4.2.2. Une démographie en pleine croissance
L'évolution de la population depuis 1987 s'est
accompagnée d'une occupation des terres et ce, au détriment des
paysages végétaux. Ce constat est perceptible aussi bien en
milieu urbain qu'en milieu rural (tableau 17).
L'enquête exploratoire menée au préalable
(du 7 au 13 de mai 2014) a permis de récolter des informations
préliminaires auprès des Chefs des différents villages
ainsi qu'auprès de la population parmi lesquelles le nombre estimatif
d'habitants dans le village, et de relever les activités
pratiquées par les habitants, ce qui nous a permis de déterminer
le nombre de questionnaires à administrer dans chaque village en
veillant à ce que l'échantillon retenu soit vraiment
représentatif.
4500
4000
3500
3000
2500
2000
1500
1000
500
0
Barde Nganhi Bounou Meidougou Dokolim
Nombre d'habitant en 1987
Nombre d'habitants en 2005
Nombre d'habitants en 2015
40 000
60 000
50 000
30 000
20 000
10 000
0
1987 2005 2015
31 824
38 096
52 201
Meiganga
Figure 39. Croissance démographique de 1987
à 2015
L'évolution de la population dans la ville de Meiganga
ainsi que dans les villages environnants sur une période de 28 ans est
présentée dans le tableau 17.
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 111
Tableau 17. Population de la ville et des villages
enquêtés
Village
|
Meiganga
|
Barde
|
Nganhi
|
Bounou
|
Meidougou
|
Dokolim
|
Total
|
Nombre d'habitants en 1987
|
31 824
|
58
|
408
|
80
|
699
|
202
|
33270
|
Nombre d'habitants en 2005
|
38 096
|
244
|
1720
|
336
|
2948
|
852
|
44 196
|
Nombre d'habitants en 2015
|
52 201
|
334
|
2357
|
460
|
4039
|
1167
|
60 559
|
Source : deuxième RGPH, 1987, volume 3 Tome 9 ;
Troisième RGPHC, 2005 Volume 4, Tome 7 et enquête de
terrain
La croissance de cette population a pour effet direct
l'extension de la zone habitée (figure 40) ainsi que l'occupation de
nouveaux espaces destinés aux champs. Brièvement, cette
population grandissante entraine l'intervention de nouveaux acteurs dans les
activités pratiquées.
Figure 40. Extension des surfaces
habitées
4.2.3. Les activités pratiquées
Comme nous nous intéressons à la dynamique du
couvert végétal sur une période bien
déterminée, les activités pratiquées par les
populations dans les villages ayant un impact direct ou indirect sur la
végétation à court, ainsi qu'à long terme est d'un
intérêt indéniable
d'où la conception du questionnaire en utilisant
l'approche par activité. Cette approche consiste à identifier les
activités pratiquées qui présentent un potentiel impact
sur la végétation (chose faite lors de la descente exploratoire),
et formuler des questions pour chacune de ses activités34.
En tant qu'élément susceptible d'expliquer la
dynamique des paysages végétaux, les activités
pratiquées par la population au niveau des villages a
particulièrement retenu notre attention (figure 41). C'est d'ailleurs
cet aspect qui a le plus déterminé l'échantillonnage. Il
n'est donc pas surprenant de remarquer dans la répartition des
questionnaires une inadéquation avec l'effectif de la population. Par
exemple Bounou et Meidougou dont la population est estimée
respectivement à 336 et 2948 habitants, ont pourtant le même
nombre de questionnaires administrés. C'est dire que ces
localités présentent un faible taux d'activités qui
impactent sur les paysages végétaux.
14
12
10
4
8
6
0
2
cultivateur cultivateur/éleveur cultivateur/autre
activité
bucheron/cultivateur bucheron/autre activité
Villages enquêtés
Figure 41. Répartition des activités
pratiquées
En observant la répartition des activités
(figure 41), on se rend compte que le métier de cultivateur et celui de
bucheron occupent les premières positions sur l'ensemble. Ces deux
activités sont plus présentes à Nganhi, village dans
lequel les habitants sont à majorité Gbaya et sont
réputés pour leur intérêt vis-à-vis de la
mise en valeur des terres fertiles via la culture
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 112
34 Confer questionnaire d'enquête en annexe
1.
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 113
des céréales et tubercules. À
Bardé par contre, les éleveurs/cultivateurs sont les plus
nombreux, car la population est en majorité peule et pratique uniquement
une agriculture de subsistance. Ainsi, l'ethnie est un facteur
déterminant sur l'activité pratiquée (figure 42).
cultivateurs cultivateur/eleveur
cultivateur/bucheron cultivateur/autre cultivateur/vendeur de soya
autres
|
|
|
0 2 4 6 8 10 12 14 16
Autres Peul Gbaya
Figure 42. Répartition des activités en
fonction de l'ethnie
Les activités pratiquées et pouvant impacter sur
le couvert végétal ont donc été
dénombrées lors de notre descente. Nous avons donc retenu
à cet effet certains corps de métiers tels que : cultivateurs,
éleveurs, la coupe de bois (scieurs, bucherons, vendeurs de bois,
utilisateur de barbecue à combustion et barbecue à fumer), que
nous regroupons en trois secteurs d'activité à savoir
l'agriculture, l'élevage et la coupe de bois.
4.2.3.1. L'agriculture
La majorité des personnes interrogées sont des
cultivateurs (figure 41). En effet, 95,55% de l'échantillon pratique
l'agriculture (22,22% essentiellement cultivateur, 22,22% à la fois
cultivateur et éleveur, 24,44% cultivateur en même temps bucheron
et 33,33% cultivateur et exerçant d'autres activités connexes
à l'instar du commerce, le transport, l'administration, etc.).
L'agriculture pratiquée est essentiellement
vivrière et les principales cultures sont le maïs, le manioc et les
légumes dont les récoltes sont destinées dans la plupart
des ménages à l'autoconsommation et la vente. Les faibles
rendements, le nombre important de personnes
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 114
en charge (grande famille) et la nécessité de
subvenir aux besoins essentiels expliquent la dominance de cette pratique.
Tableau 18. Utilisation des produits de
récoltes
Destinations des récoltes
|
Total
|
Autoconsommation
|
Vente
|
Vente et autoconsommation
|
38
|
0
|
46
|
84
|
Source : enquête de terrain, 2014
Des pratiques agricoles recensées, nous avons la
jachère, la culture itinérante sur brulis et l'utilisation du
bétail pour fertiliser la même surface de culture via les bourses
de boeufs généralement en saison sèche, à la suite
des récoltes, ce qui permet aux animaux de trouver de quoi se nourrir
pendant les périodes où le pâturage est difficile
d'accès. Cette solution endogène35 présente
ainsi un double avantage : la fertilisation du sol et la nutrition du
bétail.
Les techniques agricoles utilisées (agriculture
itinérante sur brulis et jachère) dépendent de certains
critères en occurrence l'ethnie, le mode d'acquisition des terres et les
activités parallèles exercées. En effet, s'agissant de
l'utilisation du bétail et l'agriculture itinérante sur brulis,
l'on constate que les Peuls sont les principaux utilisateurs de cette
technique, car ceux-ci pratiquent une autre activité qu'est
l'élevage et disposent à cet effet des troupeaux de boeufs
indispensables pour la mise en oeuvre de ce procédé,
contrairement aux autres peuples plus présents dans l'agriculture et le
commerce. Le peuple Gbaya est adepte de la jachère en raison de la
faible utilisation des engrais aussi bien organique que chimique et de
l'exploitation de leur principal atout qu'est la disponibilité des
terres cultivables.
Tableau 19. Techniques de culture en relation avec
l'ethnie et le mode d'acquisition de la terre
Ethnies
|
Techniques de culture
|
Acquisition de la terre
|
Culture sur brulis
|
Jachère
|
jachère et brulis
|
délimité par le chef
|
héritage
|
don, achat
|
Gbaya
|
12
|
32
|
5
|
11
|
36
|
2
|
Peul
|
15
|
8
|
2
|
8
|
14
|
3
|
Autres
|
7
|
3
|
0
|
3
|
5
|
2
|
Total
|
34
|
43
|
7
|
22
|
55
|
7
|
Source: Enquête de terrain, 2014.
35 Solution mise en place et pratiquée par les
habitants
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 115
Le mode d'acquisition des terres de même que la
superficie cultivée induisent sur les techniques de culture. En effet,
pour la jachère par exemple, il est difficile de la pratiquer sur une
petite parcelle vu qu'elle nécessite la mise en repos d'une surface
appauvrie pour un nouvel espace plus fertile d'où la
nécessité de disposer d'une grande parcelle,
généralement héritée des parents. C'est pourquoi
dans un village comme Nganhi où les populations sont en majorité
héritiers de leur parcelle (81%), cette pratique est monnaie courante.
Ainsi, la superficie des surfaces cultivées s'avère très
importante pour la technique de culture. Elle détermine également
la destination des cultures dans le cas où du semis à la
récolte, des aléas n'ont pas été
enregistrés. Pour les cultivateurs dotés de grandes surfaces, les
récoltes seront destinées aussi bien à la vente
qu'à l'autoconsommation. Néanmoins, précisons ici que la
taille de la famille, autrement dit, le nombre de personnes pris en charge
influence fortement.
S'agissant des problèmes rencontrés dans ce
secteur, nous les avons classés en trois groupes ; tout d'abord, les
difficultés liées aux conditions naturelles : les vents violents,
la mauvaise répartition des précipitations, l'inondation des
bas-fonds qui emportent les cultures, la structure compacte de certains sols
difficilement exploitables (sols latéritiques). Ensuite, les
difficultés d'ordre humaines : un faible encadrement technique, le vol
des récoltes, l'insuffisance des moyens matériels et financiers
qui entrainent une faible utilisation des engrais, la non-sécurisation
des espaces agricoles avec fils barbelés, l'utilisation d'outils
rudimentaires et greniers traditionnels, vulnérables aux incendies
accidentels et aux feux de brousse. Enfin, nous avons les difficultés
d'ordre infrastructurelles notamment la faible présence de magasins de
stockage des produits agricoles en matériaux définitifs,
l'enclavement des bassins de production (insuffisance, voire absence des pistes
agricoles pour faciliter le transport des récoltes via les
véhicules adéquats pour les lieux de stockage et/ou les points de
vente).
Sur le plan environnemental, certaines méthodes
culturales concourent à dégrader le couvert végétal
qu'elles soient pratiquées de façon anarchique ou non, sans aucun
système de gestion. On note parmi ces pratiques les feux de brousse, le
déboisement (photo 9), etc.
X : 6.597412° ; Y : 14.257747°
Dynamique des paysages végétaux dans
une ville moyenne et sa périphérie : cas de Meiganga (de 1987
à 2015) 116
Photo 9. Surface déboisée à des fins
agricoles
Cette image présente une surface
déboisée à des fins agricoles, sur laquelle nous pouvons
remarquer en avant-plan le labour réalisé par un tracteur, suivi
de quelques pieds de Daniellia oliveri, piqueté çà et
là, laissés en place pour des croyances traditionnelles (habitat
de certains esprits). Au bas de l'image, les troncs et branches obtenus de
l'abattage des arbres servent de piquets pour la clôture de ce vaste
champ.
Cliché et commentaire : Mouhaman I. août
2015.
|