collectif et approche cognitive.
Hatchuel(1994) définit l'innovation comme un «
processus d'apprentissage collectif », une « création
collective organisée dans le temps et l'espace, en vue d'une demande
» OCOSIP (1993, cité par Fernez-walsh et Romon, 2006). Bien plus,
il s'agit selon Garel et Midler (1995), d' « une heuristique ouverte qui
met aux prises d'une part des individus tendus vers la finalité,
projetant des valeurs et des représentations, et d'autre part un
contexte physique et social; transformé par l'intervention mais qui
répond, surprend et transforme en retour la trajectoire du concepteur
». Nous pouvons envisager le processus
G. DONGMO ; Mémoire de MII en Sciences de Gestion-
Institut d'Administration des Entreprises, Nantes, France Page 31
L'évaluation de la performance de la recherche et de
l'innovation dans les laboratoires universitaires.
d'innovation comme une production et diffusion des
connaissances nouvelles qui peuvent être de nature tacite et/ou explicite
(Nonaka et Takeuchi; 1995).
La production et le transfert des connaissances
nouvelles peuvent être perçus comme une stratégie
de développement continuellement reproduites qui pourraient à
terme permettre (aux organisations de toute nature ayant les moyens de saisir
les opportunités) d'être en phase avec les exigences de la
compétitivité, dans une économie mondiale guidée
par l'innovation, donc des connaissances sans cesse nouvelles
(actualisées). Ainsi nous pouvons qualifier cet état de fait par
ce que (Garel, Giard et Midler, 2006) appellent « stratégie
d'offres innovantes (SOI) ». Cette « bataille sur le terrain de
l'esprit » (E. Morin) nécessiterait une refonte des critères
de performance des laboratoires universitaires pour être d'avantage en
adéquation avec la « compétitivité de l'intelligence
». Ceci nous pousse vers un questionnement sans doute pertinent concernant
la gestion des connaissances créées:
· Comment manager les connaissances produites dans
l'optique de les approfondir, les perfectionner et/ou les réutiliser
pour la création des connaissances nouvelles?
· Comment tirer le meilleur parti possible des
connaissances créés(ou même des idées nouvelles)
indispensable à la R&D et à l'innovation?
Toutes ces interrogations pouvant faire l'objet de moult
réflexions sans doute intéressantes. Mais, que nous n'entendons
pas aborder dans le cadre de ce travail. Cependant nous en ferons
brièvement allusion dans le travail.
Selon Nonaka et Takeuchi(1995), la création des
connaissances organisationnelles est la clé par laquelle les
organisations se distinguent en matière d'innovation. En
conséquence, les deux aspects sont mutuellement inclusifs à
savoir la création des connaissances et son «
évolutivité »et jouent un rôle
prépondérant dans la SOI. Il serait de ce fait paradoxal de ne
pas maitriser une approche dynamique de la capitalisation de ces connaissances.
Autrement, la mise en place ou l'amélioration des dispositifs
organisationnels susceptibles de faire avancer ces connaissances paraît
indispensable (Garel; Giard et Midler, 2006)
G. DONGMO ; Mémoire de MII en Sciences de Gestion-
Institut d'Administration des Entreprises, Nantes, France Page 32
L'évaluation de la performance de la recherche et de
l'innovation dans les laboratoires universitaires.
Toutefois, dans une organisation, la création des
connaissances intervient à trois niveaux (individuel, groupe et/ou
organisation) et ce à travers quatre mode de conversion (socialisation,
articulation, combinaison, intériorisation) Nonaka et al. Par ailleurs,
dans la même perspective, ils affirment que, la quintessence de la
création de connaissance serait le « processus
d'extériorisation » puisqu'il s'agit de construire de nouveaux
concepts en mettant ensemble deux ou plusieurs concepts différents.
«Ce processus cognitif, créatif se poursuit lorsque nous
identifions entre deux concepts un déséquilibre, une
inconsistance ou une contradiction dans leur association conduisant à la
découverte de nouvelles significations ou même à la
formation d'un nouveau paradigme ». L'analogie permettra ainsi de faire la
part entre ce qui est connu et ce qui ne l'est pas.
Dans une démarche cognitive de l'innovation,
l'investissement en connaissance et en compétences
(capabilities) semble se caractériser aujourd'hui par des
rendements croissants, ce qui ouvre de bonnes perspectives selon D.
Blondel(2002), pour le management de la recherche et de l'innovation dans les
laboratoires.
La place du savoir émanant de la recherche
scientifique est vue sous plusieurs aspects, et tous concourent à
renforcer ou à trouver les bonnes perspectives au service de la
création des connaissances dans les laboratoires et par extension des
richesses pour une société:
· Know why: La production et la reproduction
des savoirs sont très souvent le fait des institutions
spécialisées telles que l'université etc. Par ailleurs,
l'accès à la connaissance ne se fait pas aussi facilement par une
simple transmission d'informations. Encore faut-il une formation
préalable de telle manière que l'organisation qui souhaite les
« utiliser » ait au moins organisé des systèmes de
« traduction » de ces savoirs par des vrais scientifiques. Enfin
le know why est ainsi le domaine privilégié de
l'activité scientifique. Ainsi, la mise à jour et la
formalisation des principes et lois régissant les
phénomènes naturels et sociaux (D.Blondel, 2002)
· Know what: C'est la connaissance de fait
c'est-à-dire d'une réalité d'information clairement
définie. Ce type de connaissances peut porter sur plusieurs champs
L'évaluation de la performance de la recherche
et de l'innovation dans les laboratoires universitaires.
différents, et peut être divisé et
transmis en unités d'informations (bits). Le regard est ici moins
systémique, puisqu'il s'agit notamment d'une transmission par tous les
nouveaux moyens de communication. Ainsi, dans certains domaines ces
connaissances constituent des construits perçus comme des bases
d'expertises, alors qu'elles sont aussi bien des matériaux
nécessaires à la construction des savoirs plus complexes (nous
pouvons penser à Hatchuel et Weil et la théorie C/K). Selon
D.Blondel (2002), « c'est le domaine d'excellence de la codification et de
la communication multimédia, il ouvre un grand champ d'activité
économique correspondant aussi aux procédures de normalisation,
de standardisation et de contrôle de qualité ».
· Know how: il s'agit en fait d'aptitudes et
compétences, bref de la capacité à accomplir certaines
tâches. Cette notion traduit un type de savoir dont le
référentiel fondamental est la fonctionnalité pratique.
C'est le cas de l'artisan ou de l'ouvrier. Mais, ces savoirs sont
également importants selon des études plus récentes, pour
la construction des activités intellectuelles. C'est dans ce sens
certainement que Nonaka (1995) identifie dans ses travaux des connaissances
dites tacites ; et explicites.
· Know who: il est question d'aptitudes
indéfinie et variées, elles incluent aussi des aptitudes que l'on
pourrait qualifier de sociales. Cette perspective se traduit par des
préoccupations telles que ; « qui sait quoi, qui fait quoi, et qui
sait comment faire... » c'est « l'information sur les
possibilités d'acquérir les autres savoirs, mais aussi et surtout
l'aptitude à la coopération dans la mesure où celle-ci
devient de plus en plus importante dans un monde où les capacités
s d'expertises très pointues sont largement disséminées,
et où les structures partenariales et réticulaires paraissent de
plus en plus efficaces » (D.Blondel, 2005).
Ces quatre aspects des connaissances se combinent aussi bien
dans la gestion de la recherche fondamentale que celle d'une démarche de
gestion des projets d`innovation. Mais, il faut souligner que les
pondérations et les rôles sont probablement différents. Il
n'est pas question de maitriser ces types de savoirs, puisqu'ils sont
constitués de plusieurs voies entremêlées d'acquisition de
ces connaissances. Ce qui est sans doute un système
G. DONGMO ; Mémoire de MII en Sciences de
Gestion- Institut d'Administration des Entreprises, Nantes, France
Page 33
G. DONGMO ; Mémoire de MII en Sciences de Gestion-
Institut d'Administration des Entreprises, Nantes, France Page 34
L'évaluation de la performance de la recherche et de
l'innovation dans les laboratoires universitaires.
certes très complexe mais dynamique d'accumulation et
de diffusions des connaissances utiles dans tous les aspects de la vie sociale
et économique.
Notons bien plus que, le Know how qui est de plus en
plus accessible par la pratique (learning by doing), qu'on peut
considérer comme un acquis puisque reconnu depuis longtemps, mais
peut-être aussi par « learning by using » et par le «
learning by interacting » qui mettent en relation « les
détenteurs des compétences principales avec les usagers et des
partenaires ou collègues » (Blondel, 2002). Noyons dès lors
que les scientifiques ne sauraient être considérés comme
les seuls pourvoyeurs de connaissances. Ce qui permet à notre avis de
faire un lien avec la notion de mythe (présentée ci-dessus) dans
la construction des connaissances nouvelles dans les laboratoires. Toutefois,
qu'est ce qui guide la construction et la gestion même des connaissances
dans les laboratoires censés être les tempes de la
rationalité, est-ce la raison essentiellement ou la les mythes tels que
décrits par M.Callon et bien d'autres auteurs ? Certaines auteurs
jettent un autre regard sur le processus de construction des connaissances
c'est le cas de Hatchuel & Weil et la théorie C/K.
C1- La théorie C/K3
Hatchuel et Weil dans la théorie C/K vont un peu plus
loin dans l'optique de donner plus de visibilité à l'approche de
Nonaka. Ils pensent que l'acteur dispose d'une base de connaissances (K)
composée de savoir hétérogène, alors le processus
de conception ou de création de nouvelles connaissances commence avec
une problématique qui ne peut être résolue à
l'instant To des savoirs. De ce fait l'élément stimulateur du
processus de construction d'une connaissance nouvelle est dicté par le
concept (C) , « un objet répertorié dans la base de
connaissances que l'on veut définir pour qu'il possède des
propriétés non présentes dans K », cette «
disjonction sémantique » entre d'une part « l'univers des
concepts » et d'autre part celui des savoirs est l'énoncé
d'une problématique en principe irréalisable à
l'état actuel des connaissances c'est-à-dire à
3 Pour plus de connaissance concernant la théorie C/K
(Concept/knowledge) voir « Les processus d'innovation ; Conception
innovante et croissance des entreprises » de Le Masson.P, Weil.B et
Hatchuel.A, (2006)
G. DONGMO ; Mémoire de MII en Sciences de Gestion-
Institut d'Administration des Entreprises, Nantes, France Page 35
L'évaluation de la performance de la recherche et de
l'innovation dans les laboratoires universitaires.
l'instant To et dont on espère trouver une solution
à T1; T2...ou peut-être pas du tout. C'est le point de
départ du processus de conception pour construire ou développer
les nouvelles connaissances « utiles » et « utilisables ».
Nous y reviendrons plus loin de façon un peu plus
détaillée dans la suite du travail.
En somme, la définition de l'innovation ou du
processus d'innovation n'est pas une démarche évidente. Puisque
selon la posture qu'on adopte et probablement la formation reçue,
l'innovation prend un autre sens sans être nécessairement faux.
Ainsi par de multiples négociations, des hésitations, des
itérations ; l'innovation se construit aux travers
d'intéressements. De plus à chaque boucle de l'itération,
l'innovation change d'aspect en redéfinissant ses
propriétés et son public (Boldrini ; 2005). Bien plus le
processus d'innovation, la modélisation du processus d'innovation
dépend profondément de ce l'on considère être le
facteur dominant. Ainsi selon que le facteur qui nous intéresse soit la
science ou la technologie, le marché ou les acteurs de l'innovation
etc. la modélisation sera
différente. De ce fait, les obstacles sont nombreux selon la posture
prise et le champ d'innovation dans lequel on se trouve. Finalement, si on a
ces différentes représentations possibles de la recherche et de
l'innovation, dans les laboratoires, alors, quel impact ces
représentations devraient avoir sur les critères
d'évaluation de la performance ?