Section II) Perspectives d'amélioration de
l'oeuvre des organisations internationales non gouvernementales dans la
région du Centre
Les ONG internationales installées dans la
région du Centre jouent un rôle de plus en plus important dans le
processus de développement du Cameroun en général, et de
la région en particulier. L'évolution et les mutations que
connaissent ces organisations induisent une multitude de comportements et de
pratiques des différents acteurs impliqués dans leur
fonctionnement et dans la mise en oeuvre de leurs activités. L'oeuvre
des OING principalement sous forme de projets passe par un processus qui met en
jeu divers acteurs internes (personnel de l'organisation) et externes (Etat,
bénéficiaires, prestataires). Le comportement de chacun de ces
acteurs peut influer sur les résultats du projet.
Lors du diagnostic des forces et des faiblesses des OING, nous
avons relevé un certain nombre de points qui constituent des limites
à une action efficace de celles-ci dans la région. Les
principales recommandations y relative dans cette étude seront
formulées aussi bien à l'endroit des OING (A) que des acteurs
locaux (B).
Paragraphe A) Recommandations à l'endroit des
organisations internationales non gouvernementales
Les recommandations à l'endroit des OING porteront sur
: la valorisation des compétences locales, la territorialisation des
organisations et des interventions, les domaines d'intervention, la
visibilité des actions, la gouvernance et l'éthique.
? Reconsidérer les ressources
humaines
Le personnel des OING recensées dans le cadre de cette
étude est en majorité constitué des nationaux. Ce
personnel localement recruté est principalement camerounais et dans
quelques exceptions, on y retrouve des expatriés résidant au
Cameroun. Toutefois, ces compétences locales ne sont pas suffisamment
valorisées. Elles n'occupent que rarement des positions
stratégiques, celles-ci étant généralement
confiées au personnel international. Ces internationaux sont très
coûteux par rapport au personnel local, à cause des multiples
avantages dont ils bénéficient. Du coup, une bonne partie des
ressources financières de l'organisation n'est non pas consacrée
au public cible, mais plutôt aux expatriés qui travaillent
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pour l'organisation. De nos jours, il est difficile de dire
que l'expertise que recherchent les OING est introuvable au Cameroun. Alors, il
faudrait:
1. Revaloriser les compétences
locales
Il faut continuer de donner la possibilité au
personnel local dûment qualifié d'accéder à des
postes de leadership, de décision et pourquoi pas leur confier de la
direction de l'organisation. Nous avons d'ailleurs quelques exemples
d'organisations (SOS villages d'enfants Cameroun, COE, UICN, FAIRMED, GEOAID,
INADES, PSI/ACMS, Sight Savers International, VSO, WCS et WWF) dont les
directeurs/représentants sont des nationaux. Même si certains sont
recrutés comme personnel international, ils résident dans leur
pays et ne coûteront certainement moins chers qu'un expatrié.
2. Réduire le personnel international,
accroitre la gouvernance et confier plus de responsabilité aux
locaux.
Le personnel international travaillant dans les OING
bénéficie de divers privilèges prévus par l'Etat
camerounais et de plusieurs avantages qui leurs sont accordés en
interne, soit du fait du caractère international de leur position, soit
du niveau du poste même. Ainsi, diverses charges telles que le logement,
la scolarité des enfants, les factures d'eau et
d'électricité, certaines dépenses domestiques du personnel
international sont couvertes par l'organisation. A priori, on peut penser que
ces charges sont négligeables, mais non. Elles représentent un
pourcentage considérable des ressources financières de
l'organisation. Il faudrait donc le réduire afin d'en conserver le
minimum possible, ce qui permettrait à l'organisation de réduire
les coûts.
3. Initier, voire encourager le bénévolat
dans les organisations
Plusieurs personnes sont disposées à travailler
dans des organisations internationales pour apporter leur contribution à
l'oeuvre de ces dernières et pendant ce même temps acquérir
une expérience professionnelle qu'elles pourraient valoriser plus tard,
aussi bien dans la même organisation que dans une autre, en temps que
bénévole ou comme salarié. Il faudrait donc que les OING
adoptent une véritable politique de bénévolat afin de
valoriser au maximum cette offre de compétences locales.
? Couverture territoriale et domaines
d'intervention
La configuration actuelle des OING dans la région du
Centre laisse apparaitre un déséquilibre dans la distribution
territoriale de ces organisations ainsi qu'un engouement pour les domaines de
la santé, l'éducation et le développement. Les
recommandations qui suivent visent à combler ce
déséquilibre spatial et thématique.
4. 97
Mettre sur pied une politique de proximité
à travers la création des postes
d'agents de terrain.
La localisation géographique des OING dans la seule
ville de Yaoundé représente une limite à l'action desdites
organisations. Il faudrait dans la mesure du possible que des agents de terrain
puissent résider au niveau des communautés afin de garder une
certaine proximité et mieux appréhender la réalité
et le vécu quotidien des populations. Ceci permettrait de concevoir avec
elles des projets à la hauteur de leurs réels besoins. Une autre
possibilité serait la création des bureaux régionaux.
Quelques organisations telles que MSF, SOS villages d'enfants, COE, Plan
Cameroon en disposent dans le Centre, respectivement à Akonolinga,
Mbalmayo, Yaoundé et à Nkomo.
5. Cibler les zones de faible intervention et mettre
sur pied une stratégie de coordination de l'assistance afin de couvrir
le maximum de communautés.
Tandis que certaines communautés n'obtiennent aucune
assistance des OING, d'autres en reçoivent de trop. Ainsi, on peut
retrouver des zones dans lesquelles plusieurs organisations interviennent
simultanément, alors qu'elles auraient pu former un partenariat et
confier la mise en oeuvre des projets concernant une même
thématique à une seule d'entre elles, ce qui réduirait les
coûts et permettrait de couvrir d'autres zones. Pour parvenir à
cette coordination, il faudrait que les organisations aient pour objectif
commun le bien-être des populations et que le choix de l'intervention
dans une zone donnée ne soit pas guidé par la course aux
financements.
6. Revoir le choix des thématiques
d'intervention
Les départements ministériels chargés des
thématiques porteuses et peu développées par les OING
(agriculture, gouvernance, eau et assainissement, environnement, etc.) sont
appelés à mettre en oeuvre des stratégies visant à
encourager leur implication dans lesdits secteurs. L'agriculture par exemple
est un domaine porteur pour la sécurité alimentaire des
ménages et le développement économique du Cameroun.
Malheureusement, elle ne suscite pas encore un engouement de la part des
principaux acteurs de développement (Etat, institutions
académiques, partenaires au développement, populations locales,).
Les communautés se mettent de plus en plus en groupes (GIC et GIE) pour
des projets d'agriculture. Un appui des OING que ce soit en termes de
renforcement des capacités ou d'assistance financière permettrait
aux populations d'améliorer de manière autonome leurs conditions
de vie.
7. 98
Accroître la visibilité des organisations et
de leurs actions
Si une organisation décide de s'installer dans un pays
et d'apporter son assistance à ses populations, elle devrait prendre
conscience de la nécessité de rendre compte non seulement aux
bailleurs de fonds, mais également aux autorités du pays
hôte et aux bénéficiaires de leurs actions. Il est curieux
de constater que certaines organisations qui dans leur principe de travail
prétendent « briser le silence et dénoncer les
atrocités » considèrent la moindre information les
concernant comme confidentielle. S'il est difficile de collecter des
informations auprès de pareilles organisations, on constate
également que leurs sites web n'en disent que très peu. Sans leur
demander de faire un tapage médiatique autour de leurs
réalisations, il est cependant important de communiquer, de rendre
visible leur présence et porter à la connaissance du public
camerounais les actions qui sont les leurs.
? Gouvernance et éthique
La question de la gouvernance est transversale et s'adresse
aussi bien aux OING qu'aux acteurs locaux.
8. Mettre la gouvernance et l'éthique au centre
de toute politique de développement
Si la mauvaise gestion de l'Aide Publique au
Développement (APD) a eu pour corollaire l'émergence des ONG
internationales au Cameroun, elle n'épargne non plus cette forme de
coopération bien que, dans ce cas, l'aide ne soit pas directement
adressée à l'Etat, preuve que celui-ci n'a pas le monopole de la
mauvaise gouvernance. Pour les OING, la gestion transparente des fonds est
d'autant plus importante que leurs ressources financières proviennent
soit des contribuables dans d'autres pays, soit des donations des particuliers
qui attendent des résultats. L'acquisition des systèmes de
gestion plus performants devrait être privilégiée afin
d'éviter toute distraction de fonds au niveau même de
l'organisation. Des procédures strictes devraient également
être mises en place afin de démanteler des circuits de fraude qui
existent dans certaines organisations et, des sanctions rigoureuses devraient
s'en suivre.
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