H. LE CHANGEMENT
Norbert Alter développe que la dynamique des
entreprises aujourd'hui est le changement: « changement technique,
organisationnel, économique, stratégiques et spatiaux qui se
succèdent, se superposent et s'entrechoquent en permanence »
(page 82)
Le changement est un état chaotique qui permet de
passer d'un état stable à un autre état stable. Le
changement a besoin de temps pour se mettre en place: réguler,
négocier, corriger, adapter...
Durant ce temps, l'auteur nous explique que l'entreprise se
trouve dans un effet « d'apesanteur » qui produit un grand
désordre qui lui même nuit au travail collectif car il augmente
lourdement la charge de travail politique et administrative. Dans un changement
permanent, le stress s'installe, les opérateurs sont pressés,
plus personne n'a le temps pour l'autre.
Ces situations bouleversent les liens sociaux et la
coopération pourtant indispensable pour l'entreprise.
Effectivement le don et le contre don, qui permettent la
coopération et le lien social, n'a pas de délai dans le temps. Je
donne et le jour venu, le contre don arrive. Dans cette cacophonie de
changements incessants, il n'y a plus le temps pour l'autre, ni de donner, ni
de rendre. Le lien social et la coopération s'étiolent et les
procédures s'accentuent.
Cela fait résonnance à une autre
expérience personnelle lorsque j'étais directrice d'un EHPAD :
Les autorités de tutelles réclamaient des changements de tous
ordres pour répondre à leur vision administrative
d'accompagnement des résidents et l'association gestionnaire exigeaient
également des changements au sein de leurs établissements selon
leur propre vision également. Naturellement, les deux visions
n'étaient pas forcément en adéquation. L'EHPAD ne
connaissait plus de période stable, les employés étaient
totalement déconcertés et épuisés et n'avaient plus
le temps pour cette coopération, ce qui a provoqué des
dysfonctionnements. L'association gestionnaire a alors écrit
procédure sur procédure pour « recadrer » les
équipes et s'en est suivi un référentiel qualité de
1000 questions. Deux fois par an, l'association gestionnaire venait
contrôler que ses 1000 points étaient bien mis en place (cela
pouvait être d'ordre technique (bien faire la toilette), moral
(répondre correctement à son collègue), d'ordre
bientraitant (dire bonjour au résident), d'ordre organisationnel
(à telle heure, à tel
40
endroit pour telle tâche). L'accompagnement coaching et
les procédures de coordination sont alors apparues.
On peut légitimement se demander si les aides, type
coaching ou autre pour accompagner le changement, aurait une place en
entreprise si ces derniers ne créaient pas eux-mêmes leurs propres
dysfonctionnements?
Je cite Norbert Alter: « Il est ainsi devenu
obligatoire de changer. Pour des raisons plus culturelles
qu'économiques, (...), la norme managériale actuelle consiste
à valoriser ce qui change et ceux qui changent» (page 85).
Et il est interdit de critiquer les changements sans passer pour une
personne qui se plaint, rajoute t il.
Le problème qui se lève alors est que cet
état de changement permanent, qui n'a plus de début ni de fin,
qui ne se stabilise plus durablement, perd son sens. Pourquoi je fais ce que je
fais puisqu'il n'y a pas de but fondé? Dès que l'objectif est
atteint, on change à nouveau.
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