3/ Les enjeux culturels de la pêche
Le développement de la pêche maritime artisanale
au Sénégal reste confronté à de nombreuses
contraintes d'ordre culturel liées à des pratiques
mythico-religieuses. En effet, certains pêcheurs de peur d'être
considérés comme un non initié refusent toutes formes
d'innovation venues de l'administration publique des pêches maritimes,
comme le refus de port du gilet de sauvetage occasionnant des pertes de vies
humaines nombreuses en cas d'accident en mer.
4/ Discussion sur le lien entre ingénierie
sociale et les résultats
9 Source : Monographie sur la pêche et la forêt et la
stratégie de la croissance accélérée, grappe
pêche et aquaculture, 2007.
10 Le GIE est constitué par deux ou
plusieurs personnes physiques ou morales et met en oeuvre pour une durée
déterminée, tous les moyens propres à faciliter ou
à développer l'activité économique de ses membres,
à améliorer ou à accroître les résultats de
cette activité.
11 Jean-Pierre Olivier de SARDAN, Anthropologie et
développement, Essai en socio-anthropologie du changement social,
Editions Karthala, 1995, p.224.
7
Le déroulement du processus de diffusion fait remarquer
que l'offre d'innovation, est une initiative exogène au milieu des
pêcheurs.
Bien qu'il semble que des modifications aient
été apportées au modèle initial des pratiques de
pêche, on assiste depuis son introduction, à un processus
d'adaptation et de réinvention de la technique et de la méthode
qui ont connu de vives résistances de la part des pêcheurs
débouchant ainsi à des conflits.
En effet, après l'analyse des résultats des
données des entretiens et en s'appuyant sur le cadre théorique de
la sociologie de la traduction, il m'est apparu indispensable de créer
une relation de confiance entre les différents acteurs impliqués
dans la gestion des pêcheries.
En citant Vincent de Gaulejac, Michel Bonetti, Jean
Fraise12 dans l'ingénierie sociale « Les conflits sont
inhérents à toute vie sociale, ils contribuent même
à son développement, ils ne sont donc pas nécessairement
positifs. Une situation devient réellement problématique
lorsqu'il n'existe pas de système de régulation de conflits, de
règles partagées par les membres d'une collectivité et
d'instances de négociation des problèmes, d'institutions ou des
personnes pouvant jouer un rôle de médiation entre les parties
sont en présence ». Cette assertion me parait assez
intéressante, car on sait qu'un projet, qu'une politique publique, c'est
un système d'action. Cela demande qu'un ensemble d'acteurs ayant des
intérêts (même différents) à ce que ça
fonctionne : les bénéficiaires, les agents du projet, la tutelle,
les bailleurs, etc.
Par ailleurs, pour créer la confiance, il suffit de
gérer les conflits entre les groupes d'acteurs et en tirer les
conséquences de l'innovation. Dans certains cas, surtout lorsqu'on
propose des choses innovantes, c'est le projet lui-même qui doit
permettre de réaliser l'intéressement et l'enrôlement des
acteurs.
Pour cela, il me parait nécessaire d'écouter
tout le monde sans exception et considérer les avis des uns et des
autres. Le rôle des chefs religieux peut alors de fournir aux
décideurs publics et aux autres acteurs concernés, des outils
d'aide à la décision. Mais ces données sont rendues
12 Vincent de Gaulejac, Michel Bonetti, Jean Fraise,
L'ingénierie sociale, Alternatives, 1989, 177 pages.
8
publiques au cours des cérémonies religieuses
comme les gamous13 et les magals,14 ou dans les dahiras,
afin de permettre à chacun de s'approprier des recommandations du
guide.
En partant de mes premières analyses, je
privilégie ici une interrogation qui fut aussi la trame de mes
entretiens : les articulations entre les différents acteurs intervenant
dans ce secteur et la cohabitation entre l'administration et les
pêcheurs.
De peur d'être dépossédés de leurs
croyances et mysticismes, les pêcheurs s'opposent à toute
innovation dans leur secteur, c'est pourquoi j'ai tenté de comprendre
leurs pratiques culturelles en allant à leur rencontre.
|