ANNEXE 5 :
ARTICLE
Année
Académique 2016-2017
VENTES ILLICITES DE TERRES ET
CONFLITS INTRAFAMILIAUX DANS LA TRIBU SIAN
KANA Jean Noel Pacôme
Doctorant en Criminologie, option : sociologie
criminelle
Université Felix Houphouët Boigny d'Abidjan
Pacomekana@gmail.com
08.66.34.11
45.94.46.63
Résumé : Cette
étude vise à rechercher le lien entre ventes illicites des terres
et conflits intrafamiliaux dans la tribu Sian. Elle s'appuie sur la
théorie de l'acteur de Blumer (1969) qui postule que pour comprendre le
comportement humain (relations foncières conflictuelles), il faut
recourir à la signification que les personnes donnent aux choses (terre)
et à leurs actions (ventes illicites).
Cette enquête a été effectuée
auprès d'une population de 190 individus repartis selon les
catégories (autorités coutumières, administratives,
pénales et ruraux et cultivateurs) dans les 16 villages que constitue la
tribu Sian. L'usage des techniques telles que l'observation et les
différents entretiens, a permis de répondre aux questionnements
de l'étude.
Au demeurant, les données issues du terrain ont permis
de noter que d'une part, les héritiers désignés des
terres familiales disposent de nombreux pouvoirs familiaux dont ils abusent
pour brader les terres familiales aux allochtones. D'autre part, que les
autres membres de la famille, frustrés par ces ventes illicites, bradent
à leur tour, les portions restantes ou le cas échéant,
revendiquent par des moyens physiques et mystiques leur part d'héritage
foncier.
MOTS CLES : vente - illicite - terre -
conflit - intrafamilial
Abstract: This study aims to investigate the
link between illegal land sales and intra-family conflicts in the Sian tribe.
It is based on the theory of the actor of Blumer (1969) who postulates that in
order to understand human behavior (conflicting land relationships) one must
resort to the meaning that people give to things (earth) and to their actions
Sales).
This survey was carried out among a population of 190
individuals divided into categories (customary, administrative, criminal and
rural authorities and farmers) in the 16 villages of the Sian tribe. The use of
techniques such as observation and the various interviews, allowed to answer
the questions of the study.
On the other hand, data from the field made it possible to
note that, on the one hand, designated heirs of family land have many family
powers which they abuse to sell off family land to non-natives. On the other
hand, other members of the family, frustrated by these illicit sales, brave in
their turn, the remaining portions or, if need be, claim their share of land
inheritance by physical and mystical means.
KEY WORDS: sale - illicit - land - conflict -
intrafamilial
I. Introduction
Les mouvements migratoires constituent un sujet d'étude
central qui veut comprendre les logiques de développement du monde rural
(Merabet, 2006).
Ainsi, longtemps considérée comme le
« moteur » de l'économie ouest-Africaine,
la Côte d'Ivoire a orienté dès son accession à
l'indépendance, sa politique socio-économique sur l'exploitation
forestière et la production agricole avec un accent particulier sur les
cultures de rentes telles que le café et le cacao (Club UA-CI, 2010),
favorisant ainsi des vagues d'immigration externe des populations vers les
zones forestières dans le but de construire un Etat moderne (Gnabeli,
2007). Cette ruée vers les terres nationales va créer une
certaine anarchie dans l'occupation des parcelles et générer des
conflits entre exploitants ruraux (Merabet, 2006; Gausset, 2008).
Dans cet esprit, de nombreuses populations vont
déserter leur zone d'occupation au profit de zones plus fertiles et
moins engorgées du sud-ouest (Club UA-CI, 2010) telles que Sinfra. La
terre dans cette localité constitue désormais un enjeu
économique, social et politique notable (Lasserve et Le Roy, 2012) pour
les autochtones et les migrants si bien que l'installation des allochtones, les
procédures d'octroi et de vente des terres s'est effectué selon
des procédures variantes et mitigées (Deluz, 1965 ;
Meillassoux, 1964). Ces transactions élaborées entre les
autochtones gouro et les allochtones s'effectuaient de gré à
gré ou figuraient sur des « petits
papiers » sous forme de marchandisations imparfaites (Chauveau,
1997 ; Lavigne, 1998). Cette forme d'octroi des terres à ces
premiers migrants, a provoqué des vagues de migrations croissantes de
nouveaux allochtones cherchant des terres fertiles pour l'amélioration
de leur condition de vie (Gausset, 2008 ; Kouamé, 2013).
Relativement, la localité de Sinfra a été
confrontée à de fortes pressions anthropiques (Zadou, Kone,
Kouassi, Adou, Gleanou, Kablan, Coulibaly et Ibo, 2011) et se présente
comme un lieu de tensions, de conflits entre parents et enfants, entre
aînés et cadets dans la gestion des terres familiales (Bologo,
2006) fortement recherchées par ces allochtones. Les autochtones y
seraient de plus en plus enclin à des ventes illicites des espaces
familiaux au profit de ces nouveaux migrants allochtones et
simultanément procèderaient à des retraits
systématiques des terres que leurs parents avaient cédées
aux allochtones (Ibo, 2005). C'est cette question qui sera au centre de notre
préoccupation dans cet article.
Il s'agit de rechercher et comprendre le lien qui existe
entre les ventes illicites des parcelles dans la tribu Sian et les conflits
fonciers intrafamiliaux. A cet objectif, nous postulons en amont qu'il existe
une relation causale entre ventes illicites des terres et les conflits
intrafamiliaux dans la tribu Sian.
La théorie de l'acteur de Blumer semble répondre
aux besoins de cette recherche. En effet, pour Blumer (1969), le comportement
humain ne peut se comprendre et s'expliquer qu'en relation avec les
significations que les personnes donnent aux choses et à leurs actions.
Partant de là, la signification des actions de ventes illicites des
terres familiales à Sinfra aurait une signification différente
pour l'acteur agissant, l'acteur subissant ou l'observateur parce qu'elle
s'enracinerait dans une situation unique et individuelle avec les effets de
subjectivité dans l'appréciation des situations. On ne pourra
donc comprendre la question des ventes illicites de terres et les
revendications sous forme violente au sein de l'institution familiale à
Sinfra, que par la recherche de la signification que d'une part la terre
représente pour les uns et d'autre part, que les ventes illicites des
terres familiales représentent pour les autres.
Quelle relation existe-t-elle entre ventes illicites des
terres et conflits intrafamiliaux dans la tribu Sian ? A cette question
principale, découlent des questions secondaires : Qui hérite
des terres familiales ? Quelle est la marge d'exercice de son
autorité au sein de la structure familiale ? Quelles sont les
configurations de ces ventes illicites ?.
Ce travail s'articulera donc autour d'une approche
explicative de la gestion des terres familiales et des ces conflits au sein de
l'institution familiale.
Cette contribution sera organisée autour des points
suivants : pouvoirs et limites de l'héritier des terres (1), types
de ventes illicites (2), processus de vente (3) et les moyens de revendication
utilisés par les autres membres de la famille (4).
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