5.2 Une décentralisation
effective
Il est généralement admis que la
décentralisation offre des possibilités auxquelles les
différents acteurs peuvent accéder. Le pouvoir local de
décision de la commune, dotée d'une économie
financière et administrative minimale guide la gestion urbaine. Les
villes de l'AMP qui ne sont autres que les communes du département de
l'ouest ne sont pas toujours capables d'assurer la gestion des affaires
locales.
Cependant, l'article 66 de la Constitution de 1987
stipule : « La Commune a l'autonomie administrative et
financière »---Ce prescrit offre à cette
collectivité territoriale l'aptitude légale à prendre des
décisions, ou à poser des actes, en vue de générer
des ressources propres (taxes et impôts localement perçus)
destinées à financer son fonctionnement. Cependant, l'exercice
de cette compétence ne permettrait pas d'atteindre l'effet
escompté si les taxes et impôts communaux, dûment
collectés, ne suffisent pas à garnir les caisses des
Collectivités territoriales.
L'autonomie financière s'entend de la capacité
de toute entité publique et privée, dotée de la
personnalité morale et juridique, de disposer de ressources propres et
suffisantes, de pouvoir les gérer en toute liberté en fonction
des besoins locaux. Le fisc repose sur la capacité de mobiliser,
notamment par les ressources nécessaires à la construction des
pouvoirs locaux, dans l'intérêt des populations et pour le
développement.
Tony Cantave exhibe le phénomène de
l'emboitement dans les relations entre les collectivités dans son
texte :''Décentralisation en Haïti :
territorialisation des politiques publiques et initiatives de
développement local''. Il précise que :
« La Constitution de 1987 a retenu trois (3)
Collectivités Territoriales (art, 61). Elle a établi en
même temps trois (3) types. Aux Départements elle a
octroyé la personnalité morale (77) ; aux Communes elle leur
a accordé l'autonomie administrative et financière, qui est un
des attributs de la personnalité morale. Elle est muette quant au
statut de la Section Communale et quant à sa définition
même comme Collectivité territoriale (art.62) ; elle pose
problème : elle n'a été identifiée, comme
à l'accoutumée, que comme circonscription administrative
(art.9-1). Par contre, la Constitution, en ce qui concerne les
prérogatives des Collectivités territoriales dans le cadre de
l'Etat Unitaire décentralisé qu'elle prescrit, notamment à
l'article 218, n'établit aucune différence entre elles.
La Constitution établit des relations fonctionnelles
entre les catégories et niveaux de Collectivités Territoriales.
Chaque Conseil Exécutif est assisté d'une Assemblée
délibérante (art. 63.1, 67 et 80) pour le bon fonctionnement de
la gouvernance locale. En effet, le Conseil Municipal rend compte à
l'Assemblée Municipale qui elle-même en fait rapport au Conseil
Départemental (art.73). En ce qui concerne la Collectivité
Territoriale Départementale, le Conseil rend compte à
l'Assemblée qui elle-même fait rapport à l'Administration
Centrale (art. 83).
Le silence est pesant en ce qui concerne les relations entre
les Collectivités Territoriales de Sections Communales et la
Collectivité Territoriale Communale. Et ceci se comprend aisément
puisque traditionnellement la commune est composée du bourg ou de la
ville et de ses sections rurales (cf. les décrets et lois
régissant la commune depuis 1843 jusqu'au décret du 22 octobre
1982).
Or, toute l'histoire d'Haïti est marquée par la
Centralisation assise sur l'autoritarisme. Concentrer le pouvoir, l'avoir et le
savoir au niveau de la Capitale et des métropoles de province entre les
mains de quelques groupuscules de nantis a été l'exercice le plus
réussi exécuté par les dominants sans cesse
harcelés par des rébellions paysannes, des flambées de
régionalisme.
L'occupation américaine a facilité le
renforcement de la centralisation par la création de l'armée
d'Haïti et l'institutionnalisation administrative. Puis vint la dictature
des années 60-80 qui représente l'apogée de la
centralisation. Les luttes pour la démocratie eurent raison de ce
régime de fer et les revendications des exclus trouvèrent un
écho favorable dans la Constitution 1987 qui préconise la
décentralisation comme un nouveau mode d'organisation de l'État,
la concertation et la participation comme principe d'intégration sociale
et la démocratie comme méthode de gouvernement.
La Constitution de 1987 en son titre V Chapitre I traite
des Collectivités Territoriales et de la Décentralisation en ses
articles 61,62 et suivants...
La Décentralisation est présentée non
seulement comme un outil technique et administratif de gestion, des services
publics mais également comme un mode d'organisation de l'État, de
la société et de l'espace. « Elle doit être
accompagnée de la déconcentration des services publics avec
délégation de pouvoir et du décloisonnement industriel au
profit des départements. »
L'objectif de la décentralisation est d'asseoir la
démocratie participative, de généraliser la fourniture des
services de base aux populations locales, régionales par la
présence de l'État sur l'ensemble du territoire ; de
responsabiliser les différents paliers de l'Etat dans l'exécution
des affaires tant nationales que propres ; de favoriser le
développement économique, social et culturel du pays. Bref,
d'atteindre l'optimum politique et social.
Le fondement de la décentralisation est le changement
de l'État pour faire face aux défaillances du système de
concentration de pouvoirs et répondre aux demandes d'autonomie locale et
de promotion d'affaires propres ; son principe est l'autonomisation, la
localisation ou la régionalisation des affaires, l'esprit qui l'anime
est l'esprit de service, de proximité, d'efficacité et de
participation au plan national et local.
Les éléments constitutifs de la
Décentralisation sur lesquels s'entendent généralement les
auteurs sont les suivants : le transfert de compétences et de
moyens d'action ; la personnalité morale et juridique dont sont
dotées les Collectivités et qui réfère aux affaires
locales, aux affaires propres ; l'intervention d'autorités locales
élues pour la gestion autonome des affaires locales ; le
contrôle du pouvoir central sur les instances
décentralisées ; le découpage territorial.
En outre, la Constitution prescrit trois niveaux
d'administration territoriale, trois collectivités que sont la Section
communale, la Commune et le Département.
Les organes de la section communale sont le Conseil
d'Administration de la section communale (CASEC) et l'Assemblée de la
Section communale (ASEC). Ceux de la commune sont le Conseil Municipal (CM) et
l'assemblée municipale(AM) et ceux du Département s'appellent
l'Assemblée départementale(AD), le Conseil départemental
(CD) et le conseil interdépartemental(CID).
La Constitution adresse l'autonomie administrative,
financière et technique des Collectivités ainsi que le
contrôle administratif et juridictionnel dont elles sont l'objet de la
part de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux
Administratif.
Elle statue également sur les contrôles
horizontaux des conseils municipal et départemental par
l'assemblée correspondante.
L'État partage avec les Collectivités
territoriales des compétences et définit avec elles certaines
relations. Les assemblées municipales et départementales font
des choix de personnalités à nommer respectivement au poste de
juge de paix et de juge des Tribunaux civils et des Cours d'Appel.
Les Assemblées départementales en concours avec
les Pouvoirs exécutif et Législatif et la Cour de Cassation
participent à la nomination des membres du Conseil électoral
permanent.
Dans le domaine de l'éducation
« l'administration centrale développe un véritable
partenariat avec les collectivités territoriales...Aux termes des
articles 32.1, 32.2, 32.4, 32.7, 32.9. L'État et les
Collectivités doivent mettre l'école gratuitement à la
portée de tous. Ils endossent la responsabilité de promouvoir la
scolarisation massive, l'alphabétisation et l'enseignement
professionnel, agricole, coopératif et technique.
La Constitution de 1987 a disposé pour que
l'État unitaire d'Haïti soit décentralisé. Depuis le
13 mai 2011, le texte de la constitution amendée par la
49ème législature a paru dans le journal officiel le
Moniteur. Cependant, au moment de la mise en chantier de la
décentralisation, toute une problématique est dressée pour
en questionner les avantages et les inconvénients.
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