Annexe 6 - Entretien d'une enseignante de moyenne
section
Leslie : Bonjour, nous allons te demander de te présenter
dans un premier temps.
Aurore : Aurore Carvalho, professeure des écoles depuis
8 ans maintenant, enseignante donc en moyenne section, à l'école
maternelle Racine au Mée-sur-Seine.
Leslie : Est-ce que tu as des méthodes de travail
particulières ?
Aurore : Oui, alors j'ai beaucoup évolué, j'ai
beaucoup cherché de mon départ à maintenant parce que je
fais beaucoup de recherches en parallèle déjà et puis
suite aux animations pédagogiques et puis aux différentes aides
que l'on a de par l'éducation nationale. Mes méthodes
spécifiques, alors c'est spécifique à la maternelle
puisque de toute façon vous allez bien le voir et l'avez sûrement
déjà vu la maternelle et l'élémentaire c'est un
monde phénoménale entre les deux donc on ne peut pas parler de
même méthode du tout. Euh moi, en ce moment avec mes moyennes
sections, bien sûr que j'ai des méthodes spécifiques et en
l'occurrence en ce moment depuis deux ans, dans notre école, on est
parti sur des méthodes de diversifications pédagogiques et euh
surtout, on est parti sur les méthodes de Montessori et Freinet,
ça vous parle ?
Salomé et Leslie : Oui.
Aurore : Donc voilà, ce sont des méthodes que
l'on a un peu travaillé, on n'a pas pris que ça parce que moi
ça ne me convient pas totalement à 100% mais on est parti de
ça et on l'a un petit peu travaillé à notre façon.
Il faut dire que nous ici, on a un public social compliqué, on est en
ZEP, REP, nos petits viennent de milieux sociaux qui est en grande
difficulté. Donc les méthodes aussi euh, changent et
évoluent selon les publics. Moi je ne travaille pas pareil avec une
école à Fontainebleau et une école ici, clairement. Donc
les méthodes spécifiques oui, méthodes de
différenciation alors je vais vous montrer. (Si vous voudrez faire des
photocopies vous me direz il n'y a pas de problème). Alors ça
c'est ce que l'on appelle notre cahier de brevet. « Ce cahier regroupe
tous les brevets de l'année de moyenne section, à chaque
activité pratiquée en classe, le tampon du jour est
imprimé sur le brevet. Le brevet témoigne des activités
menées en maternelle et des niveaux de compétence acquis par les
enfants. Le brevet constitue une trace des apprentissages, une trace de toutes
ses activités invisibles (parce qu'en fait on travaille très peu
sur fiche, c'est beaucoup manuelle donc c'est par photo) et indispensable
à la maternelle dont on a parfois du mal à rendre compte. Les
brevets sont faits
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avant tout pour les élèves, ils sont
illustrés par des photos d'activités prises en classe ou par des
dessins qui expliquent le travail à mener. Ils permettent une
individualisation du travail en fonction de chaque élève (c'est
là où je vous parle de la différenciation). Quand
l'élève est allé aussi loin que possible dans un atelier,
les bandelettes correspondantes sont collées dans le cahier de brevet
tandis que les brevets en cours sont rangés dans une pochette. Le brevet
donne à l'élève à voir, à penser ce qu'il
sait faire. Il peut se situer dans les apprentissages et appréhender ses
progrès quel que soit ses compétences « voilà ce que
j'ai appris, voilà ce qu'il me reste à apprendre ». Les
brevets permettent une évaluation fine des compétences acquises
ou en cours d'acquisition ainsi que du degré d'autonomie de chaque
élève ». En gros, à chaque compétence,
l'objectif et la compétence est inscrite ici, et elle est progressive.
Les étoiles correspondent au degré. En fait, le but est que
chaque élève arrive à valider au moins une étoile
et c'est de ne jamais le mettre en échec, d'où la
différenciation. Si je le mettais tous sur ardoise, j'en aurais un quart
qui n'y arriverait pas du tout, un quart et demi qui me ferait n'importe quoi
alors que là dans chaque compétence, je décline une sous
compétence pour que chaque élève, quel que soit le niveau
ne soit jamais en échec. Alors c'est compliqué, d'où la
différenciation pédagogique. Il faut beaucoup de matériel,
chaque groupe, élève, n'est pas du tout dans la même
activité mais l'objectif reste le même par contre. Ils ont tous un
objectif, là on était sur les lignes verticales, le but
étant de pouvoir tracer des lignes verticales (elle nous montre le
cahier de brevet d'un élève), quel que soit le moyen, il y en a
qui le faisait à la peinture, il y en avait qui le faisait avec le sable
et d'autres sur ardoise.
Voilà mes méthodes, mes méthodes de
différenciation. Alors c'est sûr il n'y a pas encore beaucoup
d'enseignants qui font ça, c'est beaucoup plus simple de tous les mettre
sur ardoise ou sur fiche et après tant pis s'ils y arrivent pas. Moi mon
but c'est que mes élèves soient en réussite, quel que soit
le niveau. Là, n'importe qui, même mon élève qui est
arrivé et qui ne parlait pas français, il était capable de
faire un point de peinture, que la peinture dégouline et qu'il puisse
s'apercevoir que ça engendrer une ligne verticale. Alors c'est un boulot
monstre, parce que c'est à la maison, c'est imprimer avec mon budget
personnel, c'est cartouches de couleurs, à chaque activité je le
fais en avance, prendre les photos pour pouvoir leur présenter à
chaque activité ils ont leur brevet. Voilà ça prend du
temps mais moi je vois les avantages depuis que je suis sur cette
méthode-là. Mes élèves ont beaucoup plus confiance
en eux, ils ne sont plus du tout dans l'échec, j'en ai pas un seul qui
me dit « je n'y arrive pas » parce que mon premier pallier, toute la
classe est censé y arrivé et y arrive et en plus, ils sont dans
la perspective du progrès. Ils ont fait le point vert ici, ils savent
que le but est d'arriver le plus
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loin possible, ça leur donne un challenge donc
ça les motive et leur donne du sens. Donc chaque activité est
photographié et progressive, j'essaye, je n'en ai pas encore dans tous
les domaines comme en sport ou j'en ai pas encore, sur l'écrit l'oral et
la phonologie, on a balayé pas mal le programme. Si vous voulez prendre
des photos je peux vous laisser le faire il n'y a pas de problème. La
compétence sur les grandeurs à ranger du plus petit au plus
grand, de 3, 4, 5, 6, voilà là il n'a pas réussi à
aller jusqu'à 6 mais au moins il a réussi à aller
jusqu'à trois. Donc voilà pour la méthode en
général.
Ensuite ce que je peux vous dire, en dehors des
activités de compétences et d'objectifs qui sont là, en
parallèle j'ai mis en place des ateliers autonomes. Ce sont les bacs
verts que vous pouvez voir derrière vous. Ce sont que des
activités de motricité fine pratiquement. Donc ce sont les
ateliers de Montessori pur. En fait, à chaque début, fin, enfin
quand ils veulent, ils peuvent prendre un bac vert et s'asseoir pour le faire.
Ça c'est une méthode aussi que j'ai mis en place qui évite
les « tout le monde s'en va et tout le monde va jouer au coin cuisine...
». Au moins ils savent qu'à chaque fois ils peuvent prendre un bac
et ça désenclave un peu la classe.
Leslie : Mais donc ce n'est pas trop le désordre parce
que je vois qu'il y a des pâtes, du riz, de la semoule ?
Aurore : Alors c'est un travail de longue haleine en
début d'année mais maintenant ils ont bien compris et ils ont
chacun un coin, ils me demandent et ça se passe plutôt bien. Alors
tout ça c'est pareil, il n'y avait rien quand je suis arrivée,
c'est moi qui met en place tout doucement.
Donc voilà, comme outils, ils ont leur cahier de
brevet, ils ont leur cahier de comptines et puis ils ont le classeur. Alors le
classeur c'est par groupe, il y a 4 groupes dans ma classe, qui sont par
couleur car, comme je fais tout en couleur, fois 25, je me suis dit bon je n'ai
juste pas fini quoi. Donc du coup c'est par groupe et en fait ils tournent, je
le donne le plus souvent à chaque élève du groupe qu'il me
le ramène. Donc ça c'est toutes les activités que
j'explique, c'est pareil vu que l'on a très peu de fiches. Je
détaille tout, avec les compétences, les photos de chaque
élève et les photos de la vie de classe. Vous pouvez jeter un
oeil.
Salomé : Et les 4 groupes ça correspond à
quoi ?
Aurore : Alors c'est complètement
hétérogène, ce n'est pas du tout des groupes de niveaux,
ce sont des groupe un peu au hasard, dans le sens où j'ai quand
même par exemple séparé les
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garçons à séparer mais ce sont vraiment
des groupes hétérogènes. Je ne voulais pas des groupes de
niveau et quand j'en ai besoin j'en fais, j'éclate les groupes et j'en
fais, moi mais voilà là ce ne sont pas des groupes de niveau.
Voilà ce que je peux vous donner aussi c'est mon emploi du tout que je
pourrais vous envoyer par mail car ma méthodologie se fait vraiment par
rapport à l'emploi du temps, notre créneau de motricité,
notre créneau de sport. Si vous avez besoin de quelque chose,
n'hésitez pas.
Leslie : D'accord merci beaucoup. Et j'aurais voulu savoir
s'il y avait des élèves qui sont vraiment en difficulté
?
Aurore : Oui. Alors voilà des élèves en
grande difficulté j'en ai pas mal parce que j'en ai beaucoup des
non-francophones déjà et qui ne savent pas parler et ne
comprennent pas le français. Donc pour ces élèves
là justement, les brevets avec photos ça les aide beaucoup parce
qu'ils ont des repères visuels vu qu'ils n'ont pas de repère
langagier. Et puis on a l'APC, l'aide personnalisé
complémentaire, donc on les prend 30 minutes chaque jour pendant la
pause méridienne et ils reviennent un peu plus tôt. Donc moi j'en
prends 3-4 et là c'est un travail beaucoup plus spécifique,
où ils sont en petit groupe et on reprend en général des
compétences travaillées en classe qui n'ont pas été
complètement acquise.
Leslie : D'accord merci et aussi, est-ce que si un
élève n'a pas acquis une compétence, il vous arrive de
revenir dessus plus tard dans l'année pour tenter qu'ils
réussissent ?
Aurore : Oui bien sûr, de temps en temps je reviens
dessus afin qu'ils finissent par l'acquérir, avec le temps des fois
ça paye.
Salomé et Leslie : D'accord merci beaucoup.
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Cahier de brevet d'un
élève
Ateliers autonomes type Montessori (semoule,
pâtes, perles, jeu de mosaïque, jeu des pinces à
linge...)
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