CHAPITRE 03
Présentation des données et choix des
variables
Introduction
Après la phase d'investigation théorique et
empirique, menée dans les chapitres précédents, il est
intéressant et nécessaire de procéder à une
évaluation économétrique des déterminants de la
demande de monnaie en Algérie durant la période allant de 1970
jusqu'à 2014.
La fonction de demande de monnaie exprime un ensemble de
relations existant entre la masse monétaire et quelques agrégats
économiques. La première difficulté qui se pose à
la formalisation de la demande de monnaie concerne l'identification de cette
fonction. En effet, le choix de la mesure appropriée de la monnaie, la
variable d'échelle et de la variable de coût d'opportunité
est très important.
La fonction de demande de monnaie doit permettre de mettre en
vigueur les liens stables dans le temps entre la quantité de monnaie et
les grandeurs macroéconomiques tels que le produit intérieur brut
(PIB), le produit national brut (PNB), le taux d'intérêt, le taux
inflation, le taux de change ...ect. Ainsi, toutes les fonctions de demande de
monnaie ont convergé sur les spécifications d'un modèle
avec comme variable d'échelle : le revenu, variable de rendement ou
d'opportunité : le taux d'intérêt et le taux
d'inflation.
Comme nous l'avons vu, cette fonction est un
élément essentiel dans la formulation de la politique
monétaire. En outre, une fonction de demande de monnaie stable est une
condition nécessaire pour exercer une influence prévisible sur
l'économie de sorte que le contrôle des agrégats
monétaires peut être un instrument utile de la politique
économique. Elle permet aux dirigeants de mieux prévoir les
conséquences de leurs politiques monétaires, mieux les planifier,
et mieux les utiliser. Ainsi, une estimation robuste et fiable est
impérative.
Dans ce chapitre, nous procéderons dans un premier
temps à la spécification du modèle de la demande de
monnaie, le point de départ dans toute recherche
économétrique. Cette spécification implique la
détermination de la variable expliquée et des variables
explicatives du modèle, les signes des paramètres et la forme
mathématique du modèle. Puis nous intéresserons à
la source des données qui seront mises en application dans le cadre de
ce travail.
1. La forme fonctionnelle de demande de monnaie
Comme nous avons vu, il existe différentes
théories de demande de monnaie, soulignant différentes
considérations et impliquant différentes hypothèses
théoriques testables.
La demande de monnaie, dans une première analyse, est
déterminée par l'équation dite de Cambridge qui
résulte des travaux d'A. Marshall ?1923? et A. C. Pigou ?1917? et qui
est telle que :
Md = K. P. Y ......... .......... (5)
Où P représente le niveau général des
prix et Y le revenu nominal réel.
Une motivation majeure de la détention d'encaisses
monétaires est le besoin de réaliser des transactions,
c'est-à-dire d'acquérir et de vendre des biens et des services.
Ce que les gens apprécient dans la monnaie, c'est son pouvoir d'achat.
La demande de monnaie s'exprime donc en termes réels et non
nominaux59.
Masse monétaire réelle = M/P
................................. (6)
Où M est la masse monétaire nominale et P le niveau
général des prix.
La masse monétaire réelle reste inchangée
lorsque la masse nominale augmente exactement dans les mêmes proportions
que le niveau des prix. Toutes autres choses étant égales par
ailleurs, si l'offre de monnaie et le niveau des prix doublaient, il n'y aurait
aucun impact sur l'économie réelle.
M. Friedman ?1956? va, à son tour, reformuler une
théorie de la demande de monnaie et, contrairement à Keynes, dans
la Théorie Générale, celle, entre autres, de
l'instabilité de la préférence pour la liquidité,
il va en faire une fonction stable et déterminée par un certain
nombre de variables.
Selon Friedman, le revenu mesuré ne peut être un
déterminant crédible de la demande de monnaie, car il crée
une antinomie des comportements de la vitesse de circulation de la monnaie
à long et court terme60. Il pense alors, à une autre
variable explicative, la richesse : il conçoit un nouveau concept qui
combine revenu et richesse, le revenu permanent. En effet, si l'on prend en
considération ce dernier, la contradiction disparait, donc la demande de
monnaie apparait très stable. Il apparait, ainsi, comme
l'élément explicatif le plus important de la demande
d'encaisses.
Le revenu permanent ne peut, cependant, à lui seul,
expliquer la demande de monnaie. Friedman prend en considération
d'autres variables le niveau des prix et le taux d'intérêt. La
59 Burda M. et Wyplosz C. (2003),
Macroéconomie : une perspective européenne, De Boeck,
Bruxelles.
60 Lehmann P. J. (2011), La
politique monétaire : institutions, instruments et mécanismes,
Hermès Science publications, Paris.
fonction de demande d'encaisses monétaire
réelles peut s'écrire sous la forme simplifiée
suivante61 :
Md / P = f (Yp, r, j(a), c)
................................... (7)
Où Yp représente le revenu permanent
utilisé comme approximation de la richesse, r représente le
rendement des actifs financiers, j(a) représente le taux d'inflation
anticipée et c représente des goûts et les
préférences des individus.
Cette analyse conclut que la demande de monnaie est d'autant
plus élevée que le niveau des richesses est grand, que le
rendement des autres actifs est bas, que le taux d'inflation anticipée
est faible.
Entre autres, la théorie keynésienne de la
demande de monnaie est fondée sur trois motifs : de précaution,
de transaction et de spéculation. Ce dernier motif est lié au
taux d'intérêt qui apparait comme un élément central
pour calculer le cout d'opportunité de la détention d'une
encaisse monétaire.
Cependant, toutes les théories traitant de la demande
de monnaie partagent des éléments communs importants. Elles
suggèrent que la quantité de monnaie désirée
dépend essentiellement d'un petit groupe de variables : une variable
d'échelle, et le coût d'opportunité de détention de
monnaie. On peut écrire cette relation sous la forme d'équation
comme suite :
M / P = f (R, Y) ............... ...... (8)
Où (M / P) représente la demande d'encaisses
réelles, Y une variable d'échelle, et R un vecteur de rendement
anticipé des actifs monétaires ou alternatifs à la
monnaie, représentant le coût d'opportunité de la
détention de la monnaie. Cette spécification tient à la
fois compte des trois rôles que joue la monnaie au sein de
l'économie : instrument des échanges, réserve de valeur et
unité de compte.
En outres, les variables standards identifiés dans la
littérature macroéconomique, plusieurs études empiriques
ont inclus d'autres variables jugées pertinentes et susceptibles
d'affecter la demande de monnaie selon l'approche envisagée ou les pays
concernés. Par exemple, Goldfeld [1973], Nell [1999], Mcgibany et
Nourzad [1995]62 ont souligné la nécessité de
reconnaître la volatilité du taux de change comme facteur
affectant la demande de monnaie aux Etats-Unis.
61 Manoury J. (2009), Des délices de
l'inflation aux affres de la déflation : une lecture keynésienne
de la crise, Publications de l'Université de Rouen et du Havre,
Paris.
62 Hanafiah H. (2012), loc.cit., p 1.
Busari [2004163 a met l'accent sur le rôle
des innovations financières et la croissance technologique comme
facteurs affectant la demande de monnaie au Nigeria. De même, Ayad F.
[2013]64, dans son étude sur la demande d'encaisses
réelles et ses déterminants en Algérie, a conclu que
l'incertitude économique est un facteur déterminant de la demande
de monnaie.
L'économie algérienne est
caractérisée par un système financier très peu
développé où les agents économiques ne disposent
pas d'autres types de placements en actifs financiers alternatifs à la
monnaie. Le marché monétaire algérien existe depuis
quelques années seulement et seules les banques et quelques particuliers
y interviennent.
Ainsi, dans cette étude, nous retiendrons
l'agrégat M2 comme mesure de la masse monétaire, le PIB
réel (variable d'échelle) et le taux d'intérêt qui
mesure le rendement d'une partie des composantes de M2. Nous incluons
également deux autres variables qui sont jugées importantes dans
les économies en développement : le taux d'inflation et le taux
de change.
De ce fait, conformément aux théories
précédemment passées en revue, nous retenons une
spécification de l'équation de long terme de la forme :
M = f (PIB, TINT, TCH, INF) . (9)
Toutes les séries d'origine ont été
transformées en logarithme. Cette spécification à
l'avantage d'éviter les problèmes
d'hétéroscédasticité, ce qui revient à
écrire :
Log RMt = J30 + J31 log PIBt + J32 log TINTt + J33 log TCHt +
J34 log INFt + ?t . (10)
Avec:
- Log RMt : le logarithme de la masse monétaire M2 qui
constitue la variable à expliquer ;
- Log PIBt : le logarithme du produit intérieur brut
réel ;
- Log TINTt : le logarithme du taux d'escompte de la banque
d'Algérie ; - Log TCHt : le logarithme du taux de change ;
- Log INFt : le logarithme du taux d'inflation mesuré par
l'IPC ; - J30, J31, J32, J33, J34 sont les paramètres à estimer
;
63 Doguwa S.I. (2014), «Structural breaks,
cointegration and demand for money in Nigeria», CBN Journal of Applied
Statistics, Vol. 5, No.1, pp. 15-33.
64 Ayad F. op.cit., p. 88.
2.1. L'agrégat monétaire
- ?t : le terme d'erreur qui tient compte de toutes les
variables quantitatives ou qualitatives non intégrées dans le
modèle. C'est l'erreur d'estimation.
L'équation (10) comme un modèle de demande de
monnaie ne peut être pertinent pour l'élaboration de politiques
efficaces que si la relation entre les variables soit stable sur une longue
période de temps. Sur le plan pratique, il faut souligner que cette
question a des implications très importantes pour la conduite de la
politique monétaire. Pour autant, la connaissance du caractère
stable ou non de la demande de monnaie reste primordiale. En effet,
l'utilisation d'un agrégat de monnaie comme objectif
intermédiaire de la politique monétaire dépend, entre
autres choses, de la stabilité de la fonction de demande qui l'unit aux
variables explicatives.
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