Analyse de l'accord de partenariat economique (APE) intérimaire dans la coopération multilatérale Cameroun-Union Européenne (UE)( Télécharger le fichier original )par Hermann NDADJO MBA Université de Yaoundé2-Soa/IRIC - Master en Relations Internationales, Option: Intégration Regionale et Management des Institutions Communautaires (IRMIC) 2013 |
ABSTRACTOn December 17th, 2007, Cameroon enthusiastically and to the surprise of many, signed a temporary Economic Partnership Agreement (EPA) with the European Union (EU). This was later confirmed in January 15th, 2009 by an official signature followed by its ratification in the parliament on the 22th of July, 2014. This situation motivated us to coin the topic of our study as follow: «Analyzing the temporary Economic Partnership Agreement (EPA) in the multilateral cooperation between Cameroon and the EU». In this light, we first wanted to account the reason behind the temporary EPA, then bring forward advantages and disadvantages that come with the said accord and finally, suggest possible ways in which Cameroon-EU partnership can be more fruitful for both sides. To examine our research topic, the main method of data collection was through documentary investigation; that which enabled us not only to books and scientific publications, but also to the archives available in the ministry concerned with the EPA. Furthermore, the method of data analysis was deduced from a combination of the historical and analytical approaches. Thus, trough the historical approach, we were able to revisit the great moments observed in the Cameroon-EU partnership since the late 50s till date, while the analytical approach enabled us, on the one hand, to analyse the outcomes of this cooperation on Cameroon and, on the other hand, to put forth some measures capable of making the said cooperation more reliable. Our study reveals two major findings: Firstly, the substantial benefits of the temporary EPA (improvement of consumer's purchasing power, increase of Cameroonian exports to the EU market) are relatively negligible compared to devastating effects which they can provoke on the Cameroonian economy (loss of customs revenues, destruction of the local economy tissue, disintegration of local industries and eviction of local producers, blockade of regional integration dynamics, etc.). Secondly, that peril threatening the country's economy can be softened by efficient follow-up measures, particularly the promotion of alternative EPA, for instance «alleviated EPA» and «Development Partnership Agreements», two possibilities respectively recommended by the Mauritian Island and Senegal. In addition, other alternatives are conceivable like the empowerment of local enterprises at the technical, institutional and financial levels, as well as the consolidation of the process of integration in central Africa. Key words: temporary EPA - Multilateral Cooperation - Cameroon - EU. INTRODUCTION GENERALE1. Contexte et Justification de l'Etude. Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, le processus de décolonisation et d'émancipation des peuples coloniaux est irréversiblement enclenché.1(*) Conscients de cette conjoncture internationale, les six (06) Etats-membres de la Communauté Economique Européenne (CEE)2(*) décident, via le Traité de Rome du 25 mars 1957, d'associer les Pays et Territoires d'Outre-Mer (PTOM)3(*) au futur marché commun européen après leur accession à la souveraineté internationale. Ainsi, l'avènement de l'Etat moderne à la faveur des indépendances africaines et le passage de la période de domination à celle de coopération va amener l'Afrique à pérenniser ses relations avec l'Europe en vue, cette fois là, de poursuivre son développement économique et son progrès social.4(*) C'est ce qui va marquer le début des relations de coopération entre l'Europe et les pays Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) en général, et singulièrement le Cameroun. Dans le but de formaliser cette relation Europe-Afrique, un accord d'association est mis sur pied pour une période quinquennale (1957-1962). Le but de ladite association est de : « promouvoir le développement économique et social de ces PTOM et établir les relations économiques étroites entre eux et la communauté dans son ensemble [...]. En outre, l'association devrait également permettre de favoriser les intérêts des habitants de ces pays et leur prospérité, de manière à les conduire au développement économique, social et culturel qu'ils attendaient ».5(*) Dans cette perspective d'aide et de maintien des échanges commerciaux, le premier Fonds Européen de Développement (FED) est créé en 1958. Géré par la commission européenne, ce fonds va être mis à la disposition des PTOM pour doper les investissements à caractère social et économique.6(*) La fin de cette période d'association va conduire à la consécration d'une série de conventions dans un cadre négocié. Il s'agit, en l'occurrence, des conventions de Yaoundé I et II (1963-1975) ; des conventions de Lomé I, II, III, IV et IV bis (1975-2000) et surtout de l'accord de Cotonou (2000-2020).7(*) Les deux (02) conventions de Yaoundé interviennent tout juste après les indépendances, dans un contexte où les jeunes Etats font face à un triple handicap à savoir : une domination politique, une exploitation économique et une dépersonnalisation culturelle. Elles vont s'atteler à mettre en place l'architecture institutionnelle et organique destinée à réglementer la coopération UE-ACP. Celles de Lomé I et II quant à elles vont s'appesantir sur les grands axes du développement socio-économique des pays ACP, avec en toile de fond la création du Stabex et du Sysmin comme deux (02) systèmes de garantie des recettes d'exportation des productions agricoles d'une part et minières d'autre part. Avec la convention de Lomé III, l'on va noter une extension tous azimuts de la coopération vers les dimensions sociale et culturelle du développement des pays ACP.8(*) Lomé IV pour sa part intervient dans un contexte international particulièrement mouvementé. L'Afrique se trouve secouée par la crise économique des années 80 et subit, par voie de conséquence, les Politiques d'Ajustement Structurel (PAS) initiées sous la bannière des institutions financières de Bretton Woods que sont notamment le Fonds Monétaire Internationale (FMI) et la Banque Mondiale. De façon concomitante, la fin de la guerre froide marquée par la chute du mur de Berlin (09 novembre 1989) tend à reconfigurer l'environnement politique international autour du couple démocratie libérale - économie de marché. C'est fort de cette conjoncture internationale que Lomé IV va se focaliser sur les questions d'endettement, de démocratie, de bonne gouvernance et d'ajustement structurel. Vient enfin l'accord de Cotonou. Ce dernier paraphé le 23 juin 2000 vise à instituer un cadre commercial novateur et révolutionnaire articulé autour des fameux Accords de Partenariat Economique (APE). Son intervention répond notamment à une logique d'arrimage de la relation commerciale UE-ACP aux règles de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Pour cause, le régime des préférences non-réciproques était contraire au principe de la non-discrimination en vertu duquel chaque avantage concédé à un Etat-membre de l'OMC doit immédiatement être étendu à tous les autres Etats-membres de l'organisation.9(*) Or, dans le cas d'espèce, les pays latino-américains exportateurs de banane en direction du marché européen ne bénéficiaient pas des mêmes facilités offertes par l'UE aux pays ACP du fait de leur caractère discriminatoire. Ce contentieux commercial va pousser l'UE à reconsidérer les termes de sa coopération avec les pays ACP, d'où l'avènement des APE. Ces derniers, il faut le rappeler, sont des accords essentiellement libéraux qui envisagent la création d'une Zone de Libre Echange (ZLE) réciproque entre l'UE et les pays ACP, et dans laquelle il n'existerait pas de droit de douane sur certains biens exportés et importés entre les deux parties.10(*) Depuis la signature des accords de Cotonou du 23 juin 2000, les points de vue au sujet des enjeux des APE ne cessent de diviser l'opinion publique africaine et notamment camerounaise. Entre le radicalisme de la société civile et le relativisme des pouvoirs publics, il reste évident que les APE sont des accords à appréhender avec beaucoup de circonspection. Toutefois, contrairement à ses homologues d'Afrique Centrale, le Cameroun est le seul à avoir signé et ratifié un APE d'étape11(*) avec l'UE. C'est fort de ce fait que nous nous proposons de faire une « Analyse de l'Accord de Partenariat Economique (APE) Intérimaire dans la Coopération Multilatérale Cameroun-Union Européenne (UE) ». Il est vrai que cet APE intérimaire, comme son nom l'indique, est encore dans sa phase d'implémentation et d'enracinement au Cameroun. Toutefois, à la lumière des études menées sur la question par des chercheurs, l'on peut déjà camper sur les enjeux dudit accord pour le développement intégral du Cameroun ; en faisant ressortir notamment les risques évidents et les avantages potentiels de cet accord d'une part et, d'autre part, en formulant des recommandations qui pourront permettre au Cameroun de capitaliser les opportunités qui s'offrent à lui dans la mouvance de ce nouveau partenariat. 2. Clarification des Concepts. Dans une recherche, il est indispensable de préciser les concepts clés afin d'éviter toute confusion avec des concepts semblables. A ce titre, Madeleine GRAWITZ affirme que « le concept est un élément indispensable de toute recherche... »12(*). Ceci dans la mesure où, « il organise la réalité en retenant les caractères distinctifs, significatifs des phénomènes. Il permet de guider la recherche en lui procurant au départ un point de vue »13(*). Tout au long de notre étude, un certain nombre de concepts qui peuvent susciter une incompréhension seront utilisés. Il est donc approprié de définir le sens qui leur sied dans le cadre de cette étude car, comme le note Emile DURKHEIM : « en réalité, les mots de la langue usuelle, comme les concepts qu'ils expriment, sont toujours ambigus et le savant qui les emploierait tels qu'il les reçoit de l'usage et sans leur faire subir d'autre élaboration s'exposerait aux plus graves confusions »14(*). Ainsi, nous avons recensé trois (03) concepts majeurs que nous allons tenter de définir à savoir : « Accords de Partenariat Economique (APE», « Coopération Multilatérale» et « Union Européenne (UE) ». 2.1- Accord de Partenariat Economique (APE).Il n'existe pas une définition explicite et univoque des APE dans les dispositions de l'accord de Cotonou signé du 23 juin 2000. En revanche, l'on peut appréhender cette notion en s'appesantissant sur ses objectifs, ses fondements et ses principes directeurs. A ce titre, les APE sont « des accords essentiellement libéraux qui envisagent la création d'une zone de libre échange réciproque entre l'UE et les six (06) groupes régionaux ACP, et dans laquelle il n'existerait pas de droit de douane sur les biens importés et exportés entre les deux parties ».15(*) Ces accords commerciaux sont négociés ou sont en cours de négociation entre les vingt-huit (28) pays de l'UE et les soixante-quinze (75) pays ACP. Hormis le commerce des biens et des produits agricoles, les APE règlementent aussi tout un ensemble de questions en rapport avec le commerce, à savoir les services, les investissements, les marchés publics, les normes des produits, etc. En outre, ces accords entendent succéder au régime des préférences non-réciproques en vigueur sous les défuntes conventions de Lomé, qui ont constitué un vaste échec commercial, en vue de s'arrimer aux règles et aux exigences du commerce international édictées par l'OMC.16(*) Il s'agit finalement d'une réponse à une mondialisation de plus en plus concurrentielle, adossée sur un processus de libéralisation des échanges à l'échelle international. Il convient de préciser que les APE abordent les questions concernant les entraves aux échanges commerciaux, les contraintes d'offre des pays ACP et la compatibilité des relations commerciales ACP-UE avec les règles adoptées par l'OMC. L'objectif ultime étant la mise en place des Zones de Libre Echange (ZLE) en lieu et place des préférences commerciales non-réciproques que l'UE a, de façon unilatérale, accordées aux pays ACP en général et au Cameroun en particulier ; en application des clauses de Lomé.17(*) * 1 Claude ABE, « L'Afrique à l'épreuve de la mondialisation : A propos d'une peur », in Cahier de l'UCAC, no 6, Presses de l'UCAC, 2002, pp. 313-332, p.317. Pour plus de détails, lire aussi Daniel ABWA, Le Cameroun : histoire d'un nationalisme, Paris, Harmattan, 2011. * 2L'Europe des six (06) comprenait alors : la France, la République Fédérale d'Allemagne, la Belgique, le Luxemburg, les Pays-Bas et l'Italie. * 3 Avant les indépendances, on parle des Pays et Territoires d'Outre-mer (PTOM). Juste après les indépendances dans les années 60, ces derniers vont prendre la dénomination d'Etats Africains et Malgaches Associés (EAMA). Plus tard en 1975, avec l'élargissement des EAMA aux jeunes Etats indépendants des caraïbes et du pacifique, l'on va adopter la dénomination de pays Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP). * 4 Intervention du Président de la République du Cameroun S.E.M. Paul BIYA lors du 7ème sommet des pays ACP consacré sur le thème : « L'avenir du groupe ACP dans un monde en mutations : défis et opportunités », Malabo, 13-14 décembre 2012, p.1. * 5Article 136 du Traité de Rome du 25 mars 1957 portant création de la CEE. * 6 Commission Européenne, Livre vert sur les relations entre l'UE et les pays ACP à l'aube du 21ème siècle, Luxembourg : Office des publications officielles des Communautés Européennes, 1997. p.12. * 7 Ibid. * 8 Ibid. * 9 Cf. article XXIV du statut de l'OMC. * 10 Raymond EBALE, Les Accords de Partenariat Economique (APE), Tapuscrit Cours, 2012, p.21. * 11 Cet accord intérimaire devrait à terme ouvrir la voie à un texte plus complet, notamment avec la signature d'un APE régional. * 12 Madeleine GRAWITZ, Méthode de sciences sociales, Paris, Dalloz, 11ième édition, 2001, p.385. * 13 Ibid. * 14Emile Durkheim, Le Suicide, PUF, Paris, 1973, p.1. * 15 Raymond EBALE, Les Accords de Partenariat Economique... op. cit, p.21. * 16 ASAC, Note d'information sur l'APE à l'attention des honorables députés de l'Assemblée Nationale du Cameroun, novembre 2007, p.2. * 17 Jean-Christophe BOUNGOU BAZIKA, « les APE : atouts et freins à l'intégration régionale des pays membres de la CEMAC », intervention lors du colloque organisé par Pluriagri, Notre Europe et FARM sous le thème : Quel Cadre pour les politiques agricoles, demain, en Europe et dans les pays en développement ?, 27-29 novembre 2006, p.1. |
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