Paragraphe B) Les recommandations à l'endroit des
acteurs locaux
Comme nous l'avons reconnu plus haut, les actions des OING et
même leur efficacité sont susceptibles d'être
influencées par le comportement de leurs partenaires, notamment les
acteurs locaux. Cette influence concerne non seulement le cadre
réglementaire, mais également les questions liées à
la gouvernance.
99
? Le cadre réglementaire
La loi N° 90/053 du 19 décembre 1990 sur la
liberté d'association au Cameroun en son article 16, alinéa 1
stipule que soumet l'exercice d'une quelconque activité par les
associations étrangères à l'obtention préalable
d'une autorisation du gouvernement, bien qu'elle reste imprécise sur les
délais de traitement de la demande d'autorisation. Il faudrait à
cet effet :
1. Réviser le cadre
réglementaire
Il convient de lever toute ambigüité autour de
cette question en précisant la durée nécessaire au
traitement des dossiers de demande d'autorisation.
Au vu de l'importance sans cesse croissante des OING comme
acteur de développement au Cameroun, considérant les moyens
qu'elles mettent jeu pour contribuer à l'amélioration des
conditions de vie des populations vulnérables, nous pensons qu'il faut
créer toute une direction au MINADT (Direction de la coopération
non gouvernementale par exemple) chargée des relations avec les ONG
internationales opérant au Cameroun ou désirant s'installer au
Cameroun. La mise en place d'une telle structure dotée d'assez de
ressources humaines permettrait de résoudre l'épineux
problème de lenteur dans le traitement des demandes d'agrément
des OING. Le cas échéant, on pourrait confier cette
responsabilité à une agence placée sous la tutelle du
MINATD.
2. Le MINATD devrait prendre des dispositions
adéquates et se rassurer que
chaque OING lui fasse parvenir son rapport
d'activités à la fin de chaque année. Comme nous
avons pu le constater plus haut, les OING ne transmettent pas
systématiquement leurs rapports d'activités au MINATD tel que
stipulé dans la loi de 1990. Alors, il faudrait se demander si ces
autorités ont connaissance des actions menées par ces
organisations au Cameroun. Si elles ne reçoivent pas ces rapports,
comment pourront-elles savoir si ces organisations ne se livrent pas à
des activités douteuses ? Alors, le MINATD devrait prendre les mesures
appropriées afin que toute organisation qui s'abstient de se conformer
à la réglementation en vigueur soit passible des sanctions qui
devraient être définies par la loi.
? Responsabilité des populations
Les projets de développement, dès lors qu'ils
sont rétrocédés aux populations
bénéficiaires, la maintenance desdits projets incombe
désormais à ces dernières. Toutefois, nous avons pu
relever à travers le concept de « tragédie des Communaux
» que les populations bénéficiaires n'assurent que
très peu la durabilité des réalisations dont
bénéficient leurs communautés. Ainsi, il faudrait :
3. 100
Mettre en place des mécanismes d'implication des
populations dans la réalisation des projets.
En effet, les populations gagneraient à apporter leur
contribution (même en nature) dans la réalisation des projets de
développement de leur localité. Cet apport garantirait leur
implication réelle et les rendrait ainsi plus responsables de la
maintenance et la sauvegarde des ouvrages issus de ces projets.
? Amélioration des performances des organisations
locales
Afin de conserver la compétitivité au niveau
local, ces organisations doivent :
4. Solliciter un appui extérieur en vue du
renforcement des capacités locales
Elles peuvent ainsi solliciter les services de certaines
organisations de volontariat international, notamment France Volontaires et
Planète Urgence, véritables interfaces entre les volontaires
nantis de connaissances techniques et les organisations locales
nécessiteuses du renforcement de leurs capacités dans des
domaines spécifiques. Elles peuvent également solliciter l'appui
de certaines OING disposant de compétences dans les domaines mis en
cause.
? Gouvernance et éthique
La question de la gouvernance s'adresse aussi bien aux OING
qu'aux acteurs locaux.
5. Accorder une place primordiale aux questions de
gouvernance et d'éthique. L'impact de la corruption et des
détournements sur les résultats de l'aide au développement
n'est pas l'apanage de notre région d'étude, non plus du
Cameroun.
? Nous avons pu le constater au niveau des limites, certains
officiels camerounais portent entrave au bon déroulement des
procédures administratives, notamment le traitement des dossiers de
demande d'agrément, le blocage de certains projets pour des
intérêts personnels. D'autres par contre réorientent
certaines actions des OING vers des localités qui leurs sont favorables.
Par ailleurs, d'aucuns détourneraient tout simplement des fonds
destinés aux projets de développement pour les orienter vers
leurs compte privés. Il faudrait à cet effet multiplier les
procédures de contrôle et de vérification notamment
à travers l'organisation des audits financiers et l'intervention du
Contrôle Supérieur de l'Etat (CONSUPE) ; mettre sur pied une
politique de tolérance zéro en matière de corruption et un
régime de sanctions exemplaire.
101
? Quant aux prestataires qui sont pour la plus part des
organisations et entreprises locales, il convient de dire que les OING ne sont
pas des « boîtes à sous ». Les prestations doivent
être réalisées en toute honnêteté et
conformément aux clauses contractuelles. Il n'est pas question de
dresser un rapport qui fait état de la réalisation d'un nombre
d'ouvrages supérieur à la réalité.
La mauvaise gouvernance demeure jusqu'ici l'un des
fléaux qui sapent à coup sûr les efforts du
développement. Ainsi, pour une action plus efficace des OING dans la
région du Centre, tous et chaque acteur devrait à son niveau
reconsidérer l'éthique et la bonne gouvernance comme gage du
succès des actions de développement et d'amélioration des
conditions de vie des camerounais.
102
Tableau 4: Destinataires et priorisation des
recommandations
Recommandation
|
Destinataire
|
Priorisation
|
A. Le cadre législatif et
institutionnel
|
|
|
· Amender la loi sur les associations en y ajoutant une
précision sur la durée de traitement des demandes
d'agrément
|
Etat
|
Moyen terme
|
· Mettre en place une institution (dotée d'assez
de ressources humaines) en charge des questions relatives aux OING
(agrément, protocole d'accord avec les
partenaires publiques...)
|
|
Long terme
|
· Prendre des dispositions adéquates afin que
chaque OING fasse parvenir au MINADT son rapport d'activités à
la fin de chaque année.
|
Etat/MINATD
|
Court terme
|
B. Reconsidérer les ressources
humaines
|
|
|
· Revaloriser les compétences locales et leur
donner la possibilité d'accéder aux postes de leadership
|
OING
|
Moyen terme
|
· Augmenter la gouvernance et donner plus d'accent aux
nationaux, ce qui contribuerait à la réduction de coûts de
gestion
|
OING
|
Moyen terme
|
· Initier et encourager le bénévolat dans
les organisations
|
OING
|
Court terme
|
C. Couverture territoriale et domaines
d'intervention
|
|
|
· Développer une politique de proximité avec
les populations
|
OING
|
Moyen terme
|
· Cibler les zones de faible intervention et mettre sur
pied une stratégie de coordination afin de couvrir le maximum de
communautés.
|
OING
|
Moyen terme
|
· Revoir le choix des thématiques d'intervention,
mettre un accent sur les OMD, le DSCE, la réalisation des
diagnostics
communautaires et le renforcement des capacités
des organisations communautaires.
|
OING
|
Moyen terme
|
D. Visibilité et communication
|
|
|
· Améliorer la visibilité des organisations
et leurs actions
|
OING
|
Court terme
|
· Mettre un accent sur les preuves des
réalisations
|
|
|
E. Gouvernance et éthique
|
|
|
· La gouvernance et l'éthique doivent occuper une
place centrale dans la définition et la mise en oeuvre des politiques
et approches de travail des différents acteurs.
|
Tous les acteurs
|
Moyen terme
|
|
103
|