Partie 2
D E L A T H E O R I E A L A PRATIQUE
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En parlant de la solidarité nationale post attentats du
7 janvier 2015, Abdennour Bidar, dans son Plaidoyer pour la
fraternité résume ainsi la situation : « Prenons
garde à ce qu'elle n'ait pas été un état de
grâce aussi miraculeux que sans lendemain. » Notre
société ne doit pas donc rester statique, mais sans cesse se
renouveler et évoluer. Certes, les valeurs Républicaines
résumées précédemment doivent être
prônées, mais surtout, et avant tout, mises en place
concrètement et vécues au quotidien. Faisons donc en sorte de
passer outre l'émotion de ces tragiques évènements pour
bien les comprendre, pour en tirer des leçons. Les questions doivent
amener des réponses, des solutions et une grande ambition : celle d'un
vivre ensemble et d'une fraternité toujours plus grande.
Rousseau, dans son Discours sur l'origine et les fondements
de l'inégalité parmi les hommes, considère que
l'Homme, à l'état de nature, est inoffensif envers ses
congénères et que c'est la société qui le corrompt.
La nécessité d'agir chez les individus dès leur plus jeune
âge, lorsqu'ils ne sont pas encore dénaturés, paraît
incontestable. Et cela passe par l'éducation. L'éducation se
définit comme permettant de transmettre, d'une génération
à l'autre, les éléments nécessaires à
l'épanouissement personnel des individus et à leur
intégration au sein de la société. D'ailleurs, la Loi
n° 2013-595, du 8 juillet 2013, d'orientation et de programmation pour la
refondation de l'école de la République note que «
L'éducation est la première priorité nationale.
». Celle-ci est la clé de voûte de nos vies. Elle permet
de concilier intérêt individuel et intérêt collectif.
La recherche du bonheur intrinsèque à chaque individu et le vivre
ensemble.
L'Article D321-1 du Code de l'éducation souligne
l'importance de deux acteurs dans cette éducation : «
L'école [...] assure, conjointement avec la famille,
l'éducation globale de l'enfant. » Nous pouvons en ajouter
d'autres : les acteurs périscolaires, les éducateurs sportifs,
les animateurs culturels ou artistiques, les nombreuses rencontres de la vie,
les différents médias et lectures personnelles.
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Malgré tout, le travail doit avant tout être
mené par l'un de ces acteurs : l'école. C'est ce que souligne la
Loi n° 2013-595, du 8 juillet 2013, d'orientation et de programmation
pour la refondation de l'école de la République : «
L'avenir de la jeunesse, le redressement de notre pays, son
développement culturel, social et économique dépendent
largement de notre capacité collective à refonder l'école
de la République. [...] Cette refondation porte non seulement
un projet éducatif, mais également un projet de
société. La France, avec la refondation de son école, se
donne les moyens de répondre aux grands défis auxquels elle est
confrontée. »
Précédemment, je refusais la fatalité. Je
le réaffirme une seconde fois : nous sommes les propres artisans de
notre destin personnel et collectif. Celui-ci est étroitement lié
à l'école : celle que nous imaginons, celle que nous voulons,
celle que nous construisons.
Dans cette construction, deux parties prenantes doivent
être mises en exergue :
? En amont, l'orientation de l'école. Des choix sont
réalisés et des programmes sont conçus. Ceux-ci sont
similaires sur tout le territoire français, que ce soit dans les
écoles publiques, dans les écoles privées sous contrat
avec l'État ou via l'enseignement familial. Ils doivent être
appliqués partout.
? Sur le front, le travail des enseignants. Ceux-ci sont les
artisans quotidiens, présents auprès des élèves et
faisant le lien entre la théorie et la pratique. Chacun applique les
programmes, mais, selon la liberté pédagogique,
différemment. Plusieurs facteurs entrent en jeu : la
personnalité, les modes de fonctionnement, les liens avec le domaine
d'enseignement, l'expérience, les envies, etc.
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Dans la première partie de ce mémoire, je me
suis appliqué à expliquer les choix réalisés par
l'école, le pourquoi de cette transmission des valeurs
Républicaines.
Dans la seconde partie, je vais développer ma relation
à cet enseignement. Il ne s'agira pas de l'exploration des multiples et
diverses méthodes pédagogiques existantes, car leur description
prendrait trop de temps, mais plutôt d'un témoignage.
Le témoignage d'un enseignant qui débute et
découvre le métier et ses spécificités. Le
témoignage d'un enseignant confronté à la
réalité du terrain, devant faire le lien entre un idéal
difficile à atteindre et sa pratique quotidienne, entre sa bonne
volonté et ses lacunes. Le témoignage d'un enseignant avec ses
difficultés et ses réussites. Le témoignage d'un
enseignant dont la pratique se construit au fil des constats, des essais et des
envies mais aussi des erreurs, des errances et des doutes. Le témoignage
d'un enseignant et l'évolution de sa pensée. C'est finalement le
témoignage d'un enseignant souhaitant tout simplement réussir la
tâche qui lui incombe.
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I. Mon parcours
Kant, dans Réflexions sur l'éducation,
expliquait très justement que « L'homme ne peut devenir homme
que par l'éducation. Il n'est que ce que l'éducation fait de lui.
» L'enseignant permet donc à l'enfant de se construire.
Cependant, Kant, toujours dans Réflexions sur l'éducation,
ajoutait : « Il faut bien remarquer que l'homme n'est
éduqué que par des hommes, et par des hommes qui ont
également été éduqués. C'est pourquoi le
manque de discipline et d'instruction chez quelques hommes, fait de ceux-ci de
mauvais éducateurs pour leurs élèves. » Une
question se pose alors : suis-je légitime pour éduquer les
élèves aux valeurs Républicaines ? La simple obtention du
concours me permet-elle de l'être ? La réponse à ces
questions est sans doute plus complexe qu'un simple hochement de tête
positif ou négatif. Afin d'y parvenir, deux dates, qui me sont
familières, m'apparaissent comme fondamentales.
Faisons un retour en arrière de quelques années
pour y trouver la première : le 12 juillet 2010. Je
viens d'obtenir le baccalauréat depuis quelques jours, non sans mal, et
je me prépare à faire ma grande entrée dans les
études supérieures. Pour ce qui est du domaine, ce sera le
commerce. Cependant, cette date n'est pas à retenir pour cette raison,
mais pour une autre, bien plus symbolique : il s'agit du jour de mon
18ème anniversaire. Je deviens donc majeur et j'obtiens par
là-même mon statut de citoyen. Je peux ainsi pleinement participer
à la vie politique de mon pays, notamment par le droit de vote. Bien
entendu, à cette époque, je suis davantage
préoccupé par maints autres sujets que celui-ci. Pourtant, il a
une très grande importance, mais ça, je ne le remarquerai que
plusieurs années plus tard.
En attendant, je poursuis mes études : un DUT puis une
Licence, tous deux en alternance. Un choix prépondérant. Je
découvre, j'apprends, je grandis, je mûris. Mais plus que tout, je
me questionne. Certes, le commerce m'intéresse, mais plus qu'une simple
lassitude, quelque chose me manque, un « je ne sais quoi » qui
cloche. Nous sommes courant 2013 et, alors que j'y songe depuis plusieurs mois,
j'en suis convaincu : je vais poursuivre mes études dans l'enseignement.
J'ai évidemment encore quelques doutes mais, au fond de moi, je suis
persuadé que ce sera le bon choix.
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C'est alors avec une volonté certaine que j'entame, en
septembre 2013, mon Master 1 Métiers de l'enseignement, de
l'éducation et de la formation à l'École supérieure
du professorat et de l'éducation de Paris. Dès les premiers
jours, je suis confronté à un choix de la plus grande importance,
car celui-ci conditionnera sans doute ma réussite ou non au concours :
le choix de l'option à préparer en vue de ce dernier.
Géographie ? Musique ? Sciences ? Etonnamment, le doute ne m'effleure
que l'espace de quelques secondes. Mon choix est fait. Ce sera l'instruction
civique et morale. Pourquoi ? Je ne sais guère. Une affinité
particulière pour une raison inconnue. Peut-être est-ce la seule
matière qui n'apporte pas à proprement parler uniquement des
connaissances mais aussi, et avant toute chose, des comportements. Une
réalité sans doute plus concrète à mes yeux, plus
visible en tout cas. Le choix du domaine étant fait, reste celui du
sujet. Le choix s'avère difficile.
Au cours de l'année, tous les étudiants doivent
participer aux ateliers de pratiques professionnelles (APP). Par chance, il en
est proposé un d'instruction civique et morale, que je choisis
immédiatement. Concrètement, il s'agira, à plusieurs, de
mener une séquence dans une classe. Je tombe donc, à l'instar de
cinq autres étudiants, dans la classe de René Étriard,
enseignant en CM2, sous la tutelle de notre professeur d'université,
Patrick Ghrenassia. Pendant six semaines, nous menons donc une séquence
portant sur le génocide des juifs et des tsiganes. Sans le savoir
à ce moment-là, elle allait devenir le sujet de mon option.
Certes, la séquence a déjà été
réfléchie à plusieurs, et menée en classe par nos
soins, mais pour autant, le travail à mener est encore grand : le sujet
est vaste et je souhaite modifier la séquence avec des choix plus
personnels.
Pour cela, je vais alors me plonger pleinement dans ce
dossier. Jamais, jusqu'alors, je n'avais fourni un tel travail. Celui-ci me
conduira, début 2014, de la lecture de nombreux ouvrages
spécialisés jusqu'à la visite du mémorial de la
Shoah à Paris, en passant par un voyage en Pologne pour me rendre dans
les camps d'Auschwitz et de Birkenau. Une implication qui portera ses fruits
quelques mois plus tard, lors de mon oral, mais qui reflète surtout le
début d'évolution de ma pensée. Je n'ai pas fait ces
recherches uniquement parce que l'objectif était grand (il
l'était bien évidemment, il s'agissait de mon avenir), mais aussi
parce que ce sujet m'a passionné, car il est en relation directe avec
notre société, car il nous concerne tout simplement.
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A ce moment, je suis cependant resté borné aux
limites de mon sujet. Je n'ai pas cherché à aller plus loin,
à m'intéresser à certains évènements qui
pouvaient découler de cette période qu'est la Seconde Guerre
Mondiale. Il n'y a pas encore eu l'élément déclencheur.
L'été qui suit l'obtention du concours, je me retrouve tout de
même à lire certaines oeuvres de la littérature qui
n'avaient jusqu'alors pas suscité mon attention. Le changement se fait
progressivement.
En début de Master 2, je me retrouve à nouveau
confronté à une interrogation, celle du sujet de mon
mémoire. Instinctivement, l'instruction civique et morale, qui m'a tant
plu l'année précédente, me revient à l'esprit. Je
veux encore travailler ce domaine d'enseignement, parfaire mes connaissances et
pouvoir l'adapter à des problématiques réelles et
concrètes auxquelles je serai confronté en classe. En effet, les
conditions de traitement du sujet sont différentes cette année.
La théorie doit en grande partie laisser place à la pratique :
j'enseigne dans une classe composée de 26 élèves et de
niveau CE2, deux jours par semaine. Mon sujet de mémoire va donc
dépendre de mes observations, de mes difficultés ainsi que des
interrogations qui me viennent à l'esprit. Et mon choix de sujet va
très rapidement se préciser.
La théorie, fixée dans les programmes, est
claire, bien définie : éduquer à la citoyenneté et
transmettre les valeurs de la République. La pratique,
réalisée au sein de ma classe, est plus laborieuse : les
séances s'avèrent inefficaces, ou tout du moins, n'ont pas les
effets escomptés. Dès lors, la direction du mémoire est
posée. Malgré tout, il faudra attendre la seconde date
fondamentale pour définitivement voir un changement concret dans ma
réflexion et dans mes démarches. Il s'agit du 7 janvier
2015. Ces évènements vont avoir une influence
majeure.
Ils me poussent à prendre conscience des enjeux de
notre société : la nécessité de prendre part aux
grands débats actuels, le rôle qu'occupe chacun d'entre nous en
tant que citoyen, l'importance de l'école et des valeurs qui en
découlent ainsi que de la nécessité de les transmettre.
Ils me poussent à réellement comprendre la place du professeur
des écoles dans le projet de société.
En 2010, j'obtenais la citoyenneté. Il m'aura donc
fallu quatre années de plus pour acquérir le sens du civisme,
c'est-à-dire la volonté d'exercer pleinement mes
responsabilités.
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Ma pensée aura donc évolué durant ces
années, et plus particulièrement ces derniers mois en
étant confronté à la réalité des choses.
C'est désormais à travers mon début d'expérience
que je souhaite poursuivre mon témoignage. De l'observation
découlera une analyse pour se terminer par des remédiations.
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