PREMIERE PARTIE :
L'évaluation de la performance de la recherche et de
l'innovation dans les laboratoires universitaires.
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L'évaluation de la performance de la recherche et de
l'innovation dans les laboratoires universitaires.
L'évaluation des performances réalisées
peut être analysée dans un laboratoire au moins à trois
niveau :
1. Au niveau des chercheurs du laboratoire
2. Au niveau d'une unité de recherche ou équipe de
recherche dans le laboratoire
3. Au niveau de globalité du laboratoire.
Ce troisième aspect est le plus couramment
utilisé, puisque de la nature de ses objectifs, découlent les
attentes envers ses chercheurs et envers ses unités ou groupe de
recherche.
Ainsi, les performances des trois niveaux vont s'influencer
mutuellement. De ce fait, les critères mobilisés pour
l'apprécier doivent être cohérentes. Autrement dit, nous
pouvons considérer que la cohérence de ses évaluations est
effective, lorsque la performance des chercheurs et celle des équipes
participent à la réalisation effective des objectifs du
laboratoire.
Toutefois, l'étude de l'évaluation de la
performance d'un laboratoire de recherche nécessite la prise en compte
des activités qui font la vie d'un laboratoire.
Dans un premier chapitre, nous traiterons des
théories du management de la recherche et de l'innovation.
Dans une première section
consacrée aux généralités nous
mentionnerons :
- Les difficultés à définir le concept
d'innovation
- La nécessité de tenir compte des enjeux et
surtout des repères cognitifs des chercheurs pour donner un sens
à la notion d'innovation.
Il existe cependant plusieurs approches théoriques du
processus d'innovation. Et cela va en fonction de la construction de ce
processus déterminer les orientations stratégiques de
l'organisation. Ces typologies constituent le sujet de la
deuxième section du chapitre.
Les attentes d'un laboratoire n'étant à priori
pas identiques, chaque laboratoire mobilise des savoirs qui lui permettent de
construire de façon raisonnable une structure
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organisationnelle nourrie par les influences de toute nature.
Et parfois même, faisant Co-émerger la flexibilité et la
rigidité. Ainsi, nous traiterons dans une troisième
section de l'équivoque liée à l'innovation au
sein des organisations ; en interrogeant les difficultés à la
fois d'adaptation de l'idée innovante à la structure et la
structure à l'idée innovante.
Par ailleurs, il faut souligner que tout ce qui est dit plus
haut, n'est pas sans rencontrer des difficultés. Ces dernières
peuvent compromettre un projet ou même détourner la nature de la
mission première d'un laboratoire de recherche dont la fonction
première est la création des connaissances nouvelles. Pour avoir
une idée au moins théorique, nous traiterons dans la
quatrième section du chapitre des obstacles empiriques
de l'innovation.
Les notions de recherche, de projet étant importantes
pour comprendre le fonctionnement d'un laboratoire, nous verrons comment ces
paramètres sont mobilisés ou mieux pilotés pour
créer du sens au sein des équipes de recherche et par extension
des laboratoires. Bien plus, « le projet est la forme stabilisée de
gestion de l'innovation » ; permettant ainsi de faire interagir les
concepts apparemment distincts dans la cinquième section
afin de proposer quelques principes directeurs de la gestion des
projets « Innovation » dans les laboratoires dans la
sixième section.
Le deuxième chapitre est consacré
à l'étude des difficultés de construction des
critères d'évaluation de la performance d'un laboratoire de
recherche.
La première section définit
brièvement la notion de performance, avant d'aborder les critères
d'évaluation de la performance des chercheurs, ce qui nous semble
tout-à-fait logique puisqu'il est question pour nous de comprendre les
mobiles qui entourent l'évaluation de la performance d'un laboratoire.
Et comme un laboratoire est un système dont le fonctionnement va
dépendre de l'activité collective des chercheurs, nous
étudierons la performance du personnel chercheur. Cela nous permettra de
voir les variables qui guident (peuvent guider) cette évaluation.
En outre, nous allons nous appesantir sur la mesure de la
performance d'un laboratoire en considérant le niveau de
réalisation des objectifs. Nous évoquerons dans cette
deuxième
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l'innovation dans les laboratoires universitaires.
section la théorie des buts de
l'organisation et nous traiterons bien plus leur cohérence avec la
réalisation des chercheurs dans une organisation. Même si les jeux
de pouvoir au sein de l'organisation nous font comprendre que les buts d'une
organisation et d'un (ou des) chercheur ne sont pas de même nature ; il
faudra avoir un regard plus nuancé par rapport à cela.
En somme, ce détour par les théories est
essentiel pour comprendre pourquoi nous mobilisons un concept/notion et pas un
autre. Ainsi manager un laboratoire de recherche suppose de bien connaitre, 1)
ce qu'est la recherche, 2) l'innovation, et bien plus, quelle 3) organisation
qui est derrière tout cela. Par ailleurs la notion de projet qui est la
forme stabilisée de la gestion de l'innovation nous permettra de
concilier les différents concepts qui nourrissent la vie d'un
laboratoire.
En outre, l'évaluation de la performance est
essentielle et cela passe par la compréhension non seulement des buts et
des objectifs d'un laboratoire, mais aussi de voir le lien entre ces buts et
objectifs de l'organisation et les réalisations des chercheurs.
Il est donc indispensable de partir de ces théories
générales pour construire un cadre théorique et conceptuel
qui conviendront à notre problématique de recherche.
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l'innovation dans les laboratoires universitaires.
CHAPITRE I :
THEORIES DU MANAGEMENT DE LA RECHERCHE ET DE
L'INNOVATION.
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l'innovation dans les laboratoires universitaires.
Section I- Définition et enjeux de l'innovation.
La multitude d'appréhensions confère au mot
«innovation » une complexité de définitions qui varient
en fonction des points de vue et du contexte dans lequel on l'utilise. A la
suite de Daltman, Duncan et Holbek (1973); (Barreyre, 1980) classifie la notion
en trois concepts qui dans l'utilisation correspond à trois approches
contextuelles possibles: 1) processus global de création, 2) adoption
d'une nouveauté par une société, ou ; 3) une
nouveauté en elle-même.
La première approche de l'innovation correspond presque
à l'invention. Elle s'applique alors au « processus de
création »qui consiste en la mise en oeuvre de manière
à obtenir une configuration nouvelle deux ou plusieurs concepts.
Selon Fenerz-walsh.F & Romon.F (2006, P10) il s'agit d'un
processus qui va de la conceptualisation d'une idée nouvelle à la
construction de la solution et par conséquent à sa
matérialisation par l'utilisation d'une nouvelle entité ayant une
« valeur économique et sociale ».
La deuxième approche du mot met plutôt en exergue
le processus par lequel un objet nouveau s'intègre partiellement (ou
totalement) dans la culture et le comportement des individus du groupe qui
l'entérinent.
Enfin, la troisième approche de l'innovation met en
évidence le résultat d'une invention considérée
comme nouvelle sans s'occuper de son processus de mise en oeuvre.
Mais Alter.N (2002), attire l'attention sur deux façons
d'aborder toute réflexion portant sur l'innovation. Il s'agit, 1) de
distinguer l'invention qui n'est que création de l'innovation qui donne
in fine « sens et effectivité » à l'invention. Bien
plus, 2) il faut considérer que l'utilisation finalement tirée de
la création n'est ni prévisible, ni perceptible: « il est la
réalisation du possible ». On peut comprendre que pour Alter.N
(2002) il n'existe pas de
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l'innovation dans les laboratoires universitaires.
relation déterminée entre une découverte
et son usage, car l'invention n'aurait que peu de chose avec la
création.
Schumpeter (1935) pour qui l'innovation est « une
destruction créatrice », il faut distinguer cinq cas d'illustration
de l'innovation: a) la fabrication d'un bien nouveau; b) l'introduction d'une
méthode de production nouvelle; c) l'ouverture d'un
débouché nouveau; d) la conquête d'une source de
matière première ou de produit semi-ouvré et e) la
réalisation d'une nouvelle organisation, la création d'une
situation de monopole entre autres par exemple. Cette démarche
Schumpetérienne est essentiellement économique donc très
déterministe. Car, elle ne tient pas compte du caractère «
recherche » qui est une activité à l'issue incertaine.
L'innovation peut être classée en fonction de
l'ampleur des changements qu'elle engendre. C'est dans ce sens que Freeman et
Perez (1988, cités par Boldrini, 2005, P26) parlent :
- Des innovations incrémentales qui
relèvent d'un ensemble continu de petites actions qui s'articulent des
opportunités techniques dans le cadre de trajectoires déjà
définies. La demande et le jeu du marché y jouent un rôle
essentiel.
- Des innovations radicales sont associées
à une idée de rupture par rapport au cadre technique
défini. Elles sont beaucoup plus dépendantes des initiatives de
R&D que de la pression de la demande.
- Des systèmes techniques qui combinent les
innovations radicales et incrémentales.
- De la révolution technique qui provoque un
changement du système technique, qui déstabilise tous les
secteurs de l'économie en modifiant la structure des coûts ; les
conditions de production ; de distribution etc.
Toutefois, les différentes représentations au
sujet de l'innovation sont pertinentes, car elles déterminent sans doute
la façon dont sont modélisés les processus et
managés les projets d'innovation dans les laboratoires de recherche.
Nous verrons plus loin l'importance des paramètres d'évaluation
de la performance des projets de recherche innovants dans les laboratoires.
Bien plus, nous savons que les laboratoires sont perçus
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de l'innovation dans les laboratoires universitaires.
comme étant le « temple de la raison », de la
science qui est un modèle de civilisation très particulier
où les dogmes sont en principe inexistants dans le processus de
création des connaissances. En revanche, ce temple de la
rationalité est investi par des mythes aussi divers que variés.
Alors que l'anthropologie nie les mythes, puisqu'il s'agirait des faits
sociétés primitives, prélogiques.
A- Les mythes autour de l'approche de
l'innovation
Un laboratoire est l'incarnation de la rationalité,
pourtant, il y a des acteurs qui estiment que l'innovation est construite
autour des mythes (des données pré-rationnelles), il y ainsi un
retour à une logique qui pourrait écraser même la raison.
Autrement dit ; là où on fait la science, où
s'élaborent les derniers technologies de l'industrie, des connaissances
pour des sociétés modernes, on trouve des modes de raisonnement
pas ou peu rationnels (qu'on attribuerait à des sociétés
primitives au sens anthropologique du terme).
C'est mythes sont d'autant plus importants qu'ils fondent une
image (représentation) où une définition à la fois
des processus et des acteurs. De telle manière que ceux qui les portent
(parfois sans s'en apercevoir) sont guidés dans leurs choix
décisionnels et par conséquent sur leur façon de
manager.
Ainsi, selon certain auteurs ; l'innovation est construite
autour de deux mythes. Le premier stipule que la théorie
précède la pratique, alors que le second, les bonnes idées
changent le monde, instantanément et irrémédiablement.
Gaudin (1998 ; P 13, 15) décline les deux approches, puisqu'il examine
les faits en montrant par la suite qu'en général c'est la
pratique qui précède la théorie. Il appuie son
argumentaire sur la machine à vapeur qui a précédé
de plusieurs décennies la thermodynamique. Autrement dit, le changement
de technique provient très souvent de l'initiative des acteurs
extérieurs au mouvement scientifique. Le deuxième mythe stipule
qu'il suffit qu'une théorie soit bonne pour éclairer le monde de
sa « vérité et le transformer ».
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l'innovation dans les laboratoires universitaires.
En fait, ces deux mythes qui peuvent être vus comme
étant contradictoire, sont à notre sens mutuellement inclusifs.
Même s'il faut souligner que « les connaissances pour l'action ne
peuvent être construites que dans l'action et par l'action »
(Avenier, 2000, P 20). Il faut en somme reconnaitre tout de même avec
E.Kant que « la théorie sans la pratique est vaine, la pratique
sans théorie aveugle ». Ce qui veut dire à notre avis que
les deux mythes ne sauraient être séparés, ils
s'entremêlent au contraire.
Selon M. Callon (1994) en revanche, dans une approche
sociologique, trois mythes centraux régissent les construits de
l'innovation : a) le mythe des origines ; b) la séparation du social et
du technique ; et ; c) l'improvisation romantique.
Le mythe des origines postule qu'il existe un
inventeur génial, marginal, visionnaire, obstiné et incompris par
ses pairs et d'une façon générale par son entourage.
Cependant, les travaux consacrés à l'innovation montrent qu'elle
est le fait d'une activité collective, des multiples acteurs qui
agissent en symbiose, non une action individuelle qui la mettrait en forme. Par
ailleurs, avec le développement des collaborations et des
coopérations entre les laboratoires, les entreprises..., le
traçage des frontières entre les contributions devient
extrêmement difficile. Partant de cette problématique, il est
convenable d'admettre que l'innovation résulte des acteurs d'un
système qui capitalisent les travaux d'une myriade d'autres acteurs,
d'un autre système. (M.Callon).
De plus, le second mythe qui est la séparation du
technique et du social, est vue de deux manières : en opposant
d'une part la phase de conception d'une innovation à celle de sa
diffusion et en distinguant le contenu de l'innovation du contexte au sein
duquel elle prend forme et se diffuse. Cette disjonction est impossible, car
une innovation ne réussira que lorsque l'inventeur au sens «
callonien » du terme, c'est-à-dire d'être collectif, doit
intéresser d'autres acteurs au dispositif proposé. Pour susciter
leur intérêt, et se faire d'avantage des alliés, il faut
que leurs demandes, attentes et observations soient traduites « dans le
dispositif » et sous la forme de choix techniques adéquats.
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de l'innovation dans les laboratoires universitaires.
Dès lors, nous observons que « la technique n'a
pas plus d'impact sur la société que la société n'a
d'impact sur la technique : les deux forment un tissu sans couture »
(M.Callon ; 1994 ; P13).
L'improvisation romantique qui est le
troisième mythe stipule que l'innovation est spontanée, sauvage,
qu'elle n'est ainsi pas planifiée. Or, aucun mythe n'est plus
inadmissible scientifiquement, ni funeste que celui-ci car, l'innovation ne
peut être conçue indépendamment d'une organisation
(M.Callon) aussi minime soit-elle.
Toutefois, les acteurs, l'inventeur, le groupe... qui la
mettent en oeuvre font partie intégrante du monde dans lequel,
l'innovation est censée prendre forme et s'enrichir. Donc « il est
le porte-parole et la représentant de réseaux avec lesquels, il
interagit. La diffusion d'une innovation peut donc être vue comme un
« processus social » » (Boldrini, 2005 P27).
En conséquence, dans un premier temps, l'idée
nouvelle suscite des échanges d'informations perçues de
façon subjective. Ainsi à travers un processus de construction
social, le sens de l'innovation s'élabore graduellement. Selon Alter
(2002 ; P13) l'approche sociologique de l'innovation a pour objectif de
comprendre un comportement hors normes qui devient progressivement un
comportement normal (habituel) puis normatif (obligatoire). Ainsi, est-ce que
les problèmes posés dans les laboratoires de recherche se
résolvent uniquement par la science, donc la raison ?
A partir de ces différentes approches de l'innovation,
on peut se s'interroger sur les variables qui favorisent la construction ou
l'orientation de la recherche sur un projet innovant dans les laboratoires de
recherche. Est-ce en fonction des exigences internes c'est-à-dire, des
ressources disponibles (humaines avec leur différents jeux de pouvoir,
et matérielles) ; et /ou externes (en fonction de la stratégie
publique de recherche ou des appels d'offres des particuliers) ? Nous verrons
plus en détail dans la suite du travail l'influence des ces
paramètres environnementaux sur management des projets d'innovation dans
un laboratoire de recherche et par extension sur sa performance.
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l'innovation dans les laboratoires universitaires.
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