La chefferie traditionnelle Bene a l'ère de la libéralisation politique au Cameroun et de ses ressorts: le cas de l'arrondissement de Nkol-Metet( Télécharger le fichier original )par Sylvain Charles AMOUGOU MVENG Université Yaoundé II SOA - DEA Sciences politiques 2009 |
Paragraphe 2 : La mobilisation des Chefs dans les processus politiques et économiques de la décentralisationDans le contexte de la décentralisation, la mobilisation des Chefs traditionnels dans les processus politiques et économiques nécessite un renforcement de leurs capacités économiques, symboliques et culturelles. A Nkol-Metet, il y a certains Chefs qui ne saisissent pas encore leur rôle dans cette nouvelle conjoncture politique. Sa Majesté Akoa Amougou Vincent nous le confirme lorsque nous voulions savoir comment il entendait se déployer dans la décentralisation, ce dernier nous fit savoir : « Dans la décentralisation, le Chef adresse les doléances de sa communauté aux autorités administratives afin que celles-ci viennent les solutionner » (entretien du 15 /07/2011 avec Sa Majesté Akoa Amougou Vincent). Ceci étant, le renforcement de leurs capacités consiste pour eux de quêter un certain nombre de capitaux pour être à la hauteur des mutations qu'imposent la conjoncture socio-politique dans laquelle ils s'y trouvent. Le capital, tel qu'envisagé ici, est appréhendé dans l'acception bourdivine. C'est-à-dire, l'ensemble des ressources mobilisables et utilisables par un individu, du fait de sa position dans l'espace social. On distingue à cet effet quatre types fondamentaux de capitaux : le capital économique, le capital culturel153(*), le capital social et le capital symbolique154(*). Bien entendu, que ceux-ci sont complémentaires ; mais pour des besoins heuristiques, nous allons principalement mobiliser le capital économique et subsidiairement le capital symbolique. A- Le renforcement des capacités des Chefs autour du capital économique Anthropologiquement, la fonction de Chef traditionnel était attribuée à des personnes qui possédait un certain nombre de capitaux, parmi lesquels le capital économique d'où les appellations de Nkukuma, de Mfan mot (voir Laburthe-Tolra, 1981 ; Fouda Ongodo, 2004). Aujourd'hui à Nkol- Metet les Chefs (notamment pour les Chefs de 3e degré) possèdent de moins en moins ce capital, et sont désormais à la merci des populations, à cause de leur paupérisation grandissante. Les Chefferies ne sont plus les lieux de ravitaillement155(*) des populations .Aussi, les Chefs sont-ils incapables de se bâtir des maisons dignes de leur statut ; incapables de conserver les structures d'accueil héritées de leur défunts parents. En d'autres termes, les Chefferies ne présentent plus des structures d'accueil. C'est la raison pour laquelle, lorsque les autorités administratives (préfet, sous-préfet, commandant de brigade de gendarmerie...) effectuent leurs tournées, au lieu d'être reçues dans les Chefferies traditionnelles, elles sont plutôt accueillies dans les villas des élites du terroir, qui financent même les réceptions de ces dernières. Parfois, indépendamment de leur volonté, ces élites fragilisent la position sociale des Chefs .Or chez les Béti, le prestige du Chef est étroitement lié à son capital économique. Il devient donc impérieux pour les Chefs traditionnels de corriger ce manquement, pour pouvoir être de véritables acteurs de la démocratisation ; car, pour parler de développement en escomptant les résultats, ils doivent d'abord être des modèles à l'instar des Chefs de groupement. Madame le Sous Préfet de Nkol-Metet nous le confirme quand elle dit : « dans la classe des Chefs traditionnels de Nkol-Metet, les Chefs de groupement sont incontestablement économiquement et matériellement au-dessus du lot » (source : entretien du 06/07/2011 à la sous-préfecture de Nkol-Metet). Autant le capital économique constitue un facteur de prestige pour les Chefs traditionnels, autant le capital symbolique ne vient que renforcer ce prestige. B- Le renforcement des capacités des Chefs autour du capital symbolique Fondamentalement, le pouvoir traditionnel comme le pouvoir de l'Etat, regorgent des aspects de la sacralité, au regard de la palette des rites que regorgent nos traditions c'est dans cet ordre d'idées que Halpougdou affirme : « tout pouvoir traditionnel est dénué de sens et réalité sans l'investiture des ancêtres, c'est-à-dire sans la dimension sacrée et mystique attribuée au pouvoir dans les sociétés » (Halpougdou cité par Ouedraogo Hubert, 2006 :14). Nous n'allons pas nous engager dans les méandres du sacré. La dimension symbolique que nous voulons mettre en exergue ici, réside en d'autres aspects, qui font du pouvoir du Chef, un pouvoir symbolique. Il s'agit en fait de la respectabilité, de l'honorabilité, la réputation et la compétence du Chef. Tous ces éléments constituent de façon générale les valeurs intrinsèques que doivent avoir les Chefs traditionnels. En effet, de plus en plus dans nos localités, les autorités traditionnelles sont méprisées. Ceci s'explique en grande partie par leur mauvais comportement. Ce qui ternit davantage leur image, c'est leur ivresse permanente. Ces derniers sont pour la plupart des adeptes incontestés du whisky artisanal (odontol ou akerpi). De même, la compagnie des Chefs traditionnels n'échappe pas à ce vice que constitue l'alcoolisme. Il devient difficile pour ces Chefs de juguler les fléaux tels que l'alcoolisme, qui de plus en plus, devient l'apanage des populations de Nkol-Metet, surtout que certains de ces Chefs sont des modèles représentatifs de cet état de choses. S'agissant de leur tenue vestimentaire, les Chefs sont généralement mal vêtus, et même lorsqu'ils arborent leur ténue d'apparat, elle est généralement le plus souvent mal entretenue. Ce qui fait que ces Chefs ne suscitent aucune admiration de par leur être et par leur manière d'être la Chefferie traditionnelle perd sa prestance symbolique156(*), faute de mise conséquente. * 153 Le capital social est l'ensemble des facilités sociales (réseaux de relations sociales familiarité avec les lieux de pouvoir etc.) qu'un individu est capable de mobiliser à son profit .C'est encore l'ensemble des ressources auxquelles un acteur peut accéder grâce à l'ensemble de ses relations directes (ses propres contacts) ou indirectes (les relations de ses contacts). * 154Le capital symbolique renvoie à l'ensemble des signes distinctifs et des symboles du pouvoir acquis ou hérité par un individu. Cet ensemble inclut la respectabilité, l'honorabilité et la réputation de compétences qui sont aisément convertis en capital social. * 155 Anthropologiquement, chez les Béti, les Chefferies étaient les lieux par excellence des `'Atak mvam'' ; lieux où les populations pouvaient se restaurer en temps de disette et en cas de famine. Chez le Chef on trouvait boisson nourriture et même des cadeaux pour les éventuels hôtes. * 156 A Ray Bouba par exemple, on remarque encore, la non obsolescence des symboles distinctifs traditionnels : vêtements important, turban qui emballe la tête et ne laisse voir que difficilement les yeux, de nombreux chevaux, un entourage impressionnant qui l'accompagne des parures, bref tout ce qui transforme l'individu en un véritable démiurge. (Perrot et Fauvelle, 2003 :286). |
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