Analyse de l'accord de partenariat economique (APE) intérimaire dans la coopération multilatérale Cameroun-Union Européenne (UE)( Télécharger le fichier original )par Hermann NDADJO MBA Université de Yaoundé2-Soa/IRIC - Master en Relations Internationales, Option: Intégration Regionale et Management des Institutions Communautaires (IRMIC) 2013 |
8.1- le réalisme.Le réalisme est une théorie des relations internationales qui postule que les phénomènes internationaux se fondent sur la réalité telle qu'elle existe et non pas telle qu'elle devrait être. Pour ses théoriciens à l'instar de Hans MORGHENTHAU et Raymond ARON, les acteurs internationaux sont des acteurs rationnels dont les décisions de politique étrangère correspondent au rapport coût/bénéfice le plus satisfaisant ; ou mieux, à la quête de l'intérêt défini en terme de puissance. Cette puissance ne se détermine pas dans l'absolu, mais au travers d'une relation avec d'autres Etats et d'une rencontre entre plusieurs volontés. Elle peut s'exprimer de façon coercitive ou douce selon qu'il s'agit du hard power ou du soft power, pour reprendre les mots de Joseph NYE57(*). La variable économique en tant que indicateur de puissance d'un Etat, est un enjeu qui structure le comportement des acteurs sur la scène internationale.58(*) En outre, en relations internationales, la théorie réaliste privilégie une analyse du jeu international fondée sur la seule réalité des faits et en conséquence des rapports de force entre les acteurs. Trois (03) paradigmes permettent de comprendre la théorie réaliste : la centralité de l'Etat, sa souveraineté et la quête de l'intérêt au moyen de sa puissance. Dans la souveraineté, l'Etat est le seul arbitre des intérêts particuliers de ses nationaux. Lui seul est capable de contrôler les débordements de la violence car, il soumet les nationaux à la « logique unitaire de l'Etat »59(*). Quant à la centralité, elle signifie que c'est l'Etat qui « objective les multiples demandes du corps social »60(*) et les traduit sur la scène internationale par le jeu d'intérêts définis en termes de puissance. Dans le cas spécifique de notre travail de recherche, le réalisme -dans son versant soft power- va nous permettre de rendre compte des stratégies de séduction et de persuasion ainsi que des moyens diplomatiques que l'UE déploie à l'égard de la partie camerounaise pour tirer avantages de l'APE. Car, comme nous le savons, les acteurs internationaux sont d'abord et avant tout des sujets rationnels qui n'ont pas vocation à faire oeuvre de philanthropie ou d'altruisme. En outre, cette même théorie va nous permettre de déceler les motivations avouées et/ou inavouées qui peuvent justifier la démarche solitaire adoptée par le Cameroun dans la conclusion d'un APE intérimaire avec l'UE. 8.2- le libéralisme.Ce courant de pensée s'inscrit dans la mouvance de l'économie néolibérale marquée par l'interdépendance des économies et la compétition dictée par le libre échange. Ainsi, le paradigme du libre échange a été développé par les libéraux tels Adam SMITH61(*) et David RICARDO62(*), respectivement à travers les modèles des avantages absolus et des avantages comparatifs. Pour le premier, chaque pays se développe dans la production où il dispose d'un avantage absolu, ou encore dans la production d'un bien pour lequel son coût de production est inferieur à celui des pays avec lequel il commerce. Un pays, pense Adam SMITH, a donc intérêt à produire plus qu'il ne consomme, afin d'exporter le surplus et d'importer des biens que d'autres pays produisent mieux que lui. Quant à David RICARDO, dans un contexte de libre échange, chaque pays s'il se spécialise dans la production pour laquelle il dispose de la productivité la plus forte ou la moins faible, comparativement à ses partenaires, accroitra sa richesse nationale. Cette production est donc celle pour laquelle il détient un avantage comparatif. La théorie libérale est l'opposée directe de la théorie réaliste. Contrairement aux réalistes qui pensent que les intérêts des Etats se définissent en termes de puissance, les libéraux pensent que l'intérêt premier des Etats c'est la paix. Pour eux, cette paix permet le développement et la prospérité économique. L'intérêt vital des Etats n'est donc pas la maximisation de la puissance comme décrit par les réalistes mais la prospérité car, les Etats ont la tendance naturelle à coopérer pour la satisfaction des intérêts mutuels.63(*) Dans ce sillage, la paix est un acquis puisqu'à travers le commerce et la coopération, les hommes peuvent obtenir de façon consensuelle ce qu'ils n'auraient pas obtenu par la guerre. La pratique du libéralisme a évolué vers le néolibéralisme et se caractérise par une limitation du rôle de l'État en matière économique, sociale et juridique, l'ouverture de nouveaux domaines d'activité à la loi du marché. La théorie a trois (03) variantes : démocratique, institutionnel et commercial. Pour le libéralisme commercial, il rejoint le libéralisme économique qui à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale était le maître mot pour les vainqueurs. Cette théorie va donc nous permettre d'expliquer en quoi le commerce extérieur constitue un levier de développement économique et de progrès social pour le Cameroun ; à condition bien évidemment que ce dernier se fraye des débouchés dans les échanges transfrontaliers qu'il va désormais entretenir avec le partenaire européen à la faveur de l'APE d'étape. Car, suivant la théorie libérale, l'ouverture des frontières est potentiellement bénéfique pour chaque pays qui se spécialise dans la production pour laquelle les coûts de production sont les plus faibles. * 57 Joseph NYE, Soft power: the means to success in world politics, New York, public affairs, 2004, p.191. * 58 Voir Alain BINDJOULI BINDJOULI, l'Afrique face aux pièges de la mondialisation, Paris, éditons la Découverte, 2005. * 59 Voir Jean Jacques Roche. Théorie des relations internationales, 3ème édition, Montchrestien, p. 26. * 60 Idem. * 61 Dans son ouvrage intitulé : Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776. * 62 Dans son ouvrage intitulé : Principes de l'économie politique et de l'impôt, 1817. * 63André CABANIS, Jean- Marie CROUZATIER, Ivan ROUXANDRA et Jacques SOPELSA, « Méthodologie de la recherche en droit international, géopolitique et relations internationales », Agence Universitaire de la Francophonie, 2010, p. 51. |
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