2. Exclusion institutionnelle des femmes
L'exclusion des filles à Epitech se fait par divers
moyens de manière plus ou moins individuelle par les
élèves, mais également de manière moins subtile par
l'administration de l'école, institutionnalisant ainsi la
catégorisation et l'exclusion des filles.
Jean Baptiste Descroix Vernier, parrain de la promotion 2012
d'Epitech et à l'époque vice président du Conseil National
du Numérique a fait scandale en déclarant à propos du
candidat présidentiel François Hollande « C'est une
nullité dans le numérique. Et il s'est contenté de nous
envoyer sa femme de ménage ». La « femme de ménage
» dont il parle est en fait Fleur Pellerin, alors conseillère
à l'économie numérique de Hollande, aujourd'hui ministre
déléguée chargée des PME, de l'Innovation et de
l'Économie numérique (propos rapportés par le magazine
Challenge). Epitech n'a émis aucune critique envers cette
déclaration et continue de mettre Jean Baptiste Descroix Vernier en
avant sur son site internet.
Les cas de discrimination flagrants existent à Epitech,
comme en a fait l'expérience Anissa :
« Lors du deuxième projet qui était en
groupe, les binômes ont été imposés et je suis
tombée avec un gros macho. Mais un macho de chez macho. En fait il
était 5h sur un bug, j'essaye tant bien que mal de l'aider, et d'un seul
coup je le débugue. Et il a pas apprécié du tout que je le
débugue. Ce qui fait qu'il mettait plus de volonté, il
travaillait plus il disait « ouais tu fais tout toute seule ». Alors
qu'on codait sur son PC. Il a fait « bon bah va y laisse je vais faire
chez moi ». Le lendemain en soutenance il fait « il n'y a pas de
rendu ». [...] J'ai parlé avec la personne qui était chef de
soutenance et ils m'ont dit que je vais rencontrer ce problème beaucoup
de fois à Epitech, qu'il va falloir que j'apprenne à faire avec.
Que j'ai affaire à des machos, parce qu'il y a des machos à
Epitech.»
Anissa a donc eu 0 sur un projet sur lequel elle avait
travaillé, sa scolarité a donc été impactée
sans autre raison que la misogynie d'un élève. Le terme de «
macho » semble être un doux euphémisme que partagent les
filles et les « machos ». Le terme plus approprié serait
misogyne, car cet élève ne semble même pas
considérer Anissa comme une élève, il était
prêt à avoir 0 pour que Anissa n'ait pas ses compétences
reconnues. La réaction de l'astek est ahurissante car il
représente l'autorité et donc l'école, ce qui montre la
volonté de minimiser, de banaliser et donc de cautionner (« il
faudra t'y habituer ») des comportements qui ont une incidence grave sur
la scolarité des filles.
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2.1 Division sexuelle du travail
La division sexuelle du travail est visible à Epitech,
parmi les élèves, comme le dit David, qui est président du
foyer des élèves tandis que « [s]a copine elle en fait
partie aussi elle est secrétaire. Elle s'occupe de tous les papiers.
» Dans l'administration aussi on retrouve cette division sexuelle du
travail, comme à Bordeaux où « la secrétaire j'en
parlais avec elle, parce que quand il y a des élèves qui sont en
difficulté c'est un peu son rôle c'est un peu la nounou
», mais également à Paris où les rares femmes
d'Epitech sont dans des rôles de soin impliquant du travail
émotionnel :
« des fois tu deviens paniqué ça te
fout les boules mais il faut pas le prendre mal au point de faire une
dépression. On a même une meuf qui est dédiée pour
ça, les mecs qui décrochent et qui partent en couille qui ne
viennent plus à l'école et ne fréquentent plus personne on
essaye de les rattraper un peu. La meuf au début de l'année quand
on la présente aux élèves c'est « vous pouvez
l'appeler maman. C'est votre maman ici, vous avez besoin d'une maman vous
êtes dans la merde ça va pas, vous avez envie de pleurer vous
allez voir maman. » Je pense qu'elle est pas vraiment psy mais c'est un
peu la psy de l'école. » Thibault
On peut également noter que la pédagogie
d'Epitech est toute entière basée sur l'autodidaxie, et sur la
rupture avec l'école traditionnelle, ce qui permet également de
dévaloriser les femmes, qui sont plus « scolaires » en
général et qui ont été socialisées de cette
manière pendant toute leur vie : « leur réussite est
perçue comme une preuve de leur soumission au système scolaire
» (Collet, 2006).
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