Les critères du procès administratif equitable en droit positif camerounais( Télécharger le fichier original )par Jean Duclos Ngon a moulong Universités de Yaoundé 2 soa - Master 2 2012 |
CHAPITRE I : L'INDEPENDANCE DU JUGELe juge, encore appelé magistrat du siège, magistrat de jugement, désigne un ensemble de magistrats de carrière tous indépendants du ministère public chargés devant les juridictions administratives de rendre des jugements sur la base du droit.À ce titre, il est considéré non seulement comme la clé de voute de la décision de justice, mais aussi comme lepilier de la réalisation de l'équité du procès. Pour réaliser au mieux sa mission, le juge doit être indépendant non seulement vis-à-vis des autrespouvoirs publics mais aussi et surtout des parties au procès. Pour Franz MATSCHER, être indépendant signifie avant tout le fait de ne pas être soumis à des ordres ou à des instructions : telle l'obligation qu'aurait un juge de justifier devant une instance supérieure toutes les décisions qu'il a eu à prendre62(*). En effet, il s'agit d'une situation qui met le juge en état de prendre ses décisions uniquement sur la base du droit et suivant sa conscience.Cette indépendance se situe donc au fondement même de son office et doit être entendue comme le statut à lui conféré, lequel lui permet de rendre une décision impartiale, sans instructions ni pressions. De la sorte, elle garantit une bonne justice, une justice de qualité dans la mesure où on espère que la décision d'un juge libre ou affranchi sera impartiale. Ceci étant dit, il apparait que l'indépendance du juge n'est pas une fin en soi ; c'est plutôt un moyen pour atteindre une des finalités de la justice à savoir l'impartialité. De ce fait, l'indépendance sert à garantir l'impartialité du juge et même si cette dernière est plus large que la première63(*), l'indépendance est un préalable à l'impartialité64(*). Le juge Lamer le spécifiait déjà dans l'affaire Lippéen ces termes: « La garantie d'indépendance judiciaire vise dans l'ensemble à assurer une perception raisonnable d'impartialité; l'indépendance judiciairen'est qu'un «moyen » pour arriver à cette « fin ». Si les juges pouvaient être perçus comme impartiaux sans l'indépendance judiciaire, l'exigence d'indépendance serait inutile »65(*). Au Cameroun, le juge administratif n'a pas un statut qui lui est spécifiquement aménagé. De ce fait, il partage le même statut avec les magistrats de l'ordre judiciaire. C'est ce statutproclamé dans la constitution du 18 janvier 199666(*) qui assure son indépendance. En revanche en France, l'indépendance des magistrats de l'ordre administratif a été affirmée par une décision du conseil constitutionnel le 22 juillet 198067(*). Toutefois, il faut préciser que ce n'est pas tant la consécration du principe qui importe ici mais plutôt sa mise en oeuvre effective par la reconnaissance au juge d'un certain nombre de garanties statutaires aussi bien sur le plan personnel68(*) que sur le plan fonctionnel69(*). Ces garanties auront alors pour principal but d'affranchir le juge (section I)de toutes formes de pressions venant des autres pouvoirs publics afin de l'amener à rendre une justice impartiale(Section II). SECTION I : L'AFFRANCHISSEMENT DU JUGE VIS-A-VIS DES AUTRES POUVOIRS PUBLICSLa constitution camerounaise du 18 janvier 1996 a donné un regain de vitalité à la magistrature70(*) en la faisant passée « de l'autorité judiciaire au pouvoir judiciaire ».Cette consécration est importante pour assurer l'indépendance de l'institution. Toutefois, il convient de préciser que si le pouvoir judiciaire peut se contenter d'une consécration constitutionnelle du principe d'indépendance, il apparaît qu'elle est raisonnablement assurée qu'à partir du moment où le magistrat concerné bénéficie d'un certain nombre de garanties statutairement aménagées afin de lui permettre de se défaire des pressions externes et de se déployer librement dans son office. En effet, de ces garanties dépendent l'opérationnalité du principe et partant sa sanction. Ainsi, les États doivent prendre des mesures garantissant expressément l'indépendance du pouvoir judiciaire afin de protéger les juges contre toutes formes d'ingérences politiques dans leurs décisions. En principe, cela doit être fait par l'aménagement d'un statut71(*) visible au travers de la constitution ou par l'adoption des lois qui fixent des procédures claires et des critères objectifs en ce quiconcerne la nomination, la rémunération, la durée du mandat, l'avancement, la suspension et la révocation des magistrats ainsi que les mesures disciplinaires dont ils peuvent faire l'objet72(*). En droit positif Camerounais, les garanties dont dispose le juge administratif pour l'affranchir des autres pouvoirs publics ont une variété de sources ou alorssont contenues dans des textes73(*)de nature différente.Ces sources partent de la constitution au règlement. Ainsi, pour mieux les repérer, il conviendra d'identifier tout d'abord celles qui sont contenus dans la constitution(paragraphe I) avant de voir ce qui est prévu dans les textes infra constitutionnels (paragraphe II). * 62MATSCHER (F), « la notion de tribunal au sens de la Convention Européenne des Droits de l'Homme » in les nouveaux développements du procès équitable au sens de la convention des droits de l'homme, Bruxelles, BRUYLANT, 1996, p. 35. * 63 Ibid., p.36. * 64GUINCHARD (S), «Indépendance et impartialité du juge. Les principes de droit fondamental », in L'impartialité du juge et de l'arbitre. Étude de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 26. * 65R. c. Lippé, [1991] 2 R.C.S. 114, p. 139 et s. * 66 Article 32 (2) et (3) « Les magistrats du siège ne relèvent dans leurs fonctions juridictionnelles que de la loi et de leur conscience ». « Le Président de la République est garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire. Ilnomme les magistrats. Il est assisté dans cette mission par le conseil supérieur de la magistrature qui lui donne son avis sur les propositions de nomination et sur les sanctions disciplinaires concernant les magistrats du siège ». * 67 N°119 DC, RDP 1980, 1658. Note de JEULAND (E.), Droit Processuel, Paris, LGDJ, 2007, p. 199. * 68Les garanties statutaires au plan personnel concerne notamment le mode de nomination et la discipline des magistrats et doit révéler en principe « l'absence de lien entre le pouvoir exécutif et les autorités judiciaires ». Voir CEDH, arrêt du 9 novembre 2006, « Société Sacilor-Lormines c/ France », Req. n° 65411/01, p.59. * 69 Le plan fonctionnel implique quant à lui, que les membres de la juridiction bénéficient de garanties en vertu desquelles ils ne puissent : « ne recevoir ni pressions ni instructions dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles ». Voir CEDH, arrêt du 9 novembre 2006, « Société Sacilor-Lormines c/ France », Req. n° 65411/01, p.67. * 70 ABA'A OYONO (J-C), « Les mutations de la justice camerounaise à la lumière du développement constitutionnel de 1996 », Revue Africaine des Sciences Juridiques, vol. 1, n°1, 2OOO, p.10. * 71C'est à dire l'ensemble des règles qui définissent les droits et obligations applicables au corps de la magistrature. * 72Observations finales concernant la Slovaquie, CCPR/C/79/Add.79 (1997), p. 18. * 73 Les textes dont il s'agit sont :la constitution, la loi portant organisation et fonctionnement du CSM, le décret portant statut de la magistrature en enfin le décret portant SGFP. |
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