2) Sur le plan national
Au Cameroun, le cadre réglementaire des ONG
résulte d'une lente évolution, l'Etat autoritaire ayant par le
passé limité leur champ d'action et exercé un
contrôle politique étroit sur l'ensemble de leurs
activités. Avant l'indépendance, les organismes d'aide au
développement et les organisations paysannes présentes au
Cameroun et régis par la loi des colonies ou la loi française de
1901 sur les associations avaient une activité très peu
structurée.
? Un premier cadre légal soumis au «
régime d'Etat » : la loi N° 67/LF/19 du 12 Juin
1967
Le cadre légal d'exercice des organisations non
étatiques résulte d'une lente évolution. Il a
été régi par la loi n° 67-LF-19 du 12 juin 1967
portant organisation des libertés d'association et stipulait que, toute
organisation désireuse d'avoir un statut légal au Cameroun devait
non
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seulement être déclarée par ses membres,
mais aussi être reconnue et approuvée par les autorités
publiques. Basile KENMOGNE36 estime que la procédure
prévue par la loi n'a pas donné la possibilité aux
associations paysannes de se développer. Seules les ONG occidentales,
disposant de ressources financières conséquentes, d'un personnel
qualifié et surtout jouissant de la caution morale de leur pays
d'origine ont pu obtenir assez facilement des autorisations d'exercer.
? Un nouveau cadre légal : Constitution de 1972
37 et loi N° 90/053 du 19 décembre 1990 portant
sur la liberté d'association.
La première empreinte contemporaine qui fait office de
socle à cette législation est la garantie constitutionnelle de la
liberté d'association. En effet, il est indiqué dans le
Préambule de la Constitution camerounaise que la liberté
d'association est garantie dans les conditions fixées par la loi, et ce
à deux niveaux : d'une part, elle a constitutionalisé la DUDH et
la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples au niveau de son
préambule. D'autre part, malgré l'applicabilité directe de
la liberté d'association à partir du préambule de la
constitution, celle-ci a l'expressément consacrée en ces termes
précis : «La liberté de communication, la liberté
d'expression, la liberté d'association f...] sont garantis dans les
conditions fixées par la loi».
De plus, la loi de 1990 sur la liberté d'association en
fait « la faculté de créer une association, d'y
adhérer ou de ne pas y adhérer. Elle est reconnue à toute
personne physique ou morale sur l'ensemble du territoire national »
38 . A en croire, Basile KENMOGNE, le Gouvernement camerounais,
confronté à la crise de la fin des années 1980,
encouragé par une société civile certes embryonnaire mais
très active en matière de défense des droits
économiques et sociaux, et sous l'effet des revendications politiques, a
adopté en 1990 cette loi qui complète celle de 1967 sans pour
autant céder certaines de ses prérogatives à la
société civile. Le contexte d'apaisement et le climat de
sécurité créés à la suite de la promulgation
de la loi n°90/050 du 19 décembre 1990 favorise donc
l'éclosion de plusieurs regroupements au sein de la
société civile
36 KENMOGNE Basile, La politique camerounaise en
matière d'ONG, op.cit.
37 Cette constitution a été
révisée le 18 janvier 1996.
38 Loi N° 90/053 du 19
décembre 1990 portant sur la liberté d'association au Cameroun,
article 1er.
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camerounaise. Eric OWONA NGUINI39 y
reconnaîtra d'ailleurs une modernisation des lois et règlements
régissant les libertés publiques au Cameroun.
Seulement, les lois de 1967 et de 1990 évoquent
respectivement les droits d'association et les libertés d'association
sans aucune mention de la notion d' « ONG ». Toutefois, bien que la
loi de 1990 soumette les associations aux régimes de déclaration
ou d'autorisation, elle peut être considérée comme une
« victoire de la démocratie » car plus libérale,
considérant la déclaration comme autorisation de
déploiement sur le terrain avant l'agrément des autorités
publiques. Bien évidemment, les ONG remettent en question cette loi qui
ne comporte pas suffisamment de garanties légales pour l'exercice de
leurs activités et perçoivent le fait de placer les associations
sous la tutelle du MINATD comme une volonté de les coiffer du
contrôle gouvernemental.
? La loi N° 99/014 du 22 décembre 1999
régissant les organisations non gouvernementales au Cameroun
Pour saisir la quintessence même de ce qui est
considéré comme ONG au Cameroun, il convient de rappeler le cadre
juridique auquel leurs promoteurs sont invités à se conformer.
Cette loi de 1999 précise le concept, la typologie ainsi que
l'organisation et le fonctionnement de celles-ci. Elle en régit la
création, l'exercice de leurs activités (article 1), sans
être restrictive sur l'accès au statut d'ONG. En outre, elle donne
également la possibilité de créer une ONG unipersonnelle.
Ce nouveau cadre juridique devrait permettre aux ONG d'entretenir de meilleures
relations avec l'Etat en leur laissant ainsi la possibilité de se
consacrer entièrement à leurs projets de développement.
Cependant, plusieurs indices permettent de penser que l'Etat continue de garder
un contrôle sur ces organisations (article 3). Les associations
étrangères auxquelles l'autorisation est refusée ou
retirée doivent cesser immédiatement leurs activités et
procéder à la liquidation de leurs biens dans le délai de
trois mois à compter de la date de notification de la
décision.
On perçoit certes dans les cadres spécifiques
une volonté d'autonomiser les ONG et leur donner la possibilité
d'être actifs pour autant que cette existence et leurs actions soient
soumises à un contrôle à la fois à priori et
à postériori. Jusqu'en mars 2001, les ONG sont restées
dans l'attente du décret d'application de cette loi, décret
finalement publié le 03 mai 2001.
39 OWONA NGUINI Mathias Eric, la
légitimité et la crédibilité des OSC dans le
nouveau contexte camerounais issu de la tripartite in atelier partenaires
techniques et financiers (PTF) sur les acquis de la société
civile camerounaise, Yaoundé, 27 et 28 mai 2010.
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