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Analyse de l'accord de partenariat economique (APE) intérimaire dans la coopération multilatérale Cameroun-Union Européenne (UE)

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par Hermann NDADJO MBA
Université de Yaoundé2-Soa/IRIC - Master en Relations Internationales, Option: Intégration Regionale et Management des Institutions Communautaires (IRMIC) 2013
  

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Section2 : l'APE Intérimaire et ses Menaces pour le Cameroun.

Il convient d'emblée de souligner que depuis le 1er janvier 2008, l'APEI est entrée en vigueur de façon unilatérale, permettant ainsi au Cameroun d'exporter ses produits sur le marché de l'UE sans subir ni taxes ni quotas, et sans accorder la réciprocité à l'UE. Telle est la principale raison pour laquelle les menaces de l'APE seront analysées à la lumière des études d'impact. Toutefois, dans la relation ACP-UE, il existe un triple déséquilibre en matière de rapports de force.

D'abord au niveau du développement, la relation met en présence des Etats européens intégralement développés et puissants pour la plupart face à un groupe de pays dont le sous-développement socioéconomique n'est plus à démontrer.

Ensuite, la nature des échanges entre les parties. Alors que l'UE exporte massivement les produits manufacturés à très forte valeur ajoutée, les pays ACP pour leur part sont limités à exporter les produits bruts qui n'ont pas grande incidence sur leur décollage économique.

Enfin, le caractère compétitif des biens échangés. Les produits européens respectent le rapport qualité-prix tout en engrangeant les parts importantes de marché à travers le monde ; ce qui n'est pas le cas des pays ACP dont les produits ont connus de réelles difficultés au cours des conventions préférentielles de Lomé (1975-2000) du fait des contrôles relatifs au respect des normes qualités, esthétiques et phytosanitaires.

De ce qui précède, il apparait que l'APE intérimaire conclu entre l'UE et le Cameroun laisse peser de véritables menaces sur ce dernier. Ces menaces sont aussi bien d'ordre économique et social (P.1) que politiques et diplomatiques (P.2).

p1. Les Menaces Economiques et Sociales de l'APE intérimaire.

· Chute des recettes budgétaires et hausse des besoins de financement de l'Etat.

L'un des aléas des APE intérimaires au Cameroun concerne les pertes de revenus découlant de l'application du principe de réciprocité et de la levée tous azimuts des barrières tarifaires en accord avec les prescriptions de l'OMC. Les droits de douane représentent ce que les économistes appellent les barrières tarifaires à l'échange international. Ce sont des taxes que les pays prélèvent sur les importations qui entrent chez eux dont celles de l'UE. Les droits de douane peuvent être ad valorem, c'est-à dire exprimés sous forme de pourcentage du prix déclaré des biens importés, ou alors fixés en référence aux produits nationaux substituts des produits importés de façon à ce que les prix de ces derniers soient plus élevés que ceux de leurs substituts nationaux.164(*) Cette dernière technique est désormais interdite par l'OMC.

En effet, le législateur assigne une double fonction aux recettes douanières : une fonction budgétaire et une fonction économique et sécuritaire. La fonction budgétaire stipule que les recettes douanières constituent la principale ressource budgétaire de l'Etat ou qu'elles servent en priorité à financer le budget public.165(*) La fonction économique et sécuritaire quant à elle réside dans le fait que l'Etat se sert de la douane pour déterminer sa politique économique d'une part, et pour préserver son tissu socioéconomique d'autre part.166(*)

Dans le même ordre d'idées, il est vrai que le Cameroun est le principal bénéficiaire des Accords de Partenariat Economique dans la sous-région Afrique Centrale du fait de la densité de ses échanges avec l'UE et les indicateurs macroéconomiques qui se trouvent plus élevés comparés à ceux de ses homologues de la sous-région.167(*) Toutefois, il n'en demeure pas moins vrai que ce dernier est le plus affecté parmi tous les pays-membres de ladite communauté CEMAC ; les chiffres officiels font état notamment de 69,6% de pertes de revenus tarifaires,168(*) soit 149 millions de dollars US de pertes annuelles estimées en valeur absolue.169(*) Selon l'Association pour la Sensibilisation sur les Accords ACP-UE (ASAC), l'APE implique une diminution significative des recettes douanières et fiscales avec une incidence notoire sur le revenu de l'Etat camerounais. La perte de ces revenus est estimée à environ 201 milliards par an pour l'ensemble des Etats de l'Afrique centrale, dont 83 milliards de FCFA pour le seul Etat du Cameroun.170(*)

Les chiffres du Ministère des Finances (MINFI) soulignent qu'à la faveur du démantèlement tarifaire, le manque à gagner se situe entre 04 milliards de FCFA en 2010 à 129 milliards de FCFA en 2023, soit un cumul de 895 milliards de FCFA en 2023 et plus de 2156 milliards de FCFA en 2030.171(*) Toutefois, les gains de recettes à l'ouverture sont modestes et ne peuvent pas compenser les pertes. Ces gains sont chiffrés à 191, 5 milliards de FCFA de manière cumulative pour la période de démantèlement.172(*)

Selon le Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi (DSCE), le démantèlement tarifaire va induire des pertes cumulées à 547,7 milliards de FCFA de recettes non-pétrolières sur la période 2010-2020, dont 459,6 milliards de FCFA entre 2015 et 2020. Ce gap représente 0,4 % du PIB sur cette dernière période.173(*) Le tableau ci-dessous fait ressortir les pertes de recettes douanières liées à l'entrée en vigueur des APEI au Cameroun.

Tableau5: Estimation des pertes de recettes douanières liées à l'entrée en vigueur des APE au Cameroun.

Organismes

Pertes de recettes (en milliards de FCFA)

Période

MINFI

2470

2010-2030

DOUANES/ GICAM

100

Annuel

DSCE

547.7

2010-2020

ASAC

340

Annuel

Source : Synthèse de l'auteur.

De ce qui précède, tous les analystes sont unanimes et s'accordent a reconnaître que les APE intérimaires sont nocifs pour l'économie locale camerounaise ; du moins en ce qui concerne les recettes douanières174(*) qui constituent la première source des revenus de l'Etat. Face à ce désagrément, l'on devra s'attendre à des « effets domino » qui pourront altérer les autres pans de la vie socioéconomique nationale. Pour cela, à cette perte des recettes douanières, deux (02) autres conséquences subsidiaires sont à redouter.

· D'une part, pour atténuer ces pertes, l'Etat va se trouver dans l'obligation d'entreprendre des reformes endogènes visant à revoir à la hausse la fiscalité intérieure ; d'où un risque d'aggravation de la pauvreté des populations dont le pouvoir d'achat est déjà assez médiocre.

· D'autre part, les recettes douanières étant la principale source des recettes publiques de l'Etat, le déficit budgétaire résultant du démantèlement tarifaire va compromettre la mise en oeuvre des différents programmes économiques sur financement public et donc saper les performances macroéconomiques du Cameroun. 175(*)

Comme autre effet d'entrainement majeur, le déficit budgétaire induit par le démantèlement tarifaire engendre une hausse significative des besoins de financements du Cameroun, soient de 216,3 milliards en 2010 à 1167, 5 milliards en 2020.176(*) Le tableau suivant fait le point sur cette situation depuis l'entrée en vigueur de l'APE intérimaire jusqu'en 2016.

Tableau6: Besoin de financement du Cameroun (en milliards de FCFA)

Années

2014

2015

2016

Besoin de financement avec APE (1)

194,8

382,6

265,4

Besoin de financement sans APE (2)

52,4

177,4

5,9

(1) - (2)

142,5

205,1

259,5

Source : MINFI.

· Difficultés d'écoulement des produits jadis bénéficiaires de subventions.

Le sucre et la banane sont deux (02) produits qui bénéficiaient des subventions de l'UE pendant le régime préférentiel de Lomé (quotas réservés, prix d'achat garanti au dessus du cours mondial, etc.). Le protocole relatif aux bananes par exemple garantissait un accès exempt de droit de douanes au marché de l'UE pour des quotas spécifiques de banane et a permis au Cameroun ainsi qu'à bon nombre d'Etats ACP, de prendre place sur le marché international.177(*) Avec la cessation de ces facilités qui sont qualifiées de discriminatoires par les normes de l'OMC, la banane camerounaise connait de réelles difficultés suite au nouveau climat concurrentiel qu'il affronte sur l'échiquier international du fait de la banane latino-américaine.178(*)

En plus, il a été prouvé que la banane produite par le Cameroun est moins compétitive que celle produite par les pays latino-américains (Brésil, Nicaragua, Mexique, etc.), qui sont eux aussi exportateurs de denrées alimentaires sur le marché de l'UE.179(*) Conscient de cette difficulté, l'UE a institué un soutien financier destiné à faciliter la modernisation de la filière banane et sa diversification ou son adaptation aux standards internationaux.180(*)

Hormis l'épineuse question de la banane, il y a lieu de redouter les difficultés d'écoulement des produits des entreprises locales dans d'autres secteurs. A ce propos, une étude faite par le MINFI181(*) note que les industries agro-alimentaires, les industries textiles et confections et les industries de substitution aux importations (notamment les industries chimiques et plastiques) sont les secteurs qui vont être les plus affectés par la mise en oeuvre des APE. A côté des barrières tarifaires, il existe aussi dans l'échange international ce qu'on appelle des barrières non tarifaires sous formes de normes d'hygiène, normes de sécurité, normes de calibrage que doivent respecter de nombreux produits et services pour être admis sans restriction dans les marchés de l'UE. Dans la mesure où les APE n'éliminent pas ces barrières non tarifaires et sachant que de nombreux pays ACP n'ont pas la capacité institutionnelle pour les respecter. Il apparaît immédiatement que les marchés ACP sont ouverts aux produits et services européens alors que les marches européens continueront à être fermés aux produits ACP à cause de la continuité des barrières non tarifaires : l'ouverture des marchés n'est donc pas symétrique mais asymétrique entre l'UE et les pays ACP. Les conséquences de cette situation peuvent être désastreuses pour les économies ACP.

· Eviction des producteurs locaux et renforcement de la désindustrialisation.

Les perturbations survenues à la faveur de l'entrée massive et incontrôlée des poulets congelés sur le marché camerounais ont permis aux Organisations de la Société Civile (OSC) de montrer l'incidence que la libéralisation commerciale peut occasionner sur la production locale.182(*) Selon ces dernières, l'APE est facteur de détérioration des filières agricoles, avicoles et aviaires. Il faut y adjoindre le risque de la déstructuration du tissu industriel et artisanal local suite à une « inondation » du marché camerounais par les produits européens. Une analyse macroéconomique permet de constater que les entreprises et les industries nationales dont les activités sont concernées par l'APE ne sont pas capables de soutenir une compétition commerciale équitable avec les entreprises et les industries de droit européen.183(*) La raison tient du fait que l'importation massive des produits manufacturés d'origine européenne va engendrer la désindustrialisation du pays. Par conséquence, la fermeture des embryons industriels camerounais va causer une hausse du chômage et rétrécir le bien être escompté dans l'APE.

De façon pratique et opérationnelle, prenons les cas du Cameroun. Les agriculteurs, les pêcheurs et les artisans subissent la concurrence des produits européens sans qu'en retour ils soient capables d'exporter leurs produits au sein de l'UE où il existe des barrières non-tarifaires. Qui plus est, l'agriculture est subventionnée au sein de l'UE grâce à la Politique Agricole Commune. Comment est-ce que les paysans et l'agriculture africains vont-ils faire le poids ? Quelle est l'avenir des paysanneries et de l'agriculture africaine dans ces conditions ? Ces questions rhétoriques montrent à suffisance que l'UE reste protectionniste alors que les APE ont tendance à dire que ses marchés vont s'ouvrir sans restriction à ceux des pays ACP.184(*) Ainsi, les APE augmentent encore plus la vulnérabilité des économies africaines, des agriculteurs, des paysans et des artisans africains déjà soumis à l'offensive chinoise.

Dans le secteur productif camerounais, on dénombre 90% de PME sur un total de 96.000 entreprises camerounaises répertoriées sur l'ensemble du territoire national.185(*) Du fait de la vulnérabilité des PME, l'APE va entrainer des pertes importantes des parts de marché interne des entreprises nationales avec une dégradation de leur compétitivité dont le niveau est déjà assez faible.186(*)

p2. Les Menaces Politiques et Diplomatiques.

Trois (03) faits majeurs sont révélateurs des menaces politico-diplomatiques des APE pour le Cameroun. Il s'agit en l'occurrence de l'ébranlement de la solidarité du groupe ACP ; le blocus de l'intégration régionale  et la perte par le Cameroun de sa liberté de choix de ses politiques économiques internes.

· L'ébranlement de la solidarité du groupe ACP ;

La Commission européenne a joué sur la fragilisation des capacités de négociation des pays ACP187(*) en les divisant en six groupes, et sur la fameuse date butoir du 31 décembre 2007. L'organisation de ces négociations APE a tout simplement consacré le déséquilibre de pouvoir économique entre l'UE et les ACP. Ces derniers, morcelés en blocs, font face à la plus puissante et la plus expérimentée des structures de négociation, la Commission européenne. Cette division au sein du groupe ACP lui retire toute légitimité.

Les APE sont des accords entre des blocs régionaux et l'UE. Pis, le rôle de coordonnateur du secrétariat des ACP est déjà mis à mal par cette nouvelle répartition des pays dans les blocs régionaux. Loin de réorganiser les relations économiques et commerciales pour stimuler le développement, les APE enferment les États ACP dans des schémas d'inégalité et de marginalisation et « biaise » davantage le système commercial multilatéral au détriment des pays en développement.

· Blocus à l'intégration régionale en Afrique Centrale ;

S'agissant du frein à l'intégration régionale, Cotonou a introduit un Traitement Spécial et Différencié (TSD) entre les pays ACP en vertu duquel les PMA bénéficient d'un traitement plus favorable - il s'agit du traitement Tout Sauf les Armes (TSA) - que les non PMA. Ainsi, le gain des non PMA à entrer dans les APE avec l'UE semble quasi-négligeable. Depuis plus de trente ans, les pays africains, convaincus du fait que seuls des espaces économiques importants sont viables à terme, mettent en place des organisations interétatiques pour promouvoir l'intégration régionale.

Ce handicap est loin d'être achevé et le commerce intra régional en Afrique centrale représente moins de 10 % du volume total des échanges, contre plus de 60 % en Europe.188(*) La libéralisation imposée par les APE accentue cette extraversion des économies africaines et annihile les efforts titanesques entrepris par les organisations sous-régionales, pour consolider un marché régional en cours de construction. Les pays comme la Côte d'Ivoire, le Ghana ou le Cameroun, qui ont signé individuellement des accords intérimaires avec l'UE, sont régis actuellement par différents régimes commerciaux. Ce qui peut avoir des retombées au niveau régional.

En s'intéressant à la CEMAC, l'on note que sur les six (06) membres, trois (03) sont des PMA (Tchad, RCA et Guinée Equatoriale) et trois (03) sont des non PMA (Gabon, Congo et Cameroun).189(*) Cette différenciation entre PMA et non-PMA crée un problème politique préjudiciable à l'intégration régionale dans la mesure où l'unité des membres de la CEMAC est mise à mal dans le processus de négociation. Cette situation peut changer à condition que l'UE consente d'alléger les coûts des APE par un nouveau mécanisme compensatoire, ou alors que les perdants (les non-PMA) exigent des gagnants (les PMA) des incitations sous forme de compensation pour continuer à appuyer le processus de construction communautaire.

En outre, l'APE constitue un recul pour le processus d'intégration en Afrique centrale dans la mesure où il provoque un « détournement de commerce »190(*) ; c'est-à-dire une baisse des échanges intracommunautaires au profit des échanges entre les pays de la CEMAC et l'UE. Pour cause, les pays de l'Afrique centrale liés par un APEI ou par le TSD, ont plus intérêt à commercer avec l'UE où ils ont un accès libre et en franchise des droits de douanes, plutôt que d'échanger entre eux au sein d'une communauté où la circulation des marchandises reste assujettie à des barrières tarifaires. Plus encore, l'entrée en vigueur de l'APE intérimaire au Cameroun est un plomb dans l'aile de la communauté en ce sens que l'on va assister à un chevauchement entre deux Tarif Extérieur Commun (TEC) au sein de la seule sous-région Afrique centrale, soient un TEC liant le Cameroun à l'UE et un autre TEC liant le Cameroun avec ses homologues de la sous-région.

En somme, dans le cas de l'Afrique prise de façon globale, les APE, dans leur logique initiale, avaient pour objectif de renforcer la marche vers la consolidation de l'UA. Il avait ainsi été prévu que les négociations pour leur ratification et leur adoption allaient se faire, non entre l'UE et chaque pays africain, mais entre l'UE et les antennes de l'UA que sont les Communautés Économiques Régionales (CER) et/ou les Groupements Économiques Régionaux (GER). Autrement dit, les APE actuellement en voie de ratification au Cameroun devaient être négociés entre la CEMAC et l'UE afin d'encourager l'intégration régionale et garder la cohérence avec la dynamique d'ensemble de l'UA.

Cette stratégie initialement adoptée était extrêmement importante car non seulement la dynamique de l'UA doit être renforcée, mais aussi la négociation est plus équilibrée quand l'UE a en face d'elle l'UA que lorsque l'UE négocie avec un seul pays africain. Cette voie a été cassée à la fois par la stratégie de division pour mieux régner de l'UE et les stratégies individualistes des présidents africains qui, chacun en catimini, sont allés négocier seuls avec l'UE afin de bénéficier des traitements de faveur sur le plan politique en contrepartie de leur ratification des APE.

L'UE en a profité pour sortir complètement de la logique de négocier avec l'UA pour une logique où chaque pays africain ne fait pas le poids face à elle. D'où des Accords automatiquement d'autant plus déséquilibrés que les dictatures en face de l'UE ne peuvent oser être trop exigeantes sans entendre évoquer leur illégitimité de fait. Le salut de l'Afrique en termes économiques est pourtant étroitement lié à la consolidation de l'UA. La preuve en est que les APE sont adossés sur l'UE et non sur un seul pays européen. Face à cela, les pays Africains ratifient sans l'UA. L'on peut légitimement s'interroger sur leur avenir dans une économie dominée par de grands ensembles (USA, UE, ASEAN, Chine, Inde, Russie, MERCOSUR...).

· Perte par le Cameroun de la liberté de choix de ses politiques économiques internes.

La dernière menace politique concerne la perte de l'espace politique dont a besoin le Cameroun pour concevoir et implémenter ses politiques de développement.191(*) On ne peut comprendre la dynamique idéologique, épistémologique et politique de fond des APE si on n'explique pas l'effet confluent des innovations institutionnelles internes aux rapports UE/ACP et au sein des institutions économiques internationales sur le profil de la coopération entre l'UE et les pays ACP.

Il convient de souligner que les APE répondent aux exigences et aux logiques de libéralisation économique et commerciale, avec tout ce qu'ils renferment comme avatars sur l'agenda des PVD. Au plan international, le Cameroun est à peine admis à l'initiative PPTE (mai 2006) qu'il se trouve dans le cycle des négociations à Doha et il est tenu de rendre les dispositions des APE compatibles aux normes de l'OMC.192(*) Il lui faut donc relever le défi d'élaborer une stratégie qui concilie l'agenda international à sa propre vision de développement ; laquelle doit prendre en compte non seulement les intérêts étatiques mais aussi ceux des secteurs privés, de la société civile, des ONG et des populations locales. Faute de tout ceci, le Cameroun court le risque de subir le diktat de la stratégie européenne du développement.

L'Afrique fait le commerce avec les pays européen depuis au moins le 12ème siècle sans se développer parce que le commerce international, contrairement ce que dit la théorie des avantages comparatifs, est un rapport de pouvoir où les plus forts gagnent plus que les plus faibles et s'autorisent des choses interdites aux faibles.193(*) La preuve, les USA sont le pays le plus endetté au monde mais on n'y a jamais vu un programme d'ajustement structurel. Les APE sont un instrument commercial, mieux de modernisation de ce commerce entre l'UE et les pays ACP dans une économie mondialisée. Les problèmes que nous avons mis en lumière montrent que la discussion de fond sur les APE est de les négocier de façon à en faire, non un simple instrument commercial en soutien au libre-échange global, non un simple instrument de modernisation au service de l'occidentalisation du monde, mais un instrument commercial qui soutient et entraîne le développement de l'Afrique avec ce que ce continent a de spécifique sur le plan culturel et économique : le commerce n'est pas le développement mais un instrument qui peut le soutenir.194(*)

Or, les limites sus évoquées montrent que les APE sont très loin du compte lorsqu'on examine leur intention idéologique, leurs bases épistémologiques, les aspects budgétaires, la réciprocité dans l'ouverture des marchés, l'intégration régionale africaine, la question monétaire et celle de la démocratie. De tels Accords auraient beaucoup gagné à être négociés par les Etats, l'UA et la société civile africaine avant leur ratification. Quid des APE sur la mobilité des Africains vers l'UE ? Quid des APE sur l'environnement et le développement durable ? Le capitalisme chaotique et son modèle de société ultra individualiste est ce qu'il y a derrière les APE. L'Afrique a-t-elle la moindre chance dans cet univers sans l'UA comme grand ensemble politico-économique et culturel ? Telles sont les interrogations et bien d'autres qui traduisent l'impérieuse nécessité de revisiter les APE dans sa version actuelle, question de préconiser les APE alternatives et les alternatives aux APE qui viendront atténuer avantageusement les aléas multiformes que nous avons décliné plus haut.

* 164 Thierry AMOUGOU, APE en ratification au Cameroun : le CRESPOL explicite les enjeux vitaux pour l'Afrique, ..... op. cit. p.4.

* 165Cfr. Art 12, al.1 de la loi no 2007/006 du 26 décembre 2007 portant régime financier de l'Etat.

* 166 Au plan économique, il est question d'appliquer les droits de douanes élevés sur les activités d'importation ou d'exportation susceptible de nuire à un secteur de la vie économique nationale ou communautaire. Au plan sécuritaire, les droits de douanes servent à l'éviction ou à la lutte contre l'importation des marchandises considérées comme toxiques ou dangereuses. Tel est par exemple l'objet de des missions de lutte contre la contrebande et la contrefaçon.

* 167 Pour plus de détails, voir supra, notamment le tableau4 qui présente l'effet de l'APE sur le surplus (bien être) des consommateurs.

* 168 Jean-Christophe BOUNGOU BAZIKA, « les APE : atouts et freins à l'intégration régionale des pays membres de la CEMAC », intervention lors du colloque organisé par Pluriagri, Notre Europe et FARM sous le thème : Quel Cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et ... op. cit., p.12.

* 169 Ibid.

* 170 ASAC, note d'information sur l'APE, ... op. cit., p.3.

* 171 Estimations du MINFI, cité par Yves Paul MANDJEM, op. cit. p.15.

* 172 Ibid.

* 173 DSCE, p.120.

* 174 Les droits de douanes s'inscrivent dans le cadre des Prélèvements Publics Obligatoires (PPO). Selon la doctrine juridique, la douane est une prestation pécuniaire exigée principalement lors de l'entrée ou à la sortie des marchandises du territoire douanier national ou communautaire.

* 175 Yves Paul MANDJEM, op. cit., p.15.

* 176 DSCE, op. cit.

* 177 RIFONGA, l'Accord de Partenariat Economique (APE) ACP-UE : Quel sort pour les femmes béninoises ?, Op. cit, p.10.

* 178 Raymond EBALE, « La mondialisation comme facteur de marginalisation des pays économiquement faibles : le cas des pays ACP sur le marché européen de la banane », in Cahier de l'UCAC,.... op. cit, p. 36.

* 179 Ibid.

* 180 Commission Européenne, « l'UE reforme de fond en comble son secteur sucrier afin d'offrir aux producteurs des perspectives d'avenir a long terme », Communiqué de Presse No IP/05/1473 du 24 novembre 2005.

* 181 MINIFI, « impact sur le budget, de l'APE intérimaire vers l'APE complet entre l'UE et les pays de l'Afrique Centrale », op. cit. p.9.

* 182 Pour plus de détails, lire les rapports de l'Association Camerounais pour la Défense des Intérêts des Consommateurs (ACDIC) et la League Camerounaise des Consommateurs (LCC).

* 183 L'indice de compétitivité élaboré par le World Economy Forum (WEF) classe le Cameroun au 111e rang sur 139 pays figurant dans le classement 2010-2011 de la compétitivité mondiale. C'est dire combien la compétitivité des entreprises camerounaises est assez médiocre et pourrait connaitre une aggravation. En outre, selon l'indice de facilité générale des affaires publié chaque année par la Banque Mondiale, le Cameroun occupe le 169e rang sur 181 économies évaluées en 2010.

* 184 Thierry AMOUGOU, APE en ratification au Cameroun: le CRESPOL explicite les enjeux vitaux pour l'Afrique, ..... op. cit. p.4.

* 185 MINEPAT, La Lettre Economique du Cameroun, ... op. cit., p.7.

* 186 Laurent Bertrand MESSOMO NSIMI, « La compétitivité des entreprises camerounaises dans le cadre des Accords de Partenariat Economique UE-ACP », mémoire de master 2,......op. cit. p.30.

* 187 A ce jour, l'état d'aboutissement des négociations est le suivant : la région des caraïbes a conclu un accord complet avec l'UE depuis le 15 octobre 2008 ; vingt (20) pays ont conclus un régime commercial transitoire portant notamment sur le volet marchandise ; et 43 pays, soient plus de la moitié du groupe ACP, n'ont rien paraphé.

* 188 ECDPM, les accords de partenariat économique régionaux, info kit Cotonou n°14, ..... Op. cit., p.8.

* 189 Laurent ZANG, « les enjeux initiaux des Accords de Partenariat Economique pour les pays de la CEMAC », in Revue Camerounaise d'Etudes Internationales (RCEI), op. cit.,. p.81.

* 190 Fiche d'information sur l'Accord de Partenariat Economique d'étape UE-Afrique Centrale,...op. cit.

* 191 Laurent ZANG, « les enjeux initiaux des Accords de Partenariat Economique pour les pays de la CEMAC », in Revue Camerounaise d'Etudes Internationales (RCEI), op. cit., p.81.

* 192 Ibid.

* 193 Jean GANDJEU, Le Cameroun et la Crise, .... Op. cit., p. 54.

* 194 Samuel YEMENE, « Etude complémentaire des contraintes d'accès au marché européen: une évaluation de l'impact du SPG européen sur l'économie camerounaise », PASAPE, mai 2012, p. 19.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway