C) CONCLUSION
Pour conclure, voici une petite histoire de coaching qui a retenu
mon attention:
Il était une fois, dans un village au
Moyen-Âge, un homme plutôt malingre, qui avait femme,
enfants et amis. Il possédait également un champ reçu de
ses parents mais, trop faible pour le moissonner lui-même, il en laissait
la charge à de plus forts que lui qui, en compensation, prenaient une
bonne part de la récolte. Il ne lui restait en fait que le strict
minimum pour vivre, et il en concevait grand'peine. Tout le monde autour de lui
le plaignait: « il est si chétif, il n'y peut rien », «
le pauvre n'aura bientôt plus que la peau sur les os ». Ses proches
ne cessaient de l'inciter à moins d'ouvrage encore devant son
état, de
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peur qu'il n'empire. Et le Père Saint-Yves, qui
confessait le village, lui disait de surtout se reposer, que chacun en ce monde
avait sa place et qu'il était bon d'y rester.
Un jour d'été, alors que les moissons
allaient commencer, notre homme était assis au bord du chemin. Les
larmes aux yeux, il songeait à ce qu'il allait encore devoir laisser, au
peu qu'il aurait pour lui et les siens. « Il y a sûrement un
moyen... mais je suis si faible », se disait-il. Un Curieux Original A
Cheval vint à passer, qui le vît et lui demanda la raison de son
état. L'homme se confia:
- Vois, c'est mon champ, et pourtant je n'en
récolterai pas le dixième. - Pourquoi cela ? - C'est que regarde,
je suis si faible que je n'ai pas la force d'en rien faucher. Le Curieux
Original A Cheval ne dit rien. Il regarda tour à tour le champ, superbe
de blé, et l'homme qui poursuivit: - Mes enfants, ma femme et moi allons
encore subir la faim tout l'hiver. - Et que souhaiterais-tu, à la place
? - Comment ? Mais c'est évident !, dit l'homme, je voudrais le faucher
moi-même pour pouvoir profiter de ma récolte. - Pourquoi cela
est-il important ? - Tu as de drôles de questions !, dit l'homme, pour
que mes enfants mangent à suffisance, et ma femme et moi de même.
- Et comment saurais-tu que tu l'as fauché ? - L'ami, vraiment, tu es
drôle ! J'aurais tout le blé moissonné dans ma grange
à la fin de l'été, et j'en porterais les sacs chez le
meunier pour qu'il nous fasse de la farine pour notre pain. - Ainsi donc, si
à la fin de l'été tu portais des sacs au meunier pour
qu'il fe tasse de la farine pour du pain afin de nourrir tes enfants et ta
famille, grâce à ta propre moisson, tu serais satisfait ? - Et
comment donc! Oui!
Le Curieux Original A Cheval regarda à nouveau
l'homme, puis son champ, puis l'homme. Puis il demanda : - Comment s'y
prend-on, pour moissonner ton champ ? - Eh bien, les gens du village commencent
toujours par la parcelle que tu vois, près du bosquet mais elle est en
haut de la colline et rien que d'y arriver je suis épuisé ! Puis
ils continuent avec la parcelle de l'autre côté, ensuite celle-ci,
puis celle après le ruisseau...
Et l'homme énuméra toutes les parcelles. Le
Curieux Original A Cheval demanda ensuite : - Et toi, seul, comment pourrais-tu
faire?
L'homme réfléchit un instant, et dit : - Ma
foi, je commencerais par celle d'en bas, là, devant moi. Elle n'est pas
bien grande, et je suis reposé. - Et quand pourrais-tu le faire ? - Il
est encore matin, si je commençais maintenant j'aurais fini pour les
Vêpres. - Je te revois donc aux Vêpres, à l'autre bout de
cette parcelle.
Et le Curieux Original A Cheval s'en alla au petit trot.
L'homme, interloqué mais résolu, se mit à l'ouvrage. Comme
il n'avait jamais fauché, il lui fallu du temps pour trouver un
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qui convienne et ne lui soit pas trop pénible, mais
il fit tant et tant qu'aux Vêpres, la parcelle était aux
trois-quart moissonnée ! Il était épuisé, mais la
joie d'avoir réussi ceci était si forte qu'elle lui faisait
oublier ses douleurs. A l'annonce de la nouvelle, tout le village accourut:
« mais il est fou ! » disaient les uns, « quelle drôle
d'idée de commencer par là ! » disaient les autres. Et le
Père Saint-Yves, à qui notre homme avait relaté sa
rencontre, regarda d'un mauvais oeil ce Curieux Original A Cheval qui,
d'après lui, jouait avec la santé de son ouaille. L'homme eut
certes des courbatures, mais cette année-là il put faucher
près de deux parcelles, et la moisson qu'il en retira lui permit de
nourrir correctement ses enfants, sa femme, et lui-même, si bien
qu'arrivé l'été suivant, il avait commencé à
prendre bonne force. Il putfaucher trois parcelles de mieux!
En quelques années, il putfaucher son champ et
conserver par devers lui ce qui lui revenait, et de quoi subvenir largement aux
besoins de sa famille, jusqu'a en redistribuer au reste du village. Parfois,
d'autres plus faibles l'appelaient pour moissonner leur champ, et il repensait
toujours à ce Curieux Original A Cheval, qu'il n'avait jamais revu,
lorsqu'il leur disait: « dis-moi, si tu devais le faire, toi, tu
procéderais comment ? ».
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