La chefferie traditionnelle Bene a l'ère de la libéralisation politique au Cameroun et de ses ressorts: le cas de l'arrondissement de Nkol-Metet( Télécharger le fichier original )par Sylvain Charles AMOUGOU MVENG Université Yaoundé II SOA - DEA Sciences politiques 2009 |
Paragraphe 1 : La persistance du décret de 1977 comme référentiel juridique organisant la Chefferie traditionnelle à l'ère de la libéralisation politiqueLe Décret de 1977 est le décret qui donne un sens juridique à la Chefferie traditionnelle. Ce Décret qui compte 40 articles, est un corpus juridique qui prévoit les dispositions relatives à l'organisation de la Chefferie traditionnelle sur une base territoriale 34(*); à la désignation des Chefs ; les attributions et avantages attachés aux fonctions de Chef traditionnel ; les garanties et disciplines des Chefs traditionnels... Ce qui nous intéresse principalement dans ce décret, c'est le statut qu'il réserve à la fonction de Chef traditionnel. L'article 20 dudit décret fait du Chef traditionnel un Auxiliaire de l'Administration. C'est la raison pour laquelle, dans le cadre de ce paragraphe, nous analyserons d'abord la fonction du Chef traditionnel comme Auxiliaire de l'Administration ; ensuite nous allons dégager l'obsolescence de ce statut à l'ère de la libéralisation politique. A- Le Décret de 1977 et la consécration du Chef traditionnel comme Auxiliaire de l' Administration Le statut juridique du Chef traditionnel comme Auxiliaire de l'Administration dénature quelque peu l'institution de la Chefferie traditionnelle au Cameroun. Car ce décret établit surtout les attributions du Chef traditionnel vis-à-vis de l'Etat au détriment de la communauté dont il est le Chef. Au regard de cet état de chose, il se dégage une confusion dans le statut juridique du Chef traditionnel. Selon Nach Mback, les Chefferies traditionnelles n'appartiennent ni au registre de la déconcentration, ni à celui de la décentralisation administrative. Dans le sassement de ses idées, il fera de cette institution : « un sujet juridique non identifié ». (Nach Mback 2000 :78). Pourtant, ce décret consacre formellement les Chefs traditionnels, comme Auxiliaires de l'Administration. C'est dans ce sillage que Ngnepi (2007) renchérit l'idée que les Chefferies participent du processus de la déconcentration, dans la mesure où toutes les directives les concernant viennent du pouvoir central. Toutes choses étant égales par ailleurs, l'essentiel de la fonction du Chef au regard du Décret de 1977 notamment dans son article 20 renchérit l'idée selon laquelle la Chefferie sert principalement les ambitions de l'Etat. Cet article stipule : Auxiliaires de l'Administration, les Chefs Traditionnels sont notamment chargés : - de transmettre à la population les directives des autorités administratives, et d'en assurer l'exécution ; - de concourir, sous la direction des autorités administratives compétentes, au maintien de l'ordre public et au développement économique, social et culturel de leurs unités de commandement ; - de recouvrer les impôts et taxes de l'Etat et des autres collectivités publiques, dans les conditions fixées par la réglementation ; Indépendamment des tâches qui précèdent, les Chefs Traditionnels doivent accomplir toute autre mission qui peut leur être confiée par l'Autorité Administrative locale. Au demeurant, d'après tout ce qui précède, il est assez visible que ce décret a quasi ignoré la dimension traditionnelle de la Chefferie traditionnelle, le rôle du Chef dans sa communauté et a surtout transformé les Chefs traditionnels en collecteurs d'impôts. C'est dans cette optique que pour Towa (2006), la Chefferie traditionnelle est née en pays Béti pour faire des économies pour les puissances colonisatrices. Du reste, à l'ère de la libéralisation politique au Cameroun, le décret de 1977 mérite d'être actualisé. B- Obsolescence du Décret de 1977 à l'ère de la libéralisation politique Le Décret de 1977 a été édicté à l'ère du monolithisme ; or dans ce contexte, les logiques jacobines étaient très mobilisées et les pouvoirs publics se méfiaient de toutes forces politiques centrifuges (Ahmadou Ahidjo, 1968 : 20). C'est pourquoi ce décret a quasiment assujetti la Chefferie traditionnelle à l'Administration. Avec la libéralisation politique, les Chefs traditionnels ne sont plus que des simples Auxiliaires de l'Administration, ils sont désormais des partenaires de l'Etat. La décentralisation qui est née de la libéralisation politique au Cameroun oblige conjoncturellement les Chefs traditionnels à être à la fois des relais de l'Administration mais aussi, les promoteurs du développement local dans leur communauté. En d'autres termes, les Chefs traditionnels au Cameroun sont devenus les Auxiliaires de l'Etat au service de l'Etat et des metteurs en scène du développement de leur communauté dans les domaines économiques ; éducatif ; sanitaire et culturel. Mouiche affirme dans ce sillage : « les Chefs sont les acteurs du développement local ; certes, ils font partie de la société politique en tant que suppôt du pouvoir, en leur qualité d'auxiliaires de l'administration, mais en même temps, on les retrouve dans la sphère civile ». (Mouiche 2005b :1). Djateng (2007) corrobore cette idée en affirmant : « les Chefferies traditionnelles peuvent féconder le développement local en ce sens qu'elles recèlent en leur sein des structures de concertations de pouvoirs ; des lieux d'analyse et de création de modèles alternatifs de développement ». A Nkol-Metet, cela est déjà visible, les Chefs traditionnels sont au centre des dynamiques locales35(*) et sont de plus en plus associés à proposer leur vision sur le plan du développement communautaire de ce terroir. Au regard des fonctions que leur impose la nouvelle conjoncture politique, dans laquelle les Chefs traditionnels se trouvent, le Décret de 1977 ne permet pas suffisamment de rendre compte de la fonction actuelle de la Chefferie traditionnelle au Cameroun. * 34 C'est à cet effet que les Chefferies traditionnelles sont hiérarchisées en Chefferies de Ier degré ; les Chefferies de 2e degré ; les Chefferies de 3ième degré.Ainsi est de 1er degré, toute Chefferie dont le territoire de compétence recouvre celui d'au moins deux Chefferies de 2ème degré. Ses limites territoriales n'excèdent pas en principe celles d'un Département. Est de 2ème degré, toute Chefferie dont le territoire de commandement englobe celui d'au moins deux Chefferies de 3ème degré. Ses limites n'excèdent pas en principe celles d'un Arrondissement. * 35Dans presque tous les villages de Nkol- Metet, les Chefs traditionnels s'activent à créer des groupes d'initiatives communes. Par exemple, à Bikoko, Sa Majesté Mva Kouma nous fait savoir qu'il a impulsé la création d'un groupement d'initiative commune dénommée : Renaissance de Bikoko un groupe de 34 personnes qui a créé en cette année 2011 deux champs communautaires de maïs et de manioc de 4 hectares (propos recueillis le 16/08/2011 à Bikoko. De même dans le village Awäe, Sa Majesté Oyono joseph, nous informe qu'il a également impulsé la création dans son village de trois grands champs communautaires dont le plus important est la cacaoyère nouvellement créée de trois hectares ; il nous révèle aussi la création de plusieurs tontines qui permettent l'épanouissement des individus ayant souscris. (Propos recueillis le 04/07/2011 à Awäe). A Obout on note également un réveil, mais dans ce village, c'est plutôt une collaboration synergique entre l'élite et l'association de la Chefferie dénommée Nkul Mbida Nga Mbala , qui a octroyé une somme de 8 millions au groupe ayant des projets viables et fiables. Il convient aussi de rappeler que l'association des Chefs traditionnels de Nkol-Metet oblige les Chefs traditionnels de son ressort d'être propriétaire d'au moins une cacaoyère, ceci en vu de leur épanouissement personnel. |
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