1.4 Théorie sur le secteur informel
Depuis son introduction au début des années
1970, le concept d'informalité a donné naissance à
d'intenses débats. Les opinions des chercheurs divergent non seulement
sur les causes et la nature du secteur informel, mais aussi sur ses liens avec
le secteur formel. Jusqu'au milieu des années 1990, ces opinions
divergentes peuvent facilement être classées en trois grandes
écoles de pensée : l'école dualiste, l'école
structuraliste et l'école légaliste.
1.4.1 L'école dualiste
L'école dualiste, qui dominait dans les années
1960 et 1970, tire ses racines intellectuelles dans le travail de Lewis (1954)
et Harris et Todaro (1970). Les dualistes considèrent le secteur
informel comme le segment inférieur d'un marché du travail dual,
n'ayant aucun lien direct avec l'économie formelle. Il s'agit d'un
secteur résiduel qui naît d'un processus de transformation dans
les économies en développement et qui existe parce que
l'économie formelle n'est pas capable d'offrir des opportunités
d'emploi à une partie de la main-d'oeuvre.
Avec la croissance et la transformation économiques,
l'économie informelle sera au bout du compte absorbée par le
secteur formel.
1.4.2 L'école structuraliste
Par contraste, l'école structuraliste souligne la
décentralisation de la production et les liens ainsi que
l'interdépendance entre les secteurs formel et informel (Portes et al.
1989). Les structuralistes considèrent le secteur informel comme
étant formé de petites entreprises et de travailleurs non
immatriculés, soumis à des grandes entreprises capitalistes.
Les premiers fournissent de la main-d'oeuvre bon marché
et des entrées aux dernières, améliorant ainsi leur
compétitivité. Selon l'école structuraliste, il est
improbable que la croissance élimine les relations informelles de
production, car celles-ci sont intrinsèquement associées au
développement capitaliste. Ainsi, les entreprises modernes
réagissent à la mondialisation en mettant en place des
systèmes de production plus flexibles et en sous-traitant, ce qui leur
permet de réduire leurs coûts. Ces réseaux de production
mondiale engendrent une demande de flexibilité que l'économie
informelle est la seule à pouvoir fournir, selon cette école.
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1.4.3 L'école légaliste
Enfin, l'école légaliste ou orthodoxe,
prônée par Hernando de Soto dans les années 1980 et 1990,
considère le secteur informel comme étant fait de
micro-entrepreneurs qui préfèrent fonctionner de manière
informelle afin d'éviter les coûts associés à
l'immatriculation (De Soto, 1989). Tant que les coûts d'immatriculation
et d'autres procédures officielles seront supérieurs aux
avantages à se trouver dans le secteur formel, les micro-entrepreneurs
continueront à choisir l'informalité. Ils constituent ainsi un
vaste réservoir d'augmentations futures de la croissance et des niveaux
de vie, si des réformes des règlementations et des
réductions des impôts pouvaient être introduites.
A contrario des écoles dualiste comme structuraliste,
cette école souligne la nature potentiellement volontaire de
l'informalité lorsque les travailleurs et entreprises décident de
quitter l'économie formelle suite à une analyse
coûts-bénéfices.
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