Presse congolaise et son financement( Télécharger le fichier original )par PASSI BIBENE Senghor dà¢â‚¬â„¢Alexandrie - Master 2013 |
Environnement technologiqueConnecté à Internet depuis 1999, le Congo a une des connectivités Internet les plus faibles d'Afrique. Selon un rapport de l'Agence de régulation des postes et communications électroniques (ARPCE), le nombre d'abonnés à Internet au Congo en 2009 s'élevait à 14 996 (ARPCE, Point d'échange Internet au Congo, Brazzaville mai 2011 sur www.arpce.cg), soit, en 2008, 4 % de la population utilisant Internet selon un rapport de l'ambassade des USA en République du Congo (brazzaville.usembassy.gov). Outre l'infrastructure insuffisante (voire inadéquate), cette faible connectivité pourrait aussi s'expliquer par le coût d'accès à internet dans le « cybercafé » (500- 1000 F CFA l'heure) auquel il convient d'ajouter le fossé (numérique) entre les grandes agglomérations et les compagnes. Niveau de connectivité de quelques pays africains Source : Arpce Pour pallier cette faible connectivité, le gouvernement s'est engagé à déployer des infrastructures de télécommunications de haut débit. Une volonté politique se traduit par un projet de réalisation d'un backbone national en fibre optique et de son interconnexion avec le reste du monde (projet de câbles sous-marins WACS). Mais pour l'heure, la mutation au numérique ne semble concerner que très peu de médias congolais. Très peu d'entreprises de presse congolaises ont une édition en ligne, à l'exception des Dépêches de Brazzaville (www.brazzaville-adiac.com), La semaine africaine (www.lasemaineafricaine.com/), Talassa (www.talassa.org/) et/ou d'autres rares portails officiels d'informations tels que Congo site (www.congo-site.com/), Congo page (www.congopage.com). Des jeunes radios comme Radio Forum (www.frtdh.org/) et radio Mucodec (www.mucodec.com) se sont lancées comme pionniers en la matière grâce à leurs sites Web ou certains de leurs programmes auxquels on peut avoir accès en ligne grâce à la norme Digital Audio Broadcasting qui est aujourd'hui en vogue dans le monde entier. Pour résorber le problème de l'occupation anarchique des ondes qui oppose le Congo-Brazzaville au Congo-Kinshasa, chaque station de radio et de télévision devait déjà envisager l'abandon de l'analogique au profit du numérique. La mutation technologique en cours place les médias face au défi du numérique. Et l'Union Internationale des Télécommunications (UIT) veut accompagner tous les pays à relever ce défi sur le plan radiophonique. À ce sujet, l'échéance est fixée en 2015 pour la bande UHF et en 2020 pour la bande VHF (Balima Dimitri Régis, 2010). Pour le Centre international des radios et télévisions d'expression française (CIRTEF), le passage au numérique facilitera l'organisation d'une exploitation qui correspond à l'environnement et limitera le phénomène de la piraterie. « Le Continent rattrapera le standard qualitatif international et diminuera les échecs de diffusion internationale de contenus, non pour des raisons de sujets ou de langage audiovisuel mais pour des raisons purement techniques. Le numérique aidera aussi à résoudre le problème de la conservation des images et des possibilités de réutilisation. Le Web est un autre atout pour les TV africaines. Forte d'une grande proportion de jeunes, l'Afrique et en particulier les médias se doivent d'investir le net, penser à l'importance des formations et mieux développer l'interaction avec le public notamment en utilisant à bon escient les contenus générés par les utilisateurs »16(*). Malheureusement, à l'heure où les opportunités technologiques offertes par Internet ont donné aux publics la possibilité de bousculer la position dominante hégémonique 17(*) bénéficiaient traditionnellement les journalistes, et à la lumière de l'analyse de Pierre MINKALA-NTADI sur l'appropriation de l'Internet dans la presse congolaise, on peut soutenir que le voeu du CIREF est loin de se réaliser au Congo. En effet, sur la question de l'interactivité avec les publics, Pierre MINKALA-NTADI est parvenu à la conclusion que les médias congolais en ligne refusent volontairement d'intégrer des dispositifs d'interactivité dans leurs différents sites d'informations. Pour expliquer ce refus, il indique que « la dominance du champ politique induit le rejet du participatif ». Ainsi écrit-il : « Dans la presse occidentale, l'évolution de la diffusion en ligne s'est également traduite par la mise en oeuvre des dispositifs sociotechniques d'interactivité, tels que les commentaires, les blogs, les forums, les chats, le partage sur les réseaux socionumériques (Facebook, Twitter, etc.). Ces dispositifs, qui sont favorisés autant par les mutations du numérique que par la demande sociale (Aubert, 2011), connaissent une réception assez mitigée au niveau des entreprises de presse congolaises que nous avons étudiées. Deux attitudes principales se dégagent à ce sujet. La première consiste dans une semi-intégration de ces dispositifs sur les sites Internet des journaux, où ils jouent une fonction d'alertes sur les réactions des publics par rapport à l'information publiée par le titre. La seconde attitude consiste dans le rejet pur et simple de ces dispositifs d'interactivité. Le rejet des dispositifs d'interactivité est donc lié au fait que, dans la société congolaise, le traitement de l'actualité semble être fondé sur la dominance du champ de l'action gouvernementale. C'est ce que le chercheur bolivien Luis Ramiro Beltràn S. appelle « l'élitisme », c'est-à-dire « la croyance en un ordre social naturel commandant la prédominance des uns et l'obéissance des autres » (Beltràn, 1978, p. 75). Il s'agit ici de la prédominance du champ de l'action gouvernementale, dont le discours se présenterait comme l'unique cadre social (Goffman, 1991) d'appréhension de toute la réalité congolaise. Dans ce cadre précis, l'information diffusée par la presse se confondrait avec le discours officiel des gouvernants ou de l'ensemble des acteurs de la classe politique au pouvoir. La presse ne serait alors qu'une simple caisse de résonance des institutions gouvernementales »18(*). Au-delà de ce rejet motivé par la crainte des débordements des internautes et surtout des réactions des pouvoirs politiques, MINKALA-NTADI a épinglé, en plus du fait qu'Internet est « Une technologie financièrement discriminatoire pour la presse congolaise », un manque de compétences de la part des professionnels des médias qui utilisent Internet. Dans ce sens, il fait l'observation suivante : «Le traitement de l'information généré par l'usage d'Internet pose un problème de compétences au niveau des professionnels de la presse. Car, pour produire une information multimédiatique, il faut acquérir d'autres compétences techniques, c'est-à-dire d'autres savoir-faire, d'autres manières de faire, mais aussi d'autres supports de diffusion, puisqu'il s'agit de passer du papier à l'écran (Ollivier, 2007). Le changement d'écriture implique ainsi un changement de compétences professionnelles. Cette réorganisation exige alors des moyens tant humains que matériels conséquents. Et l'acquisition de ces moyens passe par une mobilisation de ressources financières.»19(*) Dans ce registre, la conséquence c'est que les acteurs des médias au Congo se sont approprié « Internet comme un support de diffusion plutôt qu'un mode d'écriture de l'actualité»20(*). Il appartient donc d'une part aux dirigeants de saisir les avantages du numérique (dans la gestion des fréquences ou en matière de télévision numérique terrestre) et aux journalistes d'autre part de s'adapter à l'horizontalité qu'impose le web-journalisme. Il ne s'agit ni de se mettre à la marge ni de céder aux illusions technologiques, mais de faire des choix adaptés au développement auquel le Congo aspire. * 16 CIRTEF, Produire plus et mieux Les défis des Radios Télévisions Africaines, Bruxelles, septembre 2011; p.9 * 17 « Si la tendance à la monopolisation de la relation « presse-publics » par les acteurs de l'action gouvernementale influe fortement sur l'appropriation professionnelle des dispositifs d'interactivité au niveau des journaux congolais, c'est parce que ces dispositifs sont porteurs d'un contrat de conversation (Granier, 2011). Ce contrat de conversation s'appuie sur « une idéologie, une vision des rapports humains et sociaux, en affinité avec les mythes fondateurs d'Internet tels que l'horizontalité, la réciprocité, la liberté » (Pynson, 2011, p. 64). L'horizontalité de la relation est bel et bien une caractéristique des interactions sociales promues par le mythe de la « société de l'information », en s'appuyant sur le type de relation ayant caractérisé « les pionniers de l'internet qui se considéraient comme "une communauté d'égaux où le statut de chacun repose sur le mérite évalué par les pairs" » (Granjon, 2001, p. 11). La mise en oeuvre d'une horizontalité de la relation dans les interactions sociales induit donc une remise en cause du mode de fonctionnement « traditionnel » de la société, qui est plutôt fondé sur la verticalité de la relation qu'implique la hiérarchisation des statuts, rôles et fonctions dans les différentes organisations sociales. Et c'est sous ce mode d'organisation sociétale fondée sur la verticalité de la relation dans les interactions sociales que s'inscrit le fonctionnement « traditionnel » de la presse. Aussi la relation « presse-publics » était-elle une relation verticale, voire surplombante, les professionnels de la presse se présentant comme des experts (pédagogues) d'un savoir à transmettre à un public supposé être en situation d'apprentissage (Mehl, 1996). Ce qui plaçait les professionnels de la presse dans une position dominante hégémonique (Hall, 1994) qui, du reste, renvoyait à la supposée omnipuissance des médias. Or, cette position dominante hégémonique se trouve aujourd'hui contestée par les publics ». Pierre MINKALA-NTADI, L'appropriation professionnelle d'Internet dans la presse congolaise, Article inédit. Mis en ligne le 9 avril 2013, Les Enjeux de l'information et de la communication http://w3.u-grenoble3.fr/les_enjeux 2013 Vol. 14 * 18 Pierre MINKALA-NTADI, L'appropriation professionnelle d'Internet dans la presse congolaise, Article inédit. Mis en ligne le 9 avril 2013, Les Enjeux de l'information et de la communication http://w3.u-grenoble3.fr/les_enjeux 2013 Vol. 14 * 19 Opcite * 20 « Tous les autres journaux que nous avons abordés et qui diffusent actuellement en ligne, connaissent presque le même fonctionnement, tout au moins en ce qui concerne l'écriture de l'actualité mise en ligne et le mode d'accès : uniquement centré sur le texte et l'image fixe, le contenu est partout offert gratuitement aux publics. La seule différence que nous avons pu observer se situe au niveau des modalités de mise en ligne : si Les Dépêches de Brazzaville et La Semaine Africaine ont opté pour une transposition intégrale sur le Web du fichier PDF de l'édition papier, les autres journaux, tels que Le Patriote et Talassa, se limitent simplement à la transposition des rubriques papier sur le Web. Ainsi, au niveau du Patriote, par exemple, on ne trouvera pas en ligne toute la maquette du journal tel qu'il se présente en imprimé, mais plutôt toutes les rubriques du journal correspondant à l'ensemble des rubriques de l'édition papier en cours, avec le même contenu. En ce qui concerne Talassa, l'information mise en ligne ne semble pas suivre la même périodicité que l'édition papier, qui se présente tantôt comme un hebdomadaire, tantôt comme un bihebdomadaire ; on n'y retrouve pas non plus d'illustration, contrairement à l'édition papier qui associe le texte à l'image ». Pierre MINKALA-NTADI |
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