II.2 : CADRE THEORIQUE DE L'ANALYSE DE LA
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Les théories fondatrices de la gouvernance
d'entreprise et qui sont considérées comme les théories
contractuelles, sont la théorie des droits de propriété,
la théorie d'agence et celle des coûts de transactions.
Ce sont les failles de l'approche contractuelle qui ont
conduit à proposer de refonder la finance sur les théories
cognitives de la firme. En plus les parties prenantes font de plus en plus
partie de la structure de gouvernance d'entreprise. Dans ce qui suit, nous
allons présenter les théories fondatrices avant de
présenter l'approche partenariale de la gouvernance d'entreprise et nous
finirons par le courant des théories cognitives.
II.2.1 Les théories contractuelles
Dans les théories contractuelles, la firme est vue
comme un centre contractant, un noeud de contrats, regroupant les contrats
établis par le dirigeant entre la firme et les apporteurs de ressources
et les clients. En raison des conflits d'intérêts entre les
différents cocontractants, des asymétries de l'information et de
l'impossibilité d'établir des contrats complets, l'organisation
de l'activité économique est sous-optimale en ce sens qu'elle ne
permet pas d'atteindre le niveau de création de valeur permis par la
coopération. Celui qui aurait été obtenu dans l'«
économie du Nirvana », dans un monde parfait sans conflits
d'intérêts ni
'0Pourcentage extrait De l'article « les
déterminants de la performance des entreprises : un bref aperçu
sur la situation des entreprises camerounaises » du Bulletin du GICAM
N°55(2013)
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Thèse rédigée et soutenue par :
Djoufouet Wulli Faustin Option : Finance
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MECANISMES INTERNES DE GOUVERNANCE : EFFET ET
INTERACTIONS SUR LA PERFORMANCE FINANCIERE DES ENTREPRISES AU
CAMEROUN.
inégalités informationnelles et où les
droits de propriété sur les actifs seraient parfaitement
délimités et protégés. Selon la théorie
considérée (théorie positive de l'agence, théorie
des coûts de transaction, théorie des droits de
propriété), ces pertes de valeur s'analysent comme des
coûts d'agence, de transaction ou comme sous-valorisation des droits de
propriété. Le système de gouvernance, selon la perspective
contractuelle, s'explique par sa capacité à réduire ces
pertes de valeur (Charreaux, 2000).
Dans la représentation dominante et financière
de la gouvernance, la firme se réduit à un noeud de contrats
incluant les dirigeants et les investisseurs financiers. Les conflits opposent
soit les actionnaires aux dirigeants, soit les créanciers financiers
(banques, obligataires...) aux actionnaires et l'efficacité du
système de gouvernance se mesure par sa capacité à
réduire les pertes de richesse pour les actionnaires. Dans cette
perspective, ouverte par Jensen et Meckling (1976) et par Fama (1980), le
système, dans l'objectif de réduire les conséquences des
conflits entre actionnaires et dirigeants, est composé de
mécanismes construits, « intentionnels » - le droit de vote,
le conseil d'administration, les systèmes de rémunération
ou encore les audits comptables -, et de mécanismes «
spontanés », liés au fonctionnement des marchés, par
exemple le marché des dirigeants ou le marché des prises de
contrôle. Les conflits avec les créanciers se règlent par
des mécanismes tels que les garanties contractuelles, les
procédures légales de règlement judiciaire, le
marché de l'information financière (analystes financiers), voire
des mécanismes informels tels que la réputation. Ces
différents mécanismes, non indépendants, ne jouent pas
forcément un rôle équivalent et leur importance est
contingente à la nature de l'organisation et de l'activité.
Ainsi, pour les grandes entreprises cotées, Fama considère que le
mécanisme dominant est le marché des dirigeants - les dirigeants
cherchent à bien gérer pour maximiser leur réputation et
leur valeur sur ce marché - qui s'appuie sur l'évaluation de la
performance par le marché financier. Ce premier mécanisme
externe, imparfait, est complété par des mécanismes
internes tels que la hiérarchie, la surveillance mutuelle entre membres
de l'équipe dirigeante et surtout, le conseil d'administration.
Celui-ci, pour être efficace, doit simultanément inclure, pour des
raisons d'information, des administrateurs internes (membres de l'équipe
dirigeante) et pour garantir son indépendance, des administrateurs
externes indépendants, spécialistes du contrôle.
Préoccupés de leur valeur sur le marché des
administrateurs, ces derniers n'ont pas intérêt à
être soupçonnés de collusion avec le management. Le conseil
d'administration intervient en incitant les dirigeants à être
performants, soit par les systèmes de rémunération (bonus,
stock-options...), soit en menaçant de les évincer.
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Thèse rédigée et soutenue par :
Djoufouet Wulli Faustin Option : Finance
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MECANISMES INTERNES DE GOUVERNANCE : EFFET ET
INTERACTIONS SUR LA PERFORMANCE FINANCIERE DES ENTREPRISES AU
CAMEROUN.
II.2.1.1 La Théorie des Droits de
Propriété
Alchian et Demsetz (1972) sont les fondateurs de la
théorie des droits de propriété. Ils définissent la
firme comme un noeud de contrats (« nexus of contracts ») au
sein duquel le dirigeant a pour charge de définir la nature des
tâches et de choisir les personnes qui doivent les exécuter.
Les théories des droits de propriété
fondent la valeur des biens sur l'ensemble des droits de
propriété exclusifs et transférables afférents. Le
droit de propriété est défini comme le droit d'utilisation
d'un actif, d'en changer la forme et la substance et d'en transférer les
droits dans leur globalité. L'approche théorique des droits de
propriété appréhende des problèmes d'optimisation -
en présence de coûts de transaction - des fonctions
d'utilité individuelles, les agents répondant à leur
environnement économique par des ajustements motivés par leurs
intérêts individuels. La théorie des droits de
propriété offre ainsi un cadre d'analyse large des organisations,
prenant en compte différents schémas de droits de
propriété.
Pour Demsetz (1967), la fonction première des droits
de propriété est de constituer un schéma incitatif
à une plus grande internalisation des externalités
économiques. De plus, la structure de propriété
elle-même crée-t-elle des externalités dans la mesure
où les actionnaires ne peuvent participer à toutes les prises de
décision de la firme et ce d'autant plus que l'actionnariat est
dilué. Une répartition des droits de propriété en
faveur des dirigeants permet de surmonter ces coûts élevés
de négociation, les dirigeants devenant de facto des
propriétaires : la propriété effective,
c'est-à-dire le contrôle effectif leur est
délégué, les actionnaires ne possédant en
définitive que le capital. Il s'agit d'un démembrement du droit
de propriété, droit de contrôle et droit de vente
étant séparés. Les droits de propriété
apparaissent comme des dispositifs permettant d'atténuer les effets
pervers de l'éclatement entre propriété et contrôle
favorisant aussi la performance de la firme puisque la prise de risque
assumée par les seuls actionnaires est séparée des
décisions stratégiques prises par les gestionnaires. En exigeant
de percevoir le surplus organisationnel en rémunération du risque
résiduel qu'ils assument, les propriétaires réduisent les
problèmes de
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MECANISMES INTERNES DE GOUVERNANCE : EFFET ET
INTERACTIONS SUR LA PERFORMANCE FINANCIERE DES ENTREPRISES AU
CAMEROUN.
holdup au sein de la firme et améliorent donc
sa performance. Dans ce cadre, la relation entre l'actionnaire et le dirigeant
est la clef de l'efficience organisationnelle.
La firme moderne se caractérise par une
atténuation des droits de propriété, les actionnaires
ayant une capacité réduite à réviser ou terminer
leurs relations contractuelles, notamment avec les dirigeants. Cela se traduit
par une diminution du pouvoir de contrôle des actionnaires sur les
décisions des agents, du fait non pas de contraintes légales mais
du coût de détection du comportement des dirigeants ainsi que des
coûts d'incitation à faire converger les intérêts de
ces derniers avec l'objectif de maximisation de la richesse des actionnaires.
Or, plus l'actionnariat est dilué, plus ces coûts de surveillance
sont élevés, donc plus les dirigeants peuvent facilement
poursuivre d'autres buts de maximisation de la richesse. Pour Marris
(1964)11, la réduction de richesse supportée par les
actionnaires est déterminée par les coûts requis pour
inciter les dirigeants au critère de maximisation du profit, ces
derniers ayant alors toute latitude de transfert de richesse des actionnaires
à leur profit dans la limite des coûts de surveillance. Grossman
et Hart (1986) montrent de manière théorique que la structure de
propriété influence de manière à la fois positive
et négative la performance de la firme. La concentration des droits de
propriété est efficiente ex post en termes d'augmentation du
surplus et ex-ante en termes d'incitations à investir en actifs
spécifiques dans une relation contractuelle pour le propriétaire
des droits de propriété, mais inefficiente pour l'individu
dénué de ces droits puisqu'au contraire il est dissuadé
d'investir dans la relation ex ante, ce qui impacte négativement le
surplus ex post. La solution optimale en termes de droits de
propriété réside dans l'arbitrage entre les gains et les
coûts des droits de propriété en termes d'incitation -
contrôle et productivité, par suite entre les gains et les
coûts relatifs de l'investissement des agents. Hart et Moore (1990)
prolongent l'analyse de Grossman et Hart (1986) en analysant les interactions
et incitations d'individus multiples possédants ou non des droits
résiduels sur des actifs multiples. Ils montrent qu'il peut même
être désirable de ne pas octroyer de droits de
propriété dans le cas de surinvestissement des protagonistes,
afin de réduire l'incitation à investir et de se rapprocher du
niveau d'investissement d'efficience.
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