B.2. Genèse et ampleur du phénomène de
« mototaxis »
L'utilisation des motocyclettes pour le transport commercial
s'est développée très rapidement au cours des
dernières années, en raison du mauvais état des routes et
de l'incapacité des compagnies d'autobus de satisfaire la demande
croissante. À l'origine, les services offerts par les motocyclettes
permettaient de relier les zones résidentielles aux grands axes routiers
où les passagers pouvaient trouver des taxis ou des autobus.
Actuellement, on retrouve les motocyclettes sur les routes principales et
même dans le centre ville. Les conducteurs des motocyclettes sont souvent
jeunes et inexpérimentés. Les accidents sont fréquents et
souvent mortels.
Un transport public urbain efficace requiert une attention
coordonnée à la planification urbaine, à la construction
et à l'entretien des infrastructures ainsi qu'à l'organisation
des services de transport. Malheureusement, ces fonctions sont rarement
combinées. Même lorsqu'elles sont toutes les trois assurées
par les pouvoirs publics centraux, plusieurs ministères
différents sont généralement impliqués. Dans la
plupart des villes camerounaises, de nombreuses institutions à tous les
niveaux du gouvernement (services centraux, communautés urbaines,
communes, entreprises publiques, gendarmerie nationale, police nationale,
armée nationale) sont impliquées dans la planification, la
réglementation, l'octroi des permis et le contrôle du transport
urbain. L'effet net de cette confusion généralisée des
rôles se traduit par une mauvaise responsabilisation, un manque de
coordination et la dilution à tous les niveaux de l'engagement
vis-à-vis de la mise en oeuvre de stratégies de transport au
service des besoins de la population.
En bref, « on constate une réglementation
inefficace et une absence presque totale de planification
intégrée, ce qui explique le désordre urbain permanent
» (Kumar et Barrett, 2008).
Section II : Les approches pratiques des dirigeants en
matière d'aménagement du territoire.
Cette section présente les différentes formes
d'organisation spatiale du territoire (A) et les pratiques des dirigeants pour
faire face au désordre urbain (B).
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Aménagement du territoire et croissance urbaine au
Cameroun
A. Les différentes formes d'organisation spatiale
du territoire
L'appréciation des différentes formes
d'organisation spatiale du territoire permet de voir dans quelle logique se
situe la vision du Cameroun en matière d'aménagement du
territoire.
A.1. les scénarii d'aménagement du
territoire
Le processus d'urbanisation distingue les territoires
connectés au monde, en complémentarité et en
compétitivité des territoires et d'espaces marginalisés ou
carrément exclus de ces dynamiques.
Quatre scénarios d'organisation spatiale se distinguent :
? Le scénario de l'archipel éclaté
Ce scénario est un scénario tendanciel,
puisqu'il appelle pour l'essentiel l'approfondissement de mécanisme
déjà à l'oeuvre. La globalisation accentue la
primauté de l'économie sur les autres dimensions de la vie
collective. Au sein de l'économie, l'hégémonie des forces
de la concurrence et du paradigme libéral entraîne un mouvement de
dérégulation de grande ampleur. Celui-ci accroît le volume
des échanges internationaux, libérant certaines forces
productives et aussi stimulant la croissance économique selon de
nouvelles modalités et dans de nouveaux champs d'activité.
La traduction spatiale de ce scénario est logiquement
l'accentuation de la polarisation des foyers d'activités par
agglomération. Ce qui n'exclut pas totalement l'apparition de nouveaux
pôles, portés par des activités innovantes, mais dont le
nombre ne pourra être que très limité. La géographie
liée à ce scénario correspond donc à une structure
avec des pôles économiques et technologiques (villes, pôles
d'activités, entreprises) connectés entre eux à
l'échelle nationale ou régionale sur la base de projets
partagés, mais sans effet de diffusion ni de contagion sur les autres
régions.
Le corollaire de cette organisation spatiale est le maintien,
voire l'accentuation, des écarts de développement entre les
« territoires qui gagnent » et les autres et ce, aux diverses
échelles. Les manifestations les plus critiques de cette fracture
territoriale résident, d'une part, dans certaines parties des
périphéries des villes et, d'autre part, dans certains espaces
ruraux désertifiés, mais la
Aménagement du territoire et croissance urbaine au
Cameroun
fragilisation pourrait également gagner de nombreuses
villes petites et moyennes à l'économie largement tributaire des
transferts sociaux.
? Le scénario du local
différencié
Dans ce scénario, ce ne sont plus des forces
économiques qui jouent leur carte en participant à la
constitution de véritables « villes-État », mais des
pouvoirs locaux assis sur des régions ou des communautés, qui
tendent à se construire sur des logiques identitaires et
communautaristes.
Ce scénario est celui de la constitution de nouvelles
féodalités. Il est également, comme le
précédent, producteur d'inégalités entre les
territoires, convenablement dotés, qui sauront tirer profit de la
nouvelle donne, et ceux, moins attractifs, qui ne parviendront pas à
développer les alliances et les partenariats nécessaires à
leur développement.
Ce scénario peut notamment naître d'une
période de trop long atermoiement de l'État pour trancher sur la
question des articulations et des priorités entre les différentes
entités territoriales, dont la plupart constituent davantage un reflet
de l'histoire qu'une vision de l'avenir.
? Le scénario du centralisme
rénové
Dans ce scénario, l'État est au coeur de toutes
les initiatives en matière d'aménagement du territoire. Le
partage des responsabilités et le pluralisme des initiatives dans le
domaine du développement territorial pourraient alors venir buter sur la
prétention tutélaire de l'État à incarner à
lui seul l'intérêt général.
Le mode d'intervention privilégié des pouvoirs
publics demeure de type allocatif. Les objectifs consistent à mieux
intégrer les espaces périphériques ou
délaissés, à limiter le développement anarchique
des flux, à parfaire le traitement social des territoires.
Dans ce contexte, le monopole retrouvé de l'État
aurait deux conséquences : favoriser le corporatisme en permettant
à des intérêts coalisés de bénéficier
d'avantages ; développer les réflexes d'assistanat à
travers le maintien d'une sphère publique excessive, bloquant ainsi les
mécanismes des changements nécessaires, l'initiative et
l'innovation, notamment à travers un ferme encadrement des initiatives
locales.
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Aménagement du territoire et croissance urbaine au
Cameroun
? Le scénario du polycentrisme
maillé
Ce scénario est celui d'une approche polycentrique du
territoire en grands bassins de peuplement, approche qui devrait approfondir
l'intégration en mettant l'accent sur les valeurs de cohésion, de
solidarité et de responsabilité, y compris vis-à-vis des
générations futures.
Au sein de ces ensembles, des réseaux de villes
seraient appelés à se développer autour de pôles
urbains dynamiques, compétitifs aux niveaux sous régional et
mondial et intégrés dans des ensembles territoriaux
solidaires.
Des coopérations, se tissant entre
agglomérations d'un même grand bassin de peuplement sous forme de
métropole polycentrique avec un partage des compétences et des
infrastructures, permettraient un véritable système de villes
maillées entre elles, complétant le dynamisme national
grâce à une combinaison optimale entre qualité du cadre de
vie et performances de la gamme des biens et services disponibles.
De nouveaux modes de régulation territoriale seraient
en mesure d'ouvrir le champ à des stratégies locales
différenciées, sans pour autant être
déconnectées les unes des autres. Le rôle prégnant
de l'État central et l'importance accordée à la
définition de stratégies nationales ne seraient pas remis en
cause, mais se construiraient désormais différemment. On devrait
assister à une redéfinition des missions de la puissance publique
centrale, au profit de la régulation des conflits, de l'organisation des
cadres territoriaux et de la prévention des risques.
Dans cette nouvelle donne, le niveau régional
apparaîtrait comme le plus à même de valoriser les
réseaux de croissance et de solidarité, rendant possible une
différenciation des politiques publiques permettant de prendre en compte
la diversité des territoires, la variété de l'armature
urbaine, notamment au niveau des villes moyennes et petites, de leurs profils,
de leur spécialisation. (Guigou, 2001)
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