B.2. Apport de la théorie des pôles de
croissance
Perroux (1958) a proposé sa théorie des
pôles de croissance qu'il présentait à la fois comme
théorie de la croissance sectorielle déséquilibrée
et comme théorie de la croissance régionale
déséquilibrée.
La théorie part d'un constat selon lequel la vie
économique résulte de l'action spécifique d'unités
économiques et non pas de l'action des agents isolés en situation
de concurrence. Ainsi, la croissance n'est pas une progression linéaire
mais plutôt un processus qui se propage dans le
déséquilibre sous l'impact de l'action de certains agents que
Perroux nomme « Unités Motrices». C'est la localisation des
activités motrices qui donne à la théorie des pôles
de croissance son contenu spatial. Les activités additionnelles
dépendantes des activités motrices ne se dispersent pas sur tout
le territoire, mais au contraire elles manifestent un comportement de
regroupement aux alentours de la production dominante. Selon la théorie,
il y a polarisation lorsque les activités additionnelles se multiplient
et que les bénéfices de la croissance du pôle se diffusent
à son arrière-pays. Ainsi, Perroux présente une
théorie qui explique la concentration spatiale de la croissance.
Selon le théorème de George-Hotelling-Vickrey
(1977), lorsque la taille de la population est optimale, le total des
dépenses requises pour l'implantation d'un équipement public
coïncide avec la rente différentielle totale donnant la
valorisation du sol en chaque point du territoire. Un nombre d'individus trop
élevé (petit) par rapport à l'optimum se traduira par un
loyer du sol trop important (petit) en chaque point. La rente foncière
urbaine peut alors constituer un instrument de l'aménagement en
équipements publics (Guigou et al., 2001).
De même, au fur et à mesure que s'accroît
la taille de la population, le nombre de firmes opérant dans le secteur
intermédiaire augmente, permettant ainsi une division plus fine et
poussée des tâches et, par conséquent, un accroissement
concomitant de la production globale (Abdel-Rahman et Fujita, 1990). Autrement
dit, une plus grande spécialisation du secteur intermédiaire a un
effet multiplicateur sur la productivité du secteur final, ce qui rend
une grande ville plus productive qu'une petite. A son tour, cette
productivité plus élevée permet au salaire de
croître avec la taille de la force de travail locale (Glaeser et
Maré, 2001). Si les entreprises du secteur final se concentrent dans une
région, la demande de biens intermédiaires y est très
élevée, ce qui attire les producteurs de biens
intermédiaires. En retour, ces biens étant fournis à un
coût
33
Aménagement du territoire et croissance urbaine au
Cameroun
moindre dans la région centrale, les entreprises du
secteur final y sont également attirées. Un processus
d'agglomération de nature cumulative va donc s'enclencher (Krugman et
Venables, 1995) correspondant à des compétences plus pointues
(Kim, 1989).
L'hétérogénéité croissante
des formations professionnelles des travailleurs et des besoins des firmes
favorise alors leur regroupement géographique. A cause du nombre
élevé d'opportunités qu'elles engendrent, les grandes
villes permettent de réduire les difficultés d'appariement entre
firmes et travailleurs : un employeur cherchant à pourvoir un emploi
vacant a une plus forte probabilité de trouver un salarié
doté des compétences requises et, réciproquement, les
travailleurs ont une plus forte probabilité de trouver un emploi
permettant de valoriser au mieux leurs compétences lorsque le
marché du travail présente une taille suffisante (Kim, 1989 ;
Hamilton et al., 2000 ; Zenou, 2009). De nouveau, le niveau moyen de
productivité s'accroît avec le nombre de firmes et de travailleurs
installés au sein du même territoire (Prager et Thisse, 2009).
Image 1 : Infrastructures et transports
Source : Magazine d'information sur la formation professionnelle
en Lorraine | n° 56 | Avril 2012
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Aménagement du territoire et croissance urbaine au
Cameroun
L'image 1 présente les avantages dont dispose un
territoire qui, grâce à la mise sur pied des infrastructures, met
en oeuvre la multi-modalité, intégrant ainsi l'ensemble des
moyens de communication et créant au passage une mine d'emplois. La mise
sur pied de la multi-modalité passe par l'intégration de
l'ensemble des inter- modalités existantes sur le territoire. Ce
schéma montre ainsi que ce sont les politiques en matière
d'aménagement qui doivent précéder la croissance urbaine
afin de pouvoir la contrôler et l'orienter.
Les politiques d'infrastructures peuvent aider au
développement des régions les plus en retard si elles se
concentrent en leur sein, mais avec le risque de voir l'amélioration de
la convergence s'exercer au détriment de la croissance nationale. En
effet, si la baisse des coûts de transaction à l'intérieur
des régions les plus en retard aide à leur développement,
les effets d'agglomération y sont moins favorables à la
croissance globale que dans les régions plus avancées (Martin,
2000). Par contre, des politiques d'innovation assurées par le canal
d'aides financières en faveur de la recherche et du développement
peuvent à la fois favoriser une meilleure répartition de
l'activité dans l'espace et un supplément de croissance
économique. Ceci est possible car la baisse des coûts de
l'innovation a un effet positif d'ensemble supérieur à l'effet
négatif dû à la moindre croissance des activités
dans les régions où les effets d'agglomération sont les
plus faibles (Prager et Thisse, 2009).
Section II : Influence négative de
l'aménagement du territoire sur la croissance urbaine.
Deux groupes de théories seront évoqués
dans cette section : celui des théories relatives aux flux migratoires
des facteurs (A) et celui des théories relatives au marxisme (B).
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