L'innovation étant le fruit d'un acteur collectif,
elle est étroitement liée à un système
organisé. Mais on constate très souvent que l'innovation est ou
devient plutôt rare dans les systèmes organisés. A cause
d'une volonté inouïe de réduire l'incertitude, où
règne une certaine stabilité, des barrières et des
résistances au changement. E.Rogers relève ce paradoxe. En
réalité l'innovation est un des processus fondamentaux en
mouvement dans toutes les organisations. Même si les structures
organisationnelles ne s'y prêtent pas
4 Le laboratoire est une organisation comme une
autre. Mais, certes ambigüe. On s'intéresse là
brièvement à l'influence que pourrait avoir une idée
novatrice sur les transformations structurelles du laboratoire.
G. DONGMO ; Mémoire de MII en Sciences de Gestion-
Institut d'Administration des Entreprises, Nantes, France Page 36
L'évaluation de la performance de la recherche et de
l'innovation dans les laboratoires universitaires.
suffisamment bien à cause très souvent d'une
résistance ou pas aux changements organisationnels que cela peut
engendrer.
Bien plus, Colombo.G met l'accent sur la notion de
flexibilité des organisations par rapport à l'innovation. La
flexibilité est souvent considérée comme une
caractéristique fondamentale des organisations innovantes. Il faut noter
tout de même qu'en général « la flexibilité
perçue et l'attitude de l'organisation et des sujets qui l'animent,
modifient leurs flexibilités et leurs actions stratégiques en
même temps que les structures et les mécanismes de l'organisation.
» (Colombo dans son article intitulé « Pilotage
stratégique des organisations innovantes »). Ainsi pour être
innovante, l'organisation doit être flexible selon se raisonnement.
Dès lors la flexibilité devient une condition sine qua none
quoique rarement suffisante, de l'innovation. On constate de ce fait
très souvent dans la gestion des entreprises, des efforts
déployés dans l'optique d'accroitre la flexibilité sans
pour autant augmenter le niveau de l'innovation ou même sans introduire
la moindre innovation ni dans la finalité ni dans l'action
stratégique c'est-à-dire, pas de modification de la performance
globales. Par conséquent les actions stratégiques innovantes ne
se dégagent pas de façon automatique ou par enchantement des
organisations flexibles. Comme le montre cet exemple de Parolini-Carnevale
(1995 cité par Colombo) selon lequel :
Dans la première moitié de cette
décade, dans l'industrie tant des microordinateurs que du transport
aérien, un très grand nombre d'entreprises ont joué la
carte de la flexibilité organisationnelle tous azimuts. Les structures
ont été aplaties, les tâches ont été
enrichies et diversifiées, le temps partiel et l'emploi de vacataires se
sont développés. Ces actions ayant pour but d'accroître la
flexibilité de l'organisation ont rarement abouti à de
véritables innovations stratégiques. Lorsqu'elles ont
été menées correctement, dans le meilleur des cas, elles
ont favorisé la maîtrise des coûts qui, faute de couplage
avec une innovation stratégique, a poussé ces industries vers une
accélération de l'hypercompétition (D'Aveni, 1994). En
autres termes, beaucoup d'entreprises dans ces secteurs n'ont su augmenter ni
la valeur créée à l'adresse de leurs clients, ni la part
de valeur dont elles bénéficient à l'intérieur de
leur réseau de création de valeur.
L'évaluation de la performance de la recherche
et de l'innovation dans les laboratoires universitaires.
Notons en outre que la rigidité (vs
flexibilité) de l'organisation au moins dans le sens de la
volonté de préserver des caractéristiques dont elle ne
peut se débarrasser ( il s'agit ici de certains éléments
de finalité ou d'identité de l'organisation) pourrait bien
être un facteur déclencheur de l'innovation. Ainsi selon colombo
:
Au début des années 90, une Ecole de
management a assisté à la réduction de son marché
de la formation continue standard (formation interentreprises) ainsi que de la
demande de cours de MBA. L'impact de cette évolution de l'environnement
sur les ressources a été dramatique au point qu'il a compromis
tant la capacité de lancer de nouveaux projets de recherche que la
garantie des niveaux de rémunération des chercheurs et des
professeurs. La direction de l'école s'est posé le
problème de chercher un groupe de sponsors parmi les grandes entreprises
privées et publiques du pays pour assurer une base de financement pour
son activité (par exemple la recherche). Au contraire, au sein du
directoire a prévalu la volonté de préserver l'autonomie
de l'école vis-à-vis à la fois de la
Faculté-mère que des sponsors potentiels. Ces attitudes rigides
sur quelques valeurs de fond ont donné lieu au développement du
«sur mesure» dans la formation continue et la recherche. Cette
activité représente de nos jours plus de 50% du chiffre
d'affaires de l'école.
Il nous est raisonnable de considérer la
flexibilité des organisations comme une entrée contingente
puisqu'elle peut dans certains cas faciliter l'innovation et dans d'autres
constituer une entrave (ici la rigidité de l'organisation joue un
rôle important dans la bonne marche de l'action stratégique
innovante) et aussi comme un facteur nécessaire du processus
d'innovation. Nous résumons comme suit les deux notions sous forme d'un
schéma.
G. DONGMO ; Mémoire de MII en Sciences de
Gestion- Institut d'Administration des Entreprises, Nantes, France
Page 37
Rigidité organisationnelle
Flexibilité
organisationnelle
Actions stratégiques innovantes
L'évaluation de la performance de la recherche et de
l'innovation dans les laboratoires universitaires.
Figure 3 : action combinée de la
flexibilité et de la rigidité organisationnelle sur
l'innovation
Nous pouvons aussi parler de l'innovation et vision
stratégique qui inclurait l'environnement (interne et externe) dans
la réflexion concernant les interactions entre ces trois variables
(flexibilité, rigidité et vision stratégique) et leur
impact sur l'innovation. Mais nous pensons que développer cela n'est pas
important puisqu'il s'agit des faits déjà moult fois
étudiés par des chercheurs à la suit des travaux de
Normann (1997). Nous dirons comme Colombo et Depperu (1995 conférence de
l'AIMS) qu'il existe un lien étroit voire incontournable entre vision
stratégique et innovation. Revenons au sein de l'organisation pour
approfondir certaines notions.
La bureaucratie mécaniste, structure rigide au
processus stabilisés, aux activités répétitives et
au centre opérationnel isolé de l'extérieur est bien
inadaptée à la production standardisée. Bien plus,
même si tout le monde est presque d'accord dans la recherche à
l'idée selon laquelle « il existe une par d'auto-organisation,
d'organisation informelle, de régulation plus ou moins clandestines qui
permettent de faire mieux son travail qu'en appliquant les règles de la
prescription... » (Alter, 2005 ; P55). Il faut souligner également
que les acteurs prennent en compte concrètement la réalité
des contraintes de travail et d'organisation.
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Institut d'Administration des Entreprises, Nantes, France Page 38
L'évaluation de la performance de la recherche et de
l'innovation dans les laboratoires universitaires.
Autrement, la bureaucratie mécaniste n'offre pas le
terrain favorable à l'innovation alors que la structure adhocratique
convient le mieux aux organisations innovantes (Mintzberg ; 1995). Ceci
étant, les dirigeants devraient(ou devront) tirer profit de cet
état de faits, en réduisant éventuellement « le poids
de leurs investissements en matière d'activité organisatrice pour
laisser plus de place et d'ouverture aux compétences » mais aussi
aux initiatives des « acteurs opérants ». Par ailleurs, Rogers
(1995, P379) insiste sur trois types de variables qui conditionnent la
capacité à innover d'une organisation : a) les
caractéristiques personnelles d'un leader, b) les
caractéristiques de la structure organisationnelle et c) les
caractéristiques externes de l'organisation.
Les signes entre parenthèses indiquent si la variable
est corrélée positivement ou négativement à l'
« innovativité » (Innovativeness) de
l'organisation.
Figure 4. Variables liées à l'«
innovativité » de l'organisation (Rogers, 1995,
p. 380).
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Institut d'Administration des Entreprises, Nantes, France Page 39
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L'évaluation de la performance de la recherche et de
l'innovation dans les laboratoires universitaires.
Deux caractéristiques organisationnelles
prépondérantes ont été mises en évidence par
Brown et Eisenhardt (1997 ; p29, cité par Lenfle, 2008) concernant les
organisations innovantes :
· Les « semi-structures » c'est-à-dire
des organisations dont les caractéristiques sont
déterminées (les responsabilités, les
périodicités de lancement de projet etc.) alors que d'autres ne
le sont pas. Les acteurs ayant ainsi une grande marge de manoeuvre.
· Il existe des liens temporels : les pratiques
organisationnelles lient de façon concomitante (passé,
présent, futur) et créent des passerelles entre ces
différentes variables. Le suivi de ses organisations s'envisage via des
sondages pour le futur même si elles se concentrent sur des projets
courant.
Notons cependant que les notions d'exploration et
d'exploitation sont indispensables à l'approfondissement de la
compréhension, mais aussi de la portée des ces
caractéristiques dans l'innovation. Soulignons tout simplement que selon
J.March (1999) « l'exploration de nouvelles possibilités et
l'exploitation de vieilles certitudes » qui sont deux approches
mutuellement inclusives, car il est nécessaire de maintenir
l'équilibre. Ainsi, elles induisent les stratégies, des
caractéristiques et des comportements différents, qui ont chacun
à leur manière, un impact sur la performance globale de
l'entreprise. Nous ne nous appesantirons pas sur les notions sans doute
intéressantes mais à notre avis pas indispensables pour la suite
du travail. Nous constatons en fait, qu'innover revient à construire et
gérer tout un système, d'acteurs dans un environnement qui lui
aussi exerce des pressions sur les décisions et les choix
stratégiques dans l'organisation. Par conséquent ne pas tenir
compte du lien entre les déterminants (les déterminants
liés à l'environnement et les déterminants internes
à l'organisation) et les processus (Nonaka et Takeuchi, 1995) est un
obstacle majeur aux différentes étapes du processus de
création des connaissances dans les projets d'innovation. Une
observation des cette approche ne laisse transparaitre que des aspects
rationnels de la construction des connaissances dans les laboratoires. Alors
qu'il est à notre avis important de voir le rôle des mythes qui
entourent la construction des connaissances dans les laboratoires.
L'évaluation de la performance de la recherche et de
l'innovation dans les laboratoires universitaires.