B/ Le caractère potentiel de l'office du juge
national en matière de droit communautaire.
L`une des raisons de la révision du traité de la
CEMAC de 1994 a été le manque d`appropriation du projet
intégratif par les Etats membres de la CEMAC. Poussant ainsi la
régression du droit communautaire et du coup réduisant l`office
du juge communautaire à une fonction potentielle. Ainsi le manque
d`appropriation du projet Communauté par les Etats Membres se traduit,
au niveau national par un relais institutionnel insuffisant pour traiter des
questions communautaires. Les raisons principales au niveau de l`office du juge
national juge de droit commun de l`ordre juridique communautaire sont, le
caractère facultatif lié à l`application du droit
communautaire par le juge national (1), et au niveau des
justiciables, on mettra en exergue l`ignorance ou la méconnaissance de
la législation communautaire (2).
1) le caractère facultatif lié
à l'application du droit communautaire par le juge national.
Le procès communautaire au sein des juridictions
nationales est différent du procès national, parce qu`il fait
intervenir la nécessité de l`application du droit communautaire.
Les exigences de la primauté obligent les juges à appliquer le
droit issu de la CEMAC. Cependant, Les juges nationaux peuvent contourner les
exigences communautaires en refusant d`appliquer le droit communautaire par
simple mépris des lois issues des communautés intégratives
ou par confusion du droit communautaire au droit international ou par simple
ignorance ou par mauvaise foi. L`application du droit communautaire est ainsi
mal menée par les juges nationaux ; bien que cela n`augure rien de
positif pour l`effectivité du droit communautaire. Pour remédier
à cela le législateur communautaire à donc imaginé
une procédure de contrôle de l`activité des juges nationaux
pour rendre l`application du droit communautaire uniforme dans tous les Etats
membres de la CEMAC, à savoir le mécanisme de renvoi
préjudiciel. Ce mécanisme qui limite l`autonomie de
procédure des Etats membres, tient à la nécessaire
application uniforme du droit communautaire par les juges nationaux. Il faut
dire que l`efficience du droit commun serait compromise, si son
interprétation était intégralement abandonnée aux
juges nationaux. A la différence de sa réussite dans le contexte
européen, l`exemple communautaire centrafricain est plus complexe parce
qu`on ne peut valider l`importance d`un mécanisme s`il n`est pas
appliqué pas les juridictions nationales. Il faut dire que pour aborder
scientifiquement l`abandon de l`application du droit
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communautaire par les juges nationaux, nous devrions analyser
les décisions de justice des différentes juridictions des Etats
membres de la CEMAC pour comprendre les raisons de l`absence d`application du
droit communautaire. Mais nous butons sur une difficulté
particulière liée à toute recherche scientifique
c`est-à-dire les moyens et le temps à notre disposition sont
insuffisants. Mais les quelques éléments que nous avons à
notre dispositions nous permettent de dire que l`autonomie procédurale
de chaque Etat membre de la CEMAC créée une difficulté
à engager la responsabilité de l`Etat membre et encourage le
phénomène de non application du droit communautaire par les
juridictions nationales. L`autre élément qui rend l`office du
juge national en matière de droit communautaire potentiel est
l`ignorance des règles de droit communautaire par les protagonistes.
2) L'ignorance de la règle de droit
communautaire par les acteurs de la justice.
La société centrafricaine n`a eu cesse de
considérer le projet intégratif et le droit y relatif comme
« le droit d'une technocratie opaque ou d'une classe savante
»352. Cela du coup a été accentué par
le manque de publicité de la règle de droit communautaire. Bien
que la mise en place de juridiction supranationale centralise davantage le
rôle du juge interne, il lui est reconnu plus qu`a n`importe qu`elle
autorité de faire introduire le droit communautaire dans la
sphère interne, l`on ne doit point négliger l`ignorance
même, par les acteurs de la justice, du droit communautaire lui
même. Le juges ne peut donc pas appliquer dans ses décisions le
droit communautaire si les justiciable n`en font pas référence
dans les demandes de réparation, parce qu`étant peu enclin
à la connaissance du droit communautaire. Jadis dans la formation du
magistrat, il n`était nullement mis en exergue la prise en compte
prioritaire du droit communautaire dans la prise des décisions
judiciaires. De nos jours la nouvelle génération des auditeurs de
justice des Etats membres de la CEMAC est imprégnée à
l`intégration régionale et surtout au contentieux OHADA. Pourquoi
donc une faible activité judiciaire des juridictions nationales en ce
qui concerne le droit communautaire ? La réponse est à chercher
au niveau également des justiciables et des avocats qui interviennent
dans les procédures judiciaires. On peut invoquer
l`analphabétisme, l`inculture et « la crainte
révérencielle de l'Etat ou de toute forme d'autorité qui
symbolisent le pouvoir et devant lesquels il faut se plier à tout prix
»353. Quelque fois même c`est le coût des
procédures (d`enquête et d`ouverture du dossier) qui est à
l`origine. Les frais de déplacement à
352 Voir KENFACK (J), « Le juge camerounais à
l'épreuve de l'intégration économique »,
OHADATA D-08-012005, p 1.
353 TCHUINTE (J), « L'application effective du droit
communautaire en Afrique centrale », thèse de doctorat en
droit public, op cit, p 419.
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N`djamena ne sont pas à la bourse de tout les
justiciables et également les frais pour s`attacher les services d`un
avocat. Et même les avocats constituent également un frein du
droit communautaire. Il faut signaler que la majorité des affaires
transmis aux juridictions sont jugées irrecevables par les juridictions
nationales. De toute évidence la formation d`avocat en Afrique centrale
est limitée en ce qui concerne le droit communautaire et ses exigences.
A remarquer qu`au Cameroun par exemple la formation est au niveau master 1 en
droit, ceci après un bref stage au sein d`un cabinet d`avocat. Et aucune
formation n`est prévue après l`admission au barreau.
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