Chapitre I : Cadre conceptuel, revue de la
littérature théorique et empirique
L'objectif de ce chapitre revêt un double aspect. Il
s'agit, dans un premier temps, de mettre l'accent sur les concepts clés
répondant à une meilleure compréhension de notre travail;
dans un second temps, nous établirons, de manière
sélective, une revue de littérature théorique et empirique
de travaux de recherche relatifs aux transferts privés et au taux de
change.
1.1- Cadre conceptuel
Dans le but de faciliter la compréhension de notre
travail de recherche, il nous importe de nous arrêter sur certaines
notions clés dont il nous faudra délimiter les aspects qui nous
intéressent; ces concepts clés sont : taux de change, transferts
privés, migration.
Taux de change
En général, les taux de change sont les
cotations sur le marché des cours des devises étrangères
en termes de monnaie nationale, ou, ce qui revient au même, l'inverse,
c'est-à-dire les cours en termes de monnaie étrangère de
la monnaie nationale. En tant que tels, ils sont les taux de change entre
monnaies qui sont utilisées dans la plupart des transactions qui passent
les frontières, qu'il s'agisse du commerce international, du tourisme,
des investissements internationaux ou des flux monétaires à court
terme entre pays.
? les différents types de taux de change
Le taux de change peut être coté soit à
l'incertain, soit au certain : à l'incertain, il représente le
nombre d'unités de monnaie nationale qu'il faut fournir pour avoir une
unité de monnaie étrangère; dans le cas d'Haïti par
exemple, au 30 septembre 2007 il fallait 43,04 gourdes pour 1 dollar
américain. Tandis qu'au certain, le taux de change, représente le
nombre d'unités de monnaie étrangère que l'on peut obtenir
avec une unité de monnaie nationale; par exemple, à un moment
donné il fallait 54 gourdes 10 pour 1 euro. A noter que la cotation
à
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« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
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l'incertain est cohérente avec le fait que la hausse de
tout prix10 déprécie la valeur réelle de la
monnaie locale. En effet, la hausse du taux de change coté à
l'incertain correspond bien à une dépréciation de la
monnaie nationale (et à une appréciation des devises).
? Taux de change effectif et taux de change
bilatéral.
Comme chaque pays effectue des transactions et a des relations
d'investissement avec un certain nombre d'autres pays, aucun taux de change
unique ne peut mesurer correctement le pouvoir d'achat de la monnaie nationale
en termes généraux de devises étrangères. On a
ainsi développé le concept de taux de change effectif pour
obtenir une évaluation du cours moyen pondéré des devises
étrangères en termes de la monnaie nationale. Le taux de change
bilatéral est par définition, le taux de change relatif des
monnaies de deux pays.
? Taux de change au comptant et taux de change à
terme.
Le taux de change au comptant est celui que l'on utilise dans
les opérations de change au comptant11 ; c'est celui qui a
été pris en compte dans notre définition principale du
taux de change. Le taux de change à terme (T) est celui qui est
défini pour les opérations de change à terme entre deux
devises. Il est défini en fonction du taux au comptant (E) à
partir de la relation suivante : T=E*(1+r'/1+r), ou r et r' sont respectivement
les taux d'intérêt pour le terme convenu dans chacun des deux
pays.
? Taux de change nominal et taux de change
réel.
Par définition, le taux de change nominal mesure le
prix relatif de deux monnaies alors que le taux de change réel mesure le
prix relatif de deux paniers de biens, des produits nationaux par rapport aux
produits étrangers en monnaie nationale ; il correspond au rapport de
deux pouvoirs d'achat, en ce sens, il constitue un indicateur de la
compétitivité-prix12 du pays
? Les déterminants du taux de change
Les études empiriques traditionnelles sur les taux de
change décrivent l'évolution de ces derniers en fonction d'un
ensemble de variables macroéconomiques fondamentales telles que les
10 Celui de la devise étrangère
11 Les cotations sur le marché au comptant se
traduisent concrètement par deux prix : un cours acheteur et un cours
vendeur, la différence entre les deux représente la marge de la
banque.
12 Le taux de change réel mesure en
définitive le pouvoir d'achat externe de la monnaie, c'est-à-dire
son pouvoir d'achat sur les biens étrangers.
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diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
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prix, l'offre de monnaie, les taux d'intérêt, les
écarts de productivité, la dette publique, les termes de
l'échange et les actifs étrangers nets, habituellement
exprimés en écarts entre les pays.
Transferts privés
Pour l'Organisation Internationale de la Migration (OIM), les
rapatriements de fonds désignent tous les transferts monétaires
effectués par les migrants vers leurs pays d'origine ; en d'autres
termes, les flux financiers associés à la migration. Dans la
plupart des cas, les envois de fonds sont des transferts monétaires
effectués à titre individuel par un travailleur migrant ou un
immigré au profit de proches dans son pays d'origine. Ces envois de
fonds sont communément appelés transferts privés. Dans le
cadre de notre travail nous avons donné différentes appellations
à cette variable : Transferts de devises, transferts de fonds ou
transferts tout court. Les travaux de recherche qui analysent ce
phénomène nous fournissent de précieuses données
descriptives cependant limitées en raison des contraintes sur les plans
géographique, socioculturel et temporel auxquelles ces derniers font
face.
? Les déterminants des transferts
privés
Selon l'OCDE, le niveau des flux de transferts
opérés par un émigré dépend à la fois
de ses possibilités, à savoir, son revenu et la partie qu'il
épargne de ce revenu et aussi sa motivation à rapatrier ses
économies dans son pays d'origine. Au fait, l'une des méthodes
d'étude des déterminants des flux de transferts consiste à
analyser les motifs qui animent les migrants au moment d'envoyer de l'argent ;
toutefois, les ouvrages qui traitent la question distinguent comme
déterminants des transferts privés : l'altruisme pur, le simple
intérêt personnel, les arrangements tacites avec la famille
restée dans le pays natal et les décisions de gestion de
portefeuille. D'un autre côté, comme le fait remarquer Stark
(1991), il n'existe pas de théorie générale des transferts
de fonds.
Migration
Selon l'OIM (Organisation International pour les Migrations),
les définitions de la «migration» et par extension du
«migrant» reposent sur des contextes politiques, sociaux,
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« Etude de l'impact des transferts privés de la
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économiques ou culturels distincts qui peuvent
varier13 énormément. Le phénomène
migratoire présente de réelles variations quant à sa
signification sociale et économique et on peut élaborer une
typologie de la migration en se fondant sur diverses distinctions. De ce fait,
la politique migratoire et la gestion des migrations seront influencées
par les distinctions retenues pour les définitions pratiques. Par
exemple, les choses peuvent se définir sous un angle géographique
(«migration»), ou sous un angle humain («migrants»). Vu
sous un angle géographique, «la migration» est le mouvement
d'une ou de plusieurs personnes d'un endroit vers un autre et le franchissement
de frontières administratives ou politiques dans l'intention de
s'installer, définitivement ou temporairement, dans un endroit
différent de leur lieu d'origine. On peut également
établir une distinction entre «le pays d'origine», à
savoir le point de départ, et «le pays de destination»,
à savoir le point d'arrivée. Par ailleurs, bien souvent la
migration ne se produit pas directement entre un point d'origine et un point de
destination, mais passe par un ou plusieurs «pays de transit».
Vu sous un angle humain, toute personne qui quitte son pays
dans l'intention de résider dans un autre, est appelée
«migrant» ou «émigré». Dans le nouveau pays,
cette personne sera considérée comme un «immigrant» ou
recevra une appellation analogue déterminée par la
législation, car chaque Etat établit ses propres lois en
matière d'immigration. Le terme «migrant» est plus
général que «émigrant » ou «immigrant»
car il ne précise pas la direction du mouvement.
? Bref survol de la migration haïtienne
Les premiers grands mouvements migratoires remontent au
début du 20ème siècle, particulièrement entre 1915
et 1934 avec l'occupation américaine. Les principales destinations se
résumaient essentiellement à Cuba et la République
Dominicaine dans les plantations de canne à sucre ; l'Amérique du
Sud dans la construction du canal de Panama ; et aussi la France.
Entre 1950 et 1960, on assiste à une émigration
croissante vers les Bahamas du fait que le tourisme pendant cette
période nécessité une main-d'oeuvre abondante et bon
marché (dans la construction de routes, d'hôtels et dans les
services) que Haïti est notamment prête à offrir. Le
13 jl n'est guère aisé de donner une
définition acceptée universellement; l'existence de
définitions variées se traduit par une variation des
critères statistiques, elle est une source de difficultés dans la
comparaison des données.
« Etude de l'impact des transferts privés de la
diaspora sur le taux de change en Haïti : Octobre 1992 à
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secteur agricole du sud des Etats-Unis attirent
également les Haïtiens vers la fin de cette période
(plantation et coupe de bois, culture de la tomate, etc.)
A partir des années 1960, on assiste à la
première grande vague de fuite de cerveaux ; en effet, l'Europe,
l'Afrique, l'Amérique du Nord et les Caraïbes constituent les
principales destinations. Cette vague d'émigration est attribuable aux
persécutions politiques et aux états de violence qui
caractérisent le régime des Duvalier dès 1957.
Vers le début des années 1970, les Haïtiens
commencent à quitter le pays directement des campagnes, et cela souvent
sur des embarcations de fortune. En effet, en 1972, les premiers boat people
arrivent à Miami. La Floride est de nos jours, un des Etats ou la
croissance démographique haïtienne en diaspora est la plus
importante14.
Dans les premiers mois qui suivent la fin de la dictature des
Duvalier en 1986, Haïti connait un solde migratoire positif, c'est-a-dire,
les Haïtiens de la diaspora retournent en masse au pays tandis que les
vols de départ n'ont pas beaucoup de succès. Mais, la succession
des gouvernements militaires sur fond de crise politique inversent rapidement
le mouvement. Cependant à la fin des années 1990, on retrouve le
même mouvement migratoire que celui des années 60 ou
l'émigration des cadres de l'administration publique et des
professionnels de la classe moyenne devient monnaie courante. C'est la
deuxième plus grande vague de fuite de cerveaux que subit le pays en
moins de 50 ans.
Pour mieux comprendre les différentes approches faites
des concepts clés du travail, on va essayer de les placer dans un
contexte de revues de littérature qui constituent la deuxième
partie essentielle de ce chapitre.
11
14 Pour la seule année 1980, plus de 12000
Haïtiens étaient arrives illégalement sur les cotes de la
Floride
12
« Etude de l'impact des transferts privés de la
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