2- Le cadre théorique
Le Travail d'Études et de Recherche qui a pour
sujet « La moralité, fondement de l'humanité dans
Fondements de la métaphysique des moeurs
d'Emmanuel Kant », s'inscrit dans le vaste champ de la
philosophie politique et morale, en l'occurrence la philosophie de
l'éducation. La philosophie de l'éducation est une science dont
la tâche est de penser tout ce qui est en rapport avec
l'éducation. De ce fait, il existe un lien entre le sujet et la
philosophie de l'éducation. Ce lien pourrait s'expliquer d'abord par le
caractère pratique de l'éducation, puis la sagesse ou
l'intelligence qui l'accompagne. La philosophie étant, certes,
considérée comme l'oeuvre de la culture grecque a finalement
investi de nombreux domaines au point qu'elle intègre leurs
formulations.
Ainsi parler de philosophie de l'éducation,
c'est évoquer la science qui se propose de penser les conduites
humaines. En effet, l'éducation, dans l'Europe du XVIIIe
siècle, a favorisé une pensée morale dominée par
les principaux courants, à savoir le Piétisme, le Rationalisme
moral. Le XVIIIe siècle a également consacré,
non seulement la critique de l'éducation, mais en plus la
décadence des moeurs ou des dérives sociales. Dans cet esprit,
les dérives sociales dans le domaine religieux avec des pratiques
conformes à la lettre, et non à l'esprit moral de la religion, et
la corruption qu'a entrainé le respect aveugle et formel de
l'autorité extérieure, ont été
considérées comme le résultat d'un manque
d'éducation. Dès lors, qu'implique le choix de la philosophie de
l'éducation ?
La philosophie de l'éducation est
évoquée dans la mesure où notre sujet prend en compte les
dimensions morale et éducative. D'abord, la philosophie, se
définissant comme l'amour de la sagesse s'est progressivement
constituée comme un art de vivre. Elle suppose une culture de la raison
pour une existence intelligente et intelligible. Or l'éducation
revêt une dimension pratique et éthique. D'un tel point de vue, la
philosophie de l'éducation se présente comme une
10
science des moeurs6. Puis en
intégrant la sagesse philosophique à la pratique
éducative, la moralité mise en question trouve sa consistance
d'autant plus qu'on ne saurait prétendre ou parvenir à des fins
morales, éthiques et humaines sans amour ni sagesse.
C'est ainsi qu'Emmanuel Kant dans les
Fondements de la métaphysique des moeurs se
propose de nous instruire sur les structures essentielles de le la vie morale
dont la moralité. Dans ce même ordre d'idées, la
philosophie de l'éducation, pour ainsi dire, associe la morale qui a
pour fondement la connaissance du bien et du mal. De même, cette
discipline est relative aux conduites humaines, qui commandent la culture des
valeurs humaines. C'est en ce sens que Mai Lequan parlant de la dimension
morale et éthique de l'éducation promue par Schultz et Knutzen
écrit ceci : « Pour ces auteurs, il faut purifier la conscience
morale et religieuse en expurgeant tout élément empirique et en
la fondant sur la raison »7.
Par la raison, la nécessité de
l'éducation est inclinée. Il en est de même pour le sens de
la culture des valeurs chez l'homme qui inclut la vertu comme courage telle que
nous l'enseigne l'éthique des maîtres du Piétisme, que sont
Schultz, Knutzen, Francke et Gehr. Ainsi l'éducation, dans ces
conditions consacre la modification des traits de caractères. Elle rend
l'homme redevable à son « espèce, à la
société des hommes sociables et des citoyens, à
l'État »8. Suivant cette logique, la philosophie de
l'éducation constitue, d'une certaine manière une lutte contre
les maux pouvant porter atteinte à l'humanité et à son
affirmation dans le monde. Par conséquent, elle se rapporte aux
éléments innés et aux traits généraux
physiobiologiques de la constitution de l'homme. C'est à juste titre
qu'Émile Maximilien Littré soutenant la finalité
éthique de l'éducation affirme que :
6 Jean-Jacques Burlamaqui,
Éléments de droit naturel, Paris, PUF,
1983, p. 86.
7 Mai Lequan, La
philosophie morale de Kant, Paris, coll. « Folio Essais
», 2001, p. 52.
8 Jean-Jacques Rousseau,
Émile ou De l'éducation, Paris, coll.
« Folio Essais », 2005, p. 98.
11
L'éducation (...), est relative à la
fois au coeur et à l'esprit et s'étend des connaissances que l'on
fait acquérir et des directives morales que l'on donne aux
sentiments9.
La reconnaissance de la finalité éthique
de la philosophie de l'éducation s'inscrit dans une vision selon
laquelle l'éducation a pour mission de permettre à chaque
individu le sens de la culture des valeurs humaines. En ce sens, la vertu est
une disposition qui se renforce, en nous humanisant et en nous
responsabilisant. Dans cette optique précise, Mai Lequan nous montre que
l'homme digne et moralement exemplaire lutte contre le mal sous toutes ses
formes. En ce sens, elle avançait ceci :
L'homme moralement vaillant doit combattre ce qui
s'oppose au développement du germe du bien en lui et faire de
l'inclination naturelle contraire à la loi morale son
ennemi10.
C'est dire que les hommes, en tant qu'êtres
raisonnables doivent sans cesse résister à l'influence des
mauvais principes, de sorte que la vie est une lutte
permanente. En effet, la recherche du bien moral prend en compte la vertu, et
elle caractérise cette dernière. Encore faut-il ajouter que, de
toutes les espèces vivantes que l'on peut concevoir dans la nature,
l'homme est le seul être capable de moralité. De fait, elle
constitue la preuve que l'homme est le but final de la création.
À ce titre, l'affirmation de l'humanité se pense sous des lois
morales et non d'après des lois morales11.
C'est la raison pour laquelle, le contenu fondamental
de la philosophie de l'éducation est de contrarier, en luttant
inlassablement contre les maux, par des conduites dignes et humaines. Ainsi,
l'homme doit, par l'effort sans fin témoigner de la moralité dans
toutes ses actions, en laquelle réside toute sa valeur. Car selon
Emmanuel Kant, c'est la valeur de l'homme « qui réside dans ce
qu'il fait, dans la manière de le faire et dans les principes selon
lesquels il agit »12. En conséquence, la bonne conduite
participe à la formation d'une société
parfaitement
9 Émile Maximilien
Littré, Dictionnaire de langue française,
Paris, Gallimard, 1958, p. 53.
10 Mai Lequan,
La philosophie morale de Kant, Op. cit., p.
53.
11 Mai Lequan,
La philosophie morale de Kant, Op. cit., p. 227.
12 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 160.
12
harmonieuse où chaque être humain
participe au règne des
fins13. Comme le soutient
bien Emmanuel Kant, la moralité ne saurait s'adresser à des
êtres dépourvus de raison14.
C'est ainsi que nous avons choisi la philosophie de
l'éducation, dans le but de penser avec lui certaines conduites sociales
qui questionnent l'avenir moral et éthique de l'humanité. En ce
sens, il montre que la moralité conditionne le triomphe de
l'humanité. Elle est, pour lui, une capacité qui incarne notre
dignité d'homme :
La moralité est la condition qui seule fait
qu'un être raisonnable est une fin en soi ; car il n'est possible que par
elle d'être un membre législateur du règne des fins. La
moralité, ainsi que l'humanité, en tant que capable de
moralité, c'est donc là ce qui seul a de la
dignité15.
Selon Emmanuel Kant le triomphe de l'humanité
réside dans la moralité qui consacre le traitement des
êtres raisonnables comme fin en soi. De cette
manière, la philosophie de l'éducation comme cadre
théorique paraît convenable pour l'étude sur le sujet :
« La moralité, fondement de l'humanité dans
Fondements de la métaphysique des moeurs
d'Emmanuel Kant ». Liée aux actions humaines, la
moralité est la voie qui doit être promue selon Emmanuel Kant afin
d'inciter à une existence intelligente et aisée entre les hommes.
C'est la disposition humaine qui, en toute liberté, témoigne de
l'humanité en chaque être raisonnable. Elle doit motiver et porter
sans cesse l'humanité qui est : « La façon de penser
l'unification du bien-être avec la vertu, dans le commerce avec autrui
»16. Dès lors, comment se présente la
problématique de ce sujet d'Études et de Recherche ?
13 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 168.
14 Ibidem.
15 Emmanuel Kant,
Fondements de la métaphysique des moeurs, Op.
cit., p. 160.
16 Emmanuel Kant,
Anthropologie du point de vue pragmatique, trad. de
l'allemand par Michel Foucault, Paris, Vrin, 2002, p. 209.
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