Introduction
Si nous recherchons la définition du mot «
alimentation », nous pourrions nous arrêter sur celle
proposée par le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales
qui le définit comme : « l'action de fournir à un
être-vivant ou de se procurer soi-même les éléments
nécessaires à la croissance, à la conservation.
». Ou bien se fier au dictionnaire Larousse qui le présente
comme : « l'action d'alimenter, de s'alimenter, la manière de
s'alimenter ». Constatons donc que ces définitions ont une
connotation plutôt biologique et qu'elles occultent toute
référence culturelle ou sociale du sens caché du mot
« alimentation ». De façon générale, l'acte de
manger ne se résume pas à une simple satisfaction d'un besoin
biologique ; c'est la rencontre de nos émotions, de notre culture et des
règles de notre société. Selon les pays, les cultures et
même les religions, l'alimentation varie en fonction de l'histoire
culinaire ainsi que de la signification intrinsèque qui l'accompagne et
évolue avec le temps. Avant tout, l'alimentation est un facteur de
distinction sociale et d'identité nationale.
Lors de mes voyages et de mes rencontres, j'ai toujours
cherché à connaître l'opinion de personnes d'autres
nationalités au sujet de la gastronomie. J'ai pu remarquer que les
Français véhiculent une image très positive de la
gastronomie, qu'ils sont considérés de bons cuisiniers qui
utilisent des produits sains et nobles et qu'ils accordent une grande
importance à leur santé physique, ce qui pourrait expliquer le
faible taux d'obésité en France. Quant aux États-Unis,
l'image de l'Américain en surpoids, déambulant dans la rue un
verre de soda démesuré dans une main et un hamburger dans
l'autre, est souvent évoquée.
Mais qu'en-est-il vraiment ? Ces représentations ne
seraient-elles que de simples stéréotypes, des images ou des
caractéristiques simplifiées de toute une population ?
D'après le psychologue J.P Leyens, ce sont des « croyances
partagées concernant les caractéristiques personnelles d'un
groupe de personnes ». Ou encore une « sur-simplification de
l'image mentale de certaines catégories de personnes, institutions ou
évènements, partagée par un grand nombre de personnes
» selon The Fontana Dictionary of Modern Thought.
Étymologiquement, le terme de stéréotype provient du monde
de l'imprimerie : c'est la juxtaposition des termes grecs « steros
» qui signifie « solide » et « tupos »
qui signifie « empreinte ». Le stéréotype
correspond donc à une plaque métallique d'imprimerie,
inchangeable une fois moulée.
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Bien que les stéréotypes cités ne soient
que des caractéristiques schématiques d'un groupe, ils
présentent tout de même un angle d'étude intéressant
dans le domaine de l'interculturel. Toutefois, il convient de se poser une
simple question, à savoir comment la France et les États-Unis se
sont vu attribuer de tels stéréotypes et si ceux-ci
reflètent la réalité. Une analyse plus poussée
s'impose pour déterminer leurs comportements alimentaires respectifs,
car se limiter à de tels aprioris ne pourrait faire l'objet d'une
étude interculturelle sérieuse.
Pour une étudiante à la fois de culture
française et anglo-saxonne, étudier en profondeur le rapport
à l'alimentation de ces deux populations, qui font partie
intégrante de moi-même, me semblait une démarche tout
à fait intéressante. Certes, ces deux pays partagent des valeurs
communes, telles que les droits de l'homme ou la liberté d'expression,
mais ils sont aux antipodes lorsqu'il s'agit de leurs habitudes alimentaires.
Étant donné que mon mémoire de traduction porte sur le
secteur de l'agriculture biologique et ses enjeux interculturels, j'ai
souhaité rester dans la même veine et explorer le rapport à
l'alimentation des Français et des Américains, ceci étant
en lien direct avec l'une de mes passions, la gastronomie. De plus, ce sujet de
mémoire s'inscrit parfaitement dans le Master Management Interculturel,
ainsi que dans mon projet professionnel qui s'oriente vers le secteur de
l'agroalimentaire.
Ainsi, mes interrogations sont multiples : sommes-nous le
simple produit de notre passé et de notre culture, ou, au contraire,
sommes-nous influencés par les cultures du monde, à tel point que
nous oublions nos propres racines ? Notre identité culinaire peut-elle
être ébranlée au nom de la mondialisation et de
l'homogénéisation alimentaire, ou saura-t-elle se
pérenniser ? Les nouvelles tendances alimentaires seront-elles les
ingrédients de notre avenir ? Nous tâcherons de répondre
à ces problématiques en s'intéressant tout d'abord
à l'origine des patrimoines culinaires et aux spécificités
et divergences des comportements alimentaires des populations françaises
et américaines. Ensuite, nous analyserons quelques publicités
alimentaires et le rôle déterminant joué par la
communication dans la transmission des valeurs culturelles intrinsèques
à chaque pays, tout en portant un regard critique sur la menace d'une
potentielle uniformisation de la culture culinaire et en considérant ses
limites et la résistance qui en découle.
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