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UNIVERSITE FELIX HOUPHOUET BOIGNY D'ABIDJAN
UFR : CRIMINOLOGIE
Option : SOCIOLOGIE CRIMINELLE
SUJET
LA GESTION DES CONFLITS FONCIERS ENTRE AUTOCHTONES ET
ALLOCHTONES DANS LE DEPARTEMENT DE SINFRA
Présenté par
KANA Jean Noel Pacôme
THESE soutenue le 16 Mars 2019
DEDICACE
Aux familles KANA et DJEDJE
REMERCIEMENTS
L'élaboration de ce travail de recherche n'aurait pu se
faire sans la contribution d'un certain nombre de personnes à qui, nous
tenons à exprimer notre reconnaissance.
? Ainsi, nous voudrions de prime abord dire merci au Prof.
SISSOKO Alain, Professeur Titulaire de Sociologie, ex-Doyen de l'UFR
Criminologie, Directeur de cette thèse, pour sa grande
disponibilité dans le suivi et l'encadrement (de ce travail de
recherche). Ses conseils nous ont été d'une utilité
avérée.
? Nous remercions également le Prof. KOUDOU Opadou,
Professeur titulaire de Psychologie, pour avoir bien accepté de suivre
ce travail et dont les conseils et orientations nous ont permis de nous
familiariser aux grandes thématiques de la recherche scientifique.
? Le Doyen de l'UFR Criminologie, le Prof. YEBOUET Henry, pour
les conseils avisés et encouragements ayant facilité le
déroulement de ce travail.
? Le Prof. MELEDJE DJEDJRO, Professeur Titulaire de Droit
(président du jury) pour ses recommandations et orientations en
dépit de son emploi du temps chargé.
? Le Prof. HAUHOUOT CELESTIN, Professeur Titulaire de
Géographie. Ses recommandations nous ont permis de comprendre
véritablement des thématiques essentielles du travail.
? Le Prof. IBO GUEHI, Directeur de Recherches (CAMES). Ses
conseils, sa disponibilité et ses orientations ont été
indispensables à la compréhension de notre objet d'étude.
? Le professeur AGNISSAN AUBIN, Maître de
Conférences - Sociologie- Anthropologie -UFHB. Son appui, ses conseils,
son suivi et sa disponibilité ont été considérables
dans la réalisation de ce travail.
? Nos remerciements vont tout aussi à l'endroit du
Préfet de Sinfra, du directeur départemental de l'agriculture, du
directeur départemental de la construction, du chef de la tribu «
Sian », des autorités sous-préfectorales ainsi que
des différents magistrats du tribunal de Sinfra.
LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Récapitulatif de la
variable dépendante et de ses indicateurs................85
Tableau 2 : Récapitulatif des
variables indépendantes et de leurs indicateurs........86
Tableau 3 : Evolution démographique de
la population de Sinfra de 1975
2014..........................................................................................92
Tableau 4 : Descriptif quantitatif de
l'échantillon autochtone.............................104
Tableau 5 : Descriptif quantitatif de
l'échantillon allochtone..............................105
Tableau 6 : Descriptif quantitatif de
l'échantillon des autorités locales.................106
Tableau 7 : Descriptif quantitatif de
l'échantillon
général..................................105
Tableau 8 : Fréquence des
modalités d'accès à la terre à
Sinfra................
.........124
Tableau 9 : Conflits liés à la
destruction des plantations à Sinfra de 2009 à
2014......................................................................................................140
Tableau 10 : Procès-verbaux des
affaires réglées...........................................196
Tableau 11 : Niveau de stigmatisation des
acteurs de gestion............................197
Tableau 12 : Evolution des pâturages de
2010 à 2015......................................213
Tableau 13 : Distribution statistique des
données de l'hypothèse générale...........216
Tableau 14 : Calcul des effectifs
théoriques de l'hypothèse
générale...................217
Tableau 15: Calcul de la différence
des effectifs observés et des effectifs théoriques de
l'hypothèse
générale............................................................................217
Tableau 16 : Calcul des effectifs obtenus au
carré concernant l'hypothèse
Générale.................................................................................................218
Tableau 17 : Division des résultats
obtenus par des effectifs théoriques de l'hypothèse
générale.................................................................................218
Tableau 18 : Rappel de la variable
indépendante et de ses critères...................219
Tableau 19 : Effectifs des indicateurs de la
variable indépendante dans les
sous-préfectures...............................................................................................219
Tableau 20 : Distribution statistique des
données de l'hypothèse 1.....................220
Tableau 21 : Calcul des effectifs
théoriques de l'hypothèse 1.............................221
Tableau 22 : Calcul de la différence
des effectifs observés et des effectifs théoriques de
l'hypothèse
1.......................................................................................221
Tableau 23 : Calcul des effectifs obtenus au
carré concernant l'hypothèse 1.........221
Tableau 20 : Division des résultats
obtenus par des effectifs théoriques de l'hypothèse
1..........................................................................................222
Tableau 25 : Distribution statistique des
données de l'hypothèse 2.....................223
Tableau 26 : Calcul des effectifs
théoriques de l'hypothèse 2.............................223
Tableau 27 : Calcul de la différence
des effectifs observés et des effectifs théoriques de
l'hypothèse
2........................................................................................223
Tableau 28 : Calcul des effectifs obtenus au
carré concernant l'hypothèse 2......224
Tableau 29 : Division des résultats
obtenus par des effectifs théoriques de l'hypothèse
2............................................................................................224
LISTE DES FIGURES
Figure 1 : Evolution démographique de
la population de Sinfra de 1975
à
2014............................................................................................93
Figure 2 : Modalités d'acquisition des
terres à Sinfra.......................................126
Figure 3 : Actions du nouvel acquéreur
en faveur des membres de sa famille......131
Figure 4 : Actions des membres de famille en
faveur du nouvel acquéreur...........132
Figure 5 : Processus de
dégénérescence des conflits fonciers à
Sinfra...............152
Figure 6 : Organigramme de la chefferie
traditionnelle à Sinfra..........................163
Figure 7 : Organigramme du Comité de
Gestion foncière rurale de Sinfra............165
Figure 8 : Organigramme du tribunal
pénal de Sinfra.......................................172
Figure 9 : Procédure de gestion par
les autorités administratives de Sinfra.........189
LISTE DES SIGLES
MINAGRA : Ministère de l'Agriculture et des Ressources
Animales.
BADR : Bureau des Affaires Domaniales
RGPH : Recensement Général de la Population et
de l'Habitat
PFR : Plan Foncier Rural.
AV : Assemblée Villageoise
CF : Certificat Foncier
CGF : Comité de Gestion Foncière
CCTS : Collectif des Chefs de la Tribu Sian
CFR : Commission Foncière Rurale
CNA : Chambre Nationale d'Agriculture
CBFR : Comite du Barème Foncier Rural
DCI : Direction du Cadastre Ivoirien
CGFR : Comité de Gestion Foncière Rurale
CVGFR : Comite Villageois de Gestion Foncière Rurale
CFC : Certificat Foncier Collectif
CFI : Certificat Foncier Individuel
BNETD : Bureau National d'Etudes Techniques et de
Développement
INS : Institut National de Statistiques
ONG : Organisation Non Gouvernementale
OTA : Opérateur Technique Agrée
DDA : Direction Départementale de l'Agriculture
AFOR : Agence Foncière Rurale
Introduction
Les conflits sont inhérents aux rapports humains
(Billiard, 2016), et ce pour deux raisons essentielles : d'une part, les
individus ou groupes humains ont des besoins, des intérêts
différents ; d'autre part, les ressources naturelles sont
disponibles en quantité limitée. Il faut donc organiser leur
accès (Baron, 2006).Ces deux facteurs sont générateurs de
conflits.
En Afrique, la question relative au foncier constitue un enjeu
considérable ; les immenses superficies du continent sont de plus
en plus soumises aux lois capitalistes du marché et de ce fait,
deviennent progressivement de vastes espaces d'exploitations (Kakule, 2011).
Revendiqué à l'échelle internationale
comme support de développement, d'investissement ou d'habitat,
monopolisé à l'échelle nationale pour satisfaire les
besoins d'ordre public, le système foncier africain revêt une
importance dans la vie sociale, économique et politique des populations
(Akpinfa, 2006).
La Côte d'Ivoire, longtemps considérée
comme le « poumon » de l'économie
ouest-africaine, a orienté dès son accession à
l'indépendance, sa politique socio-économique sur l'exploitation
forestière et la production agricole avec un accent particulier sur les
cultures de rentes telles que le café et le cacao (Chauveau, 2000 ;
Lavigne, 2002).
Cette politique lui a valu le statut de premier producteur
mondial de cacao et de troisième producteur mondial de café. Ces
résultats ont suscité le concept de « miracle
ivoirien » et favorisé une politique d'immigration
interne et externe des populations vers les zones forestières dans le
but de construire un Etat moderne, économiquement fort (Club
UA-CI,2010).
De plus d'une dizaine de millions d'hectares en 1960, la
côte d'ivoire est passée à moins de trois millions
d'hectares de superficie de forêt aujourd'hui (BNETD, 2005). Ainsi, la
question foncière dans ce pays est devenue une problématique
fondamentale des politiques de développement, non pas dans une
appréhension de la terre comme matière brute qui peut
présenter un intérêt limité mais comme un ensemble
englobant les ressources naturelles qui la composent (Yom et Madji, 2012).
La compétition et la concurrence pour l'accès
à la terre se sont donc accrues ces derniers temps sous les effets
conjugués de nombreux facteurs dont la combinaison a
généré des conflits sanglants et meurtriers dans le pays
(Mathieu, Matabaro et Tsongo, 1994 ; Zongo, 2009). De ce fait, si
l'accès à la terre et la sécurisation foncière
constituent des problèmes qui concernent l'ensemble du territoire
ivoirien, ces questions se posent de nos jours avec beaucoup plus
d'acuité dans le Sud-ouest de la Côte d'Ivoire, zone à
prédominance agricole (Bogolo, 2004 ; Kouadio, 2011).
Aujourd'hui, le sud-ouest ivoirien est devenu un espace rural
différencié par la diversité d'acteurs en
présence : autochtones, allogènes ou peuples
sédentarisés (Gnabéli, 2008), exploitants forestiers de
l'Etat, privatistes, citadins, autorités locales, etc.
L'accès à la terre est devenu précaire,
compétitif, concurrentiel avec une course récurrente pour la
détention monopolistique des droits de propriété avec tous
les risques qui s'y rattachent (Zadou, Ibo et Koné, 2010).La ruée
sur les terres fertiles nationales a créé une certaine anarchie
dans l'occupation des parcelles et généré des conflits
entre exploitants ruraux (Dévérin, 2005 ; Merabet, 2006;
Gausset, 2008).
C'est donc dans ce contexte de raréfaction des terres
et des ressources naturelles que l'on a assisté à des
individualismes au détriment des valeurs ancestrales de partage et de
solidarité enseignées par la tradition (Paupert, 2010).Cette
situation a accentué la compétition entre acteurs ruraux qui,
désormais s'activent uniquement à défendre et à
sécuriser leur domaine d'exploitation et donc à
privilégier l'intérêt personnel avec le
célèbre slogan « la terre appartient à
celui qui la met en valeur » (Bonnecase, 2001).
Dans cette lutte d'intérêts, les échanges
se terminent fréquemment par des oppositions rangées (Kana,
2014) ; lesquelles résultent d'une divergence
d'intérêts manifestée par des désaccords, rixes et
litiges violents, révélateurs de dynamiques sociales (Zongo,
2009).
Dans le département de Sinfra, la terre était
dans le passé, repartie entre les différents lignages fondateurs
(Meillassoux, 1964 ; Bnetd, 2005). Et en raison du culte rendu à la
terre, l'activité agricole était précédée de
quelques rites agraires. Ainsi, le paysan était ou devait être
conscient que la terre ne peut faire l'objet de consolidation et de
défrichage sans l'accomplissement préalable de pratiques
propitiatoires et votives déterminées pour assurer
l'agrément des génies des lieux et esprits des ancêtres
(Agnissan, 1997).
Par ailleurs, chaque chef de lignage fondateur avait à
charge l'établissement de ces rites agraires pour favoriser
l'exploitation par les nouveaux migrants, la gestion du patrimoine foncier
familial, l'arbitrage des conflits intrafamiliaux, l'accueil et l'installation
des allogènes et l'octroi de droits de propriété
temporaires (Deluz, 1965).
Toutefois, depuis quelques décennies, l'on observe
à Sinfra une récurrence des conflits fonciers multiformes et
variés, menaçant régulièrement la cohésion
sociale départementale (Kana, 2014).
Du point de vue scientifique, de nombreux facteurs ont
été évoqués par les chercheurs pour tenter
d'expliquer l'apparition des conflits et leur réapparition après
gestion : ventes illicites des espaces familiaux, retour des jeunes
déscolarisés, raréfaction des terres cultivables,
faiblesse institutionnelle, autorité défaillante de l'Etat,
pluralité d'intervenants dans le domaine foncier, corruption active et
passive des acteurs et des instances de jugement, ferme volonté de
consolidation des espaces fonciers nonobstant les obstacles, collision entre
deux tribunaux (pénal, coutumier) aux fonctionnements
différents(Kakule,2011).
Les conséquences pluridimensionnelles qui
découlent de ces litiges s'appréhendent à travers les
dégâts matériels et humains ainsi que l'atmosphère
d'insécurité permanente, enregistrés lors des conflits de
consolidation ou de maintien des droits sur des espaces fonciers (Bonnecase,
2001).
Chercher donc à comprendre les raisons des rapports
conflictuels entre ruraux reviendrait dans notre travail, à nous
intéresser aux modalités d'acquisition des terres, aux acteurs,
aux enjeux, au déroulement, aux différents mécanismes de
gestion et aux facteurs explicatifs de l'échec de la gestion de ces
litiges fonciers à Sinfra.
Dans ce travail, nous nous intéresserons uniquement
à « la gestion des conflits fonciers entre
autochtones et allochtones dans le Département de
Sinfra ».
Ce travail s'inscrit dans l'optique des recherches qui visent
non seulement à montrer la nature complexe du jeu foncier dont les
pratiques combinent une diversité de registres mais aussi, les
difficultés de l'Etat à s'imposer comme acteur légitime et
autoritaire sur l'échiquier foncier, en dépit de ses
prétentions hégémoniques.
Sur le plan organisationnel, l'étude comporte deux
parties :
-La première partie s'articule autour des
considérations théorique et méthodologique.
Dans cette partie, nous délimitons
géographiquement notre champ d'étude et d'investigations tout en
mettant en relief, à travers la recension des écrits
antérieurs et des différents paradigmes, l'orientation que
nous souhaitons donner à ce travail.
-La seconde partie présente les résultats,
l'analyse et l'interprétation de ces résultats et la discussion.
Dans cette partie, nous évoquons les résultats recentrés
autour des modalités d'acquisition des terres, les configurations du
phénomène, les conséquences des conflits fonciers, les
différents mécanismes locaux de gestion, les facteurs explicatifs
de l'échec de la gestion desdits conflits fonciers, la discussion pour
ainsi ouvrir le champ des suggestions.
PREMIERE PARTIE :
CONSIDERATIONS THEORIQUES
ET METHODOLOGIQUES
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