II - Les conséquences des anomalies fiscales
Les conséquences des anomalies fiscales se multiplient
et se diversifient mais la conséquence la plus importante des anomalies
fiscales reste toujours le manque à gagner par l'Etat et les recettes
fiscales perdues; les finances publiques du monde entier souffre d'une fuite
financière liée à ces anomalies.
Au Maroc, à partir des travaux de simulation
effectués sur la base des données de la comptabilité
nationale et des données fiscales en particulier les recettes effectives
et la base taxable, la Mission d'Assistance Technique du Fond Monétaire
International (FMI) a évalué la part du PIB qui échappe
à toute taxation ou dont la taxe a été
récupérée et non versée, au titre de la taxe sur la
valeur ajoutée concernant l'année 2005, à l'ordre de 33.3
milliards de Dirhams.
Une augmentation de la pression fiscale de 2%, permettrait
d'augmenter les dépenses publiques de l'Etat affectées au
développement économique, Les pays du tiers-monde et les pays en
développement dont le Maroc souffrent d'une grande ampleur frauduleuse
qui freinent les investissements publics, le système fiscal de ces pays
se trouve en obligation d'augmenter les taux d'imposition existants afin
d'assurer et équilibrer les recettes fiscales perdues et selon la courbe
de Laffer un taux d'imposition plus élevé aggrave plus la
situation et incite les contribuables disciplinés à frauder et
optimiser ; un cercle vicieux qui joue toujours en faveur des anomalies et des
trafiqueurs.
Les anomalies fiscales ont aussi un grand impact sur la
concurrence des entreprises, les entreprises qui pratiquent et qui s'adonnent
à la fraude fiscale orientent et guident le marché à une
concurrence déloyale en comparaison avec des autres entreprises du
secteur respectueuses de leurs obligations fiscales., G.ARDANT explique la
Le contrôle fiscal comme instrument de rendement et
lutte contre les anomalies fiscales
31
dangerosité de ces anomalies en disant qu'elles «
permettent la survie non pas des plus aptes, des plus utiles à la
collectivité, des mieux équipées et des mieux
organisés, mais des plus fraudeurs »29 en ajoutant que
« les possibilités de fraude ont pour premier effet de
détourner l'activité de certains individus ou de certaines
entreprises de l'orienter vers des travaux inutiles à la
collectivité »30.
Au niveau de l'économie marocaine, aucune tentative n'a
été engagée pour évaluer les anomalies fiscales et
leurs conséquences à l'exception de l'étude du Fonds
monétaire international (FMI)31 ; une institution
internationale regroupant 189 pays dont le but est de promouvoir la
coopération monétaire internationale, garantir la
stabilité financière, faciliter les échanges
internationaux, contribuer à un niveau élevé d'emploi,
à la stabilité économique et faire reculer la
pauvreté qui a établi un modèle économique à
partir de 90 entreprises marocaines pour objectif d'étudier et mesurer
les situations économiques de ces entreprises pour évaluer les
anomalies fiscales, en ajoutant quelques modestes tentatives :
? Messieurs Essoulahi et Abbadi
(inspecteurs-vérificateurs des impôts) : « la
compagne de lutte contre la fraude devait aboutir en 1980 à des
redressements proches de 600 millions de dirhams, soit une somme dix fois
supérieurs aux recettes de l'impôt agricole, deux fois
supérieure au rendement de la patente, plus importante que le total des
droits d'enregistrement ou encore équivalente à l'apport de la
taxe des produits pétroliers »32.
? Le rapport du FMI intitulé « Examen de
la reforme fiscale » : au terme de cette analyse les
rédacteurs du rapport concluent que « l'estimation de
l'évasion et de fraude fiscales de 3,8 milliards de dirhams est encore
modérée »33
? F.GHILES a estimé qu'au Maroc «
l'évasion fiscale est une façon de vivre »34.
29 C.f. Ouvrage. G.Ardant
30 G.Ardant, Op.cit.
31 FMI, « Maroc : examen de la reforme fiscale
», 24 septembre 1987.
32 Mohamed BOUCHAREB, Op.cit.
33 Rapport FMI, Op.cit.
34 F.GHILES, « Marocco Tighteris the IMF Screw
» Financial Times, 10 Mai 1988, cité par A. Chevalier et
V.Kessler
Le contrôle fiscal comme instrument de rendement et
lutte contre les anomalies fiscales
32
? Une enquête35 de l'économiste
marocain Najib AKESBI qui mentionne que lors de cette
enquête « nous avions réalisée en 1979-80
auprès d'un échantillon représentatif d'entreprises
industrielles, 41% des responsables interrogés avaient
spontanément affirmé que la fiscalité d'entreprise est
excessivement fraudée.
? Le professeur Abdelkader BERRADA dans un
article intitulé « l'Etat de l'enjeu budgétaire au Maroc
»36 considère que « les moins-values fiscales
frauduleuses sont actuellement estimées par défaut à 6
milliards de DH (9% environs des recettes fiscales prévisionnelles) pour
l'année 1994 (date d'étude), leur répartition par type
d'impôt est la suivante :
Titre : répartition des moins-values
fiscales frauduleuses pour l'année1994 selon Abdelkader BERRADA
Libellés
|
Impôt sur les
sociétés
|
IR
|
Taxes sur
les profits
immobiliers
|
TVA
|
TOTAL
|
Moins-
|
2
|
0,8
|
0,5
|
2,5
|
5,8
|
values
|
milliards
|
milliards
|
milliards de
|
milliards
|
milliards
|
fiscales
|
de
|
de
|
dirhams
|
de
|
de
|
frauduleuses
|
dirhams
|
dirhams
|
|
dirhams
|
dirhams
|
? Malheureusement, dans son article le professeur
Abdelkader BERRADA ne donne ni précision ni
données chiffrées sur l'approche ou la méthode
évaluée pour déterminer ces statistiques.
? Selon Mohamed BOUCHAREB cadre
supérieur de la DGI les estimations de
la fraude fiscale, au titre de l'année 2002,
s'élève à 12 milliards de DH37.
35 N.AKESBI, « l'impôt, l'Etat et
l'ajustement » Éditions Actes Rabat 1993, P 208.
36 BERRADA Abdelkader, « l'Etat et l'enjeu
budgétaire au Maroc », Annales marocaines d'Économie, Revue
de l'association des économistes marocains N 10, Automne 1994 P 15.
37 BOUCHAREB M. « La lutte contre la fraude fiscale au Maroc
» Op. cit, p.115
Le contrôle fiscal comme instrument de rendement et
lutte contre les anomalies fiscales
33
? La Direction générale
des impôts affirme que 50% des déclarations de la TVA
sont en rouge et 70% des sociétés déclaraient des pertes
au titre de l'IS pour l'année 2006.
? Autres conséquences des anomalies
fiscales38 :
V' Réduction des investissements publics (corruption,
détournements,
obstacle au développement privé).
V' Les pauvres ont un accès limité à la
croissance et aux services
publics.
V' Services publics déficients (la diminution de la
qualité des services en
éducation, santé, justice pour les pauvres,
crée un retard socio-
économique).
V' Mauvaise gestion des affaires publiques
V' Faiblesse des procédures démocratiques.
V' Faible niveau de responsabilisation politique.
V' Règles de droit inefficaces ou inopérantes.
V' Manque ou faible encadrement ou complexité pour
l'obtention des
droits de propriété.
V' Instabilité politique et violence.
V' Corruption.
Les conséquences des anomalies fiscales sont
dangereuses et pénibles pour l'économie marocaine et
l'économie mondiale en constituant une perte pour le budget des finances
publiques et en tuant la concurrence pure et parfaite au sein des
marchés, ces anomalies peuvent se pratiquer par plusieurs astuces et
roublardises, dans le chapitre suivant nous traiterons ces
procédés pour savoir le mécanisme de ce type de
comportements interdits par la religion et la législation.
38 HARAKAT Mohamed, GOUVERNANCE ET CONTENTIEUX FISCAL
(Le cas du Maroc), Page 435
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