Paragraphe B) Environnement et partenariat
Evaluer l'effectivité de la participation des OING dans
le développement de la région du Centre nécessite que l'on
prenne également en considération non seulement l'environnement
dans lequel évoluent ces dernières, mais aussi la nature et
même la qualité des partenariats noués avec les divers
acteurs impliqués dans la réalisation de leurs différentes
actions.
1) Description de l'environnement
Dans le Centre, le cadre dans lequel se déploient les
diverses OING regorge de particularités et de spécificités
dont la nature se répercute systématiquement sur la
qualité et même la portée des actions menées. Ainsi,
il convient de dresser le portrait de cet environnement en ressortant
principalement ses aspects singuliers, aussi bien sur les plans juridique et
politique, qu'économique, voire social.
? Environnement politico-juridique
Du point de vue juridique, l'exercice des activités des
OING a connu une certaine évolution au cours de notre période
d'étude. En effet, ce n'est qu'en 1967 que la loi n°67/LF/19 du 12
juin 1967 sur la liberté d'association entre en vigueur. Elle constitue
alors le fondement de l'oeuvre des OING au Cameroun, et servira de
référence quant à leurs modalités d'existence et
même de fonctionnement, et ce, pendant plus d'une vingtaine
d'années. Suite au vent de démocratisation qui va souffler sur
l'ensemble du continent dans les années 90, la loi n°90/053 du 19
décembre 1990 sur la liberté d'association viendra abroger la
précédente. Elle opère une distinction entre d'une part
les associations étrangères (dont les OING) et les associations
religieuses qui sont soumises au régime d'autorisation, et d'autre part
les autres associations fonctionnant quant à elles sous le régime
de la déclaration.63 Elle sera modifiée et
complétée par la loi n°99/011 du 20 juillet 1999 qui
63 Loi N° 090/50 du 19 décembre 1990 sur
la liberté d'association au Cameroun, Op Cit.
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précisera que : « Les partis politiques, les
syndicats, les associations sportives et les organisations non gouvernementales
sont régies par des textes particuliers » (Article 5 (4)
nouveau).
? Environnement socio-économique
Le Cameroun est progressivement sorti de son évolution
politico-économique timorée des années 1960 pour engager
une décennie de croissance forte entre 1975 et 1986. Au cours de cette
période, il engage une tentative de modernisation et de
développement essentiellement basée sur l'action directe ou
indirecte de l'Etat. En dépit des transformations suscitées par
cette croissance, le Cameroun ne parvient pas toujours à utiliser de
manière optimale ses ressources agricoles ou minières (cacao,
café, coton, bois, pétrole, etc.) pour moderniser et diversifier
son économie et pour la faire asseoir sur un appareil industriel
modernisateur et mobilisateur. Progressivement, la crise s'installe entre 1985
et 1986, conduisant à un long processus d'ajustement structurel entre
1988 et 2008 dont le pays aura beaucoup de mal à sortir. En 1994,
dévaluation du Franc CFA contribuera à l'accentuation de la
détérioration économique du Cameroun. Même
après avoir récupéré une certaine marge de
manoeuvre avec l'atteinte du point d'achèvement de l'initiative PPTE en
mai 2006, le pays ne s'est pas toujours installé dans une
véritable stratégie autonome de sortie de la crise par une
politique économique de post-ajustement. Ces évènements
ont contraint le Pays à réaliser prioritairement les objectifs
d'équilibre des finances publiques, au détriment des
préoccupations d'industrialisation visant la création de la
valeur ajoutée et des besoins sociaux des populations.
2) Les différents
partenariats
Dans l'accomplissement de leurs diverses tâches, les ONG
n'agissent pas nécessairement de manière solitaire. Elles peuvent
s'associer soit à l'administration publique à travers ses
démembrements ministériels, soit à d'autres organisations
non gouvernementales, qu'elles soient internationales ou nationales, soit aux
organisations internationales (OI).
? Partenariat OING À Etat
Le partenariat avec l'Etat (départements
ministériels, services déconcentrés, collectivités
territoriales décentralisées) est primordial pour toute action
des ONG présentes sur le territoire national. En réalité,
la principale raison d'être de ces structures dans notre
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pays est de soutenir le gouvernement dans la
réalisation de ses principales missions, en vue de la promotion d'un
véritable développement économique et social. A cet effet,
elles se situent comme des partenaires privilégiés de l'action
gouvernementale dans leurs divers domaines d'intervention. S'il est vrai que le
mouvement associatif constitue un secteur à part entière ayant
ses propres structures et motivations, il est cependant
caractérisé par un intérêt constant pour les
politiques publiques L'étude réalisée montre que la grande
majorité de ces structures juge fructueux le partenariat avec l'Etat.
Les rapports entre les OING installées dans le Centre du pays et l'Etat
camerounais restent très dynamiques. Le fait que ces structures appuient
les autorités nationales dans leurs politiques de développement
ne remet aucunement en cause leur autonomie. En effet, les OING agissent
conformément à leur identité. Les résultats de
l'enquête ont montré que 64% de ces organisations étaient
de type anglo-saxon, c'est-à-dire que leur fonctionnement est
indépendant de leurs Etats d'origine. Le partenariat ainsi établi
est une collaboration égalitaire où chacune des parties apporte
sa contribution dans la poursuite des objectifs fixés. Dans le cas de
certaines structures assez spécialisées, elles effectuent un
travail d'expertise qui permet d'éclairer l'action publique et
préciser des pistes d'intervention claires. D'autres par contre
disposent d'une solide expérience et de capacités reconnues pour
des travaux de terrain.
Du point de vue financier, il a été
constaté que la majeure partie du financement de ces structures
provenait soit des fonds propres, soit des dons privés, soit des
financements octroyés par des organisations internationales pour la
réalisation des projets précis. Certes, l'Etat accorde des
subventions à travers ses départements ministériels qui
interviennent dans des domaines spécifiques, mais cette contribution
reste marginale. Les OING dans le Centre ont ainsi conservé toute leur
autonomie financière vis-à-vis de l'Etat.
Faire le constat d'une telle synergie n'exclue en rien
l'existence des points de discorde, de la perplexité, de la suspicion
entre ces deux entités. En réalité, il faut
reconnaître que la perception réciproque des acteurs OING/Etat a
évolué avec le temps. Si les débuts ont été
marqués par une certaine méfiance envers ces organisations
étrangères, ce climat quelque peu ombrageux a progressivement
cédé le pas à une amélioration et une harmonisation
des rapports. Néanmoins, les procédures règlementaires et
administratives constituent encore un obstacle pour certaines organisations qui
les trouvent complexe, bien que la plupart des responsables se réservent
de les commenter. La question de la gouvernance reste également un point
soucieux pour les OING qui financent des activités menées par
l'Etat dans le cadre de ce partenariat.
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? Partenariat OING À OING
Outre la collaboration qu'elles établissent avec
l'Etat, ces structures ont mis en place des partenariats avec d'autres OING,
afin de mener des actions coordonnées, et donc plus efficaces, quoi que
cette forme de collaboration soit plutôt timide. Plusieurs causes peuvent
justifier un tel rapprochement. D'une part, la nature toujours limitée
des budgets face aux activités à mener. En réalité,
les tâches à exécuter demandent la mobilisation de moyens
colossaux en termes financiers et logistiques. En plus, il est fréquent
de remarquer que plusieurs organisations interviennent dans des domaines
très similaires. Afin de promouvoir une utilisation plus efficiente de
leurs ressources, chacune se consacre alors à des tâches
spécifiques, mais complémentaires à celles
effectuées par les autres.
D'autre part, le rapprochement entre ces différentes
structures peut s'expliquer par la pluralité des leurs
compétences. Puisqu'elles interviennent dans des domaines variés,
une seule d'entre elles ne pourrait couvrir complètement un projet qui
nécessite des expertises diverses. Alors chacune y participera selon ses
compétences.
Toutefois, il faut relever que cette collaboration n'a pas
toujours été de mise. En effet, elle a été quelque
fois perturbée par la course aux financements qui amenait les OING
à se cacher mutuellement des informations sur les bailleurs, les fonds
alloués aux projets, etc. Cependant, quelques responsables d'OING nous
ont rapporté que ces relations se sont améliorées au fil
du temps. En effet, ces acteurs comprennent de plus en plus la
nécessité d'une meilleure coordination de leurs actions.
Sous l'initiative de Barro Famari, Directeur National de Plan
Cameroon, un forum de concertation des OING a été crée au
Cameroun 2012 et vise entre autres le partage des informations, la coordination
des actions, le renforcement des capacités du personnel des
organisations membres. Il s'agit jusqu'ici d'un regroupement informel,
accessible à toutes les OING opérant au Cameroun.
A côté de ces formes de collaboration
sus-évoquées, un autre type de partenariat liant OING et OI prend
progressivement de l'ampleur.
? Partenariat OING - OI
Dans le cadre de cette étude, nous entendons par OI,
principalement la Banque Mondiale et certaines organisations du système
des Nations Unies. Le partenariat OING À OI est très
développé au Cameroun surtout pour des organisations (OING et OI)
qui interviennent dans les mêmes domaines.
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Nous avons ici quelques exemples de projets qui sont le fruit
d'un partenariat OING-OI réalisés pour certains dans la
région du Centre et autres régions du Cameroun pour d'autres : le
Projet Violence Against Girls financé par ONU Femmes et mis en oeuvre
par Plan Cameroon ; le Projet d'Appui au Secteur Educatif au Cameroun,
financement de la Banque Mondiale au gouvernement camerounais et mis en oeuvre
par plusieurs OING entre autres Plan Cameroon, Catholic Relief services ; le
Projet d'Assistance aux refugies urbains de Yaoundé et ses environs,
financé par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les
Réfugiés et mis en oeuvre par Plan Cameroon, pour ne citer que
ceux-là.
Cette autre forme de partenariat prend de l'ampleur et
concerne des projets aux ressources considérables. On constate ainsi une
certaine complémentarité entre les organisations nées de
conventions internationales et les organisations qui sont des entités
non étatiques. Dans cette forme de partenariat, les OI fournissent les
ressources financières tandis que les OING se chargent de la mise en
oeuvre du projet.
S'il est vrai que l'étude de la participation effective
des OING au développement de la région Centre du Cameroun passe
par une catégorisation de ces dernières et les rapports qu'elles
entretiennent avec leurs différents partenaires, la prise en compte des
actions concrètes qu'elles réalisent constitue la clé de
voûte de cette analyse.
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