1.2- Revue de la Littérature Théorique
On a développé au fil des ans, diverses
théories partielles de la détermination du taux de change, qui
peuvent, si on les combine, fournir une explication suffisante,
quoiqu'imparfaite, des nombreux facteurs qui influent sur des taux de change
déterminés par le marché ou, flottants. Parmi ces
théories, relevons seulement :
? La théorie de la parité de pouvoir d'achat, ou
théorie monétaire, se fondant sur l'observation d'après
laquelle le taux de change est le prix relatif des différentes monnaies,
se concentre sur le pouvoir d'achat relatif des différentes monnaies en
termes de biens et services. La théorie implique que les taux de change
évoluent de façon à compenser les taux d'inflation
relatifs dans les différents pays, compte tenu des modifications dans
les poids relatifs des biens entrant dans le commerce international et des
biens qui ne font pas l'objet de transactions internationales15. La
plupart des faits connus laissent penser que cette théorie n'est une
approximation correcte de la réalité qu'a long terme, sauf dans
les situations d'hyperinflation, parce que les biens qui font l'objet
d'échanges internationaux ne passent pas immédiatement d'un
marché à l'autre de façon à égaliser les
prix.
? La théorie de l'efficacité des marchés
postule que le taux de change à terme prédit sans
ambigüité le futur taux de change au comptant auquel on peut
s'attendre. Les mises à l'épreuve de cette théorie
laissent penser qu'elle peut être correcte en moyenne, mais que les taux
de change à terme ne prédisent pas très bien les
variations des taux de change, ce qui révèle la présence
d'un risque substantiel dans les spéculations fondées sur les
variations des taux de change.
? La théorie de la parité des taux
d'intérêt se concentre sur les mouvements des capitaux et sur
les facteurs qui déterminent le rapport entre le taux de change au
comptant et le taux de change à terme. Une comparaison entre le
rendement d'actifs à court terme détenus en une monnaie et le
rendement d'actifs détenus en une autre monnaie et couverts contre le
risque d'une variation du taux de change révèle que l'arbitrage
égalisera le taux d'intérêt national au
15 Cette précaution est nécessaire,
parce que la théorie repose sur l'égalité des prix des
biens entrant dans le commerce international, alors que les prix des biens qui
échappent au commerce international peuvent être très
variables d'un pays à l'autre.
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« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
Septembre
2007 »
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taux d'intérêt étranger majoré de
la prime à terme sur la devise étrangère. La formule est
la suivante :
où et sont les taux d'intérêt à
court terme national et étranger, exprimés en pourcentage
par période, y est le cours à terme de
la devise étrangère livrable à la fin de la
période, x est le cours au comptant, et (y-x)/x est la
prime à terme sur la devise étrangère, en pourcentage par
période (Levich, 1979). Les faits montrent que cette théorie est
généralement correcte, sauf quand les contrôles des
capitaux, le risque de contrôles futurs sur les capitaux ou d'autres
types d'incertitudes du marché prennent de l'importance. Ces facteurs
ont souvent de l'importance dans les comparaisons entre les marchés
financiers nationaux de différents pays, mais ne jouent
généralement pas dans les comparaisons entre les taux
d'intérêt sur le marché des eurodevises.
? La théorie des taux de change fondée sur le
marché des actifs intègre en une théorie achevée
les diverses autres théories, théorie qu'on peut
appréhender en termes de flux dans la balance des paiements (Branson,
1979). Selon cette optique le taux de change est déterminé
à court terme par l'égalité de l'offre et de la demande
d'actifs libellés en différentes monnaies. Les demandes de ces
actifs dépendent des taux d'intérêt relatifs, des primes
à terme, et des anticipations relatives aux variations des taux de
change sur lesquelles insistent les théories de la parité des
taux d'intérêt et de l'efficacité des marchés. Les
modifications dans les quantités de ces actifs offertes aux
détenteurs de richesse privée des différents pays
dépendent des excédents et des déficits du compte courant
de la balance des paiements et de l'intervention de la banque centrale sur les
marchés des changes.
D'un autre côté, l'impact des transferts de fonds
sur les pays bénéficiaires est le thème de très
nombreux ouvrages d'économie. La plupart des analyses y relatives se
sont focalisées sur trois grands thèmes : une première
série d'ouvrages examine l'impact direct des transferts de fonds sur la
répartition du revenu, la réduction de la pauvreté et le
bien-être individuel ; une deuxième série se concentre sur
les effets des transferts sur l'économie en général, en
examinant les incidences sur l'emploi, la productivité et la croissance
; enfin, la troisième série d'ouvrages traite du rôle des
transferts d'argent dans le comblement des déficits de la balance
commerciale
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« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
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et de la balance des opérations courantes. Pour les
besoins de notre travail de recherche, nous ne tiendrons compte que des deux
dernières catégories précitées, la première
ne traitant pas des conséquences pour l'économie
intérieure, mais de la justice sociale et de l'égalité.
a) Effets des transferts d'argent sur la croissance
Les transferts d'argent opérés par les
émigrés exercent incontestablement un certain nombre d'effets sur
le bien-être. Tout d'abord, ces transferts constituent une importante
source de revenu pour de nombreux ménages à revenu faible et
moyen, dans les pays en développement. Deuxièmement, ils
fournissent les devises fortes nécessaires pour importer des facteurs de
production rares, non disponibles sur le plan intérieur, mais aussi pour
effectuer des économies supplémentaires en vue du
développement économique (Ratha, 2003; Taylor, 1999; Quibria,
1997). Toutefois, bon nombre de chercheurs ont supposé que l'ampleur de
l'impact sur le développement des transferts d'argent dans les pays
bénéficiaires dépendait de la manière dont cet
argent était dépensé. C'est ainsi que de nombreux ouvrages
étudient l'utilisation de l'argent transféré pour la
consommation, le logement, l'achat de terrains, l'épargne et
l'investissement productif. Il n'y a pas de doute que le fait de consacrer cet
argent à l'investissement entrepreneurial influe directement et de
façon positive sur l'emploi et la croissance. Toutefois, d'autres
chercheurs ont démontré que même si l'argent
transféré est affecté à la consommation et à
l'achat immobilier, il peut avoir divers effets indirects sur la croissance
économique. Parmi ces effets figurent le déblocage d'autres
ressources pour l'investissement et la production d'effets multiplicateurs.
Selon des études économiques récentes,
les fonds transférés peuvent exercer un effet multiplicateur
considérable même quand ils ne sont pas investis. Un dollar
provenant d'un transfert qui est dépensé pour satisfaire des
besoins essentiels stimule le commerce de détail, ce qui dynamise la
demande de biens et de services, et celle-ci stimule à son tour la
production et l'emploi (Lowell et de la Garza, 2000).
La plupart des études théoriques portant sur les
effets multiplicateurs des transferts de fonds s'appuient sur des
modèles qui prennent en compte les effets à la fois des
migrations et des transferts sur le bien-être. Les chercheurs
considèrent les transferts d'argent comme un moyen possible de compenser
la baisse de production que connaissent les pays en développement du
fait
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« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
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de la perte de débouchés commerciaux
résultant de l'émigration. Les résultats de la
modélisation montrent que si les migrants sont des travailleurs peu
qualifiés, le bien-être du pays de départ s'accroît
dès lors que les montants transférés sont
supérieurs à la perte de revenu intérieur. Si les
émigrants sont très qualifiés et/ou s'ils partent en
emportant des capitaux, les transferts n'augmentent le bien-être de ceux
qui restent au pays que si le rapport capital/main-d'oeuvre de
l'économie d'origine augmente ou demeure inchangé. Si ce rapport
décroît, les effets sur le bien-être sont
négligeables, voire négatifs (Quibria, 1997). Dans les pays
d'Europe centrale et orientale, par exemple, Straubhaar et Wolburg (1999) ont
constaté que les transferts ne compensaient pas la perte de
bien-être provoquée par l'émigration vers l'Allemagne des
travailleurs hautement qualifiés. Toutefois, quand l'économie
compte des capitaux étrangers, l'accumulation de capitaux
financée par les transferts améliore le bien-être
économique. Si l'argent des transferts est affecté à la
consommation, son impact sur le bien-être dépend de
l'intensité relative des facteurs de production des biens marchands et
non marchands (Djajic, 1998).
Toutefois, les transferts n'ont pas que des effets positifs
sur l'économie d'origine. S'ils produisent une demande supérieure
à la capacité de cette économie à y
répondre, et si la demande concerne des biens non marchands, ils peuvent
avoir un effet inflationniste. En Égypte, par exemple, le prix des
terrains agricoles a bondi de 600 % entre 1980 et 1986 à cause des
transferts (Adams, 1991). Les transferts peuvent
éventuellement avoir d'autres effets défavorables sur le
bien-être. Ils peuvent notamment encourager constamment
l'émigration des personnes d'âge actif et créer une
dépendance des bénéficiaires qui s'habituent à
disposer de l'argent. Or, tous ces facteurs risquent de perpétuer la
dépendance économique, ce qui compromet les perspectives de
développement (Buch et al., 2002).
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