A.2. la vision du DSCE par rapport au territoire
Camerounais
Le Cameroun semble s'inscrire dans la vision d'organisation
des villes décrite par le scénario du polycentrisme
maillé, dans la mesure où le DSCE intègre en son sein la
logique sous-entendue par ce scénario10 tout comme la loi
d'orientation pour l'aménagement et le
10 Selon le MINHDU, la réalisation de la
vision 2035 passe par la rationalisation de l'occupation de l'espace urbain,
l'amélioration du cadre et des conditions de vie des populations, la
maîtrise de la croissance urbaine à 57.4% en
Aménagement du territoire et croissance urbaine au
Cameroun
développement durable du territoire au Cameroun. Cette
vision pousse à réfléchir sur la structure de l'Etat,
laquelle structure doit favoriser l'action publique et la structuration de
l'économie.
Schéma 2 : Le polymorphisme maillé du territoire
camerounais
Taille des villes
Plus de 100 000 habitants
Plus de 10 000 habitants
Plus de 500 000 habitants
Plus de 1 000 000 habitants
Source : traitement de l'auteur.
Le schéma ci-dessus traduit l'image du territoire
camerounais lorsque ce dernier aura mis en oeuvre le polymorphisme
maillé. On note une intégration des différentes villes
avec des effets de contagion, de diffusion du développement, de la
technologie d'une ville, d'une partie du territoire vers les autres.
2020, l'entretien et/ou la mise en place des infrastructures
urbaines, la maîtrise de la gestion foncière en milieu urbain, la
mise en réseau des villes , l'aménagement de nouvelles trames
foncière.
Aménagement du territoire et croissance urbaine au
Cameroun
B. Les approches pratiques des dirigeants pour faire face
aux désordres urbains.
Deux principales interventions visent à mettre fin au
désordre urbain. Celle des délégués du gouvernement
auprès des communautés urbaines et celles des services centraux
(MINHDU).
B.1. Interventions des délégués du
gouvernement dans les grandes villes
Dans leurs approches, les délégués du
gouvernement auprès des communautés urbaines ont essayé
plusieurs opérations de planification urbaine parmi lesquelles le
déguerpissement la réhabilitation/restructuration et la
résorption intégrale.
- Le déguerpissement.
Jusqu'en 1960, la pauvreté se concentrait dans les
espaces très circonscrits des villes. Les quartiers précaires
étaient alors considérés comme la manifestation d'une
transition urbaine, et devaient rapidement disparaître. Et lorsqu'on
s'est aperçu qu'il ne s'agissait pas d'un phénomène
passager, des réponses ont été apportées souvent
sous la forme de déguerpissement, une façon d'affirmer
l'autorité de la puissance publique.
Les déguerpissements ont en effet montré leurs
limites. Ils induisaient des coûts élevés sur les plans
social, économique et sécuritaire, et étaient souvent
à l'origine de troubles sociaux. C'est ce qui explique qu'à la
fin des années 60 des courants de pensée se sont affirmés.
John Turner en était la figure emblématique pour soutenir une
approche qui privilégie, plutôt que la démolition,
l'amélioration de l'environnement des pauvres et leur implication
directe dans les projets qui les concernent.
- La réhabilitation/restructuration.
Le consensus a été fait autour de la
réhabilitation/restructuration. Du point de vue des bailleurs de fonds,
il s'agit de la nécessité d'une intervention vigoureuse, dans ces
quartiers précaires, lieux de concentration de la pauvreté, dans
le but d'enclencher un cercle vertueux, qui conduira à
l'évolution, tant physique que sociale, des quartiers. Pour les
autorités, il s'agit d'intervenir pour éliminer les divers
risques sanitaires, environnementaux, sécuritaires et sociaux auxquels
sont exposées les populations, la nécessité de soigner
l'image de la ville en éliminant ce
Aménagement du territoire et croissance urbaine au
Cameroun
qui pourrait l'entacher, vu de l'extérieur, lutter
contre la pauvreté, l'exclusion, et la recherche d'une
amélioration des conditions difficiles d'existence dans ces
quartiers.
- La résorption intégrale des quartiers
précaires.
Comme dans les déguerpissements, le but
recherché dans la résorption intégrale est
l'élimination pure et simple du quartier. Dans cette situation, les
quartiers précaires occupent soit des terrains publics, soit des
terrains privés. L'intervention peut avoir une légitimité
lorsqu'ils occupent des terrains privés alors que dans le cas du squat
des terrains publics, il est plus difficile de justifier les
déguerpissements. Dans tous les cas de figure, il s'agit d'interventions
risquées surtout lorsqu'aucune solution d'accompagnement n'est
proposée comme c'est malheureusement souvent le cas. La nouvelle donne
aujourd'hui est la restructuration in-situ.
- La restructuration in situ.
C'est celle qui vise l'amélioration du quartier sur
place, en minimisant les déplacements de populations. Même si les
projets sont tous différents, les démarches conduisant à
la restructuration sont identiques.
Elles comprennent, dans une première phase, la
préparation et l'état des lieux ; dans une seconde phase, les
travaux de viabilisation ; et dans une troisième phase, les travaux
d'ingénierie sociale, sous forme d'accompagnement et de soutien des
populations à se réinstaller dans le nouveau quartier.
La restructuration in situ des quartiers précaires est
une opération complexe, qui imbrique plusieurs tâches et exige
souvent l'intervention coordonnée de plusieurs structures. Elle a
cependant l'avantage de maintenir le quartier et ses populations sur place,
pour un traitement parfois sur de longues années. Cela diffère
naturellement les résultats dans le temps, et rend moins visible
l'impact d'une action souvent lourde qui nécessite une
préparation minutieuse et des moyens importants dont on n'a souvent pas
l'entière maîtrise.
Cette approche est celle encouragée par les bailleurs
des fonds parmi lesquels la Banque Mondiale. Pour elle en effet, les
interventions n'ont de sens que si elles permettent de rendre les villes plus
compétitives et d'améliorer les conditions de vie des plus
pauvres. Autrement dit, il s'agit de cibler les actions dont la mise en oeuvre
permettra d'accroître la compétitivité des villes, de
dégager des ressources durables, qui donneront les moyens
d'équiper les quartiers précaires et de les intégrer dans
les structures des villes. Toujours pour la Banque Mondiale, la forte
concentration des populations, dans les grandes villes du Sud, est
inéluctable et peut constituer
Aménagement du territoire et croissance urbaine au
Cameroun
une chance de développement pour les pays, même
si elle se fait, dans un premier temps, de façon
désordonnée et incontrôlée.
Pour la Banque Mondiale, l'urbanisation est inévitable.
Elle est essentielle pour le maintien de la croissance économique,
construite sur l'effet d'agglomération. Les villes sont, en effet, le
moteur de la croissance économique. Elles se spécialisent et
interagissent pour soutenir l'économie nationale, et les quartiers
précaires ne sont qu'une conséquence du dysfonctionnement du
marché foncier. Cette idée maîtresse est lancée par
la Banque Mondiale, et renforcée par une succession de paradigmes, dans
l'objectif d'assister les pays, pour créer des richesses, qui seront
équitablement partagées.
La Banque Mondiale considère en effet, que même
si la concentration urbaine peut constituer un atout, la non maîtrise des
flux de migration vers les villes peut constituer un danger, surtout lorsque
les demandes sociales ne sont pas satisfaites.
Depuis l'an 2000, la Banque Mondiale s'est engagée
énergiquement dans la lutte contre la pauvreté. Elle
reconnaît ainsi les insuffisances des stratégies fondées
sur les politiques d'ajustement structurel (PAS), credo des années
80-90. Sa nouvelle stratégie, la réduction de la pauvreté
doit tenir compte des conditions économiques spécifiques, et de
la situation sociale de chaque pays. C'est cela qui aboutit à la
définition des stratégies nationales de réduction de la
pauvreté, élaborée par les différents groupes
sociaux, dans le cadre d'une démocratie participative. Les objectifs
économiques et les objectifs sociaux sont désormais placés
sur un même plan.
Cet engagement nouveau de la Banque Mondiale s'est traduit par
la définition d'objectifs du millénaire pour le
développement (OMD), lesquels ont été remplacés par
les objectifs de développement durable (ODD). Au départ, 8
objectifs, 18 cibles et 40 indicateurs avaient ainsi été retenus,
cela correspondait à un engagement de la communauté
internationale, pour améliorer la situation des habitants des quartiers
précaires, réduisant de moitié la pauvreté à
l'horizon 2015. Depuis le 25 septembre 2015, un nouvel ensemble d'objectifs
mondiaux pour éradiquer la pauvreté, protéger la
planète et garantir la prospérité pour tous, a
été adopté dans le cadre d'un nouveau programme de
développement durable. Chaque objectif a des cibles à atteindre
d'ici les 15 prochaines années.
70
Aménagement du territoire et croissance urbaine au
Cameroun
|