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La chefferie traditionnelle Bene a l'ère de la libéralisation politique au Cameroun et de ses ressorts: le cas de l'arrondissement de Nkol-Metet

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par Sylvain Charles AMOUGOU MVENG
Université Yaoundé II SOA - DEA Sciences politiques 2009
  

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Paragraphe 2 : Les Chefferies traditionnelles comme lieux d'investissements sociopolitiques

Les Chefferies traditionnelles sont de plus en plus investies par des Chefs traditionnels jouissant des capitaux à la fois symboliques, culturels, économiques et sociaux. Leurs investissements ne sont pas anodins et ont même une portée ambivalente. D'une part ils permettent principalement de conforter leurs assises politiques ; d'autre part ils permettent par ricochet à leur communauté d'engranger quelques dividendes de leur activité politique. Tout ceci participe de la grammaire de l'interaction (work face)142(*) ; et selon Goffman, pour établir sa face, il faut :

«  satisfaire les attentes normatives des autres, ce qui revient à respecter leur personnalité puisqu'en satisfaisant leurs attentes, je rends hommage à la parcelle sociale qui est incarnée en eux, à leur aptitude à être eux- mêmes des acteurs sociaux compétents. Je ne peux établir ma face sans établir celle de l'autre et je ne peux établir celle de l'autre sans établir la mienne, dans la mesure où ce qui constitue la face d'une personne est l'ensemble des croyances sociales sur les exigences de telle ou telle situation » (Goffman cité par Céline Bonicco, 2006 :37)

Les profils biographiques  des Chefs identifiés dans le paragraphe précédent posent les jalons probants d'une telle thèse dans la mesure où ces Chefs traditionnels sont d'abord des entrepreneurs politiques avant d'être des Chefs traditionnels.

Le présent paragraphe est structuré autour de deux points. Le premier point abordera la question des Chefs et leur statut de relais de l'administration ; le deuxième point quant à lui, nous permettra de prospecter sur les calculs politiques de ces derniers.

A- Les Chefs et leur statut de relais de l'Administration

A l'ère de la libéralisation politique et mieux encore de la décentralisation, les Chefferies traditionnelles et les Chefs traditionnels continuent à être régis par le décret de 1977 portant organisation des Chefferies traditionnelles au Cameroun. Or, dans ce nouveau contexte socio politique et administratif, ils sont davantage interpellés dans la mesure où leur proximité avec les populations les inscrit parmi les acteurs du développement local. C'est dans ce sillage que Geshiere affirme :

«  en dessous de la politique officielle des Etats, il existe des façons locales de faire la politique, et pour comprendre l'évolution des Etats modernes, il est indispensable de penser la continuité, qui relie les styles locaux, notamment, les transformations des formes néo traditionnelles aux conceptions modernes du politique ».C'est dans ce sillage que Nicodemeus Awasom déclarera : 

«  lesChefs traditionnels dans leur vécu quotidien sont entre le marteau de l'Etat, et l'enclume de leurs sujets. De l'équilibre entre les deux, dépend leur survie » (Nicodemeus Awasom cité par Mouiche, 2005a : 20).

Au demeurant, il faut noter qu'à Nkol-Metet, que les Chefs traditionnels qui sont les promoteurs des activités sociopolitiques et socioéconomiques sont ceux là, qui sont le mieux impliqués politiquement et qui possèdent des capitaux exorbitants ; alors que ceux des Chefs traditionnels moins impliqués et moins nantis, ont du mal à s'arrimer à cette nouvelle donne.

Deux points meubleront notre argumentaire. Le premier point consiste à examiner la nécessité du redéploiement des Chefs traditionnels Bene. Le deuxième point quant à lui, nous permettra d'analyser comment les Chefs traditionnels se servent de leur collaboration avec l'autorité administrative pour asseoir leur domination. Dans le cas d'espèce, nous ferons référence à la Chefferie de groupement Bene-Nord-Est.

1. La nécessité du redéploiement des Chefs traditionnels Bene

Les Chefs traditionnels en tant que relais de l'administration, comme prévu par le décret de 1977, ils leur reviennent de s'imposer désormais comme des partenaires de l'Etat. Ceci parce que le pouvoir central veut toujours avoir la main mise sur le processus de la décentralisation. Même dans ce processus, les pouvoirs publics continuent à se servir des Chefs traditionnels, pour véhiculer leur message au regard de leur proximité avec les populations. Cependant, pour que les Chefs traditionnels deviennent des partenaires efficaces et efficients de la décentralisation, le développement économique et culturel qu'ils devaient assurer au profit de l'Etat sous l'ère jacobin, doit être purement inversé pour l'auto satisfaction directe des populations de leur terroir. C'est dans cet ordre d'idées que ces derniers doivent renforcer l'initiative de revalorisation de leur culture, en organisant ou en consolidant des montages de projets socioculturels d'attractions, et de distractions, pouvant être incorporés dans les bouquets touristiques intégrant les activités de tourisme culturel. De même, les Chefs traditionnels doivent accroître la systématisation d'initiatives communautaires de formation, et d'éducation, capables de renforcer et développer les savoirs et savoir-faire des populations. C'est en une telle posture qu'ils pourront être au niveau local des véritables leaders de leur communauté, et sur le plan central des partenaires incontestés de l'Etat.

Les Chefs peuvent également se déployer au niveau régional à travers leur présence dans le conseil régional. En d'autres termes, ces derniers sont au coeur de la vie locale d'abord, en tant que membres, et ensuite, parce qu'ils peuvent êtres éligibles à la présidence dudit conseil, conformément à l'article 57, alinéa 3, de la loi fondamentale du 18 janvier 1996, qui stipule :

«  le conseil régional est présidé par une personnalité autochtone de la région élue en son sein pour la durée du mandat du conseil ».

Au demeurant, en attendant la mise sur pied desdits conseils, les autorités traditionnelles doivent prendre au sérieux leur rôle, afin de faire de la décentralisation un cens dévoilé, et non un `'cens caché''143(*), et tout ceci passe par leur introspection.

2. La collaboration des Chefs de groupement avec le Sous-préfet : un gage de domination et une pérennisation des Chefs traditionnels comme Auxiliaire de l'Administration

En principe, les Chefs de groupement n'ont aucune imposition à adresser aux Chefs au 3e degré, ces derniers ne doivent que répercuter les directives venant de l'Administration, notamment, celles émanant des Sous- Préfets. Mais, ce dernier peut procéder par trafic d'influence, surtout lorsque le Chef de groupement entretient de bonnes relations avec le Sous- Préfet qui, selon les articles 28 et 29 du décret de 1977, ont compétence d'apprécier positivement ou négativement les activités des Chefs traditionnels.

Au demeurant, le Chef de groupement dans une localité, est le collaborateur le plus proche du Sous- Préfet. Le Sous- Préfet144(*) de Nkol- Metet nous le renchérit lorsqu'elle dit : « notre travail serait harassant, si on avait pas la présence des Chefs de groupement. Ils jouent le rôle d'éclaireurs et balisent la voie du bon déroulement de nos tournées administratives »

Il est donc le relais entre le Sous- Préfet et les Chefs de 3e degré. Mais les Chefs de groupement semblent être les alliés incontestables des Sous- Préfets en ce sens que, ces derniers leur permettent d'asseoir leur autorité, car ne possédant pas une sphère de compétence bien déterminée.

Dans l'Arrondissement de Nkol-Metet, notamment dans la Chefferie Bane Nord Est, l'on reproche au Chef de ce groupement d'être beaucoup plus proche de l'Administration centrale que ses pairs Chefs. Ceci parce que lui- même a été Sous- préfet. Amougou Ada Albert le renchérit : 

«  notreChef de groupement se comporte comme un Sous-Préfet, il nous donne des directives sans nous consulter. Nous l'avons encore constaté lorsque nous devions recevoir madame le Sous- Préfet lors de sa tournée de prise de contact avec les populations d'Obout. Au lieu de nous demander comment nous nous sommes préparés à cette cérémonie, ce dernier nous a plutôt imposé un certain nombre de choses (...) si c'est cela le regroupement, je pense qu'à Nkol-Metet, vaudrait mieux le supprimer, et conserver tout simplement les rapports Sous- Préfets -Chefs de villages ».

Les Chefs de groupement seraient donc des spectres de l'Administration, de part leur façon d'agir, et au regard des prérogatives qui leur sont dévolus. Par eux, l'Etat continue à garder une certaine main mise sur les affaires des populations locales ; mais il n'en demeure pas moins vrai que leur avènement à Nkol-Metet doit être lu et vu sous le prisme de la décentralisation, et que tout dépend du discernement des Chefs de groupement. Heureusement pour ces derniers à Nkol-Metet, même s'ils ont tendance à vouloir demeurer les suppôts de l'Administration, ils fournissent, autant que faire se peut des efforts, pour être les acteurs du développement local à travers leurs multiples investissements sociaux qui trahissent quelque peu leurs calculs politiques.

B- Les calculs politiques des Chefs traditionnels

Dans les interactions, les individus se trouvent sollicités par deux démarches théoriquement concevables. Soit il opère un calcul coûts/avantages ; soit ils se conforment à des rôles assignés (voir Braud, 2008 :751-752). Dans le cas des Chefs traditionnels de Nkol-Metet, leurs actions peuvent être analysées par la première configuration. Ceci s'explique par le fait que, ceux-ci ne se contentent pas uniquement de leur stature d'autorités traditionnelles ; tout au contraire elles se servent d'elles pour mieux se déployer politiquement. Les profils biographiques des Chefs traditionnels que nous avons déclinés plus haut nous donnent des arguments assez plausibles. Aussi, le caractère administratif des Chefferies traditionnelles de ce ressort, leur offre plus d'opportunités à s'engager politiquement dans l'optique de mieux asseoir et de conforter leur stature d'hommes politico-traditionnels.

Pour mieux élucider les calculs des Chefs Bene, nous essayerons autant que faire se peut et succinctement, de décrypter leur comportement politique. Dans le cas d'espèce, nous ferons ici référence à leurs Majestés Ondoua Menyié Paul Aimé et Mbala Zangana Benjamin.

1- Le militantisme ostentatoire de Sa Majesté Ondoua Menyié Paul Aimé

Sa Majesté Ondoua Menyié Paul Aimé est avant tout un homme politique avant d'être un Chef traditionnel. Ce dernier, et est un fervent militant du RDPC qui est le parti au pouvoir au Cameroun. Ceci étant, il n'a jamais caché ses ambitions politiques, d'ailleurs il a déjà été député au cours de la législature 2002-2007.

Sur le plan sociopolitique il crée en 1998 l'ACTRAN qui est l'association regroupant les Chefs traditionnels. La création de cette association et son engagement dans celle -ci viserait à affiner sa stature symbolique et aussi augmenter son capital social dans la mesure où elle crée l'adhésion des Chefs autour de lui. Le fait pour lui d'avoir brigué aussi la Chefferie de groupement Bene-Sud- Est en 2008 consistait pour lui à continuer à jouer un rôle de premier plan à Nkol-Metet malgré sa déchéance politique en tant que député.

D'après nos enquêtes et nos entretiens avec Sa Majesté Ondoua Menyié Paul Aimé, il appert que Sa Majesté Ondoua Menyié Paul Aimé reste fasciné par la fonction de député qu'il veut briguer à nouveau. C'est certainement la raison pour laquelle dans l'optique de maîtriser l'information et dans une posture de marginal sécant, il réside principalement à Mbalmayo145(*).

Au demeurant, même si Sa Majesté Ondoua Menyié Paul Aimé affiche délibérément son amour pour la fonction de député, sa présidence de l'ACTRAN fait aussi de lui, un candidat sérieux pour le Conseil Régional mieux encore du Sénat.

2- La Chefferie traditionnelle et la renaissance politique de Sa Majesté Mbala Zangana Benjamin

Sa Majesté Mbala Zangana Benjamin de 1996 à 2008 a presque joué des rôles de second plan sur le plan politique de Nkol-Metet. Par exemple il n'a été conseiller que municipal de 1996 à 2007 à la Mairie de Nkol-Metet ; ce qui a permis de voir émerger d'autres acteurs dans le paysage sociopolitique de Nkol-Metet.

Avec l'avènement de la Mairie de Nkol-Metet en 1996, beaucoup de ses contemporains le voyaient briguer celle-ci ; mais cette année coïncidait avec la baisse de son aura politique. Même si ce dernier semble trouver d'autres justificatifs lorsqu'il nous dit :

«  après avoir été Maire de la grande commune rurale de Mbalmayo pendant 16ans, qui comptait 80 villages, pour moi c'était une régression de briguer à nouveau une mairie relativement d'une faible ampleur comme celle-ci qui ne compte que 32 villages ».

Au demeurant, en briguant la Chefferie de groupement Bene -Nord-Est, il était question pour Sa Majesté Mbala Zangana Benjamin, de sortir de sa retraite politique anticipée ; aussi l'âpreté d'accès par lui à cette institution confirme l'hypothèse suivant laquelle c'était un moyen pour lui de naître politiquement de nouveau. Il nous déclarera au cours d'un entretien : « j'ai encore des ambitions politiques, mais Nkol-Metet ne constitue plus, mon point de mire ».

En d'autres termes, Sa Majesté Mbala Zangana Benjamin, a des ambitions qui dépassent le cadre de l'Arrondissement de Nkol-Metet ; cela est d'autant plus pertinent dans la mesure où ce dernier ne s'est jamais véritablement investi dans les batailles électorales tant municipales que législatives. Selon une certaine opinion publique, on le range parmi les potentiels prétendants sénateurs de Nkol-Metet.

Cependant, depuis son intronisation comme Chef de groupement, il s'est inscrit dans de l'ACTRAN et depuis 2010 il est vice président de ladite structure associative. Aussi pour avoir un aura encore plus important il s'active au sein de l'Ekoan Mvog Amougou (EKMA) qui est l'association défendant et valorisant l'identité Mvog-Amougou son ethnie. Son engagement dans l'EKMA est très stratégique dans la mesure où, les Mvog Amougou contrôlent à Nkol-Metet les jeux électoraux. Par rapport aux autres groupes ethniques Bene de Nkol-Metet les descendants de cette ethnie occupe à l'heure actuelle les postes politico-administratifs les plus influents tels que celui de Délégué général à la sûreté nationale et de Chef d'état Major particulier du Président de la République Paul Biya. Ainsi dit, se dernier se rapproche de cette entité déjà pour avoir l'assentiment des élites politico-administratives de son ethnie et surtout renforcer le tissu des relations sociales avec les autres Chefs traditionnels Mvog Amougou146(*). Ceci s'inscrit dans l'optique d'établir une certaine prépondérance au sein de l'ACTRAN afin de réduire l'ascendance de Sa Majesté Ondoua Menyié Paul Aimé sur les Chefs traditionnels de Nkol-Metet.

Quid de la place des Chefs et des Chefferies traditionnelles dans l'activité de la libéralisation et de la décentralisation ?

* 142 Ce concept est introduit et développé dans E. Goffman, Les rites de l'interaction. (Voir aussi Céline Bonicco, 2006 :36).

* 143Gaxie dit : il y a un lien étroit entre les niveaux de politisation (investissement dans les affaires politiques) et de compétences politiques, comme l'autorité, que chacun se reconnaît pour agir dans le champ politique. Le sentiment de compétence est double : à la fois être fondé à intervenir, en même temps que suffisamment informé pour le faire de manière pertinente. Et l'adhésion des spectateurs à une des visions du monde qui circule sur les marchés politiques donnent à ceux des spectateurs qui ont les moyens de les approprier à la fois, des schèmes de perception, de classification et d'évaluation, permettant d'accumuler des informations et de donner un sens politique au champ politique (voir, Gaxie, 1978).

* 144 Propos recueillis, lors de l'entretien réalisé, le 06/07/2011 à la sous-préfecture de Nkol-Metet.

* 145Mbalmayo est le Chef lieu du département du Nyong et So'o et par conséquent le centre d'impulsions des activités politico administratives.

* 146 On dénombre au sein de l'ACTRAN dix huit Chefs traditionnels Mvog Amougou sur un total de trente trois (33) Chefs traditionnels.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein