Section II) La structuration de la solidarité
humaine à l'échelle internationale
La solidarité humaine est passée du devoir divin
d'aider son prochain à la conception occidentale de civiliser et de
développer l'hémisphère Sud pour aboutir à une
prise de conscience par la communauté internationale de la
responsabilité d'apporter une assistance multiforme à ses membres
dont le besoin se fait sentir.
La notion de « Communauté internationale »
est régulièrement employée par ceux qui commentent ou
analysent l'actualité internationale et qui veulent rendre compte des
liens plus ou moins profonds qui unissent les acteurs de la scène
mondiale. Si l'on voit à peu près à quoi elle fait
référence, des précisions peuvent être
nécessaires. La communauté internationale dénonce, la
communauté internationale condamne, la communauté internationale
décide... Tout près de la « communauté internationale
», un autre terme est souvent utilisé et prête à
équivoque, il s'agit de la « Société internationale
». Une distinction devrait donc être établie. La
société internationale semble structurer durablement les
relations internationales alors que la communauté internationale ne se
manifeste que lors des circonstances particulières. Toutefois, les deux
termes renvoient à l'idée d'une identité collective, mais
diffèrent par les fondements et les moyens de fonctionnement. La
compréhension de cette structuration passe par l'analyse de l'approche
sociologique de la notion de communauté internationale (A) ainsi que
celle du couple communauté internationale et solidarité
internationale (B).
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Paragraphe A) L'approche sociologique de la notion de
« communauté internationale »
En effet, l'idée de société transcrit un
schéma reposant sur des interactions et des interdépendances
fonctionnelles, qui s'établissent parfois contractuellement, entre les
membres et par nécessité, pour faire face à un
problème ou répondre à un besoin. Par exemple, la
société internationale réglemente ses échanges
commerciaux à travers l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), comme
elle réglemente les rapports en matière de santé à
travers l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Ces organisations lui
permettent d'établir des principes de stabilité, de
sécurité, de régularité et de permanence du
système économique ou sanitaire. S'exprime à travers cette
notion de société internationale le couple
puissance/responsabilité, qui rend compte de la réalité du
monde dans ses aspects institutionnels et interétatiques. La
société internationale est donc mieux perçue comme cet
ensemble d'institutions dotées d'une personnalité juridique, et
reconnues aux niveaux national et international à travers lesquelles les
hommes établissent et font respecter des consensus.
Quant au terme « Communauté internationale »,
il n'existe pas de ligne précise définissant à partir de
quel moment il y a intervention de la communauté internationale dans une
affaire locale. De plus, le nombre de pays n'est pas un critère
suffisant, l'expression sous-entendant que les pays se mêlant de
l'affaire représentent un poids important dans la politique
internationale. De même, la question de la reconnaissance par la
communauté internationale de l'indépendance d'un État
n'est pas très précise, puisque souvent un État cherchant
à établir son indépendance est reconnu ou non suivant les
intérêts politiques des autres.
On rencontre souvent l'expression « la communauté
internationale est divisée » quand des blocs ou pays importants
s'expriment en sens contraire au sujet d'une question internationale (tel
l'avis mitigé sur la guerre en Irak). En fait, on peut parler de
division de la communauté internationale quand les pays les plus
influents tels que les États-Unis, la Russie ou la Chine s'opposent au
reste de l'Organisation des Nations Unies (ONU). Elle désigne donc de
façon imprécise un ensemble d'États influents en
matière de politique internationale. Elle peut également
désigner :
? les États membres de l'ONU, ce qui représente
la quasi-totalité de la planète;
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? les seuls États membres du Conseil de
sécurité des Nations Unies (plus précisément, les
cinq membres permanents) ;
? ou bien les « groupes », partenariats entre pays
économiquement puissants, sans lien avec l'ONU tels que le
G829 ou le G2030.
Ce terme renvoie davantage à l'élan de
solidarité qui anime de manière sporadique les acteurs du paysage
planétaire, lorsqu'ils décident de prendre en charge de
manière commune le devenir du monde. Cette notion traduit en quelque
sorte une exigence morale, en ce qu'elle suppose l'existence de dispositions
communes, de valeurs fortes et structurantes partagées par le plus grand
nombre. Le combat pour la paix et la sécurité internationales ou
pour les droits de l'homme constitue, entre autres, l'un de ces moments forts
où la communauté internationale tend souvent à s'exprimer
de manière unie.
Comme certains juristes qui considèrent que la notion
de « communauté internationale » ne repose sur aucun fondement
juridique, les approches pluralistes et réalistes des Relations
Internationales (Kenneth WALTZ, etc.) tendent à concevoir la
communauté internationale comme un concept inutile et
dénué de sens. Par contre, d'autres approches, davantage
constitutionnalistes, qui insistent sur l'universalisme de certaines valeurs,
le cosmopolitisme ou/et le multilatéralisme, tendent à penser la
communauté internationale comme horizon régulateur possible du
droit.
En effet, l'approche sociologique de la notion de
communauté internationale permet de comprendre dans quelle mesure des
acteurs autres que les Etats (les individus ou groupes d'individus) peuvent
être appelés à devoir soulager de leurs souffrances
d'autres individus ou groupes d'individus situés à des milliers
de kilomètres d'eux. En fait, il faut noter que la communauté
internationale est un ensemble lié par des éléments
affectifs (valeurs partagées, et aussi peurs et menaces communes).
Malgré une approche purement nationale réservée à
certains problèmes, dans le contexte mondial actuel,
l'interdépendance entre les communautés s'affirme
29 Le G8 (Groupe des huit) est un groupe de discussion et de
partenariat économique de huit pays parmi les plus économiquement
puissants du monde. Ce sont : les États-Unis, le Japon, l'Allemagne, le
Royaume-Uni, la France, l'Italie, le Canada et la Russie.
30 Le G20 (Groupe des vingt) est un groupe de
concertation internationale constitué des 19 pays suivants et de l'Union
Européenne : L'Afrique du Sud, l'Allemagne, l'Arabie Saoudite,
l'Argentine, l'Australie, le Brésil, le Canada, la Chine, la
Corée du Sud, les Etats-Unis, la France, l'Inde, l'Indonésie,
l'Italie, le Japon, le Mexique, le Royaume-Uni, la Russie et la Turquie.
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de plus en plus comme une donnée sociale, politique et
économique. Ainsi, « que nous le voulions ou non, le
système international contemporain est confronté à des
problèmes sans cesse plus nombreux qui affectent l'humanité dans
son ensemble, de sorte que les solutions de ces problèmes doivent
inévitablement être internationalisées
»31. La nouvelle nature internationale des
problèmes et enjeux auxquels fait face l'humanité exige des
différents artisans de la paix, des politiques qui aillent bien
au-delà des considérations géographiques. C'est pourquoi,
face aux défis que constituent la promotion de la paix et la
sécurité internationales, la protection de l'environnement, la
lutte contre le Sida ou le contrôle du nucléaire, et dont le
caractère mutuel des intérêts n'est plus à
démontrer, la communauté internationale doit avoir une vision
globale pour réagir de manière consensuelle. Consciente de ces
défis, elle se mobilise de plus en plus à travers plusieurs
politiques qui semblent être à la base du déploiement des
ONG internationales dans certains pays. Il apparaît de plus en plus juste
de parler aujourd'hui d'une relation forte entre la communauté
internationale et la solidarité internationale.
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