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La gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones dans le département de Sinfra


par Jean Noel Pacôme KANA
Université Félix Houphouet Boigny d'Abidjan - Doctorat en Criminologie 2019
  

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La loi n° 98-750 du 23 décembre 1998 relative au domaine foncier rural telle que modifiée par la loi n° 2004-412 du 14 août 2004 est l'instrument juridique à partir duquel le constat d'existence continue et paisible de droits coutumiers donne lieu à délivrance par l'autorité administrative d'un Certificat Foncier collectif ou individuel (art 8).Elle est organisée autour de cinq chapitres : définition et composition du domaine foncier rural (chapitre 1), propriété, concession et transmission du domaine foncier rural (chapitre 2), mise en valeur et gestion du domaine foncier (chapitre 3), dispositions financières et fiscales (chapitre 4), et dispositions transitoires (chapitre 5) et chaque chapitre est scindé en deux sections.

Cette loi en effet, même s'il est vrai qu'elle reste et demeure le seul instrument juridique pour règlementer la question du foncier en Côte d'Ivoire, force est de reconnaître qu'elle s'attarde sur la définition du domaine foncier, les conditions de sa mise en vigueur et comme toujours, met en évidence les dispositions financières pour asphyxier davantage financièrement les planteurs désireux de se faire établir des titres de propriété. Mais en ce qui concerne la question de la résolution des conflits de terre, gage du développement pacifique des interactions rurales, cette loi et ses éditeurs démissionnent. De ce fait, les conflits fonciers naissent et s'intensifient (104 conflits identifiés chaque année par le chef de la tribu Sian) en opposant les principales populations sédentaires du terroir local en général (autochtones et allochtones) ou plus précisément celles de Sinfra et ce, sous le silence complice des législateurs et de la loi foncière de 1998 qui ne tient pas compte des besoins de gestion des conflits. Ainsi, loin de vouloir régler la question des conflits fonciers en prenant en compte les modalités d'acquisition ou d'attribution des terres, des configurations du phénomène pour poser les bases normatives de la gestion, les législateurs se sont limités seulement en la désignation du foncier rurale et des conditions financières pour se faire immatriculer les terres.

Par ailleurs, avec cette démission plurielle (législateurs, société civile,...), les procédures de gestion des conflits fonciers restent focalisées sur un jumelage improvisé entre pratiques culturelles et normes jurisprudentielles, traduisant une forte probabilité d'échec de la gestion desdits conflits.Les populations s'en remettant aux acteurs les plus habilités à régler leur question (acteurs coutumier, acteurs de l'administration locale, acteurs de la justice), se retrouvent encore en conflits pour des raisons de partialité, de frustration et de sentiment de dépossession foncière.

Dans le cadre coutumier, les acteurs de gestion s'inscrivent dans une dynamique culturelle et ancestrale. Mais dans le cadre administratif ou moderne, les acteurs ne disposent d'aucun instrument de gestion et se fient à leur intuition, instinct ou autre, immergeant l'ensemble des protagonistes dans un vaste univers subjectif et d'interprétations personnalisées.

5.2.2 Ingérence des autorités gouvernementales dans la gestion des conflits fonciers

Les investigations menées à Sinfra ont permis de comprendre que les autorités extra-locales ou gouvernementales ont tendance à s'impliquer à tort ou à raison dans le processus de gestion des conflits fonciers.

Outre ce fait, nous pouvons noter que les conflits post-électoraux à la fois ethnicisés et communautarisés à Sinfra, ont attisé les divergences sociales et surtout foncières avec une présence quasi permanente et dans des dimensions occultes « des élus politiques gouvernementaux» qui, intentionnellement ou non, ont entretenu un climat de méfiance réciproque entre ces peuples sédentaires.

Nous pouvons illustrer ces propos par un récit relaté par R., un autochtone de Digliblanfla (entretien de Janvier, 2016) concernant un conflit foncier, qui depuis 2011 n'a encore été solutionné.

Selon l'enquêté R., ce conflit qui remonte à 1960, oppose le chef du village Digliblanfla G. à un ressortissant nordiste. En effet, en 1960, le père de G. a octroyé gratuitement 12 hectares de forêts à un ami malinké sous le système de tutorat. Quelques années plus tard, le malinké se suicide sous prétexte que sa femme l'aurait cocufié en raison de ses difficultés à procurer.

En 1983, soit 23 ans plus tard, des feux de brousse ont embrasé les cultures du défunt malinké. En 1996, le père de G. procéda au partage de ses parcelles de terre à ses enfants, y compris celle, anciennement octroyée au défunt (celui n'avait pas de descendant). Aussitôt, des travaux ont été entrepris par les fils dont G., de sorte à en faire un champ de cacao. Mais en avril 2011, c'est-à-dire après les violences post-électorales,des hommes armés arrivent dans le village Digliblanfla et se saisissent de G. Ces hommes lui demandent de restituer l'espace qu'il cultivait illégalement puisque «  le défunt était l'ami à notre père, donc il nous a légué l'espace » (propos recueilli auprès d'un de ces hommes au cours d'une séance d'explication initiée par les magistrats de la cour d'appel de Daloa).

Toutefois, bien que ces hommes estimaient être les « héritiers », ils ne connaissaient ni l'emplacement de cette terre, encore moins la superficie ou les limites. G. refusa de les y conduire. Donc ces hommes le battent sévèrement et exigent une rançon de 160.000F prétextant représenter l'amende pour utilisation illégale d'espace et un enfermement dans une prison improvisée dans les locaux de la gendarmerie de Sinfra.

Ainsi,  sous l'effet des coups et des menaces, G. conduit ses geôliers sur l'espace en question.

L'administration locale (à travers les différentes structures) qui avait déserté pendant la période conflictuelle, a quelques mois plus tard été saisie du dossier. Pendant cette période alimentée par violences post-électorales, la majorité des autorités de la localité se sont successivement auto-dessaisies du dossier, craignant d'éventuelles représailles de ces hommes armés. Elles ont porté l'information à leurs supérieurs hiérarchiques qui l'ont eux aussi, transmise au Président de la République actuel, qui a aussitôt ordonné la restitution de l'espace à G.

Ce verdict présidentiel a été célébré comme une fête dans la plupart des villages du département.

Toutefois, les gendarmes chargés de veiller à la matérialisation de la décision présidentielle ont, sur le terrain, démissionné car, refusant de s'engager sur « un espace méconnu pour eux, et contre des adversaires armés, qui maitrisent désormais le terrain » (Propos recueilli auprès d'un gendarme, 46 ans, MDL chef).

Depuis lors, l'enquêté N. (cultivateur à kouêtinfla, entretien de Février 2016) affirme que « ces hommes récoltent les cabosses plantés par la famille G. ».

En 2014, quelques élus, informés par la communauté villageoise autochtone ont saisi la justice de Sinfra, qui après délibération a exigé la restitution de l'espace à G. Mais, en dépitde ce second jugement en faveur de G., l'enquêté R. affirme que « ces hommes ont fait appel de cette décision à la cour d'appel de Daloa ».

Les échanges que nous avons sollicités et obtenus auprès du magistrat en charge de l'instruction, ont révélé un harcèlement quasi-quotidien de celui-ci de part et d'autre des acteurs en conflit et à travers eux, des communautés en conflit. Ce magistrat (49 ans, Juge d'instruction à la cour d'appel de Daloa, entretien de Septembre 2016) affirme «  recevoir au quotidien des appels de ruraux, d'élus locaux et gouvernementaux pour que l'instruction soit orientée en leur faveur ». Jusqu'à ce jour, cette enquête est toujours en cours.

5.2.3 Facteurs démographiques

Pour K. (planteur à Koumoudji, entretien de Mai, 2016) « avant pour régler un problème de terre, ça ne prenait pas beaucoup de temps parce qu'il n'y avait pas beaucoup de personnes chez et chez les wouobin ». De ces propos, il ressort que la gestion rencontrait moins de difficultés dans un contexte de faible démographie et de faibles flux migratoires. Aujourd'hui, avec la croissance démographique des populations autochtones, les migrations allochtones et les migrations de transhumants, la gestion des conflits fonciers n'est plus en raison le nombre d'acteurs en présence, des implications, des enjeux économiques,....Bref, la gestion est inscrite dans un champ social où les acteurs et les enjeux économiques et la protection des acquis ou la consolidation des biens fonciers sont fréquents.

Comment s'est donc présentée cette évolution démographique aux yeux des enquêtés pour que ceci influence la gestion des conflits fonciers à Sinfra ?.

v Accroissement rapide des populations autochtones

Selon le Dr N., (53 ans, médecin généraliste à l'hôpital général de Sinfra, entretien effectué en Septembre 2015) « Nous recevons depuis quelques années, un nombre de naissances qui va augmentant. Le taux de natalité est passée de 5 à 9 naissances/ jour dans l'intervalle 2004-2014, soit environ 3.285 naissances/an ».

Dans ces propos, il faille noter que le département de Sinfra connait un taux de natalité important sur ce territoire aux dimensions statiques (1618 km²). Cette croissance démographique déjà linéaire (186.864 habitants en 2001) conjugué à ce taux de natalité sur une superficie départementale statique de 1618km², donne un ratio habitants/ superficie de 115 habitants/km². Dès lors,le contexte rural et foncier actuel de Sinfra serait caractérisé parune forte densité de population (115 habitants/km².), contrainte d'exercer sur des espaces de plus en plus réduits du fait de la demande foncière sans cesse croissante de cette population native. La matrice du paysage, initialement constituée de forêts denses et clairsemées, s'est progressivement modifiée par ce nombre remarquable d'agriculteurs autochtones, laissant ainsi place à une savanisation du paysage, une fragmentation de l'écosystème forestier.

Ces changements sont principalement dus à des perturbations anthropiques (constructions de villages, défrichements abusifs). L'accroissement rapide des populations autochtones de Sinfra et les pratiques agricoles non durables ont modifié les modalités d'occupation du sol dans le département. Les écosystèmes forestiers ont été substitués au fil du temps, par des écosystèmes anthropisés menaçant alors la biodiversité de cette zone.

Relativement, on assiste à un processus d'avancée progressive des espaces de culture qui frisent les bordures de pistes villageoises, un surpâturage des espaces, une savanisation progressive des grands espaces forestiers qui caractérisaient la région forestière de Sinfra.

Toutefois, la conséquence première de cette augmentation rapide de la population autochtone (majoritairement agricole) sur le même espace (superficie départementale n'augmente pas) est le mode d'exploitation abusif de la terre, des défrichements massifs de portions et des techniques axées sur le brulis, avec une fréquence quasi nulle de la jachère. Cette exploitation abusive de la terre à Sinfra a infertilisé le sol à telle enseigne que les champs de ces occupants sont aujourd'hui de moins en moins productifs.

Relativement, un représentant local de l'Agence Nationale d'Appui au Développement Rural (Mr S. conseiller au développement rural et des techniques de production agricoles, entretiens de Décembre 2015) pense que « les terres locales sont de moins en moins fertiles en raison de leur utilisation abusive, de la non-intégration des engrais et de l'usage des techniques sur brûlis, peu recommandés aux usagers ruraux ».A cette information, les ruraux de Béliata disent être conscients du risque d'infertilisation des terres dans l'usage des méthodes indiquées ci-dessus, mais affirment ne pas avoir le choix, puisqu'ils devraient surexploiter le sol en vue de subvenir aux besoins de leurs familles. En ce sens, l'enquêtée B. (35 ans, ménagère à Djamandji ; entretiens de Mai 2016) affirme « nous avons de petits espaces de cultures, nous sommes donc obligés de les surexploiter pour faire nos plantations. De plus, la méthode sur brûlis est rapide et pratique ».

Aussi, le climat de méfiance qui s'est installé depuis peu entre autochtones, allochtones et transhumants, compromet-t-il aujourd'hui les vieilles pratiques partenariales, amicales et tutorales entre ces peuples sédentarisés. Lequel climat semble inquiéter à la fois les détenteurs de biens pécuniaires (allochtones) et les détenteurs de biens fonciers (autochtones), comme le soulignent certains enquêtés. Ainsi, pour Z. (34 ans, planteur à Djamandji, entretiens de Décembre 2015) « on vivait ensemble avec les étrangers de chez nous, mais depuis moins d'une dizaine d'années, de nombreux problèmes de terre ont commencé à nous diviser. Parmi ces problèmes, de nombreux ont été sanglants, alors que cela ne devait jamais arriver entre un propriétaire et son étranger ; du coup la méfiance s'est installée entre nous au point où l'on se demande si c'était une bonne idée de les accepter chez nous ».

Des propos que semblent attester certains transhumants guinéens et maliens de la zone : « aujourd'hui, pour avoir un petit coin pour travailler, c'est dur hein. Souvent les gouro là refusent l'argent qu'on leur donne. Vraiment, la situation ne nous arrange pas ». On assiste donc à un flou social entre des actions conjointes d'expropriation des allochtones et de récupération de ces espaces pour ceux qui disposent des terres, et d'appropriations par méthodes souterraines, occultes sous forme de marchandisations imparfaites, démagogiques et clientélistes pour ceux qui ont le pouvoir d'achat.

v Migrations croissantes des allochtones

La période de colonisation ivoirienne a été révélatrice d'énormes potentialités naturelles en Côte d'Ivoire (richesse des sols, pluralité d'essences forestières). De ce fait, une politique d'exploitation agricole intensive a été mise en place par les colons, nécessitant ainsi, une forte main-d'oeuvre sous régionale, recrutée des espaces de l'Afrique Occidentale Francophone. Dès son accession à l'indépendance, les autorités d'alors se sont inscrites dans cette même logique en vue de bâtir un Etat économiquement fort, sur des fondements essentiellement agricoles, faisant de l'agriculteur, l'un des principaux artisans du développement économique ivoirien.

Les efforts salutaires consentis dans ce secteur ont certes permis de hisser la Côte d'Ivoire au premier rang en matière d'exportation de cacao et de troisième, en matière de café, mais au-delà, ont favorisé une politique d'immigration interne et externe incontrôlée vers les terres nationales pour certains (non-ivoiriens) et les terres locales, pour d'autres (allochtones).

Cette immigration s'est à la fois manifestée par des déplacements croissants des populations non-ivoiriennes en raison de l'impact économique amorcée qualifié de « miracle ivoirien » et des migrations internes de populations allochtones vers les zones plus fertiles de l'ouest et principalement dans les villes du sud-ouest. Ces populations (allochtones et non-ivoiriennes), pour la majorité sans qualification professionnelle vont se cantonner dans les zones rurales de Sinfra pour se spécialiser dans les activités de transhumance ou d'exploitation agricole, négociant par des méthodes multiformes (tutorat, achat, prêt, métayage), la consolidation d'espaces fonciers.

Selon le rapport diagnostic produit par le BNETD, le département de Sinfra a enregistré de 1975 à 1988, une croissance démographique d'environ 4.039 habitants/ an. Ce chiffre en constante progression est passé à environ 4.971 habitants/ an de 1988 à 1998 et à environ 5.616 habitants /an dans l'intervalle 1998- 2001. Cette population de 186.864 habitants (en 2001) vivante sur une superficie départementale de 1618 km² équivaut à une densité moyenne de 115 habitants / km². De telles données témoignent certes d'un fort taux de naissance, mais davantage d'un taux de migration interne et externe assez important. On assiste dès lors à une démographie galopante, une saturation foncière avec une influence directe ou indirecte sur la réduction des espaces individuels, la création de plantations, de pâturages aux abords des pistes villageoises, des contraintes de cohabitation entre cultivateurs et transhumants, quand bien même leurs activités paraissent antinomiques.

Dans ce contexte, les interactions entre acteurs ruraux se soldent fréquemment par des joutes singulières portant sur des empiètements pluriels, des destructions de plantations, des confusions sur les droits de propriété, des remises en cause de contrats, des expropriations multiples et des consolidations violentes de portions de terre. La terre apparait comme l'unique source de sécurité alimentaire et par ricochet, de survie. Les décisions de justice visant à déposséder certains, y sont officiellement acceptées mais dans la pratique, rejetées avec une prédisposition (de ces acteurs) à la violence (physique et mystique) dont l'issu situerait le véritable propriétaire de portions confligènes.

Par ailleurs, un fait non moins évoqué reste le caractère d'hospitalité ancrée dans la coutume gouro. Chaque kwênin se devait d'avoir un « étranger » chez lui sous peine de stigmatisation, de rejet et le cas échéant, de mise en quarantaine vu que « ne pas avoir un étranger chez soi serait signe de méchanceté selon les ancêtres » (Discours recueilli auprès du chef de kouêtinfla, Chef Z., plus de 60 ans, planteur à Djamandji en Novembre 2015). Les autochtones étaient implicitement contraints de faciliter l'arrivée et l'installation de migrants relativement aux instructions ancestrales.

Aussi, est-il à préciser que les autochtones disposaient de portions assez vastes à leurs yeux, à telle enseigne qu'ils pensaient qu'en donner quelques dizaines d'hectares n'affecteraient pas l'étendue des terres pour la génération à venir.

Selon Mr I., secrétaire principal de la Sous-préfecture (entretiens de Décembre 2015)« nos parents, lorsqu'ils donnaient les terres par amitié ou contre un service rendu, ne prévoyaient pas que ces terres, à un certain moment, allaient manquer. Les proportions de terre sans fin qu'ils voyaient, sont illusoires aujourd'hui du fait des dons sans mesure ».

Une position que semble partager le président de la jeunesse de blontifla (P. 43 ans, entretiens de Décembre 2015) pour qui « les jeunes autochtones de sinfra sont aujourd'hui désoeuvrés, ils manquent constamment de terres dans leur propre village et hésitent souvent entre errance et consolidation violente d'espaces de culture ».

v Augmentation du nombre de transhumants

Dans un focus-group organisé avec la jeunesse de Béliata, F., le président des jeunes (lors entretien de Juin, 2016) affirme que « les chasseurs de boeufs qui n'étaient pas beaucoup il y a quelques années seulement à Sinfra, sont devenus nombreux, trop nombreux dans nos villages ». Il ressort de ces propos du président de la jeunesse de Béliata quela croissance démographique actuelle de Sinfra est certes liée aux effets conjugués des naissances autochtones et allogènes, mais force est de reconnaitre l'importanceles flux d'arrivants allochtones et non-ivoiriens à des fins pastorales. En effet, le paysage rural de Sinfra dominé par un clivage végétatif (forêts denses, forêts clairsemées et savanes arborées) semble correspondre aux exigences de la transhumance. Ainsi, par un processus de collaboration entre les allogènes de Sinfra et ceux, restés dans leur ville ou pays natal, le département va assister à une migration progressive de ces allogènes vers Sinfra, à l'effet de développer de cette activité pastorale, prometteuse dans le département.

De plus, selon un peulh transhumant de Djamandji (entretien de Juin, 2015), « ici, la terre est bonne et la pluie qui ne vient pas trop, arrangent notre travail ». Autrement, les variations pluviométriques allant de 1.200 à 15.00 mm de pluie dans le département, ont davantage attiré ces pasteurs vers la localité où ils s'activent désormais à intégrer une transhumance d'animaux venant des pays voisins (Burkina Faso, Mali et Guinée) à la mobilité pastorale déjà existante, saturant davantage l'espace rural de Sinfra dominé par les activités agricoles.

De ce fait, ces pasteurs (anciens et nouveaux) vont se voir négocier en permanence de petits espaces pour la construction de pâturages au cheptel ou le cas échéant, créer des enclos aux abords des pistes villageoises, des points d'eau, des verges, des plantations de certains cultivateurs de la localité. Ce voisinage improvisé pour des raisons de rareté d'espaces aux activités pastorales, n'est pas sans conséquences négatives pour ces acteurs (cultivateurs et pasteurs) aux activités antinomiques. En effet, lorsque les pasteurs promènent le bétail dans les pistes villageoises ou champêtres assez étroits, les animaux font des intrusions momentanées dans les champs des cultivateurs avant se faire ramener par ces pasteurs. Mais cette intrusion bien que temporellement courte, laisse des dégâts qui complexifient au quotidien la relation déjà dualiste entre pasteurs et agriculteurs de la localité.

Dans ces conditions, les autochtones cultivateurs mènent des campagnes de sensibilisation au sein de la communauté native afin de durcir les modalités d'acquisition d'espaces pour la transhumance et dans de nombreux cas, défrichent tous leurs différentes terres afin de néantiser l'espace adéquat pour la transhumance. A ce titre, l'enquêté G. (40 ans, cultivateur à Djamandji, entretien de Décembre 2015) affirme que « les propriétaires de boeufs sont devenus trop nombreux dans notre village et ils laissent leurs animaux détruire nos plantations. C'est pourquoi, nous avons décidé de les pousser à partir d'eux-mêmes, en travaillant sur toutes nos terres ».Dès lors, il ressort que les cultivateurs de Sinfra usent de nombreux moyens (utilisation de l'ensemble de leurs terres, refus de cession des terres) pour contenir le surpâturage de ce nombre croissant de transhumants et la réduction des pâturages existants. Une décision qu'ils estiment pouvoir contenir les flux migratoires de pasteurs et de leurs animaux supposés envahir le département et errer dans l'ensemble des contrées de la localité.

v Réduction des espaces accordés aux transhumants et Occupation des forêts et parcs environnants le département

Les investigations menées dans notre zone d'étude montrent que le développement assez remarquable des activités agricoles à Sinfra ades conséquences sur la réduction des espaces pâturables. En effet, l'évolution démographique de la localité a accentué la demande locale en denrées alimentaires ; ce qui a, selon le Préfet N. « permis à la population de développer et de diversifier les activités de production (intégration de l'hévéaculture, de l'anacarde et du palmier à huile) dans le but de répondre à cette demande sans cesse croissante » (entretien d'Octobre 2016).

Ainsi, en accordant la primauté aux activités agricoles, les activités de transhumance ont été rétrogradés à un niveau secondaire voir tertiaire dans le processus de couverture alimentaire de la localité. Cela s'explique par le fait que ces transhumants, minoritaires (par rapport aux agriculteurs) forment des groupes sociaux distincts, souvent dispersés dans l'ensemble des villages des différentes tribus et paraissent soumis à un processus progressif d'exclusion à telle enseigne que les espaces qu'ils utilisent pour des besoins de pâturage et par ricochet de transhumance, sont continuellement réduits par ces cultivateurs majoritaires.

Pour un pasteur guinéen de la localité (entretien d'Août, 2016) «  les gouro d'ici nettoient tous les terrains même les terrains qu'on nous a dit qu'on va nous donner ». Il ressort donc qu'au-delà des forêts indiquées pour des fins d'agriculture, les savanes clairsemées (Sian, Nanan et Vinan) souvent propices au développement des activités pastorales, semblent ne pas être épargnées par les défrichages de masse par les agriculteurs sédentaires.

Dans cette mesure, ces éleveurs sont au quotidien délogés de leur lieu de transhumance locale puis relogés dans des espaces plus réduits créant chez eux des sentiments de peur, de repli sur soi et de contestation.

Le cycle d'expulsion foncière reprend et continue de sorte que les espaces concédés à ces éleveurs deviennent minimes, peu utilisables pour les exigences pastorales et ces éleveurs restent contraints d'abandonner ces espaces au profit d'autres, même s'ils restent conscients que ces nouvelles occupations seront d'une durée relativement courte avant de nouvelles expropriations.

Cette réduction successive des espaces concédés aux transhumants a connu une croissance remarquable depuis l'année 2010. Le tableau ci-dessous donne quelques détails de l'évolution du nombre de pâturages dans l'intervalle 2010 à 2015 dans les différentes tribus du département.

Tableau 12 : Evolution des pâturages de 2010 à 2015

Tribus

Années

Bindin

Gohi

Nanan

Progouri

Sian

Vinan

Total

2010

8

6

9

4

14

7

48

2011

7

6

7

3

12

7

42

2012

5

4

7

3

8

5

32

2013

4

3

5

2

6

4

24

2014

4

3

4

1

5

4

21

2015

2

1

3

1

3

2

12

.

Source : Terrain

Il ressort de ce tableau que :

· Dans la tribu Bindin, sur 8 pâturages enregistrés en 2010, il ne reste que 2 en 2015

· Dans la tribu Gohi, sur les 6 pâturages enregistrés en 2010, il ne reste qu' 1 en 2015

· Dans la tribu Nanan, sur les 9 pâturages connus en 2010, 3 sont fonctionnels en 2015

· Dans la tribu Progouri, tandis qu'en 2010 les pâturages étaient au nombre de 4, ce nombre a chuté à 1 pâturage en 2015

· Dans la tribu Sian, le nombre de pâturages qui était estimé à 14, est passé à 3 en 2015

· Dans la tribu Vinan, en 2010 le nombre de pâturage estimé à 7, est passé à 2 en 2015

· Dans l'ensemble des tribus du département, sur les 48 pâturages enregistrés en 2010, il n'en reste que 12 en 2015.

La baisse considérable du nombre de pâturages durant l'intervalle 2010 à 2015 (de 48 à 12) s'explique par le fait que la croissance démographique galopante de Sinfra (naissances et migrations), loin de se caractériser par une certaine parité des acteurs s'investissant dans les deux activités majeures du département (agriculture et transhumance), a bien au contraire traduit cette inégalité entre ces acteurs (population s'investissant en majorité dans les activités agricoles). Ce faisant, les transhumants ont et continuent de connaître une réduction considérable de leur espace d'activités, voir leur expropriation progressive de certains domaines fonciers. Ceux-ci présentant des caractères minoritaires, se voient abandonner leurs espaces d'activités au profit d'autres avec tous les risques de nouvelles évictions par ces agriculteurs majoritaires. Dès lors, la réduction continuelle des espaces de transhumance à Sinfra, ne répond plus exclusivement à un besoin de développement des activités agricoles par les autochtones, mais aussi et davantage à une volonté d'affirmation sociale et de consolidation des terres pour la descendance avenire face à des migrants jugés trop nombreux dans la zone.

Par ailleurs, le vieux S. (plus de 80 ans, planteur à Douafla, entretien de Mars 2016) affirme qu'« Avant, lorsque les habitants du village devenaient beaucoup et que le village était surpeuplé, on demandait aux nouveaux venus de créer de nouveaux villages dans des endroits où il y a forêt. C'est le cas de flacouanta où les nouveaux habitants sont venus vers l'actuel Djamandji pour créer les villages Béliata, Digliblanfla, Bégonéta et Kouêtinfla ». Autrement pour cet enquêté, à Sinfra, les déplacements des peuples sédentaires sont fonction de l'engorgement des villages déjà occupés. Ainsi, lorsque les ruraux remarquent une certaine saturation des villages, ils exigent aux nouveaux venus et aux jeunes ayant atteint l'âge de la majorité, de faire des expéditions et s'installer sur de nouvelles terres afin d'y fonder leurs familles et y cultiver la terre. Conformément à cette façon de procéder, de nombreux villages parallèles ont vu le jour dans le département (Proziblanfla, Proniani, Dégbesséré, Tiézankro I et II) et au-delà des frontières du département jusqu'aux environs du parc national de la marahoué à proximité de l'axe routier Bouaflé-Daloa.

Cette présence des habitations et des champs de plus en plus rapprochés du parc de la marahoué a des conséquences tenant à des intrusions fréquentes des ruraux dans cette aire protégée avec tous les risques de chasse des principales espèces animalières y vivantes (éléphants, buffles, hippopotames,...). C'est dans ce cadre qu'un agent de l'Office Ivoirien des Parcs et Réserves (OIPR) (Mr B. 52 ans, agent chargé de la planification des aires protégées, entretiens de Mars 2016) affirme que «  le parc national de la marahoué, malgré le dispositif sécuritaire mis en place à savoir les nombreux miradors positionnés de façon stratégique, fait l'objet d'intrusion par des ruraux venant pour la plupart du département de Sinfra. Cette superficie de 101. 000 ha est assez vaste pour une surveillance efficiente de la réserve et de la population animale qui y vit ». Partant de ces propos, il ressort que le parc national de la marahoué fait l'objet d'intrusion fréquente par des ruraux (en provenance de Sinfra) en quête d'espace de culture.

Et même si de nombreux facteurs sont évoqués par les enquêtés pour expliquer cette situation : inconséquences des décisions de l'Etat, laxisme et corruption du personnel du parc, insuffisance des moyenshumains et matériels destinés à la protection, ce parc reste sujet à des défrichements agricoles et un braconnage intensifs par des ruraux déserteurs des contrées saturées de Sinfra et hantés par le désir pressant de développer leurs activités agricoles pour y combler la période de famine« klata ».

CHAPITRE IV. ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS, DISCUSSION ET SUGGESTIONS

I. ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS

Cette partie sera consacrée à l'identification du lien entre la variable dépendante (échec de la gestion conflits fonciers) et les variables indépendantes (facteurs internes aux acteurs et facteurs externes aux acteurs) (1), des effectifs des critères des variables indépendantes par sous-préfecture (2) pour ainsi déboucher sur la vérification des hypothèses de l'étude (3).

1.1 Identification du lien entre la variable dépendante (échec de la gestion des conflits fonciers) et les variables indépendantes (facteurs internes et facteurs externes aux acteurs)

La présente étude veut comprendre s'il existe ou pas un lien entre l'échec de la gestion des conflits fonciers et les facteurs internes et externes aux acteurs du département de Sinfra.

Pour ce faire, des questionnaires ont été succinctement soumis à un échantillon de 317 enquêtés locaux.

Le tableau suivant synthétise la distribution statistique des données:

Tableau n° 13 : Distribution statistique des données de l'hypothèse générale

 

Echec de la gestion

Pas Echec de la gestion

Total

Facteurs internes

126

74

200  

Facteurs externes

42

75

117

Total

168

149

317

Formule de détermination du Khi deux:

La formule pour déterminer le Khi deux se présente comme suit :


Avec

Formulons les hypothèses :

- L'hypothèse H 0 postule qu'il n'existe pas de lien entre l'échec de la gestion des conflits fonciers et les facteurs internes et externes aux acteurs du département de Sinfra.

- L'hypothèse H1 postule qu'il existe un lien entre ces deux variables (indépendantes : facteurs internes et externes aux acteurs; dépendante : échec de la gestion) dans le département de Sinfra.

Calculons les effectifs théoriques 

Tableau n° 14 : Calcul des effectifs théoriques de l'hypothèse générale

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Total

Facteurs internes

105,99

94,00

200

Facteurs externes

62,00

54,99

117

Total

168

149

317

Calculons la différence entre effectifs observés et effectifs théoriques

Tableau n° 15 : Calcul de la différence des effectifs observés et des effectifs théoriques de l'hypothèse générale

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Facteurs internes

126 - 105,99= 20.01,

74 - 94,00 = 20,00

Facteurs externes

42 - 62,00 = -20,00

75- 54,99 = 20,01

Elevons les effectifs obtenus au carré

Tableau n° 16 : Calcul des effectifs obtenus au carré concernant l'hypothèse générale

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Facteurs internes

(20,01)² = 400,40

(20,01)² = 400,40

Facteurs externes

(-20,00)² = 400

(20,00)² = 400,00

Divisons termes à termes des résultats obtenus par les effectifs théoriques calculés

Tableau n° 17 : Division des résultats obtenus par des effectifs théoriques de l'hypothèse générale

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Facteurs internes

400,40/105,99 = 3,77

400,40 / 94,00 = 4,25

Facteurs externes

400,00 / 62,00= 6,45

400,00 / 54,99= 7,27

Total

10,22

11,52

Déterminons la valeur de Khi deux calculé

Valeur de Khi deux calculé = Somme des totaux 

X² = 10,22 + 11,52

X² = 21, 74

Déterminons le degré de liberté (ddl)

Ddl = (nombres de lignes - 1)  (nombres de colonnes - 1)

Ddl = (2 - 1)   (2 - 1)

Ddl = 1et Khi lu au seuil de 0,05est 3,84(Pearson)

Khi 2 calculé (21, 74) > Khi 2 lu (3,84) alors, nous rejetons l'hypothèse H 0 et nous affirmons qu'il existe un lien significatif (khi 2 calculé très supérieur à khi 2 lu) entre les obstacles liés à la gestion et la fréquence des conflits fonciers dans le département de Sinfra.

1.2 Effectifs des critères de la variable indépendantepar sous- préfecture

Après avoir établi ce lien entre les variables dépendante (échec de la gestion) et indépendantes (facteurs internes et externes aux acteurs), il parait important pour nous de préciser d'après les données, les effectifs en termes d'occurrence des paramètres observables (de la variable indépendante), mais cette fois, dans chacune des quatre sous-préfectures du département de Sinfra en lien avec les indicateurs de la variable indépendante.

Pour rappel, les indicateurs de la variable indépendante (échec de la gestion des conflits fonciers) se présentent comme suit :

Variable indépendante et critères

Tableau n° 18 : Rappel de la variable indépendante et de ses critères

VARIABLE INDEPENDANTE

CRITERES

Echec de la gestion des conflits fonciers

Facteurs internes aux acteurs

Facteurs externes aux acteurs

 

Présentons les effectifs (occurrence des paramètres) dans les quatre sous-préfectures (Sinfra, Kononfla, Bazré et Kouêtinfla) du département de Sinfra avec le même échantillon de 317 enquêtés.

Tableau n° 19 : Effectifs des indicateurs de la variable indépendante dans les sous-préfectures

 

Sinfra

Kononfla

Bazré

Kouêtinfla

Total

Facteurs internes

95

43,37%

39

17,8%

40

18,26%

45

20,54%

219

69,08%

Facteurs externes

50

51, 02,%

22

23,15%

16

16,84%

10

10,2%

98

30,91%

Total

145

45,74%

61

19,24%

56

17,66%

55

17,35%

317

100%

A l'analyse du tableau, notons que :

Les facteurs explicatifs de l'échec de la gestion (facteurs internes et facteurs externes) se perçoivent aussi bien à Sinfra (145 : 45,74%), à Kononfla (61 : 19,24%), à Bazré (56 : 17,66%) qu'à Kouêtinfla (55 : 17,35%).

Les paramètres relatifs des indicateurs de cette variable dépendante (échec de la gestion) concernent respectivement : Facteurs internes aux acteurs (219 : 69,08%) et facteurs externes aux acteurs (98 : 30,91).

Ces indicateurs sont plus observés dans la sous-préfecture de Sinfra (145 : 45,74%) que dans les sous-préfectures de Kononfla (61 : 19,24%), Bazré (56 : 17,66%) et Kouêtinfla (55 : 17,35%).

Il faut aussi remarquer que parmi les indicateurs, les facteurs internes aux acteurs(219 : 69,08%) restent plus affirmés que les facteurs externes aux acteurs (98 : 30,91%).

1.3 Vérification des hypothèses de l'étude

1.3.1 Vérification de l'hypothèse H 1

Rappelons l'hypothèse 1 :

H1 : L'échec de la gestion des conflits fonciers à Sinfra s'explique par des facteurs internes aux acteurs.

Etablissons test de Khi 2 pour voir s'il existe un lien entre échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs internes aux acteurs et ce, à partir des données consignées dans le tableau suivant :

Rappelons que N= 79 d'après le tableau précédent (tableau des effectifs des sous-préfectures).

Tableau n° 20 : Distribution statistique des données de l'hypothèse 1

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Total

Facteurs internes

74

46

120 

Pas de facteurs internes

31

49

80

Total

105

95

200

Formulons les hypothèses H0 et H1:

- L'hypothèse H0 postule qu'il n'existe pas de lien entre échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs internes aux acteurs

- L'hypothèse H1 postule qu'il existe un lien entre échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs internes aux acteurs.

Calculons les effectifs théoriques 

Tableau n° 21 : Calcul des effectifs théoriques de l'hypothèse 1

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Total

Facteurs internes

63

57

120

Pas de facteurs internes

42

38

80

Total

105

95

200

Calculons la différence entre effectifs observés et effectifs théoriques

Tableau n° 22 : Calcul de la différence des effectifs observés et des effectifs théoriques de l'hypothèse 1

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Facteurs internes

74 - 63 = 11

46 - 57 = - 11

Pas de facteurs internes

31 - 42 = - 11

49 - 38 = 11

Elevons les effectifs obtenus au carré

Tableau n° 23 : Calcul des effectifs obtenus au carré concernant l'hypothèse 1

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Facteurs internes

(11) ² = 121

(-11) ² = 121

Pas de facteurs internes

(-11) ² = 121

(11) ² = 121

Divisons termes à termes des résultats obtenus par les effectifs théoriques calculés

Tableau n° 24 : Division des résultats obtenus par des effectifs théoriques de l'hypothèse 1

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Total

Facteurs internes

121 / 63 = 3,36

121 / 57 = 2,12

5,48

Pas de facteurs internes

121 / 42 = 2,88

121 / 38 = 3,18

6,06

Total

6,24

5,3

11,54

Déterminons la valeur de Khi deux calculé

Valeur de Khi deux calculé = Somme des totaux 

X² = 6,24 + 5,3

X² = 11, 54

Déterminons le degré de liberté (ddl)

Ddl = (nombres de lignes - 1)  (nombres de colonnes - 1)

Ddl = (2 - 1)   (2 - 1)

Ddl = 1et Khi lu au seuil de 0,05est 3,84(Pearson)

Khi 2 calculé (11,54) > Khi 2 lu (3,84) alors, nous rejetons l'hypothèse H 0 et nous affirmons qu'il existe un lien significatif (khi 2 calculé supérieur à khi 2 lu) entre l'échec de la gestion et les facteurs internes aux acteurs locaux.

1.3.2 Vérification de l'hypothèse H 2

Rappelons l'hypothèse 2:

H1 : L'échec de la gestion s'explique par des facteurs externes aux acteurs locaux.

Etablissons test de Khi 2 pour voir s'il existe un lien entre échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs externes aux acteurs et ce, à partir des données à partir des données consignées dans le tableau suivant :

Rappelons que N= 117 d'après le tableau précédent (tableau des effectifs par sous-préfectures).

Tableau n° 25 : Distribution statistique des données de l'hypothèse 2

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Total

Facteurs externes

44

26

70

Pas de facteurs externes

14

33

47

Total

58

59

117

Formulons les hypothèses H 0 et H1 :

- L'hypothèse H0 postule qu'il n'existe pas de lien entre échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs externes aux acteurs

- L'hypothèse H1 postule qu'il existe un lien entre échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs externes aux acteurs.

Calculons les effectifs théoriques de H2

Tableau n° 26 : Calcul des effectifs théoriques de l'hypothèse 2

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Total

Facteurs externes

34,70

35,29

70

Pas de facteurs externes

23,29

23,70

47

Total

58

59

117

Calculons la différence entre effectifs observés et effectifs théoriques

Tableau n° 27 : Calcul de la différence des effectifs observés et des effectifs théoriques de l'hypothèse 2

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Facteurs externes

(44 -34,70) = 9,3

(26 - 35,29) = - 9,29

Pas de facteurs externes

(14- 23,29) = - 9,29

(33- 23,70) = 9,3

Elevons les effectifs obtenus au carré

Tableau n° 28 : Calcul des effectifs obtenus au carré concernant l'hypothèse 2

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Facteurs externes

(9,3)² = 86,49

(- 9,29)² =86,3

Pas de facteurs externes

(- 9,29)² =86,3

(9,3)² = 86,49

Divisons termes à termes des résultats obtenus par les effectifs théoriques calculés

Tableau n° 29 : Division des résultats obtenus par des effectifs théoriques de l'hypothèse 2

 

Echec de la gestion

Pas d'échec de la gestion

Total

Facteurs internes

86,49 / 34,70 = 2,49

86,3 / 35,29 = 2,44

4,93

Pas de facteurs internes

86,3 / 23,29 = 3,7

86,49 / 23,70 = 3,64

7,34

Total

6,19

6,08

12,27

Déterminons la valeur de Khi deux calculé

Valeur de Khi deux calculé = Somme des totaux 

X² = 6,19 + 6,08

X² = 12,27

Déterminons le degré de liberté (ddl)

Ddl = (nombres de lignes - 1)  (nombres de colonnes - 1)

Ddl = (2 - 1)   (2 - 1)

Ddl = 1et Khi lu au seuil de 0,05est 3,84(Pearson)

Khi 2 calculé (12,27) > Khi 2 lu (3,84) alors, nous rejetons l'hypothèse H 0 et nous affirmons qu'il existe un lien très significatif (khi 2 calculé très supérieur à khi 2 lu) entre l'échec de la gestion et les facteurs externes aux acteurs locaux.

II. DISCUSSION

Ce chapitre s'articule autour du rappel du niveau de validation de l'objectif général, de l'hypothèse générale, des théories de référence (1) et de la présentation des limites de l'étude (analyse qualitative et quantitative) avant d'ouvrir le champ d'éventuellespistes de réflexion (2).

1. Rappel du niveau de validation de l'objectif général, de l'hypothèse générale et des théories de référence

1.1. Rappel du niveau de validation de l'objectif général

Cette présente étude portant sur la gestion des conflits fonciers à Sinfra, s'est fixée pour objectif de rechercher les facteurs explicatifs de l'échec de la gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones dans le département de Sinfra.

Au regard donc des données obtenues sur le terrain, il ressort que la gestion des conflits fonciers dans le département est biaisée par des facteurs internes aux acteurs (corruption des acteurs de gestion et gestion affinitaire des conflits fonciers, protection tribale des ressortissants, stigmatisation des acteurs de gestion et expropriation foncière des allochtones, acteurs de gestion eux-mêmes acteurs de conflits et diversité d'acteurs de gestion et confusion de rôles) et des facteurs externes à ces acteurs (absence de texte pour la gestion des conflits fonciers, Ingérence des autorités gouvernementales dans la gestion des conflits fonciers, facteurs indirects tels que les facteurs démographiques).

De ce fait, nous pouvons affirmer que notre objectif général est atteint.

1.2. Rappel du niveau de validation de l'hypothèse générale

Avant le déplacement sur le terrain, nous avons postulé que l'échec de la gestion des conflits fonciers dans le département de Sinfras'expliquent par des facteurs internes aux acteurs (corruption des acteurs de gestion et gestion affinitaire des conflits fonciers, protection tribale des ressortissants, stigmatisation des acteurs de gestion et expropriation foncière des allochtones, acteurs de gestion eux-mêmes acteurs de conflits et diversité d'acteurs de gestion et confusion de rôles) et des facteurs externes à ces acteurs (absence de texte pour la gestion des conflits fonciers, Ingérence des autorités gouvernementales dans la gestion des conflits fonciers, pesanteurs culturelles et effets de la crise post-électorale).

Après confrontation des résultats, il est ressorti que les actions collectives ou individuelles des acteurs et les implications externes de façon inclusive, expliquent l'échec de la gestion des conflits fonciers dans le département de Sinfra.

Nous pouvons donc affirmer que notre hypothèse générale est validée.

1.3. Rappel du niveau de validation des théories de référence

L'élaboration de ce travail s'est appuyée sur la théorie constructiviste (Delcourt, 1991 ; Vellas, 2003 ; Bourdieu, 1972). Ces auteurs postulent en effet que le social ne se définit ni comme une réalité objective « en soi », ni comme un produit de rationalités subjectives « pour soi », mais comme des « constructions » élaborées par des acteurs. Cette théorie qui intègre l'ensemble des facteurs objectifs et subjectifs dans l'explication du social,englobe à la fois les théories actionnistes et les théories multifactorielles.

En ce qui concerne les théories actionnistes, nous nous sommes appuyés sur :

- L'individualisme méthodologique de Boudon (1970).

Boudon (1970) postule que pour expliquer un phénomène social, il faut reconstruire les motivations des acteurs concernés par ce phénomène.

- La théorie de l'acteur de Blumer (1969).

Blumer (1969) affirme que pour comprendre le comportement des acteurs sociaux, il faut recourir non pas à la signification des choses dans leur forme intrinsèque, mais plutôt à la signification des choses, selon les acteurs spécifiques de cette société.

- Théorie de l'analyse stratégique de Crozier et Friedberg(1977)

Pour Crozier et Friedberg (1977), chercher à comprendre le comportement des acteurs sociaux supposechercher en priorité à comprendre comment se construisent les  actions collectives à partir de comportements et d'intérêts individuels parfois contradictoires.

Concernant les théories sociologiques du conflit, nous avons retenu :

- La théorie des élites de Pareto (1909).

Pour Pareto (1909), la société est en permanence traversée par des antagonismes entre les élites (catégorie sociale disposant des pouvoirs) et les couches sociales de la base (catégorie pauvre et lésée).

- Théorie du conflit de Freund (1965).

Freund (1965) postule que les sociétés contemporaines ne sont pas seulement des sociétés industrielles et démocratiques mais aussi des sociétés conflictuelles qui nécessitent l'intervention d'un tiers dont les compétences s'apparentent à un juge chargé de la médiation, de la négociation et de la conciliation.

- Théorie du complot de Knight (1976)

Dans cette théorie conspirationniste, Knight (1976) cherche à démontrer un complot entendu comme le fait qu'un petit groupe de personnes « puissantes » se coordonne en secret pour planifier et entreprendre une action illégale et néfaste, affectant les intérêts de la masse.

- Théorie des systèmes de Ludwig (1993) est une approche globale qui tend à expliquer le social comme un sous ensemble (sous-système) intégré dans un système social.

Dès lors, nous pouvons affirmer que la théorie constructiviste et ses démembrements (théories actionnistes et multifactorielles) ont permis non pas exclusivement, mais inclusivement de poser des assises théoriques au travail.

2. Limites de l'étude et pistes de réflexion

2.1. Analyse qualitative et quantitative

2.1.1 Analyse qualitative

La question des conflitsfonciers et leur gestion pose d'énormes difficultés dans le tissu social ivoirien. Devant ces difficultés, diverses explications ont pu être inventoriées dans la littérature.Vu le nombre important des écrits sur la question, la discussion sera segmentée autour des facteurs internes aux acteurs, des facteurs externes aux acteurs et des propositions de solutions.

2.1.1.1 Facteurs internes aux acteurs

Les investigations menées à Sinfra révèlent que les « élus locaux » autrefois sans terre, se retrouvent aujourd'hui avec des portions remarquables de terre et des champs aux dimensions étonnantes issues d'une réquisition des terres aux propriétaires terriens. Et cette réquisition se présente comme une forme d'appropriation foncière symbolique c'est-à-dire celle s'effectuant avec la complicité de ces victimes autochtones qui, conscients de leur position sociale inférieure participent à leur propre appauvrissement foncier. A cela, il faut ajouter le concept « tèrè kiniwouzan » qui traduit une forme d'appropriation politique des terres par ce réseau créé dans les arcanes de l'administration publique local et qui voit s'intégrer uniquement des acteurs aux pouvoirs (foncier, pécuniaire ou décisionnel) évidents.

Ces recherches valident donc les travaux de Koetschet et Grosclaude (2008)qui pensent que certaines pratiques informelles et administrativeslimitent les capacités d'interventions de la puissance publique en matière foncière, provoquant ainsi une quasi-inaction de celle-ci, source d'insécurité foncière dans un monde globalisé.

Notre étude valide également les enquêtes de Dicko (2007) au Mali. En effet, l'auteur penseque certes la multiplicité des instances de recours en matière de résolution des conflits,  la lenteur et la lourdeur administrative, le manque de moyens à la disposition des agents de l'Etat sont des facteurs à prendre en compte, mais que l'exacerbation des conflits fonciers seraient fortement liés la corruption des agents de l'administration. Notre terrain montre à cet effet que les instances de régulation foncière sont dotées de consommables de première nécessité (code foncier, civil et pénal, principes coutumiers, instauration des CVGFR, organisation du processus d'immatriculation des terres rurales) mais que l'administration locale est polluée par la corruption de sorte que la plupart des occasions sont saisies de façon opportuniste par ces élites locales ; ce qui génère frustrations et rancunes chez les ruraux.

Nos résultats confirment ceux de Keita (2012) qui révèle que le marché foncier bamakois est caractérisé par une opacité totale avec l'intervention d'une multitude d'acteurs agissant chacun en fonction de ses moyens financiers, de l'efficacité de son réseau social ou de son statut social. Notre contribution en la matière précise que la gestion du foncier à Sinfra fait intervenir un nombre important d'entités locales (justice traditionnelle, administrative et pénale) presque toutes, disponibles à toute forme de négociation clientéliste. Et dans des cas assez fréquents, l'obliquité de la décision de justice est fonction du réseau de relation sociale des acteurs sédentaires, de leur pouvoir d'achat ou de leur influence locale ou extra-locale.

Les données obtenues à Sinfra confirment les recherches de Lavigne (2002) pour qui, les litiges fonciers sont liés au jeu double des acteurs administratifs qui ont maintenu et durci la prétention du monopole étatique sur la terre en créant un espace d'indétermination sur les règles légitimes, mais concomitamment en ont fait un espace de jeu et de manipulation, qu'ils investissent de façon opportuniste.

Nous validons également d'autres recherches. De ceux-ci, notons les travaux de Koffi (2010) qui mentionne que les cours et tribunaux sont engorgés de dossiers de conflits fonciers, trahissant la faible efficacité du système judiciaire. À cela, il faut ajouter une justice inaccessible pour les pauvres, en raison des coûts élevés des procédures, des lenteurs administratives et de la faible couverture judiciaire du territoire national.Le système judiciaire en principe chargé de régler les conflits fonciers se révèle incapable de trouver des solutions efficaces dans le contexte caractéristique des pays africains, où des législations nationales et des coutumes se côtoient. Sur le terrain d'étude, on note également de telles dissensions entre les textes et les actions sur le terrain.

Nous validons aussi les travaux de Bourgeois (2009) qui soutient que le village est le point de départ de la majorité des conflits qui touchent de près ou de loin la propriété de la terre. Etant donné que les terres rurales sont toutes sous la propriété d'un chef coutumier, on peut tout d'abord affirmer que les conflits sont particuliers et qu'ils ne se règlent pas toujours selon les lois d'Etat, ainsi que par la justice des Provinces. L'échelle du village est pour autant un angle d'analyse qui semble restreint. Sur le terrain, le chef de terre semble ne pas participer à toutes les séances de gestion des conflits fonciers et même lorsqu'il est là, son impartialité fait douter selon les enquêtés de Sinfra.

Pour Machozi, Borve, Lonzama , Kahigwa et Tobie (2010), gérer les conflits de terre, c'est réunir certaines qualités indispensables à cette fonction d'acteur de gestion : Etre capable de comprendre et d'appliquer les grands principes qui doivent guider l'action des acteurs dans la résolution des conflits fonciers (rapidité, disponibilité, justice, acceptation, durabilité, patience), être capable de stimuler une réflexion au niveau local sur les possibilités de modes de résolution des conflits fonciers et explorer des stratégies pour renforcer le travail des structures de bases dans le monitoring et la gestion des conflits fonciers. Sur le terrain d'étude, l'attitude partiale des acteurs de gestion est si affirmé qu'ils sont désormais stigmatisés dans leur ensemble et les populations semblent ne plus se soucier de l'orientation des décisions mais plutôt de l'appartenance ethnique, tribale ou religieuse de l'autorité de gestion.

Dans le terroir ivoirien, Coulibaly (2006) estime que les procédures de règlement des conflits n'aboutissent pas souvent sur des solutions définitives malgré la compétence relative des instances d'arbitrage en présence. Les raisons de cette situation semblent être liées aux stratégies mises en oeuvre par les différents acteurs lors des procédures. Notre étude valide ces données et mentionne que la plupart des cas de gestion, laisse des goûts amers chez certains et des rancunes qui créent un cadre propice à des conflits avenirs.

Notre étude confirme également les travaux de Matiru (2001) pour qui, la gestion des ressources foncières prend exclusivement en compte la prévention, la négociation, la médiation, l'arbitrage, le jugement et la coercition. Le rejet ou l'omission d'une de ses composantes entraine un dysfonctionnement dans le processus de gestion qui se matérialise par de nouvelles oppositions et de nouveaux conflits. Nos travaux mentionnent à ce sujet qu'à défaut de texte structurant l'action des acteurs de gestion, les actes sont engagés de façon personnelle, subjective, sans base textuelle matérialisée par des ratées, des omissions plurielles.

Toutefois, nos résultats infirment quelques travaux. De ceux-ci, notons ceux de Chauveau (2000), pour qui les conflits fonciers intercommunautaires observés dans la plupart des contrées rurales ivoiriennes prennent leurs sources dans la nette distinction entre la manière dont les cas de violences foncières étaient traités « timidement » lorsque les violences engageaient des non-Ivoiriens ou des populations originaires du Nord et avec fermeté lorsqu'elles concernaient des Baoulé originaires du Centre. Nos résultats répondent par la négative et mentionnent qu'à Sinfra, ce n'est pas la coloration ethnique ou religieuse qui influence le traitement des violences foncière mais plutôt l'appartenance à un réseau de relations sociales fortes. Ainsi, si certains sont privilégiés par rapport à d'autres, cela ne s'explique pas (sur notre terrain) par la coloration identitaire mais par l'appartenance à ce réseau constitué essentiellement de détenteurs de pouvoirs foncier, financier et décisionnel.

Nos travaux infirment également d'autres recherches (Kaboré, 2009 ; Kinanga, 2012 ; Tshimbalanga, 2015). Il ressort de leurs recherches, la faible représentation de l'Etat surtout dans l'administration foncière et le caractère étrange des nouvelles lois foncières comme facteurs inhibiteurs de litiges. Notre contribution en la matière mentionne qu'à Sinfra, l'Etat a une forte représentation et a engagé des actions concrètes de sensibilisation sur l'intérêt d'immatriculer les terres rurales. Donc, les litiges ne seraient ni dépendant de la représentation locale de l'Etat dans le terroir, encore moins du niveau de connaissance ou d'acceptation de la loi foncière mais que certains acteurs de l'administration procèdent à des appropriations massives de terres  et à une forme de protection des membres intégrés dans leur réseau au détriment des autres ruraux qui murmurent au quotidien et essaient autant que possible de changer cet ordre.

2.1.1.2 Facteurs externes aux acteurs

Les données du terrain révèlent que l'évolution démographique de Sinfra (croissance démographique autochtone, migrations allochtones et l'augmentation du nombre de transhumants) ne facilite pas véritablement la gestion des conflits fonciers qui met désormais en jeu de nombreuses implications et enjeux dans cette atmosphère sociale alimentée par la corruption, le protectionnisme et l'affinité. Dans la pratique, notons que le département de Sinfraconnait un taux de natalité important sur ce territoire aux dimensions statiques (1618 km²). Cette croissance démographique déjà linéaire (90.711 habitants selon le RGPH 2014) conjugué à ce taux de natalité (5 à 9 naissances par jour)et des migrations de populations en quête d'espaces de culture de développement d'activités pastorales, catalyse une forme de saturation foncière propice à toute action individuelle ou collective visant à accroître les terres personnelles au détriment des règles coutumières instaurées (rites culturels, interdits,...).

Ces travaux confirment les recherches deAlkassoum (2006) pour qui, la mauvaise gestion des ressources naturelles au Burkina Faso est à la base de nombreux heurts dans les zones d'accueil des transhumants. Lesquels espaces seraient à la fois disputés par les agriculteurs et les transhumants.Nos travaux étayent ces propos et mentionnent qu'à Sinfra, le foncier est prioritairement accordéaux activités agricoles et les défrichements massifs d'espaces au fil des années, ont considérablement réduit les espaces autrefois accordés aux activités de transhumance, désormais considérée comme une activité secondaire voir tertiaire. Dans ce contexte, les collisions entre ces entités aux professions antinomiques (agriculteurs et pasteurs) sont fréquentes surtout lors du passage des bêtes sur les pistes villageoises provoquant des intrusions momentanées et des destructions de plantations des agriculteurs.

Notre travail valide également les recherches de Tallet et Paré (1999)qui analysent le lien entre les variations pluviométriques et la répartition spatiale des populations rurales du Burkina Faso. Ces auteurs pensent que les migrations croissantes des populations vers les zones fertiles et propices à l'agriculture, favorisent la saturation sur ces espaces et corollairement, des conflits fonciers entre les natifs et les migrants. Les données de notre terrain montrent que la localité de Sinfra, fertile et appropriée à l'ère culturale, s'est trouvée sujette à des formes incontrôlées de migrations de sorte qu'aujourd'hui, le paysage foncier se trouve saturé et surexploité par les peuples sédentaires de la localité qui essaient mutuellement de s'exproprier sur les quelques espaces restants, générant ainsi litiges entre ces peuples.

Les études effectuées dans les contrées malgaches(Rakotovao, 2011) sont aussi validées au regard de nos résultats. Pour l'auteur, la course pour l'appropriation des terres conduit d'une part,à des clivages et exclusion foncière de certains groupes, et d'autre part, à un ralentissement du développement économique national. Dans notre zone d'étude, on assiste à une véritable course à la consolidation des terres ; d'un côté, les autochtones réclamant en permanence des attestations d'achat de terres aux allochtones dans un but d'expropriation foncière et de l'autre, les allochtones, usant de voies parfois détournées pour consolider clandestinement des terres à des ayants droits.Il s'en suit évidemment des conflits entre ces acteurs fréquemment en contact. Si ces conflits comme dans la plupart des cas observés, se situent dans la période de cueillette des cabosses de cacao ou des cerises de café, les acteurs stagnent dans leurs domiciles craignant de faire l'objet d'attaques sectoriels. Les fruits se putréfient dans les champs et l'impact se ressent véritablement sur la production locale et nationale en raison de la position géographique de la localité de Sinfra (zone cacaoyère, caféière et désormais anacardière).

Notre recherche étaye également les travaux de Kouamékan, Kouadio, Komena et Ballet (2009)qui imputent la survenance des conflits fonciers, à l'accès inéquitable des ruraux, aux ressources. Cet accès inéquitable aux ressources s'est traduite sur notre terrain d'étude, par l'identité des catégories communautaires : d'un côté, les autochtones, propriétaires de terres et de l'autre, les allochtones, demandeurs d'espaces.

Nous approuvons aussi les travaux de Merabet (2006) qui impute la survenance des conflits fonciers en côte d'ivoire, aux flux migratoires successifs et incontrôlés. Les données statistiques de notre terrain en effet, révèlent que de 1998 à 2001, soit en 3 ans, la population de Sinfra est passée de 170 .015 habitants à 186 .864 habitants, soit une croissance de 16 .849 habitants ou encore 5.616 habitants/ an. Et de 1975 à 1998, soit en 23ans, la population de Sinfra a plus que doublé. Ces données restent fortement attestées par l'observation des flux de migrations croissantes vers Sinfra.

Outre ces travaux, notre étude valide également les recherches de Zadou, Kone, Kouassi, Adou, Gleanou, Kablan, Coulibaly et Ibo(2011). Ceux-ci affirment que la Forêt des Marais Tanoé-Ehy est sujette à de fortes pressions anthropiques qui se traduisent par le braconnage, le prélèvement anarchique des ressources naturelles, l'exploitation forestière et les tentatives d'exploitation agricole des forêts classées. Notre contribution en la matièreatteste également que la saturation foncière actuelle de Sinfra a contraint certains ruraux à migrer et s'installer dans les alentours du parc de la Marahoué où ils y développent clandestinement des cultures agricoleset le braconnage.

Enfin, nos travaux valident les réflexions de Bonnecase (2001) pour qui, les conflits fonciers apparaissent comme une opposition récurrente, une indexation mutuelle entre autochtones et allogènes, ivoiriens ou non ivoiriens, ceux-ci étant accusés par ceux-là d'occuper une terre qui ne leur appartient pas.Dans notre zone d'enquête, il ressort également des tensions sociales et foncières fréquentes entre les peuples sédentarisés qui s'accusent mutuellement d'utiliser des terres qui ne leur appartiennent pas ou plus.

L'étude mentionne également que les héritiers désignés des terres familiales dans les différentes tribus de Sinfra disposent de nombreux pouvoirs familiaux dont ils abusent pour brader les terres familiales aux allochtones mais également que les autres membres de la famille, frustrés par ces ventes illicites, bradent à leur tour, les portions restantes ou le cas échéant, revendiquent par des moyens physiques et mystiques leur part d'héritage foncier. Cette dynamique valide les recherches de Kodjo (2013) pour qui, la société Abouré est traversée par des tensions autour de la distribution intrafamiliale de la ressource foncière entre (neveu / neveu ou fils / neveu) et surtout autour de la gestion de l'héritage.

Notre étude valide également les recherches deOumarou (2008) pour qui, les peuples disposent d'une série de concepts pour parler et traiter des rapports entre eux ; l'aspect spatial de leur organisation sociale trouve une expression ouverte en paroles et en actes. Le manque de ces espaces lignagers d'échanges auxquels s'ajoutent les inégalités dans la répartition foncière familiale et les revendications plurielles des jeunes, génèrent des conflits familiaux difficilement maîtrisables. Notre contribution en la matière, précise que le cadre coutumier de Sinfra est un espace d'échange traditionnel qui offre la possibilité de règlements amiables fondés sur la tradition gouro. Mais le refus de certains allochtones de se conformer à la culture Gouro au détriment de la leur, provoque un choc de cultures qui se matérialise par des divergences foncières.

Notre étude valide aussi les travaux de Ibo (2012) qui pense que le non-respect des clauses des contrats de cession de terre, le poids des sollicitations des autochtones vis-à-vis des étrangers dans le cadre du tutorat, la remise en cause des contrats de cession de terres par les jeunes de retour dans les villages, favorisent les conflits fonciers dans les contrées ivoiriennes. Une telle perspective est soutenue (d'après les verbatim) dans notre travail, sous une nomenclature d'appropriation de terres par les ayants droits et d'expropriation des allochtones ayant égaré leur attestation de vente ou encore présentant des contrats d'achats douteux. Ainsi, les citadins, déscolarisés, aventuriers ou les « frustrés » des familles gouro qui, en raison de la difficile intégration professionnelle à Abidjan, retournent s'investir dans des activités agricoles et procèdent fréquemment en des examens et réexamens des contrats de vente établis entre leurs parents et les migrants allochtones en vue d'y déceler des incohérences pouvant constituer des prétextes suffisants à des évictions foncières d'allochtones. Dans ces conditions, à partir des rixes inter-rurales, on en arrive à un conflit communautaire généralisé par un processus de métamorphisme conflictuel (dispute inter-ruraux, implication d'acteurs collatéraux, clanisme, repli identitaire, actions et interventions plurielles et conflit généralisé) à Sinfra.

Ces travaux confirment également d'autres recherches (Bologo, 2004 ; Coulibaly, 2015; Bobo, 2012 ; Mumbere, 2012 ;Soro et  Colin, 2008 ; Zougouri, 2006). Il ressort de leurs recherches que le cadre familial apparaîtcomme un « lieu » de tensions foncières, de conflits entre parents et enfants, entre aînés et cadets et ces conflitsintrafamiliaux entraînent à leur tour assez souvent des conflits intercommunautaires. Notre recherche effectuée à Sinfra mentionne à cet effet que la gestion des terres familiales est accordée à un ayant droit caractérisé par l'honnêteté, sa dévotion dans les activités champêtres et sa capacité à rassembler les membres de la famille autour d'un but commun et préserver les biens familiaux pour le seul et unique intérêt de la famille. Toutefois, lorsque celui-ci échoue dans cette mission en se prêtant à des formes de bradage des terres au moindre souci financier, il se heurte à des résistances des autres ayants droits et des oncles et tantes, considérés dans la culture gouro comme des parents au sens étymologique du terme.

Au niveau de la misogynie foncière, notre travail valide celui de Tsongo et Kitakya (2006). Ceux-ci estiment que les acteurs du foncier sont en même temps dans le système coutumier (qui est lui-même mouvant), dans le système moderne (ensemble des lois foncières) et dans le changement lui-même. Et c'est cette volonté des acteurs ruraux de se conformer aux exigences de la coutume au détriment des textes légaux, qui crée ce stéréotype matérialisé au moyen d'une exclusion foncière féministe sur l'échiquier foncier.

Cependant, même si notre étude confirme certaines contributions antérieures, il n'en demeure pas moins que d'autres, restent invalides au regard de notre terrain. Il s'agit notamment des travaux de Kouamé (2010) qui met en évidence les rapports établis entre les métayeurs et les tuteurs dans la région des agni-Sanwi à Aboisso. L'auteur pense que de nombreux litiges surviennent au niveau du «  planter-partager » définit dans la plupart des contrats. Nos travaux mentionnent à ce sujet que le métayage (planter-partager) qui une innovation dans le tissu rural de Sinfra, engendre très peu sinon pas de conflit dans les tribus visitées et constitue une dynamique à laquelle les autochtones gouro sont fortement attachés puisqu'au truchement de cette méthode, certains aventuriers peuvent à distance, mettre leur portion de terre en valeur.

Nos travaux infirment également les investigations de Gnabéli (2008) qui soutient que dans plusieurs villages du pays, on note le maintien de certains quartiers exclusivement réservés aux autochtones, des expropriations sans motif explicite provoquant de ce fait des frustrations de la communauté allogène  qui, manifestées dans le cadre foncier, génèrent des litiges. A Sinfra, la donne est toute différente et révèle au contraire, une forme d'intégration des populations sédentarisées dans les mêmes villages et tribus. Ainsi, dans l'ensemble des tribus visitées, les populations autochtones et allochtones semblent cohabiter. Et c'est évidemment cette cohabitation qui favorise des formes de collaboration intéressée entre héritiers (nécessiteux financiers) et allochtones (nécessiteux fonciers) créant un terrain propice à des crises familiales et ces influences extrafamiliales.

Au niveau de la misogynie foncière, notre étude infirme les recherches de Monimart (2004) qui impute l'exclusion foncière des femmes par la nécessité de réajuster ou de rechercher un équilibre social entre la ressource foncière et les bénéficiaires potentiels. Dans notre zone d'étude, la réalité parait tout autre et montre au contraire que la misogynie foncière s'explique par le rôle purement ménager attribué à la femme dans la coutume gouro, sa probabilité à contracter un mariage et à quitter le domicile familial.

Notre recherche infirmeles travaux de Kouassi (2017)pour qui, la croissance démographique et les migrations exercent une influence faible sur la nature des conflits mais que ceux-ci, seraient davantage liésaux divergences politiques qui se sont succédées après la mort du premier président Félix Houphouët Boigny.Notre étude révèle plutôt que la croissance démographique du peuple Sian conjugué aux migrations (allochtones) a ouvert la voie à une forme d'anarchie dans la consolidation des terres et a entrainé par ricochet, des velléités dans la résolution de ces conflits.

Notre étude infirme également les travaux de Chauveau, Colin, Bobo, Kouamé, Kouassi et Koné (2012). Ces auteurs en effet affirment que la crise socio-politique de 2002 à 2011 a engendré une pression foncière, des fractures sociales durant l'ultime phase du conflit ivoirien. Nos résultats montrent plutôt que ce n'est pas la crise de 2002 à 2011 qui a occasionné la pression foncière constatée dans les zones forestières notamment à Sinfra, mais au contraire la pression démographique et les collisions foncières fréquentes entre autochtones et allochtones qui ont favorisé une stigmatisation mutuelle (frustrations, sentiment d'exclusion et rancunes) entre ces peuples sédentaires et le tout, dans une atmosphère sociale politiquement polluée et prophylactique à des conflits fonciers sectoriels.

Nos recherches invalident aussi les travaux de Ghisalberti (2011) pour qui, ce n'est pas parce qu'il y a saturation sociale dans l'ensemble des villages sahéliens qu'il y a nécessairement saturation foncière (dans ces village) et qu'il n'existe pas de lien direct entre saturation sociale et conflit foncier. Mais que les litiges fonciers au Sahel surviendraient lorsque des migrants négocieraient certes leur installation dans des villages de préférence mais au-delà, tenteraient de s'intéresser et s'investir dans les activités foncières. Nos travaux précisent que ce n'est pas parce que des migrants installés sur un territoire autochtones, négocient des terres de culture qu'il y a nécessairement conflit foncier à Sinfra. Mais que ces conflits naissent et émergent deet dans la formulation des procédures engagées pour acquérir les terres (corruption passive, négociation clandestine, empiètement de la coutume,...).

Nos travaux invalident enfin les recherches de Faye (2008) qui révèlent qu'au Sénégal, les femmes, en raison de cette misogynie foncière, ont développédes stratégies alternatives pour contourner la coutume. Notre terrain d'étude mentionne que les femmes gouro éduquées et ancrées dans la coutume locale, restent inactives, mieux contribuent à leur propre discrimination foncière (auto-exclusion).

2.1.1.3Propositions de solutions

Au regard de la récurrence des litiges fonciers et de l'échec fréquent des méthodes de résolution, des propositions ont pu être inventoriées par des auteurs. Parmi ces propositions, nous pouvons rappeler celle de Kodjo (2013) qui se singularise par la création et le renforcement des mariages ethniques. Nos solutions vont plus loin et proposent au-delà des mariages ethniques, de renforcer les alliances ethniques et d'organiser des activités socioculturelles intégratives à l'effet de réduire la stigmatisation réciproque des peuples sédentaires entre eux et par ricochet, de favoriser la réconciliation de ces populations qui ont de plus en plus de mal à vivre ensemble.

D'autres solutions (Dicko, 2007 ; Keita, 2012 ; Koetschet et Grosclaude, 2008 ; Kakai, 2014)mentionnent également des sanctions disciplinaires contre les acteurs administratifs coupables de corruption passive dans le traitement des litiges de terre. Notre contribution en la matière, valide certes ces sanctions mais au-delà, priorise la formation des agents de l'Etat sur la connaissance de la loi foncière. Les investigations effectuées dans notre zone d'étude,ont révélé que nombre de ces administrateurs locaux ne disposent pas de la loi foncière et se contentent de quelques enseignements reçus lors des séminaires de formation ou des informations reçues pêle-mêle.Ce qui catalyse une contradiction criante entre les différentes entités, traduisant non pas nécessairement des décisions arbitraires en raison de dons clandestins, mais davantage de lacunes normatives sévères en matière foncière.

Outre la promotion des sanctions disciplinaires contre les agents corrupteurs ou corrompus de l'arène sociale, quelques propositions (Merabet, 2006 ; Kouakan, Kouadio, Komena et Ballet, 2009) soutiennent le besoin de doter le secteur agricole de moyens plus efficaces. En la matière, même si ces auteurs ont le mérite de soumettre une idéologie positive et opportuniste visant à repositionner le secteur agricole sous-régional, il n'en demeure pas moins que ces auteurs ne situent véritablement les axes sur lesquels intervenir. Notre contribution en la matière précise que même si la distribution gratuite des engrais aux populations locales et l'octroi fortuit d'outils utilisés dans le cadre agricole constituent un souhait envergué, cela pourrait néanmoins permettre d'accroître la production locale en denrées alimentaires. Outre ces suggestions, nous proposons la construction d'usines de transformation des produits vivriers afin d'offrir une activité complémentaire ou de substitution à ces populations sédentaires et de réduire par conséquent les conflits violents sur des portions de terres presqu'insignifiantes.

D'autres contributeurs (Alkassoum, 2006 ; Zongo, 2009) émettent l'idée de sensibiliser les pasteurs sur la nécessité de surveiller leurs troupeaux lors de leurs pistes villageoises ou à proximité des champs. Notre contribution adhère à cette idée mais va plus loin et souhaite la détermination des itinéraires (artères tertiaires ou pistes peu empruntées) pour le passage des pasteurs et leurs animaux à l'effet de réduire les collisions fréquentes telles que constatées pendant nos enquête et ce, entre ces acteurs ruraux aux activités antinomiques (agriculteurs et transhumants).

2.2. Analyse quantitative

Dans le cadre de cette recherche, nous avons succinctement utilisé les techniques suivantes : recherche documentaire, observation, questionnaire et entretiens.

Au niveau de la recherche documentaire, les informations recueillies sur internet manquaient de précision quant à la spécificité foncière de Sinfra, pour les unes et inadaptées au contexte socio-foncier actuel ivoirien, pour les autres. C'est donc pour contourner cette insuffisance et simultanément pour réduire les risques de biais de leurs travaux que certainsont opté pour l'entretien sémi-directif des groupes ciblés (Dossou, 2006) et d'autres, pour des entretiens structurés et sémi-structurés corrélés aux discussions et commentaires des acteurs concernés (Dicko, 2006).

Toutefois, même si la recherche documentaire dans le cadre de notre étude, a présenté peu d'écrits spécifiques aux conflits fonciers dans le département de Sinfra, elle a néanmoins permis d'asseoir la conceptualisation des termes explicites et implicites, la revue de littérature, le cadre de référence théorique et la bibliographie contrairement à Rokotovao (2011) qui a exclusivement mis l'emphase sur les différents interviews.

Concernant notre observation de terrain qui s'est voulue à la fois passive et participante, nous nous sommes heurtés à des modifications comportementales des enquêtés du fait de notre présence. Outre ce fait, notre subjectivité (appartenance ethnique, tribale et religieuse) a quelque peu déteint sur la présentation des faits (les investigations) et leur interprétation. De plus, vu que la perception humaine reste limitée, nous nous sommes fiés à ce que nous avons vu sur le terrain sans nous préoccuper de voir le degré d'influence de notre présence sur le mode d'agissement des acteurs. Cependant, bien que notre présence et notre subjectivité semblent avoir influencé d'une part, les agissements des ruraux et d'autre part l'interprétation des résultats, l'observation sur le terrain a tout de même permis de capter, suivre, comprendrede visu in situ, les actions des acteurs ruraux au moment où ils agissaient. Elle a aussi permis de comprendre la distance entre les actes posés par les acteurs ruraux et les explications qu'ils en donnent plus tard, contrairement à d'autres auteurs qui se sont exclusivement penchés sur la documentation, l'enquête-interrogation et l'interview (Tapé, 2000) et sur la recherche documentaire et la participation aux festivités de réjouissance à Divo (Bazaré, 2014).

Au niveau du questionnaire, il comporte quelques inconvénients portant sur la difficulté d'identifier l'enquêté qui répond aux questions, le caractère superficiel des réponses (les enquêtés ont tendance à donner la première réponse qui leur vient à l'esprit, sans profondément réfléchir)et l'impossibilité de compléter ou d'approfondir certaines questions. Toutefois, malgré ces failles, nous avons opté pour cette technique puisqu'elle nous a permis de travailler avec un grand échantillon (600 personnes), d'éviter les coûts (déplacements, appels téléphoniques) et de limiter les effets liés à la personnalité des interviewers. Une technique qui, relativement à ses désavantages, s'est vu rejetée par certains auteurs (Ibo, 2011) au profit de l'observation directe et des entretiens (individuels et focus group) et par d'autres (Oumarou, 2008) qui ont opté pour la pré-enquête et l'observation participante.

En ce qui concerne l'entretien, nous nous sommes focalisés sur l'entretien individuel et les groupes focaux. Lesquels ont mis les enquêtés dans un état de défense face à des questions jugées sensibleset a nécessité des moyens coûteux (déplacement, recherche du nécessaire pour libations et rituels villageois, évitements de questions et ajournement de rendez-vous). Toutefois, en dépit de ces failles, cette technique nous a permis de recueillir les informations directement auprès des enquêtés (connaissances, opinions, réactions), de tester les hypothèses (de l'étude) à l'épreuve des faits, de connaître la valeur symbolique de la terre chez les « kwênins » et les allochtones en vue de comprendre leurs comportements actuels sur le foncier. Cette technique a été écartée de la démarche méthodologique de certains (Kodjo, 2013) qui ont préféré la recherche documentaire, l'observation et l'enquête-interrogation et par d'autres (Gnabéli, 2008) dont les travaux se sont exclusivement fondés sur trois enquêtes préalablement effectuées (2004-2007), (2005-2007) et (2007-2008).

Dès lors, ce présent travail portant sur la gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones dans le département de Sinfra, mérite certainement une crédibilité en ce sens qu'il s'est appuyé sur des techniques hétéroclites dont les unes ont pu combler les failles des autres à l'effet de rendre compte des réalités conflictuelles autour du foncier à Sinfra.

2.3. Pistes de recherche

Dans l'analyse de la situation foncière à Sinfra, de nombreux champs semblent n'avoir pas ou ont été très peu explorés pour les chercheurs. Il s'agit entre autres, des champs tels que :

- Discrimination foncière des minorités dans le département de Sinfra.

- Risques liés aux modes d'acquisition des terres et conflits fonciers à Sinfra.

- Conflits fonciers entre agriculteurs et exploitants forestiers à Sinfra.

- Gestion de l'héritage foncier et conflits intrafamiliaux dans le département de Sinfra.

En somme, de nombreux champs restent jusqu'à ce jour très peu explorés dans le département de Sinfra.

II. SUGGESTIONS

Faire des suggestions visant à réduire les violences foncières à Sinfra, reviendrait dans le cadre de notre travail, à nous intéresser simultanément aux responsabilités de l'Etat (1), aux responsabilités des ONG et partenaires du développement rural (2) et à celles des peuples sédentaires (3).

1. Responsabilités de l'Etat

1.1. Construire des usines dans la localité

Pour réduire sensiblement cette série d'occupation massive des terres réservées à l'usage industriel dans le Département de Sinfra, il faille que l'Etat réalise ce plan directeur relatif à la construction des usines de transformation du café et du cacao dans la zone. Même si les peuples sédentarisés de Sinfra sont régulièrement en conflit pour acquérir ou maintenir leur droit de propriété sur les terres, l'objectif ne parait pas forcement une haine quelconque des uns envers les autres, mais la crainte de demeurer sans activités face aux charges personnelles et familiales quotidiennes ou encore, errer dans le village. C'est pourquoi, la construction de ces usines de transformation du café et cacao (usine centrale à Douafla et les usines annexes reparties dans les différentes tribus) permettra à ces ruraux d'avoir une activité de substitution et bien rémunérée que celle des travaux champêtres scabreux et nécessitant en permanence un investissement physique remarquable.

Dans ces conditions, les ruraux de Sinfra, en quête non pas forcement de terres mais de moyens pour subvenir à leurs besoins, seraient moins disposés à des rixes singulières ou collectives et dédramatiseraient quelques peu, les débordements de limites qui faisaient jusqu'à ce jour, l'objet de heurts et joutes violents.

1.2. Distribuer gratuitement des engrais aux agriculteurs

La croissance démographique des peuples de Sinfra a provoqué une sorte de saturation sociale et foncière dans la localité. Cela, bien qu'ayant catalysé la réduction des espaces individuels et collectifs, a davantage contraint les cultivateurs locaux à surexploiter les terres avec un ignorantisme criard des techniques d'utilisation des engrais. Et même si, ces ruraux souhaitaient s'en procurer, la plupart manquerait de moyens financiers pour acheter ces engrais. Ainsi, il apparait judicieux pour l'Etat de planifier une vaste campagne de distribution des engrais aux ruraux de Sinfra, en ayant préalablement mené une étude sur la composition granulométrique des sols sur lesquels exercent ces planteurs.

Dans la pratique, il serait question de confier l'étude texturale des terres de Sinfra aux spécialistes en la matière avant de convoyer massivement des engrais selon la spécificité de chaque contrée et de les distribuer par le biais des autorités (Préfet, Sous-préfet, agents cadastraux de la direction départementale de l'agriculture, Chefs traditionnels) à ces ruraux qui gisent constamment dans ce besoin et qui trouvent comme voie de contournement l'expropriation des autres.

Ce sera seulement à cette condition que ces ruraux développeraient une pluralité culturale sur leurs espaces aujourd'hui réduits et seraient moins enclins à s'approprier les espaces des autres par des moyens physiques, mystiques et relationnels.

1.3. Former les autorités locales sur la loi foncière

Pour Maître B. (Greffier au tribunal pénal de Sinfra, entretiens de Septembre 2016) « les décideurs locaux ne suivent pas de formations spécifiques sur le foncier et ses lois. Elles ont une formation générale qui tient compte de la gestion administrative et non sur un problème particulier comme le foncier ». Autrement, ces entités qui dirigent le département ne disposent pas d'ingrédients suffisants pour rendre des décisions foncières en dépit de leurs habilitations relatives à cet effet.

Ainsi, il serait sans doute nécessaire pour les décideurs nationaux, d'inclure dans la formation des représentants des structures décentralisées de l'Etat, une formation spécifique sur la loi foncière, les procédures d'immatriculation et les méthodes appropriées de gestion des litiges fonciers. Cela réduirait considérablement les jugements sur la base des supputations et les contradictions décisionnelles telles qu'observées pendant notre séjour, entre les différentes entités administratives (Préfet, Sous-préfet, direction départementale de l'agriculture, chefs traditionnels et tribunal pénal) de Sinfra.

Aussi, cela permettra-t-il à ces décideurs, sans concertation préalable, de circonscrire leurs visions dans le même vecteur décisionnel, gage de crédibilisation de cette administration locale de plus en plus critiquée à Sinfra.

1.4. Contraindre les élus locaux à faire preuve d'impartialité

Pour réduire sensiblement les décisions jugées arbitraires par certaines franges de la population de Sinfra, le couvert protectionniste sous forme tribal des ressortissants, la corruption foncière et ses effets collatéraux, il serait question pour ces élus locaux, représentants de l'Etat, de conformer leurs décisions de justice aux textes nationaux (code pénal, code civil et code foncier) et non sur la base d'affinités. Ce sera l'occasion pour l'Etat de créer une cellule de control des agents affectés de l'Etat : une sorte de surveillance directe de ces élus à l'effet de réduire les dérives affinitaires, corruptives et interpersonnelles d'une catégorie bien spécifiée d'acteurs administratifs.

Dans la pratique, il ne serait plus question d'affecter dans d'autres localités, les élus coupables de corruption active ou passive, comme l'on le remarque souvent dans l'administration publique, mais plutôt de leur donner une sanction disciplinaire aussi sévère qu'intimidante en vue de dissuader d'éventuels décideurs qui tendraient à privilégier leurs intérêts au détriment de ceux de la masse.

1.5. Déterminer des itinéraires pour les transhumants

Le passage des transhumants et de leurs troupeaux aux abords des champs des cultivateurs provoquent fréquemment des intrusions de ces bêtes dans les plantations ; créant de ce fait des dégâts de culture et conséquemment des litiges entre ces transhumants et les agriculteurs, propriétaires de ces champs. Ainsi, il serait question de déterminer des pistes villageoises à des fins de transhumance.

Concrètement, il s'agira tout en déterminant ces pistes villageoises, de dénommer certains itinéraires pour le passage des pasteurs et de leurs troupeaux à l'effet de réduire les collisions entre ces acteurs ruraux aux activités antinomiques.

Il ne s'agira pas de repartir des pistes villageoises selon ces deux catégories d'acteurs (telle piste pour les cultivateurs et telle autre pour les pasteurs), mais plutôt de restreindre les passages désordonnés des troupeaux sur les artères principales et secondaires de Sinfra. Ces pistes déterminées constitueront des voies, non pas exclusivement réservées au passage de ces pasteurs et de leur bétail, mais utilisées par toutes les couches sociales tout en leur réservant la priorité. Quant aux autres pistes, elles seraient uniquement réservées aux acteurs ruraux et sévèrement consignées pour ces transhumants et leurs troupeaux. Ce sera surement à cette condition que les conflits entre agriculteurs et transhumants de Sinfra, connaîtrons une baisse continuelle.

1.6. Réduire le coût d'immatriculation des terres

La procédure d'immatriculation des terres nécessite selon le chef Z. (Chef de la tribu Sian, retraité, entretiens effectués en Mai, 2016) « une demande (10.000f), la validation de l'enquête, les frais liés à la collecte des consommables de première nécessité pour l'enquête (200.000f), les honoraires de l'opérateur Technique Agréé (150.000F) et les frais de bornage (25.000f/ hectare) ». Cette démarche qui part de la demande d'enquête à l'immatriculation de la terre en passant succinctement par la validation, l'établissement du certificat foncier et la gestion du certificat, fait intervenir de nombreuses autorités gouvernementales (Ministre de l'Agriculture, Ministre des finances), préfectorale (Préfet), sous-préfectorale (Sous-préfet), auxquelles s'ajoutent les agents de la direction départementale de l'agriculture et des Opérateurs Techniques Agréés du Bureau National d'Etudes et des Techniques de Développement dont la plupart, accomplissent leurs missions aux frais du demandeur d'immatriculation (c'est-à-dire le planteur). Cette procédure longue et éreintante paraît coûteuse pour cette frange de ruraux dominée par l'indigence économique et alimentaire, caractéristique de la vie paysanne en Côte d'Ivoire.

Partant de ce constat, il apparait évident que pour permettre à l'ensemble des ruraux de Sinfra de bénéficier de titres fonciers, il faille que l'Etat subventionne ces frais trop élevés pour ces ruraux gisant dans l'indigence financière, matérielle et alimentaire.

Concrètement, il serait question pour l'Etat, de prendre en charge tous les frais en excluant peut-être la demande d'enquête (10.000f) aux frais du demandeur. Ce sera seulement à cette condition que les ruraux de Sinfra, dans leur majorité pourront se faire établir des titres de propriété foncière et bénéficier de bornages autour de leurs parcelles (susceptibles de réduire les expropriations et appropriations constatées durant les investigations).

1.7. Mettre en pratique le projet de création de l'AFOR

Selon le décret n° 2016-590 du 3 Août 2016 portant création de l'Agence Foncière Rurale (AFOR), cette structure aura pour mission de simplifier significativement les procédures d'immatriculation et de sécurisation du foncier rural, d'en amoindrir le coût, d'élaborer des stratégies et programmes de sécurisation du foncier rural et de mobiliser les ressources y afférentes dans le but de réduire les conflits fonciers récurrents dans l'ensemble du pays et plus particulièrement à Sinfra. Elle permettra d'assurer la pleine application des dispositions de la législation relative au domaine foncier rural et en particulier, de la loi n° 98-750 du 23 décembre 1998 relative au domaine foncier rural en permettant par ricochet, de réduire sensiblement les risques de conflits fonciers et de renforcer la paix et la cohésion sociale.

Toutefois, ce projet, dans sa phase matérielle n'a pas encore vu le jour dans l'ensemble des localités du pays et semble plus que jamais nécessairepour réduire les conflits fonciers dans cette atmosphère rurale actuellede Sinfra.

2. Responsabilités des ONG et partenaires du développement rural

2.1.Allouer des fonds pour soutenir les projets de développement local

Les ONG (Mizélé, Kavoukiva,...) et partenaires du développement local (Centre de Recherche et d'Action pour la Paix), dans le but d'aider indirectement à réduire les conflits fonciers à Sinfra, doivent circonscrire les actions dans des aides financières aux projets de développement. Il s'agira pour eux, de s'intégrer dans le vécu des populations en vue d'allouer des budgets conséquents pour financer au moment opportun, une partie des futures usines de transformation des matières premières locales (café, cacao,...). Ce projet de financement devra suivre une procédure stratifiée composée en cinq grandes étapes : la dimension personnelle (la démarche), la dimension sociale (association des ruraux au projet), la dimension technique (la maquette et les conditions de réalisation), la dimension économique (le financement) et la dimension temporelle (le timing imparti pour la réalisation).

Ainsi, tout en s'investissant à fond dans cette perspective, il s'agira aussi pour ces ONG et partenaires au développement, d'aider les agriculteurs de Sinfra dans la gestion de leurs ressources naturelles et de leurs produits agricoles (entretien et conservation) en vue de la commercialisation.

2.2. Organiser des activités socio-culturelles intégratives

Les conflits post-électoraux à la fois ethnicisés et communautarisés dans le département de Sinfra, ont attisé une sorte de stigmatisation réciproque des principaux peuples sédentaires (kwênins et allochtones) qui depuis lors, s'excluent mutuellement du théâtre foncier local. Relativement, il parait nécessaire pour les ONG et partenaires du développement local, d'initier les activités socio-culturelles non pas, partisanes mais intégratives pour tenter de réconcilier ces populations qui ont du mal à cohabiter.

Il s'agira d'allouer des fonds pour organiser des foires, des matchs de football ou autres activités socio-culturelles avec la participation de toutes les couches sociales du département en vue d'intégrer l'ensemble de ces populations à ce processus de réconciliation véritable.

Il s'agira aussi d'évaluer les dégâts humains et matérielles lors de l'incendie des villages Proniani et Koblata lors des violences post-électorales et de dédommager les « Kwênins » à l'effet de réduire un tant soit peu cette rancune gardée depuis la crise post-électorale de 2010.

Après cette réparation de préjudice, il sera question de demander aux sages gouro de sceller cette réconciliation par des libations et incantations avec invocation d'ancêtres pour permettre à ces ruraux de nouer de nouvelles relations basées sur la confiance, l'entraide et la complémentarité. Ce sera en inscrivant les actions des ONG et autres partenaires dans ce vecteur de réconciliation que ces peuples sédentarisés auront moins de mal à vivre ensemble.

2.3. Aider à réduire les stigmates de la crise post-électorale

La période de crise a été une période où les populations autochtones et allochtones se sont prises simultanément pour cible. De ce fait, les dégâts multiformes causés par ces violences étaient à la fois physiques et psychologiques. Dès lors, pour espérer retrouver la solidarité organique qui existait entre ces populations clivées, il serait judicieux d'initier des prises en charge psychologique et matérielles de ces populations, dont certains gisent aujourd'hui dans le dénuement presque total. Cette assistance psycho-matérielle permettra à ces populations de combler quelques insuffisances matérielles et d'avoir moins de pensées rétrospectives.

Il s'agira aussi de procéder à des campagnes de restitution des espaces fonciers consolidés sous la menace des armes, aux véritables propriétaires.

3. Responsabilités des peuples sédentarisés

3.1. Renforcer les alliances inter-ethniques

Les alliances interethniques ont longtemps été expérimentées par la plupart des peuples de la Côte d'Ivoire. Les problèmes d'ordre culturel, religieux, militaire et juridique se réglaient au niveau de la famille, du clan, de la tribu ou au niveau des groupes alliés. Cette procédure de gestion des problèmes sociaux exclusivement circonscrite dans la sphère familiale a permis d'entretenir un jeu d'alliances interethnique que les acteurs ruraux de Sinfra ont entretenu depuis des décennies sous une forme de cohésion sociale entre ces peuples. Ainsi, les conflits fonciers à répétition avec ses résurgences identitaires observés depuis quelques temps à Sinfra, traduisent que la solidarité organique qui régissait la société Gouro a laissé place à un individualisme mécanique où les acteurs se focalisent uniquement sur leurs intérêts. Dans ce contexte, il serait opportun de renouer avec les alliances interethniques entre les autochtones et allochtones à l'effet de revenir à cette solidarité organique, cette cohésion sociale entre ces peuples et conséquemment de préserver ces populations de conflits fonciers à répétition. Cela, tout en permettant aux populations de retrouver un équilibre psycho-social, renforcera cette paix si sensible à Sinfra.

3.2. Renforcer les mariages inter-ethniques

Le renforcement de la cohésion entre peuples de Sinfra, par le biais des mariages inter-ethniques est une condition indispensable pour réduire quelques peu les rivalités entre ceux qui possèdent les biens fonciers (autochtones) et ceux qui possèdent les moyens financiers (allochtones). Cela aura des impacts à un triple niveau :

- Au niveau du maillage des acteurs ruraux. En effet, si les gouro se rendent compte que les allochtones de Sinfra, ne constituent pas seulement des allochtones au sens étymologique du terme mais sont plutôt un clivage d'acteurs composés d'allochtones et d'un nombre important d'autochtones nés de mariages inter-ethniques, ceux-ci seraient plus souples dans la procédure de cession de terres et moins déterminés à exproprier ces allochtones des terres.

- Au niveau des allochtones, ces mariages inter-ethniques encourageraient ceux-ci à éviter les voies de contournement de la procédure d'acquisition des terres, mais seraient plutôt enclin à suivre une démarche légale qui, qui de tout façon n'a pas de raison d'être chinoisée (en tenant compte de ces mariage inter-ethniques).

- Au niveau de la collaboration autochto-allochtone devenue complexe ces derniers temps. Ces mariages favoriseraient une sorte de confiance réciproque entre ces peuples qui deviendraient par ce processus, des parents éloignés et excluraient simultanément cette communication en ligne utérine, tribale ou communautaire telle que constatée durant nos investigations.

3.3. Intégrer les allochtones dans les CGFR

Pour réduire quelque peu les frustrations successives des minorités de Sinfra (l'ensemble des décisions sociales et foncières sont prises sans leur participation et leur point de vue), il serait question de procéder à une intégration incrémentale des allochtones de la localité dans les centres de décisions sociales et foncières. Cette invitation des allochtones dans ces centres de décision partirait de leur intégration dans les comités de gestion foncière rurale et des notabilités villageoises afin de leur permettre de se sentir impliqués dans la prise des décisions sociale et foncière les concernant. De ce fait, ils seraient plus disposés à respecter les décisions qui seront non pas le résultat de la concertation exclusivement autochto-autochtones, mais le fruit du travail d'une équipe dont ils se sentiraient fortement représentés, c'est-à-dire un ensemble de représentants des principales communautés sédentarisées du département (autochtones et allochtones).

3.4. Condamner les appropriations clandestines d'espaces

Les populations rurales de Sinfra et en particulier les autochtones exercent les activités champêtres dans la peur constante des allochtones qui rodent dans la plupart des contrées rurales en vue de trouver un membre d'une famille autochtone à qui, proposer une somme en vue d'un achat clandestin d'espace. C'est pourquoi, il apparait judicieux de renforcer les campagnes de sensibilisation initiées par le collège des chefs traditionnels du département de Sinfra en vue de l'interdiction formelle de ventes ou d'achats clandestins de terres auprès d'un membre quelconque d'une famille donnée.

Dans la pratique, il s'agira de scinder cette période de campagne de sensibilisation en deux phases :

- Phase 1 : Organiser des réunions villageoises et concertations extra-villageoises en vue d'informer et de sensibiliser la population rurale et urbaine de Sinfra sur l'interdiction des ventes illicites des terres familiales et des risques encourus par les éventuels contrevenants.

- Phase 2 : Traduire les contrevenants, c'est-à-dire celui, coupables de corruption active et son acolyte, coupable de corruption passive devant les autorités compétentes à l'effet de leur infliger une sanction exemplaire pour eux et intimidante pour les éventuels contrevenants.

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