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Aménagement du territoire et croissance urbaine au Cameroun

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par Chouaibou MOUNTON
Université de Yaoundé II SOA - Master II professionnel en politiques urbaines et des collectivités territoriales décentralisées 2016
  

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A.2. Villes camerounaises et quartiers précaires

Les quartiers précaires sont la manifestation la plus flagrante du manque de planification et de contrôle de la croissance des villes. Ces quartiers s'étendent en raison de l'urbanisation croissante, de la pénurie du logement abordable dans les villes, mais également à cause de multiples autres raisons telles que la pauvreté, les déplacements liés à des conflits, à des catastrophes naturelles.

Le phénomène de quartier précaire est devenu une particularité des pays d'Asie, d'Afrique, et d'Amérique Latine. Ces trois sous-ensembles concentrent la quasi-totalité du milliard d'habitants des quartiers précaires dans le monde. Les pays développés concentrent environ 10 millions d'habitants dans les quartiers précaires, contre 550 dans les pays d'Asie et du Pacifique, 250 dans les pays d'Afrique, ou encore 150 millions en Amérique Latine et dans les Caraïbes. Cette situation est le résultat de la combinaison de plusieurs facteurs qui tiennent à la fois aux situations démographiques, à la place des villes, et aux différentes formes de gouvernance qu'on rencontre dans les différents pays ( Diagane, 2019).

Cette situation amène à distinguer :

-Le bidonville stricto-sensu : Ce type de quartier précaire concentre toutes les formes d'exclusions, c'est-à-dire une exclusion sociale, une exclusion urbaine et une exclusion foncière. Les populations qui y vivent subissent les contraintes d'une double précarité; celle physique des abris de fortune mais aussi celle juridique des statuts d'occupation. Ce qui caractérise ce type de quartiers tient à plusieurs facteurs. Le premier d'entre eux est l'installation sur les zones à risque, c'est-à-dire que ces quartiers s'installent souvent sur les plus mauvais terrains des villes.

La seconde caractéristique tient à la nature des matériaux utilisés pour les constructions. Il s'agit souvent de matériaux de récupération, qu'il s'agisse de tôle, de toile ou de bois, qui sont utilisés pour la confection des habitations précaires. La troisième caractéristique est l'absence d'équipement et d'infrastructure de base.

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-La sous-intégration à la ville. D'abord l'éloignement par rapport à la ville, mais également la déconnexion par rapport aux structures formelles de la ville, se traduit par de mauvaises liaisons en termes de transport, mais également en termes de service. Enfin, parce que ces quartiers occupent souvent illégalement le terrain, ils restent sous la menace d'éviction et cela empêche les populations dans la consolidation de leur habitation.

-Les quartiers irréguliers déjà consolidés ou en voie de l'être : Il s'agit souvent de quartiers anciens, qui finissent par être tolérés parce qu'ils connaissent une consolidation de leur bâtit en dur et font l'objet d'une amélioration d'un niveau d'équipement. Les autorités finissent en effet, même si c'est timidement, à y consentir quelques investissements ne serait-ce que pour assurer la sécurité des biens et des personnes. Parce qu'ils sont anciens, ces quartiers atteignent également un niveau de mixité sociale par l'arrivée progressive de populations diversifiées.

-Les quartiers centraux laissés à l'abandon et qui se transforment en taudis : Ce sont des quartiers formels qui subissent un processus avancé de dégradation au point de constituer des ghettos qui cumulent plusieurs handicaps et ne retiennent que des populations captives, celles qui n'ont pas une grande liberté en matière de choix de leur lieu de résidence. De façon générale, il s'agit de quartiers qui ont mal vieillis au point d'accuser également un retard important dans l'adaptation des équipements et infrastructures tels que la voirie, les approvisionnements en eau potable et en électricité, mais aussi des services. La dégradation de ces quartiers peut aussi être une conséquence d'un processus de gentrification9 en cours qui affecte des portions entières des villes et souvent des centres-villes.

B. Croissance urbaine et transports urbains

La croissance urbaine peut s'apprécier aussi à travers la mobilité des agents au sein des villes et les moyens de transport utilisés par ces derniers.

B.1. Villes camerounaises et embouteillages

Il devient de plus en plus difficile de se rendre à son lieu de travail dans les grandes villes tentaculaires du Cameroun. Cette situation est due en grande partie à l'invasion des minibus et motocyclettes qui sont parvenus à prendre la place d'un transport public par autobus défaillant.

9 La gentrification est la transformation des espaces due à une intensification des investissements, de l'accroissement de la valeur immobilière des constructions et de l'attrait d'activités à fortes valeurs ajoutées

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Les raisons de ce dysfonctionnement du transport urbain ne sont pas difficiles à comprendre. Les régies affaiblies, fragmentées et sous-financées ont été incapables tant de maintenir les services existants que de faire des plans de développement. Les autobus tombent en ruine après des années de surcharge sur des routes défoncées et d'entretiens mécaniques rapidement interrompus par le manque de pièces de rechange. Les tarifs sont trop bas et les subventions trop irrégulières pour assurer des exploitations soutenables. Les habitants des banlieues marchent ou ont recours à des services informels, largement non réglementés, sales, dangereux, inconfortables et peu fiables (mototaxis, cargos, etc.).

Dans la plupart des villes (Yaoundé, Douala), les régies ont eu des difficultés à satisfaire les demandes de service des nouveaux habitants urbains, les pauvres en particulier. L'absence de politiques d'utilisation des terres et de développement économique ont débouché sur l'extension tentaculaire des villes. La baisse de la densité associée à une extension anarchique a fait augmenter les distances et poussé à la hausse le prix du transport public. Ces développements affectent souvent les pauvres de manière disproportionnée, les excluant de l'emploi et des services sociaux. Pendant ce temps, l'utilisation accrue des véhicules privés a entraîné l'engorgement des routes, menaçant la sécurité des piétons et la santé des citadins qui inhalent les gaz d'échappement.

Les villes camerounaises partagent certaines caractéristiques communes :

- une population urbaine en croissance, mal servie par le système des transports ; - un déclin des normes du transport public ;

- des chevauchements et des conflits entre les agences chargées de la planification et de la mise en oeuvre des solutions en matière de transport ;

- une forte croissance de l'utilisation du transport par minibus et par motocycles ;

- une dépendance croissante vis-à-vis du transport privé (voitures et motocyclettes) ; - une absence et dégradation des infrastructures de transport ;

- des mauvais aménagements pour le transport non motorisé (marche et bicyclette).

L'engorgement des routes est un problème dans toutes les villes. Les causes en sont la mauvaise gestion du flux de la circulation, l'absence d'aires de stationnement et la médiocre application

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des règles. Le développement anarchique des villes les a rendues incapables de faire face à l'augmentation du nombre des véhicules. Moins de la moitié des routes sont revêtues, ce qui réduit l'accessibilité des autobus aux faubourgs éloignés et quartiers périphériques densément peuplés. Les routes revêtues représentent juste le tiers de la moyenne correspondant aux villes dans le monde en développement. Dans toutes les villes, le réseau routier est inférieur aux normes. La capacité est insuffisante, il n'y a ni bandes d'urgence ni voies de service, le revêtement est dégradé et l'éclairage des rues réduit au minimum. Le mauvais état des routes limite la vitesse des véhicules, réduit considérablement la productivité du parc d'autobus et alourdit les coûts d'entretien des véhicules. Il favorise également l'utilisation des minibus, taxis et motocyclettes qui présentent une plus grande maniabilité que les grands autobus mais ne sont pas aussi efficaces en tant que moyen de transport public urbain.

La plupart des routes ont été construites lorsque les villes n'avaient qu'un seul centre, et avant la rapide croissance de formes personnalisées de transport motorisé. Le réseau routier primaire part en étoile du centre ville vers les zones environnantes et manque de liaisons orbitales ou circulaires. La majorité des routes n'ont qu'une seule bande de circulation dans chaque direction. Lorsqu'elles sont plus larges, une des voies est souvent occupée par les piétons et les véhicules en stationnement. Les carrefours sont peu espacés et mal conçus pour changer de direction.

En plus de ces défauts généraux, peu d'attention a été accordée à d'autres facteurs qui facilitent les opérations des systèmes de transport public. Les voies réservées aux autobus sont rares ou carrément inexistantes. Les arrêts d'autobus, les abribus et autres aménagements destinés aux passagers sont rares et en mauvais état. Les terminaux d'autobus sont légèrement plus grands que les aires de stationnement surencombrées, sans aménagements pour les passagers.

La plupart des villes ignorent les besoins des piétons. Une grande partie du réseau routier manque de trottoirs, les piétons et véhicules motorisés doivent partager le même espace. Lorsqu'ils existent, les trottoirs sont mal entretenus, comportent des caniveaux à ciel ouvert, et sont grignotés par les propriétés qu'ils bordent. Il n'y a ni passages pour piétons ni ponts, sauf dans les centres villes. À cause de la mauvaise gestion de la circulation, les accidents sont fréquents. Les piétons représentent le gros des victimes d'accidents mortels.

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