielle de 0,5
millions de tonnes de viande et 1,6 millions de tonnes de lait par an (Winrock
International Institute, 1992 cité par de la Rocque (S), Michel (J.F),
Cuissance (D) ; 2001).
Généralement dans les systèmes
d'élevage sous risque de trypanosomose, elles entraînent :
- une réduction du vêlage 1 à 12% : races
trypanotolerantes ;
- une réduction du vêlage de 11 à 12% races
sensibles ;
- une augmentation de la mortalité des veaux : 0 à
10% races tolérantes ; - une augmentation de la mortalité des
veaux 10 à 20% races sensibles.
En outre, dans ces zones, la perte de production de viande
est de 30%, celle du lait, de 40%. La puissance du travail est réduite
du tiers et un paysan élève deux fois moins de boeufs de
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traits et cultive trois fois moins de surface (Swallow, 1998),
En Asie, on estime à 50% la culture agricole bénéficiant
d'animaux de trait. En Afrique, la proportion est de 5 à 10%. En
conséquence, l'Afrique pourrait perdre tous les ans 4,5 milliards de
production agricole (FAO, 2000).
Par ailleurs, l'usage des trypanocides préventifs et
curatifs pour le maintien de la santé animale est fréquent avec
pour corollaire, l'émergence de problèmes de
chimiorésistance. Environ 35 millions de doses de trypanocides
préventifs (d'une valeur de 35 millions de dollars) sont achetées
par an pour empêcher le bétail de contracter la maladie mais en
vain estime la FAO (2000).
La production de viande bovine est de 85,7kg/animal/an dans
les pays développés contre 20,7 dans les pays en voie de
développement dont seulement 15,75 kg en Afrique Subsaharienne (Tacher
et Letenneur, 1997 cité par de la Rocque (S), Michel (J.F), Cuissance
(D) ; 2001) Or selon winrock International Institute for Agricultural
Developement 1992, Hursey& Slingeberg ; (1995), citée par ces
mêmes auteurs (2001), la banque mondiale estime que les productions
animales devront croître de 4% durant les trente années à
venir pour faire face à la croissance démographique africaine.
Une maîtrise de la trypanosomose constitue donc un défi majeur de
développement
L'importance écologique s'explique par
l'étendue des zones qui sont sous l'emprise de mouches
tsé-tsé ou glossines et leur impact sur la production
agropastorale. L'U.A (2000) estime à environ 10 millions de km2 de
terres fertiles, en particulier les vallées fluviales, les terres
humides qui se prêtent le mieux à la production agropastorale, la
superficie est infestée par les mouches tsé-tsé. Ces zones
s'étendent sur 37 pays classés parmi les plus pauvres au monde.
Si on retranche de la superficie totale du continent, les régions
désertiques, on constate que les glossines occupent plus que la
moitié de l'Afrique habitable (Itard, 2000). Selon l'OUA, ces zones
n'abritent pratiquement plus de bovins ni d'autres animaux.
Sur 165 millions de têtes de bétail que compte
l'Afrique, seuls 10 millions se trouvent dans les zones infestées par
les mouches tsé-tsé (U.A. 2000); soit une tête/km2 contre
85 têtes/km2 en zone indemne de glossines. Par conséquent, les
terres des zones exemptes de glossines se trouvent être
confrontées à un surpâturage et une surexploitation des
surfaces
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pour la production vivrière. Sans les mouches
tsé-tsé, le nombre de tête de bétail augmenterait.
Il se produirait une répartition plus égale du bétail, ce
qui réduirait ce problème de surpâturage dans les zones
à cheptel excessif actuellement exempte de glossines, ainsi qu'une
orientation du marché vers les races productives (A.I.E.A. 2002).
Une éradication des mouches tsé-tsé et
par-là même la trypanosomose reste un défi à lever
pour accroître la production vivrière et favoriser
l'épanouissement de la population africaine. L'éradication des
glossines sur l'île de Zanzibar a permis de tripler la production de lait
; celle de boeufs a doublé et l'utilisation du fumier animal dans
l'agriculture a été multipliée par cinq, d'après le
ministre de l'agriculture de cette île (Naututu Okhoya, 2003).