La sécurité juridique en droit administratif sénégalais( Télécharger le fichier original )par Abdou Ka Université Gaston berger de saint Louis - DEA droit public 2015 |
CONCLUSIONLe droit, de par sa seule existence, assure la sécurité juridique des rapports sociaux. Sans elle, l'ordre juridique est en butte au règne de la passion, de l'arbitraire et de l'angoisse. En ce qu'il garantit l'ordre et la justice sociale, le droit est, par essence, porteur de l'idée de sécurité juridique. C'est ce qui, semble-t-il, pousse M. FROMONT à affirmer que la sécurité juridique est « presque la raison d'être même du droit »181(*). Elle serait donc consubstantielle au droit. En cela, l'idée de sécurité juridique dans l'ordre juridique frise la tautologie. Toutefois, le droit n'est plus ce creuset de sécurité juridique qu'il est censé être. Le droit moderne connaît une véritable crise en ce qu'il est inflationniste, instable et dégénérescent. Face à ce désordre normatif, la sécurité juridique s'est affirmée comme un véritable remède. Elle acquière ainsi son autonomie conceptuelle et, partant, gagne en normativité. En ce que les dérives du droit s'accentuent, la sécurité juridique voit sa signification se préciser en tant que concept et sa densité normative croître. La notion de sécurité juridique, malgré ses multiples facettes, semble être désormais revêtue d'une certaine unité conceptuelle. Selon B. PACTEAU, « la sécurité juridique, c'est qu'une règle du jeu accessible, compréhensible et prévisible dans sa mise en oeuvre préside aux relations entre administration et administrés »182(*). Le concept de sécurité juridique, du moins dans son fond diffus, a gagné tous les systèmes juridiques, mais il n'en demeure pas moins qu'il garde le poids de son histoire. Trouvant ses racines historiques dans le droit romain, la sécurité juridique sera différemment perçue selon le système juridique. Le droit allemand, fortement marqué par la tradition romaniste, accordera une large place au versant subjectif de la sécurité juridique, alors que le droit français, essentiellement légaliste, privilégiera son volet objectif. La réticence du juge sénégalais et du juge français à l'égard de la dimension subjective de la sécurité juridique trouve certainement des justifications liées à des considérations d'identité juridique. L'idée de droit public subjectif semble difficilement envisageable dans le contexte sénégalais. Cependant, du fait de l'influence grandissante du droit communautaire et des mutations que connaît l'office du juge de l'administration, l'idée de droit public subjectif est en passe d'intégrer l'ordre juridique, même si l'éventualité d'une subjectivisation du droit administratif reste largement à craindre pour l'équilibre global du système juridique. Il apparaît que la sécurité juridique, dans son contenu, n'est ignorée par aucun système juridique. Une certaine unanimité semble même se dessiner autour de la notion ; le véritable problème n'est plus de savoir ce qu'est la sécurité juridique, mais d'évaluer sa densité normative selon l'ordre juridique considéré. Le contenu de la notion de sécurité juridique se précise, au même moment où la question de sa valeur normative surgit. Le degré de protection dont elle fait l'objet dans l'ordre juridique constitue actuellement l'enjeu essentiel autour de la sécurité juridique. Tantôt formellement consacrée en tant que principe positif, tantôt reconnue juste en tant qu'exigence, la sécurité juridique est toujours garantie. Voilà donc le consensus : la sécurité juridique du fait de sa fonction éminente de sécurisation de l'ordre juridique « ne pouvait demeurer au rang des principes d'une justice naturelle élémentaire »183(*). En droit administratif sénégalais, la sécurité juridique reste largement garantie en ses applications essentielles. Le contrôle qu'opère le juge sur l'action administrative va dans le sens d'une meilleure prise en compte de la sécurité juridique. Il garantit le contenu sans se prononcer sur la valeur normative de la sécurité juridique. Malgré les avancées notables de l'exigence de sécurité juridique en ses éléments principaux, il reste que sa consécration n'est toujours pas acquise en droit sénégalais. Il assure la sécurité juridique des administrés, parfois même au détriment de l'équilibre du système juridique, mais refuse toujours de lui reconnaître la valeur de principe positif. La sécurité juridique est devenue une exigence juridique autonomisée. Elle n'est plus seulement un objectif que doit préserver l'ordre juridique, mais elle apparaît davantage comme une règle positive source d'obligations juridiques et de droits subjectifs. Doit-elle être formellement consacrée dans l'ordre positif ou seulement assurée à travers la garantie de ses applications essentielles : telle est actuellement la véritable question à propos de la sécurité juridique ? * 181 M. FROMONT, « Le principe de sécurité juridique », AJDA 1996, numéro spécial, p.178 * 182 BERNARD PACTEAU, « La sécurité juridique, un principe qui nous manque ? », Op. cit * 183 N. MOLFESSIS, « Discontinuité et sécurité juridique », Louisiana Law Review, Vol. 63, n°04, 2003, p.1309 |
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