Le juge de l'excès de pouvoir au Congo( Télécharger le fichier original )par Edson Wencelah TONI KOUMBA Ecole Nationale dà¢â‚¬â„¢Administration et de Magistrature - Diplôme de là¢â‚¬â„¢ENAM (Option Magistrature, cycle Supérieur) 2011 |
Paragraphe2 : Un juge travaillant dans des conditions précaires et en proie à la concurrence des organes non juridictionnels.Dans un Etat de droit, l'un des défis que doit relever un juge de l'excès de pouvoir consiste à tempérer l'autorité absolue de l'administration face aux administrés, équilibrer et concilier les prérogatives légitimes de l'intérêt général et les droits et libertés des individus. Dans un article paru dans le journal le Monde, Jean RIVERO expliquait que : « Le Conseil d'Etat, depuis plus de cent cinquante ans, réussit ce singulier tour de force : servir à la fois l'autorité vraie du pouvoir en le gardant contre sa naturelle propension à l'arbitraire, et la liberté des citoyens »167(*). Pour relever un tel défi, le juge a besoin de travailler dans des conditions adéquates et doit bénéficier de la confiance des justiciables. Or, le constat au Congo est amer, le juge de l'excès de pouvoir travaille dans des conditions précaires, ce qui entraine une lenteur dans le traitement des dossiers (A). De plus, certains administrés préfèrent recourir à des organes non juridictionnels dans le règlement des litiges administratifs ; ce qui peut affecter le rendement du juge (B). A)-La lenteur et la précarité des conditions de travail du juge.La lenteur dans le traitement des dossiers qui pose la question des délais raisonnables dans les décisions rendues par le juge de l'excès de pouvoir (1) n'est en réalité que la conséquence de la précarité des conditions dans lesquelles travaille ce juge (2). 1-La lenteur dans le traitement des dossiers : le juge de l'excès de pouvoir et la question du délai raisonnable. Dans la connaissance du contentieux de l'excès de pouvoir, une question se pose Ó celle de savoir si le juge administratif suprême rend ses décisions dans un délai raisonnable? La réponse à cette question n'est pas aisée, d'autant plus que le législateur de 1983 en réglementant la procédure devant ce juge n'a fixé que les délais de recours (article 407 à 409) et pas ceux dans lesquels la décision du juge peut être rendue. En réalité, la plupart des législations ne définissent pas cette notion du délai raisonnable, et souvent, il n'appartient qu'aux juridictions de combler ce vide juridique en déterminant, in concreto, au cas par cas, s'il y a violation du délai raisonnable. Dès lors, l'appréciation du délai raisonnable est une question de fait qui doit être examinée pour chaque affaire. En France, cette question est traitée différemment grâce aux exigences communautaires. En effet, l'article 6.1. de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 dispose : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un Tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur des droits et obligations de caractère civil », notons que les termes : « droits et obligations de caractères civils, » ont été interprétés de manière extensive même en matière administrative. Dans la pratique, lorsqu'on examine les arrêts rendus par le juge de l'excès de pouvoir au Congo, il faut compter une année au minimum et cinq à dix années au maximum entre la date du dépôt de la requête et celle où l'arrêt est rendu. -Dans le premier cas, on peut citer les décisions (l'arrêt n°04/GCS-2007, Etat congolais c/ arrêt administratif de la Cour d'appel de Brazzaville et l'arrêt n°06/GCS-2007, Mme YAYO née SERVICE Marie) rendues à l'audience publique du 12 avril 2007, dans le premier, le recours a été formé le 12 juin 2006, tandis que dans le second, il a été formé le 24 février 2006. Ces décisions n'ont été rendues qu'un an après.
-Dans le deuxième cas, on peut citer l'arrêt Dieudonné EKABA-OKOKO (arrêt n°004/GCS-2000), qui n'a été rendu que le 13 avril 2000 alors que la requête avait été enregistrée au greffe de la Cour Suprême le 30 septembre 1994 et l'arrêt NGUIMBI Marcel (arrêt n°013/GCS-2005) rendu le 12 mai 2005 alors que le recours avait été formé le 12 septembre 1994, soit près de dix (10) ans plus tôt. Il est vrai que la notion même de délai raisonnable est difficile à apprécier, toutes les affaires ne présentant pas la même complexité. Mais, le juge ne doit-il pas tenir compte du fait qu'à chaque recours intenté par un justiciable est attaché un effet utile? La lenteur du juge peut entrainer des conséquences lourdes pour le justiciable. Imaginons qu'il s'agisse d'un recours en annulation contre un refus de mettre à la disposition d'un malade des moyens nécessaires à son évacuation sanitaire et que, dans l'attente de la décision du juge, la maladie empire et conduit le requérant à la mort. A quoi aurait servi son action ? Mais, comme nous l'avons susmentionné, le juge de l'excès de pouvoir, à l'instar de tout autre juge congolais exerce dans des conditions précaires. 2-Un juge travaillant dans des conditions précaires.
Ces conditions précaires sont essentiellement d'ordre matériel. En effet, la Cour Suprême ne dispose pas d'un siège. Elle partage les locaux de la Cour d'Appel de Brazzaville. De ce fait, la chambre administrative comme toutes les autres chambres de cette haute Cour ne disposent pas de compartiment qui lui est propre, on trouve juste un bureau du Président de la chambre. De même, en cette ère du numérique, le juge administratif suprême ne dispose pas des outils adéquats pour s'arrimer à la pointe de la technologie, il est même dépourvu d'une simple salle de documentation. Il n'a ni salle de repos ni réfectoire, en un mot, il n'a pas le confort pouvant permettre à un juge de son rang de travailler dans des conditions agréables. * 167 Jurisclasseur n.052 mars 1999. P.12 |
|