4.2.3.2. L'élevage
L'élevage est une activité très
pratiquée en milieu rural. On y retrouve les éleveurs travaillant
à leur propre compte et les bergers, exerçant au compte d'une
tierce personne. Dans ce secteur d`activité, nous nous sommes
intéressés aux modes d'élevage à savoir
l'élevage pratiqué de façon sédentaire et
l'élevage nomade (tableau 20). S'agissant particulièrement du
nomadisme, nous nous intéressons aux causes de ce
phénomène qui peut être périodique ou courant.
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 117
Tableau 20. Type et mode d'élevage
type d'éleveur
|
mode d'élevage
|
autonome
|
employé
|
sédentaire
|
Nomade
|
13
|
4
|
16
|
1
|
Source: Enquête de terrain, 2014.
Près de 90% des éleveurs interrogés
étaient des sédentaires qui, pour la majorité pratiquent
la transhumance en saison sèche du fait de la difficulté
d'alimenter le cheptel bovin en cette période d'insuffisance de
pâturage liée à l'avancé sans cesse croissant du
Bokassa-Grass, envahissement qui laisse les éleveurs (du cheptel bovin)
impuissants malgré quelques efforts consentis (désherbage,
pulvérisation avec herbicide, incinération, etc.). Toutefois, la
période d'enquête (saison pluvieuse) est susceptible d'expliquer
la minorité, voire l'absence d'éleveur nomade.
La pratique des feux de brousse de manière anarchique
est un phénomène qui sévit dans la zone et influe
fortement sur le développement de la savane herbeuse au détriment
des autres formations de savane (arbustive, boisée, arborée et
forêt claire).
4.2.3.3. La coupe du bois
La coupe des arbres est une pratique qui prend de l'ampleur
dans l'arrondissement de Meiganga et ce, depuis les troubles orchestrés
dans les pays voisins principalement la RCA36 et le bitumage de la
route Nationale N°1 qui la lie aux autres départements. En effet,
ce déboisement est pratiqué par divers acteurs et ceux pour
plusieurs raisons.
D'une part, la recherche du profit immédiat est mise en
avant via la coupe destinée à la vente et d'autre part elle est
pratiquée pour l'extension des champs et la construction des
habitations. Par ailleurs, la présence d'une scierie dans les
années 1960 à Nganhi (Planche 3) justifie la rareté des
grands arbres utilisés pour la fabrication des meubles dans cette zone
à l'instar des Milicia excelsa (Iroko) et Vitex
Doniana.
36 Enquête de terrain
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 118
X : 6.586510° ; Y : 14.256691°
Planche 3. Ancien site de scierie à Nganhi,
reconverti en séchoir
Sur ces deux images, on remarque les bases d'une scierie,
datant de l'époque coloniale, aujourd'hui utilisées comme
séchoir par les habitants (image de droite) avec notamment
l'étalage du manioc, identifiable par la couleur blanche sur la dalle.
La présence des herbes et arbustes tout autour et l'état
dégradé des vestiges existants dénotent de
l'ancienneté de ces infrastructures.
Nous nous sommes également focalisés aux
métiers en étroite relation avec la coupe de bois notamment les
scieurs, les bucherons (vendeur de bois), et « braiseurs »
de viande.
? Les sieurs : on en a dénombré
un nombre restreint (photo 10) dû au fait que ceux-ci passent la majeure
partie de leurs journées en brousse37 à la recherche
de bois susceptibles d'être scier, également parce que ces
derniers, pour la plupart, exercent en marge de la règlementation,
autrement dit, dans la clandestinité. Dans ce contexte, il ressort des
personnes enquêtées qu'un répertoire bien défini
d'espèces est recherché pour leurs caractéristiques
(résistance, couleur, épaisseur, etc.). Afin de parvenir à
leurs fins, les scieurs abattent aussi bien les arbres morts que ceux qui sont
verdoyants. Par ailleurs, chaque espèce est recherchée, abattue
et sciée en fonction de sa future utilisation (tableau 21).
37 La brousse dans le cadre de ce travail fait
référence aux zones reculées du village où l'on
retrouve plusieurs types de végétation (forêts-galeries,
savane boisée, forêt claire, etc.)
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 119
X : 6.593470° ; Y : 14.208504°
Photo 10. Des scieurs à Nganhi
De l'avant vers l'arrière-plan de cette image, nous
pouvons observer trois individus en train de scier un tronc de Vitex doniana,
suivi d'une végétation dominée par la couche
herbacée, et enfin, la cime de quelques arbres en présence. Par
ailleurs, en regardant de près le tronc de cet arbre, on note qu'il est
dépourvu d'écorce, et sa couleur, d'un aspect sec permet
d'affirmer que c'est un « arbre mort ».
Cliché et commentaire : Mouhaman I. oct. 2014
Tableau 21. Plantes recherchées par les
scieurs
Espèces (nom scientifique)
|
Nom en langue Gbaya38,
|
Utilisation
|
Vitex doniana
|
Mbinhi
|
Fabrication des lattes et chevrons (bois blanc)
|
Harungana Madagascariensis
|
Tétôk
|
Chaises en rotins (les bases)
|
Mitragyna inermis
|
Zawaya
|
Fabrication des lattes et chevrons (planche 5)
|
Milicia excelsa ou Chlorophora excelsa
|
Mbatui (Iroko)
|
Fabrication des planches (bois jaune)
|
Entada africana
|
Ndèn-hè
|
Fabrication des planches (bois rouge)
|
Source : enquêtes de terrain, 2014
Ce tableau présente les principales espèces
recherchées par les scieurs. Cette exploitation en
générale anarchique et incontrôlée fait en sorte que
certaines des espèces citées dans ce tableau sont en voie de
disparition dans notre zone d'étude. Lorsque nous nous
intéressons de près au Milicia excelsa,
communément appelé « Iroko », c'est une
espèce difficile à trouver au point où le seul
spécimen que nous avons pu observer se trouvait à 20 km de Nganhi
(à l'Ouest du village) sur la route de Mboula (planche 4) et ce, dans
une propriété privée.
X : 6.580370° ; Y : 14.199652°
Planche 4. Vue d'un Milicia excelsa
(Iroko)
38 Noms donnés par les facilitateurs,
autochtones et d'ethnie Gbaya
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 120
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 121
Sur cette planche constituée de trois images, de la
gauche vers la droite, nous avons un tronc de Milicia excelsa plus connu sous
le nom d'Iroko, suivi de son feuillage et d'une borne kilométrique qui
indique l'emplacement du dit arbre (à 26km de Mboula). Cet arbre fait
partie des plus grands arbres sur un périmètre de 10km et selon
les populations il serait le seul « rescapé » grâce
à sa situation (dans une propriété privée).
Cliché et commentaire : Mouhaman I. mai
2014
La transformation des arbres en planches, chevrons et lattes
par les scieurs exerçant dans la clandestinité nous a
poussé à nous intéresser à la perception que
ceux-ci ont de l'impact de leurs activités sur la dégradation de
la végétation en général, et sur la disparition de
certaines espèces en particulier. Pour d'aucun, les arbres sont
tellement nombreux que le fait de couper une petite quantité n'aura
aucun effet, pour d'autre par contre, la dégradation de la
végétation est une évidence au regard du nombre important
d'espèces qui ont régressé, voire disparu près de
leur village ces vingt-huit dernières années. Dans les deux cas,
on remarque que cette pratique est motivée par la quête permanente
de l'argent en raison de l'insuffisance d'activités
génératrices de revenus et du faible niveau
d'alphabétisation de la population, facteurs qui ne facilitent
guère l'insertion socioprofessionnelle de la population
juvénile.
La transformation des arbres destinés aux constructions
et à la fabrication des meubles n'est pas seulement l'apanage des
scieurs. Les outils rudimentaires à l'instar de la machette sont
utilisés pour abattre des arbres de moindre épaisseur ou en
couper les branches servant de piquets pour les clôtures ou de lattes
pour les toitures aussi bien en paille qu'en tôles (Planche 5).
X : 6.590930° ; Y : 14.254775° X: 6.622081° ; Y:
14.235597°
Planche 5. Utilisation des arbres comme bois
d'oeuvre
Sur ces deux images, on observe l'utilisation des arbres
(tronc et tige) comme base pour le toit (chevrons et lattes) aussi bien pour
les matériaux locaux (toiture en paille à droite) que pour les
matériaux modernes (tôles ondulées à
gauche).
Cliché et commentaire : Mouhaman I. mai 2014
? Les bucherons39 et vendeurs de bois.
Après l'agriculture, c'est l'activité la plus
pratiquée dans les cinq villages où nous avons
enquêté. Cette activité présente l'avantage
d'être à revenus directs. En outre, elle est pratiquée par
toutes les couches de la population. En effet que ce soit les femmes, hommes,
enfants, jeunes, adultes ou vieillards, tout le monde s'y retrouve. L'argent
gagné permet pour la majorité d'acheter les produits de
première nécessité, ainsi que de payer les frais de
déplacement en cas de nécessité. Ce secteur se compose de
deux catégories de personnes voire trois et s'apparente à un
circuit ou une chaîne.
- À la base, nous avons ceux qui sont chargés de
la coupe du bois. Ils peuvent être des livreurs ou alors des vendeurs qui
s'approvisionnent directement en brousse. Parmi ceux-ci, on trouve ceux qui
abattent aussi bien les arbres morts que « vivants » et d'autres qui
parcourent la brousse à la recherche du bois mort uniquement. Les moyens
de transport sont divers et variés en fonction des moyens et de
l'accessibilité du site (lieu de ramassage du bois découpé
au préalable pour faciliter le déplacement). C'est ainsi que le
bois, est transporté sur la tête, dans des porte-tout, sur des
motos (photo 11) et à l'aide des automobiles (photo 12) et est
destiné à la vente.
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 122
39 Selon 38dictionnaire, le bucheron est celui qui
abat des arbres ; nous utilisons ce terme ici pour désigner celui qui
abat les arbres à des fins commerciales.
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 123
X : 6.460121° ; Y : 14.238380°
Photo 11:Transport du bois sur une moto à
Bounou
Cette figure présente un usager sur une moto
chargée de bois à l'extrême, destiné d'une part
à la vente et d'autre part à son domicile,
précisément à la cuisine comme source d'énergie. En
arrière-plan, à droite de la photo, se trouve une concession dans
laquelle on peut distinguer des cases, ainsi que des arbres fruitiers
(Mangifera indica), et plus loin,(à gauche de l'image) la route
bitumée, où se dirige l'individu.
Cliché et commentaire : Mouhaman I. mai 2014
- Les vendeurs. Comme mentionné plus
haut, il y a d'une part ceux, à qui le bois est livré sur place
et d'autre part, ceux qui s'approvisionnent personnellement en brousse. La
vente s'effectue généralement aux bords des voies de
communication où circule un grand nombre de véhicules et de
passants (planche 6). Dans notre cas, il s'agit de la route Nationale n° 1
pour les villages Bardé et Nganhi. Elle s'effectue également dans
les marchés et les points de vente aménagés à cet
effet. Par ailleurs, en saison pluvieuse, la demande est plus importante, ce
qui entraine un foisonnement de mini points de vente dans les quartiers de la
ville (figure 43).
Figure 43. Identification des points de vente de bois
dans une partie de la ville
La commercialisation du bois se fait sous différentes
formes. On a la vente sous forme brute (vente des billes de bois). Une fois les
billes fendues, des tas de différentes tailles sont formés. C'est
ainsi qu'on retrouve des tas allant de 50 à 2000frs.
X : 6.422888° ; Y : 14.220082° X : 6.593478° ; Y :
14.249904°
Planche 6. Vente de bois.
Ces deux images montrent les différentes formes sous
lesquelles le bois est vendu
ainsi que le lieu de vente. Sur l'image de droite nous
sommes en bordure de la Nationale N°1 au village Nganhi où le bois
est vendu en tas et ce, de taille plus ou moins considérable
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 124
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 125
destinée aux passants pour la plupart,
véhiculés dont le prix oscille entre mille et deux mille francs.
L'image de gauche quant à elle présente la vente de bois en de
petits tas de cent francs chacun ; vente effectuée au marché de
Meidougou, en bordure d'une canalisation des eaux de ruissellement et
destiné aux habitants du dit village.
Cliché et commentaire : Mouhaman I. oct. 2014
S'agissant des trois autres villages (Bounou, Meidougou et
Dokolim), l'équipe en charge du bitumage de la Nationale après
études techniques a jugé bon de dévier l'ancien axe pour
en créer un nouveau (figure 44) afin de réduire la distance, et
par la même occasion, le coût des travaux Une déviation qui
a fortement impacté les villages situés sur l'ancien
tronçon surtout sur le plan économique. Les trois villages
cités plus haut s'inscrivant dans ce registre ont connu un
ralentissement des activités génératrices de revenus en
général surtout dans le commerce, car le passage des
véhicules de transport dans ces villages était une excellente
opportunité pour faire de bonnes affaires. Néanmoins, la
présence de la route départementale qui passe par les villages en
question avant de joindre la Nationale permet d'atténuer cette situation
même si ses retombés sont loin de prétendre rivaliser avec
celles de la Nationale.
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 126
Source : Google Earth,
relevés et enquêtes de terrain Réalisation :
Mouhaman I oct. 2014.
PCD Meiganga 2013
Figure 44. Déviation de la Nationale
N°1
- Au sommet de cette chaine de commercialisation, nous avons
les acheteurs qui viennent de divers horizons. Les principaux clients sont les
passants, généralement véhiculés (photo 12). Ils
peuvent être des habitants du centre urbain (ville de Meiganga) ou des
villes voisines. En plus de ceux-ci, une partie de la population à
savoir ceux qui disposent de suffisamment de moyens ou alors ceux qui n'ont pas
les moyens physiques (personnes âgées et malades) et
matériels (moyen de transport) pour s'approvisionner directement en
brousse.
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 127
X : 6.590888° ; Y : 14.254115°
Photo 12. Transport du bois via automobile à
Nganhi
Cette image présente un pick-up chargé de
bois en avant-plan. C'est un excellent moyen de transport du bois qu'utilisent
les passants une fois qu'ils l'ont acheté en bordure de la
chaussée à des prix incomparables à celui fixé dans
les points de vente que l'on retrouve en ville (dû au cout du transport
ainsi qu'au paiement des taxes).
Cliché et commentaire : Mouhaman I. mai 2014
Le bois est une ressource utilisée par divers acteurs
à des fins diverses. Comme bois de chauffe, il est destiné
généralement aux ménages. Par ailleurs, on note des
activités génératrices de revenus qui utilisent cette
ressource en quantité plus ou moins considérable en occurrence
les utilisateurs de Barbecue en général et ceux qui utilisent des
barbecues à fumer40 et barbecues à
combustion41 en particulier.
? Les utilisateurs de Barbecue.
Les Barbecues utilisés dans les localités sont
les barbecues à combustion et les barbecues à fumer. Dans ce
sillage s'inscrit les vendeurs de soya, de Kilichi et autres
grillades obtenues à base de viande. On y retrouve également les
fumeurs de poisson et
40 Le Barbecue à fumer est un appareil de
cuisson dans lequel la cuisson est réalisée dans une enceinte
close où l'on brûle doucement du bois qui émet de la
fumée. La cuisson est donc obtenue par coagulation de l'albumine
à des températures variant de 80 °C à 100 °C
(Encyclopédie Kiwix).
41 Le Barbecue à combustion est
utilisé pour faire cuire les aliments sur des braises obtenues en
brûlant du bois ou du charbon de bois (Encyclopédie Kiwix).
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 128
viande. Ces activités requièrent des
quantités importantes de bois. En effet, ce sont des billes de bois qui
sont utilisées ou du charbon de bois, consumé pendant presque
toute la journée et dans la plupart des cas, ces aménagements
(barbecue) sont installés en bordure de la route principale attirant
ainsi les véhiculés au passage. Au cours de nos enquêtes,
nous avons observé ces activités dans trois villages, sur les
cinq enquêtés (Nganhi, Meidougou et Dokolim) et avons
dénombré environ 10 ouvrages aménagés à cet
effet (4 à Nganhi, 4 à Meidougou et 2 à Dokolim). Pour la
majorité (7/10), le bois leur est livré sur place moyennant
argent et les autres (3/10) s'auto-approvisionnent dans la brousse (savane
boisée, forêts claires et forêts-galeries).
Le secteur de l'éducation de base s'inscrit
également dans l'exploitation du bois de chauffe dans certains des
villages enquêtés. Cette implication est faite de manière
indirecte, notamment par un phénomène qui nous a quelque peu
surpris à savoir l'apport du bois à l'école par les
élèves.
? Phénomène de l'apport du bois à
l'école par les élèves.
C'est un phénomène observé dans certaines
écoles de la campagne et concerne aussi bien les écoles des
parents que les écoles publiques. En effet, dans ces écoles, les
élèves sont contraints ou volontaires (selon le vouloir de
l'enseignant) à apporter une quantité de bois qui diffère
par élève selon le niveau d'étude d'où un
élève de la SIL (Section d'Initiation à la Lecture)
apportera un morceau de bois tandis que celui du CM2 (Cours Moyen
2ème année) apportera un fagot de 3, 4, voire 6
morceaux de bois de manière hebdomadaire, la collecte se fait
généralement tous les lundis, afin de permettre aux
élèves de collecter le bois pendant le week-end (photo 13).
À la base, ce geste fut initié par les parents
pour exprimer leur gratitude aux enseignants pour le rôle important que
ceux-ci jouent dans l'éducation de leurs progénitures et dans le
cas des écoles des parents précisément, c'était un
moyen de motiver l'enseignant à continuer son travail, en dépit
des difficultés rencontrées dont la principale est le retard
accusé dans le paiement des salaires et parfois même le
non-paiement. Au cours du temps, ce geste autrefois volontaire s'est
érigé en règle et imposé par certains maitres au
point où les élèves en marge de ce principe s'exposent
à des sanctions allant des simples punitions aux coups de fouet.
Cette pratique à première vue simple et de
faible effet est beaucoup plus complexe lorsqu'on l'observe et l'analyse de
plus prêt. Afin de mieux cerner l'ampleur que pourrait avoir ce
phénomène, nous nous proposons de faire une simulation. Si dans
une école
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 129
d'environ 500 élèves, sachant que le nombre de
morceaux de bois va de 1 à 6, avec 2 morceaux par élève
comme moyenne, on se retrouve avec 1000 morceaux par semaine, environ 4000
morceaux par mois. À long terme, c'est une pratique qui concourt
à la dégradation de la végétation, car elle va
pousser les individus qui au départ recherchaient du bois mort, à
abattre des arbres soit à cause de la rareté soit du fait de la
distance à parcourir avant d'en trouver.
X : 6.594289° ; Y : 14.255650°
Photo 13. Apport du bois à
l'école
L'image présente une des salles de classe d'une
école primaire. Sur la véranda de cette salle, nous pouvons
distinguer plusieurs tas de bois apportés par les élèves
de ladite classe à leur enseignant. À gauche de la salle, nous
notons la présence du drapeau national. L'arrière-plan quant
à lui montre des arbres de différentes tailles, signe de la
savane arborée. Enfin, en avant plan, outre la salle de classe, on
observe la cour de l'école, parsemée de quelques pousses
d'herbes, signe de la saison pluvieuse.
Cliché et commentaire : Mouhaman I. oct.2014
La coupe du bois est un fait qui concerne plusieurs acteurs et
se fait selon divers procédés. Par ailleurs, elle est prise en
compte par la loi et devrait être faite en conformité avec les
textes qui régissent ce secteur d'activité.
a. Les méthodes utilisées
Nous avons dans le secteur du bois deux principales
méthodes à savoir d'une part la coupe du bois mort que nous
considérons comme le prélèvement, qui consiste à
rechercher les arbres morts, desséchés de façon naturelle
ou renversés par le vent, afin de le transformer en vue de son
utilisation (meuble, construction ou bois de chauffe) ce qui n'a pratiquement
pas d'effet néfaste sur l'évolution du couvert
végétal. D'autre part, nous avons l'abattage des arbres «
frais » que l'on assimile au déboisement qui ne se souci que du
profit ou des revenus que pourraient rapporter l'arbre une fois équarris
ou découpé ; cette pratique, contrairement à la
première est celle qui est à l'origine de la dégradation
de la végétation qui se traduit par le recul des surfaces
végétales et la rareté, voire la disparition de certaines
espèces. Ce procédé se fait aussi bien via des d'outils
modernes (planche 7) qu'à l'aide moyens locaux (planche 8).
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 130
X : 6.585194° ; Y : 14.208684° Planche 7.
Abattage d'arbre
Ces images présentent un arbre (Milicia excelsa)
abattu à l'aide d'une tronçonneuse pour sa résistance et
sa qualité (bois rouge) destinée aux constructions ainsi
qu'à la fabrication des meubles. Sur l'image de droite, on observe la
partie supérieure de l'arbre abandonné pour son épaisseur
réduite et son aspect sinueux et l'image de gauche quant à elle
présente ce qui reste de l'arbre initial et permet de déduire
l'outil utilisé pour l'abatage de cet arbre, notamment la
tronçonneuse.
Cliché et commentaire : Mouhaman I.
oct.2014
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 131
Le bois sec est la forme la plus sollicitée notamment
pour son usage direct comme bois de chauffe et pour éviter des futures
déformations en tant que planches ou latte. Ainsi, les habitants
utilisent à leurs niveaux des méthodes locales afin
d'assécher les arbres sans toutes fois les abattre (planche 8). Nous
avons personnellement observé ce phénomène au village
Nganhi où lors de notre deuxième descente sur le terrain, nous
avons photographié l'écorçage et quelques mois plus tard
l'arbre en question avait été abattu.
29/10/2014
27/10/2014
10/08/2015
X : 6.633705° ; Y : 14.227333° X :
6.604711° ; Y : 14.259579°
Planche 8. Méthode locale pour assécher un
arbre (Lophira lanceolata à gauche et Terminalia laxiflora
au centre, ainsi qu'à droite)
On observe sur l'image de gauche, deux troncs d'un Lophira
lanceolata et sur les deux autres le tronc d'un Terminalia laxiflora d'une part
et ce qu'il en reste d'autre part. Ceux qui ont été
dépossédés de leur écorce à des endroits
précis, et ce, de manière circulaire afin que les nutriments
captés par les feuilles n'atteignent pas les racines. De même, par
ce procédé, l'arbre est faiblement alimenté en eau et
à la longue va dépérir et s'assécher au bout
d'environ 3mois, pour être plus tard abattu par les populations On peut
également observer en arrière-plan de ces photos une
végétation à dominance herbeuse, parsemée de
quelques arbustes.
Cliché et commentaire : Mouhaman I. mai
2014
b. La réglementation en matière de
coupe
Le secteur du bois est régi au sein de la commune, de
même que sur le reste du pays par les services du ministère des
eaux et forêts, et ce, par l'intermède de la
délégation départementale dont les bureaux sont
installés à Meiganga. Et selon ces services, la coupe d'un arbre
se fait suivant une procédure bien établie qui s'effectue en deux
phases.
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 132
Tout d'abord, une demande est rédigée et
déposée dans les services de la délégation en vue
de la délivrance d'une autorisation d'abattage. Cette demande
s'accompagne de la photocopie de la carte nationale d'identité de
l'usager ainsi que d'une somme de 5000 FCFA.
La délégation se chargera donc par la suite
d'envoyer un technicien effectuer une descente afin de constater de la
nécessité d'abattre ou non l'arbre en question (pour pratiquer
l'agriculture, protéger la maison qui est menacée par les racines
ou par l'arbre entier, ou encore pour construire un édifice, etc.)
Concernant la vente de bois, seul le prélèvement
est autorisé, notamment l'exploitation du bois mort et s'effectue
également en respectant les normes établies. En effet, le
déplacement du bois mort de la brousse au domicile ou lieu de vente via
porte-tout ou moto se fait après avoir acquis une quittance
d'autorisation de transport délivrée par la
délégation moyennant une somme de 3000 FCFA, soit 100
FCFA/jour. Notons tout de même que le transport de bois
sur la tête se fait sans paiement de taxe au regard de la petite
quantité transportée et de son utilité
généralement personnelle (comme source
énergétique). De même, le transport via camions
obéit à d'autres règles. En effet, les frais de
délivrance de l'autorisation de transport sont plus importants et
s'élèvent à 4000 FCFA/voyage.
Le respect de la réglementation est d'une importance
capitale dans l'exercice de toute activité. Cet état de choses
nous a poussé à enquêter les concernés sur leur
connaissance et application des textes sur le circuit du bois. Le tableau 22
présente les résultats de cette enquête
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 133
Tableau 22. Données recueillies sur l'utilisation
du bois
Villages
Caractéristiques
|
Bardé
|
Nganhi
|
Bounou
|
Meidougou
|
Dokolim
|
Total
|
Personnes enquêtées
|
12
|
35
|
12
|
18
|
13
|
90
|
Personnes utilisant le bois de chauffe
|
11
|
35
|
12
|
16
|
13
|
86
|
Nombre de bucherons
|
10
|
22
|
2
|
5
|
1
|
40
|
Nombre de bucherons exerçant dans la
légalité
|
2
|
15
|
0
|
1
|
0
|
18
|
Individus pratiquant le « prélèvement
»
|
8
|
13
|
1
|
4
|
1
|
27
|
Individus pratiquant « le déboisement » et
« le prélèvement »
|
2
|
11
|
1
|
1
|
0
|
15
|
Utilisateurs de Barbecue (vendeurs de soya et autres)
|
0
|
4
|
0
|
4
|
2
|
10
|
Scieurs
|
0
|
4
|
0
|
0
|
0
|
4
|
Source : enquêtes de terrain 2014
Au regard des différents résultats
présentés par ce tableau, on constate que la majorité des
personnes exerçant dans la vente de bois le fait en marge de la
réglementation. Ceci a pour conséquence directe la confiscation
de leurs marchandises par les agents des eaux et forêts lors des
contrôles effectués. À l'origine de cet état de
choses, on note l'ignorance des populations due non seulement à la
faible sensibilisation, mais aussi au faible intérêt de ces
derniers vis-à-vis de la loi ainsi qu'au faible niveau de scolarisation.
En plus de la coupe du bois, l'introduction des nouvelles espèces ont
également une part de responsabilité dans la configuration
actuelle du couvert végétal.
|