A. Théorie de flux migratoires des facteurs de
production.
Cette théorie s'analyse à partir de deux
principaux travaux : les travaux de Tiebout (1956) et ceux d'Alonso (1964).
A.1. L'apport du modèle de Tiebout
Le modèle développé par Tiebout (1956)
explique la différenciation communale selon l'offre de biens et services
publics locaux. En considérant un consommateur-électeur
parfaitement mobile, il suppose que l'information sur les dépenses et
les taxes locales est disponible, qu'il n'y
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Cameroun
a pas de rendements croissants ni décroissants et qu'il
existe une taille optimale du fait de la rareté de ressources
foncières. Le choix du consommateur -électeur se fait en fonction
de la collectivité qui offre des biens et services qui satisfont le
mieux ses préférences ; sa mobilité dépend de sa
demande en biens publics et sur les ressources dont disposent les
collectivités. Les collectivités sont alors appelées par
la loi de la concurrence tout comme les entreprises à produire le plus
efficacement leurs biens collectifs locaux, à inciter les ménages
à révéler leurs préférences réelles
pour ces biens collectifs afin d'aboutir à une répartition des
ménages en collectivités homogènes. Les élus locaux
séduisent les entreprises en s'investissant dans une bataille «
marketing » dont l'enjeu est de vendre au mieux leurs territoires.
En France, par exemple, les décideurs ont pris
conscience que le développement des services collectifs avait de
l'influence sur l'évolution des activités économiques. Le
développement urbain n'était plus condamné à suivre
le développement économique, mais pouvait espérer
l'orienter. Les villes commencent à se mettre ouvertement en
concurrence. Les maires consacrent de plus en plus de temps à la
promotion économique de leur Cité (Oblet, 2003).
Néanmoins, l'attractivité d'une ville repose
à terme sur son urbanité, c'est-à-dire la capacité
de faire d'une ville un lieu qui favorise les échanges et les rencontres
entre les agents économiques qui en dépendent.
A.2. L'apport du modèle d'Alonso
Le modèle monocentrique élaboré par la
nouvelle économie urbaine est fondé sur les travaux d'Alonso
(1964). Ce modèle a permis d'expliquer un grand nombre de
caractéristiques urbaines telles que la centralité de l'emploi,
la décroissance de la densité de la population et des prix
fonciers avec la distance au centre. Le modèle de base reprend
l'hypothèse monocentrique de Von Thünen (1826), avec l'existence
d'un Central Business District et système de transport radial
générant un coût des déplacements. Les agents
économiques maximisent leur utilité sous contrainte de budget en
cherchant la localisation la plus optimale. C'est en fait, répondre aux
exigences que postule la rationalité du raisonnement marginaliste. Le
principal résultat du modèle est d'établir la
décroissance de la rente foncière. Ainsi les agents qui occupent
les localisations les plus loin du centre et qui supportent par la suite un
coût de transport plus lourd, bénéficient en
récompense d'une faible rente foncière. La
périurbanisation résidentielle devint donc parmi les causes de
l'étalement urbain qui, selon cette optique, se traduit par une baisse
des
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Cameroun
densités centrales au profit de la
périphérie et donc par un éloignement des
frontières de la ville. En reformulant le modèle de base,
l'économie urbaine a pu analyser l'étalement urbain : le Centre
des affaires devient un pôle urbain qui concentre les emplois et qui
enregistre la densité de populations la plus élevée. Le
modèle permet en outre d'analyser l'effet de la population, du revenu et
des coûts de transport sur l'étalement urbain.
La croissance démographique engendre une croissance
urbaine en taille et en densité. L'accroissement de la population
conduit à une augmentation de la demande de sol ; en considérant
que le coût de déplacement est indépendant du revenu alors
si l'élasticité-revenu de la consommation de sol est
supérieure à zéro, une augmentation de revenu engendre
nécessairement une augmentation de la demande de consommation de sol et
les ménages se trouvent incités à se localiser plus loin
du centre. La ville s'étale davantage. L'analyse économique a
longtemps essayé de démontrer que la hausse des revenus et la
baisse des coûts de transport sous-tendent le mouvement de
périurbanisation qui apparaît comme le résultat de la
croissance économique. Le maintien de cette croissance est le souci de
tout décideur. Dès lors, il faut accompagner la
périurbanisation par une politique raisonnable qui visera entre autre la
minimisation de ses effets négatifs.
Ainsi, l'aménagement du territoire peut être
source de déséquilibre territorial. En favorisant
l'étalement urbain, il induit des coûts supplémentaires
pour les entreprises de distributions et pour les ménages. Cela
réduit les profits des firmes, augmente les dépenses
ménagères ainsi que les coûts pour l'environnement
(augmentation du volume des gaz à effet de serre, transformation des
forêts en zones d'habitation).
B. Théories marxistes
Les théories marxistes regroupent entre autre les
travaux de Marx et ceux des néo-marxistes.
B.1. Analyse de Marx (1864)
Le courant marxiste s'oppose à la théorie
libérale en démontrant que l'organisation capitaliste de la
société aboutit à l'exploitation de la plus grande partie
de la population par les
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Cameroun
détenteurs des moyens de production. La
société se divise donc en deux grandes classes qui s'affrontent :
le prolétariat (qui détient la force de travail) et la
bourgeoisie (qui détient le capital).
L'affrontement de ces classes s'effectue dans le cadre du
processus de production. Marx distingue deux sphères importantes : celle
de l'échange de marchandises et du cycle MAM (marchandises, argent,
marchandises) ; celle de la production et du cycle AMA (capital avancé,
marchandise, produit obtenu).
L'existence de la ville suppose que la société
est redistributrice. « Le capitalisme, cependant, légitime
l'urbanisation en termes de contribution à l'accumulation du capital et
à la croissance plutôt qu'en termes de fonctions magiques ou
religieuses » (Ahmed, 1999). D'abord, les problèmes spatiaux sont
apparus au second rang de l'analyse marxiste qui s'intéressait
plutôt à l'étude des crises du capitalisme.
Enracinée dans l'histoire et basée sur l'étude des
mécanismes du capitalisme industriel, l'étude des villes repose
sur la division du travail entre ville et compagne qui constitue à
l'oeil du marxisme une force dialectique de transformation de la
société. Marx a démontré comment le capitalisme
industriel impose la concentration urbaine. Il a cherché comment les
mécanismes de la concentration urbaine constituent, avec
l'industrialisation, le facteur qui détermine la transformation sociale
de son temps. La ville, selon l'analyse de Marx, devient le lieu
privilégié des mutations révolutionnaires.
D'un autre coté, Marx a mis en évidence le lien
entre l'espace et les stratégies du capital. Ce dernier, en cherchant le
profit dépasse l'espace lorsqu'il atteint un degré d'accumulation
supranational, impérial. D'autres travaux qui ont inspiré Marx,
ont essayé d'étudier les problèmes de la « ville
socialiste». Leurs apports ont enrichi la pensée marxiste et ont
permis l'émergence de plusieurs théories basées sur
l'étude de l'espace. La théorie de la rente est l'une de ces
théories. Elle essaie d'expliquer les fluctuations des prix du sol
urbain et du prix du logement. En général, l'analyse marxiste
considère l'espace comme rapport social ; l'espace est le produit de
l'histoire du développement du capitalisme. «L'espace prend forme
dans les villes, lieux par excellence de la lutte des classes, point de
jonction de la production des marchandises et de la reproduction de la force du
travail » (Aydalot, 1985).
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