Le devoir de diligence du transporteur maritime de marchandises en droit CEMAC( Télécharger le fichier original )par OUSMANOU HADIDJATOU FSJP UNIVERSITE DE NGAOUNDERE - MASTER EN DROIT PRIVE GENERAL 2014 |
SECTION II- L'EXCEPTION : LES CAS DE DEPLAFONNEMENTLe transporteur est privé du droit à la limitation légale dans deux hypothèses : lorsque la faute qui lui est reprochée est d'une extrême gravité (Paragraphe I) d'une part et d'autre part, en l'absence de toute faute lorsque certaines formalités sont accomplies (Paragraphe II). PARAGRAPHE I- UN DEPLAFONNEMENT POUR FAUTE D'UNE EXTRÊME GRAVITELa facilitation des mécanismes d'engagement de la responsabilité du transporteur a pour contrepoids la limitation de la réparation. Le transporteur perd ce bénéfice de la limitation s'il commet une faute intentionnelle (A) ou une faute inexcusable (B). Sauf à préciser que cette exigence s'applique également aux autres bénéficiaires de la limitation. A- LA FAUTE INTENTIONNELLE OU DOLOSIVE La faute intentionnelle est cette faute qui est commise avec l'intention de nuire à autrui, plus généralement avec celle de causer le dommage128(*). L'article 555 CMM dispose : « 1. Ni le transporteur ni aucune des personnes mentionnées à l'article 547 ne peuvent se prévaloir de la limitation de responsabilité prévue à l'article 552, ou prévue dans le contrat de transport, si l'ayant droit prouve que le préjudice résultant du manquement aux obligations incombant au transporteur en vertu du présent chapitre était imputable à un acte ou à une omission personnels que celui qui revendique le droit de limiter sa responsabilité a commis soit dans l'intention de causer ce préjudice, soit témérairement et avec conscience que ce préjudice en résulterait probablement ». La faute intentionnelle en matière contractuelle est celle-là qui est causée avec l'intention de réaliser le dommage. C'est une faute lourde, dolosive129(*). Le dol se définit comme une tromperie commise en vue d'inciter une personne à conclure un acte juridique(dol principal) ou à l'amener à contracter à des conditions désavantageuses (dol incident). La faute dolosive, dans le cadre du droit de transport maritime de marchandises, est une faute commise par le transporteur dans l'intention de nuire ou avec la certitude qu'un dommage s'ensuivra130(*). C'est également cette faute commise avec amateurisme et contraire à la qualité de professionnel du transporteur131(*). L'extrême exigence de cette solution conduit à s'interroger sur son fondement. Le dol c'est toujours et partout, la faute intentionnelle, or l'intention dolosive consiste dans le désir de voir le dommage dirigée vers un but, l'intention dolosive consiste dans le désir de voir le dommage se réaliser. En effet, cette faute est susceptible d'écarter la limitation légale de réparation. C'est ainsi qu'animée par le souci d'une protection plus efficace des co-contractants du transporteur, la jurisprudence maritime en matière de transport de marchandises va s'engager dans cette voie pour toutes les hypothèses de mauvaise foi dans l'exécution du contrat. Ainsi la faute dolosive peut-elle désormais exister sans qu'il soit nécessaire que son auteur ait eu l'intention de causer un dommage à l'autre partie. Ce mouvement est véritablement impulsé par la Cour de cassation dans un arrêt du 4 février 1969 dont le principal attendu est ainsi libellé : « le débiteur commet une faute dolosive lorsque, de propos délibéré il se refuse à exécuter des obligations contractuelles, même si ce refus n'est pas dicté par l'intention de nuire à son co-contractant ». Cette conception semble être composée des ingrédients qui ne sont pas à notre sens faits pour aller ensemble, car dire que « de propos délibéré » c'est-à-dire « volontairement », « sciemment », « en connaissance de cause », « de mauvaise foi », un transporteur ait refusé d'exécuter sans volonté de nuire, sans avoir l'intention d'atteindre un certain résultat, est paradoxal. Dès lors qu'il y a une volonté délibérée, le résultat devient probable. Ainsi, admettre qu'un professionnel ait posé un acte sciemment sans rechercher un résultat nous semble-t-il absurde. A moins que, comme l'admettent certains auteurs, intention de causer le dommage et certitude du résultat dommageable soient des notions équivalentes. La faute inexcusable est une faute particulièrement grave qui suppose chez son auteur la conscience d'un danger et la volonté téméraire de prendre le risque de sa réalisation sans raison valable (sans cependant impliquer la volonté de causer ce dommage, en quoi elle se distingue de la faute intentionnelle, notion retenu dans le droit des accidents de travail et le droit des transports)132(*). En d'autre termes, la conduite du transporteur est téméraire, dangereuse, osée et de nature à préjuger d'un résultat précis. La Cour de cassation va en ce sens en définissant la faute inexcusable comme « la faute d'une gravité exceptionnelle, dérivant d'un acte ou d'une omission volontaire, de la conscience du danger que devrait avoir son auteur, de l'absence de toute cause justificative, et se distinguant par le défaut d'intention de la faute intentionnelle »133(*). C'est une faute qui emporte deux éléments : une intention téméraire, c'est-à-dire une acceptation, et une conscience de la prévisibilité du dommage. Dans le corps de l'article 555 CMM, la faute inexcusable apparaît comme celle qui est causée « témérairement et avec conscience qu'un préjudice en résulterait probablement ». L'autres question serait de préciser au sens de l'alinéa 2 de l'article 555 CMM que « Ni le transporteur ni aucune des personnes mentionnées à l'article 547 ne peuvent se prévaloir de la limitation de responsabilité prévue à l'article 553, si l'ayant droit prouve que le retard de livraison résulte d'un acte ou d'une omission personnels que celui qui revendique le droit de limiter sa responsabilité a commis soit dans l'intention de provoquer le préjudice dû au retard, soit témérairement et avec conscience que ce préjudice en résulterait probablement ». Il apparaît clairement que dans un souci de sanction doublé d'équité, la perte du droit à la limitation pour faute intentionnelle et dolosive est imposée aux préposés, contractants et auxiliaires du transporteur. Mais il se pose une préoccupation plus lancinante, celle tenant d'une part à la question de savoir si, seuls ces comportements extrêmement graves du transporteur sont susceptibles de créer le déplafonnement. Par ailleurs qu'elle est le contenu de la réparation intégrale ? * 128CORNU (G.), op. cit., v° Faute intentionnelle. * 129TERRE (F.), SIMLER (P.), LEQUETTE (Y.), Droit Civil, Les Obligations, Dalloz, 11ème éd., 2013, p. 784. * 130SERIAUX (A.), op. cit., p. 237. * 131Civ. 1ère, 5 janvier 1970, D. 1970.155.RGAT 1970, 176, obs. A.B ; 7 juin 1974, Bull. civ. I, n° 168. * 132CORNU (G.), op. cit., v° Faute inexcusable. * 133Ch. Réunies, 15 juillet 1941, DC 1941.117, note A. ROUAST. |
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